Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D..., M. F... A..., Mme G... H..., Mme J... E..., Mme I... B... et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail central du centre hospitalier universitaire de Toulouse ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 9 mars 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a fixé la composition du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail central de l'établissement, ainsi que la décision rejetant implicitement leur recours gracieux et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse une somme de 150 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 4 avril 2022, le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a, application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Montpellier la requête présentée par M. C... D... et les autres requérants.
Par un jugement n° 2025320 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande et mis à leur charge solidaire la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2022, M. C... D..., M. F... A..., Mme G... H..., Mme J... E..., Mme I... B... et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail central du centre hospitalier universitaire de Toulouse, représentés par Me Eychenne, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier rendu le 22 septembre 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 9 mars 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a fixé la composition du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail central de l'établissement, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;
3°) d'annuler la décision du 15 juillet 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier de Toulouse a fixé la composition de cette même instance avec effet au 20 juillet 2020 ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme de 600 euros à verser à chacun d'eux en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement contesté, qui valide une composition du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail central de l'établissement, comportant six membres avec voix délibérative et non quatre est entaché d'une erreur de droit ;
- c'est à tort que le tribunal a mis à leur charge la somme de 1 500 euros alors que l'instance représentative ne dispose d'aucune ressource ni d'aucun patrimoine ;
- la décision du 9 mars 2020 méconnaît les dispositions de l'article R. 4615-12 du code du travail ;
- le directeur des ressources humaines du centre hospitalier, représentant du chef d'établissement et pouvant être amené à présider l'instance en lieu et place du directeur général, ne saurait être nommé membre avec voix consultative, ce qui conduit à sa présence permanente au sein de l'instance, alors même qu'il n'a pas compétence en matière de conditions de travail ;
- le directeur du patrimoine immobilier et des services techniques ne saurait davantage être nommé membre avec voix consultative ;
- la décision est entachée de détournement de pouvoir ;
- la décision du 15 juillet 2020, qui ne saurait avoir eu pour effet d'abroger la décision du 9 mars 2020, mais constitue une réitération de cette dernière décision, méconnaît les dispositions de l'article R. 4615-12 du code du travail et est également entachée de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré 27 mai 2024, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par Me Sabatté, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des appelants la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il faut valoir que :
- les conclusions à fin d'annulation présentées contre la décision du 15 juillet 2020 constituent une demande nouvelle et sont par là même irrecevables ;
- la demande de première instance présentée contre la décision du 9 mars 2020, abrogée, le 15 juillet 2020, soit avant son introduction, le 22 octobre 2020, était dépourvue d'objet à cette date et donc par là même irrecevable, faute pour la décision du 9 mars 2020 d'avoir reçu un commencement d'exécution ;
- la demande de première instance présentée contre la décision du 9 mars 2020 était tardive dans la mesure où le recours gracieux présenté par des membres, non identifiés du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail central de l'établissement public, n'a pu avoir pour effet de proroger le délai de recours contentieux ;
- la demande de première instance n'a pas été présentée par des membres régulièrement désignés, la délibération du 10 septembre 2020 visant à une telle habilitation n'ayant pas été prévue à l'ordre du jour de l'instance ;
- au surplus, les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code du travail ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Arslan El Yacoubi, substituant Me Sabatté, représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue des élections professionnelles ayant eu lieu le 6 décembre 2018, le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a, par une décision du 9 mars 2020, fixé la composition du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail central de l'établissement de santé. Estimant que cette composition méconnaissait les dispositions de l'article R. 4615-12 du code du travail, des membres de l'instance ont, par un recours gracieux formé, le 19 juin 2020, par leur conseil, et reçu le 24 juin suivant, sollicité le retrait de cette décision. Par une décision du 15 juillet 2020, le directeur général du centre hospitalier universitaire a modifié la composition du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail central de l'établissement de santé, en prenant acte de la proposition de désignation de nouveaux membres par les organisations syndicales, mais sans revenir sur les éléments contestés. MM. D... et A..., Mmes H..., Saint E... et B..., ainsi que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail central du centre hospitalier universitaire de Toulouse, relèvent appel du jugement n°2025320, rendu le 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 9 mars 2020, ainsi que du rejet implicite opposé à leur recours gracieux et demandent, outre l'annulation de ces décisions, celle de la décision du 15 juillet 2020 qui modifie la décision du 9 mars 2020.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les appelants ne peuvent utilement soutenir que le tribunal aurait entaché le jugement attaqué d'une erreur de droit pour en demander l'annulation.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 6146-1 du code de la santé publique, alors applicable : " Pour l'accomplissement de leurs missions, les établissements publics de santé définissent librement leur organisation interne, sous réserve des dispositions du présent chapitre. Le directeur définit l'organisation de l'établissement en pôles d'activité conformément au projet médical d'établissement, après avis du président de la commission médicale d'établissement et, dans les centres hospitaliers universitaires, du directeur de l'unité de formation et de recherche médicale. (...) Les pôles d'activité sont composés, d'une part, de services, de départements et d'unités fonctionnelles ou de toutes autres structures de prise en charge du malade par les équipes médicales, soignantes ou médico-techniques ainsi que, d'autre part, des services, unités, départements ou structures médico-techniques qui leur sont associés. Dans les centres hospitaliers universitaires, les pôles d'activité clinique et médico-technique sont dénommés "pôles hospitalo-universitaires" ". Le conseil d'administration du centre hospitalier universitaire de Toulouse a, par une délibération du 3 mai 2007, approuvé le règlement intérieur de l'établissement, qui, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 6146-1 du code de la santé publique, créé des unités fonctionnelles au sein de l'établissement et des services qui prennent la forme de pôles de gestion médico-économique, à savoir le pôle " Equipement, hôtellerie et logistique ", le pôle " Patrimoine immobilier et services techniques " et le pôle " Ressources humaines et soins ". L'article 3-2 de ce règlement intérieur prévoit que les membres avec voix consultative sont les médecins du travail, le directeur du pôle " Equipement, hôtellerie et logistique ", le directeur du pôle " Patrimoine immobilier et services techniques ", le directeur des soins ou son représentant et le professeur d'université chargé de l'enseignement de l'hygiène.
4. Aux termes de l'article L. 4111-1 du code du travail : " Sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 4111-4, les dispositions de la présente partie sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'aux travailleurs. Elles sont également applicables : (..) 3° Aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (...) ". Si l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales a notamment abrogé toutes les dispositions relatives au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, elle a toutefois prévu, dans son article 10, le maintien de leur application aux établissements de santé.
5. Selon l'article R. 4615-12 du code du travail, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige, applicable aux établissements de santé ainsi qu'il a été dit au point précédent : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est présidé par le chef d'établissement ou son représentant (...). Outre les médecins du travail, assistent aux réunions du comité à titre consultatif, lorsqu'ils existent : 1° Le responsable des services économiques ; 2° L'ingénieur ou, à défaut, le technicien chargé de l'entretien des installations ; 3° L'infirmier général ; 4° Un professeur des universités-praticien hospitalier chargé de l'enseignement de l'hygiène ".
6. Par la décision du 9 mars 2020, modifiée le 15 juillet 2020, pour prendre acte de la proposition de désignation de nouveaux membres par les organisations syndicales, le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a déterminé la composition du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail central en nommant le directeur des ressources humaines président de l'instance, en reprenant le nom des membres représentants des personnels avec voix délibérative et en désignant également comme membres, avec voix consultative, les médecins du travail, le directeur des équipements, de l'hôtellerie et de la logistique ou son représentant, le directeur du patrimoine immobilier et des services techniques ou son représentant, le coordonnateur général des soins ou son représentant, le responsable du service de sécurité ou son représentant, le directeur des ressources humaines en charge des conditions de travail ou son représentant et un professeur d'université, praticien hospitalier, chargé de l'enseignement de l'hygiène.
7. En premier lieu, si les appelants soutiennent que le directeur général ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 4615-12 du code du travail, désigner le directeur des ressources humaines à la fois président de l'instance et membre permanent avec voix consultative, la circonstance que le directeur des ressources humaines puisse suppléer le directeur général et représenter l'administration n'interdit pas la consultation, sur les questions relatives aux conditions de travail, d'un responsable des ressources humaines faisant partie d'un pôle de gestion médico-économique, selon l'organisation interne de l'établissement public de santé adoptée dans le règlement intérieur et rappelée au point 3. Au surplus, les dispositions de l'article R. 4615-12 du code de la santé publique ne font pas obstacle à ce que le directeur général puisse désigner le directeur des ressources humaines en qualité de membre l'instance avec voix consultative.
8. En deuxième lieu, s'il est également soutenu que la désignation du directeur du patrimoine immobilier et des services techniques n'entre dans aucun des cas limitativement énumérés par l'article R. 4615-12 du code du travail, il ressort toutefois de l'article 3-2 du règlement intérieur applicable, cité au point 3, que, parmi les membres avec voix consultative, figure le directeur du pôle " Patrimoine immobilier et services techniques ". Dans ces conditions, et dès lors que cette désignation avec voix consultative ne saurait être regardée comme contraire à ce règlement ou apportant aux droits des agents et à leurs libertés individuelles une quelconque restriction, le moyen tiré de l'illégalité d'une telle nomination doit être écarté.
9. En dernier lieu, si M. D... et les autres appelants invoquent le moyen tiré de ce que la décision du 9 mars 2020 comme celle du 15 juillet 2020 n'auraient pour objet que d'instaurer un déséquilibre de l'instance au profit de l'employeur, il ressort, au contraire, de leurs dispositions que l'administration ne dispose que d'un seul représentant avec voix délibérative alors que les représentants du personnel sont au nombre de onze. Dans ces conditions, le détournement de pouvoir ne saurait être établi.
Sur les frais liés au litige de première instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Il résulte de ces dispositions que le versement de frais exposés et non compris dans les dépens n'est pas un droit inconditionnel, qu'il relève de l'appréciation des premiers juges de décider, au regard des circonstances de l'espèce, s'il y a lieu de condamner la partie perdante à leur paiement et qu'il appartient au juge d'appel, saisi en ce sens, d'apprécier si ces circonstances pouvaient justifier un rejet de ces conclusions.
11. En l'absence de circonstances particulières justifiant qu'il ne soit pas fait droit à ces conclusions, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge solidaire de MM. D... et Félix, de Mmes H..., Saint E..., et B... et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail central du centre hospitalier universitaire de Toulouse, en leur qualité de partie perdante, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier universitaire de Toulouse et non compris dans les dépens dans le cadre de la demande dont ils avaient saisi le tribunal.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ni sur la recevabilité de la demande de première instance, que M. D... et les autres appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin d'annulation des décisions des 9 mars 2020 et 15 juillet 2020 ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par les appelants, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D... et des autres appelants la somme que sollicite le centre hospitalier universitaire de Toulouse sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Toulouse en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à M. F... A..., à Mme G... H..., à Mme J... E..., à Mme I... B..., au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail devenu le comité social d'établissement du centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2025.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL22340 2