Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sud-Waste Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un permis de construire une unité de méthanisation sur un terrain sis au lieu-dit Simorre à Cazères-sur-Garonne ainsi que l'arrêté du 10 novembre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a retiré le permis tacite qui lui a été accordé le 16 août 2023 pour la construction de cette unité de méthanisation et a refusé de lui délivrer un permis de construire, enfin d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le permis sollicité, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2306971 du 14 juin 2024, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 août et 15 novembre 2024, la société Sud-Waste Garonne, représentée par Me Deldique, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, ensemble les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne des 15 septembre et 10 novembre 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de lui délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le même délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; il n'explicite pas pourquoi il se livre à l'analyse de la compatibilité de l'équipement d'intérêt collectif avec l'activité agricole, ni pourquoi il fait uniquement application du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Cazères-sur-Garonne dans sa version de 2022 ;
- c'est à tort qu'il a confirmé les motifs tirés de la méconnaissance de l'article A-13 du règlement de ce plan local d'urbanisme et du défaut de production de l'attestation de conformité de l'assainissement non collectif ; elle renvoie sur ces points à ses écritures de première instance ;
- en tant qu'installation d'intérêt collectif, l'unité de méthanisation projetée est admissible en zone agricole A du plan local d'urbanisme et sa construction y est permise ; elle constitue un ouvrage d'infrastructure au sens de l'article A.1.1 du règlement de ce plan ; il n'existe aucune incompatibilité de principe entre un projet d'unité de méthanisation et la vocation d'une zone agricole ;
- le projet est compatible avec l'exercice d'une activité agricole dans l'unité foncière d'implantation ; le jugement contesté est entaché d'erreur de droit et de plusieurs erreurs d'appréciation et de fait ; les parcelles d'implantation du projet appartenant à M. A... sont intégrées à une unité foncière d'une superficie totale de 50 hectares lui appartenant ; ainsi, c'est à tort que le tribunal a retenu une unité foncière d'une superficie de 5 hectares et non de 50 hectares ; en outre, les trois parcelles d'implantation ont une superficie de 8,73 hectares et le projet occupera non 80 % mais seulement 9,3 % de l'unité foncière d'implantation ; le projet ne fait pas obstacle et est compatible avec l'exercice d'une activité agricole, eu égard au fait que l'unité foncière présente un très faible potentiel agronomique et qu'il n'occupera que 9,3 % de la surface agricole utile ;
- la compatibilité du projet doit être appréciée à l'échelle de l'unité foncière et non à celle du terrain d'assiette du projet ; le projet s'intègre à une unité foncière de 50 hectares composée d'un ensemble de parcelles appartenant à M. A... ; 91 % de l'unité foncière demeurera consacrée à l'activité agricole de M. A... ; eu égard à l'emprise au sol du projet, il n'est pas démontré qu'il impactera fortement les surfaces agricoles ; bien loin d'un grignotage des terres, la surface agricole utilisée a augmenté ; le terrain d'implantation a connu une succession de cultures différentes, laquelle témoigne d'un faible potentiel agronomique des sols ; il est peu pertinent d'évoquer une large zone dédiée à la culture lorsque le projet se situe en bordure d'autoroute ; le projet favorise significativement l'activité agricole locale en prévoyant un épandage des digestats dans un rayon maximum de 20 kilomètres du site de méthanisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2024, la ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par ordonnance du 15 novembre 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 29 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Teulière, président assesseur,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- et les observations de Me Le Bon, représentant la société Sud-Waste Garonne.
Considérant ce qui suit :
1. La société Sud-Waste Garonne a déposé le 16 mai 2023 une demande de permis de construire une unité de méthanisation sur un terrain sis lieu-dit Simorre à Cazères-sur-Garonne (Haute-Garonne). Par un arrêté du 10 novembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne a retiré le permis de construire tacite né du silence gardé par l'administration sur cette demande et a refusé le permis de construire sollicité. Le 22 juin 2023, la société Sud-Waste Garonne a déposé une seconde demande de permis de construire portant sur le même projet. Cette demande a été rejetée par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 15 septembre 2023. La société Sud-Waste Garonne relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés pris par le préfet de la Haute-Garonne les 15 septembre et 10 novembre 2023 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le permis de construire sollicité.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. En l'espèce, le tribunal administratif de Toulouse a exposé de manière suffisamment circonstanciée, au point 9 du jugement contesté, les motifs pour lesquels il a estimé le projet porté par la société requérante incompatible avec l'exercice d'une activité agricole dans l'unité foncière où il est implanté au sens des dispositions de l'article 1.1 du règlement de la zone agricole A du plan local d'urbanisme de la commune de Cazères-sur-Garonne, dans sa rédaction issue de la 2ème modification simplifiée du 21 septembre 2022. Si la requérante soutient que l'administration ne s'était pas prévalue d'une telle incompatibilité de son projet avec l'activité agricole, le préfet de la Haute-Garonne avait cependant opposé dans les actes attaqués un motif de refus de délivrer un permis de construire tiré de ce que le projet n'était pas conforme à l'article 1.1 du règlement de la zone agricole du plan local d'urbanisme en vigueur après avoir indiqué que ledit projet avait pour effet de soustraire des terres cultivées à l'activité agricole. Pour se prononcer sur la légalité d'un tel motif, le tribunal n'avait pas à faire application, ni mention du règlement du plan local d'urbanisme de Cazères-sur-Garonne dans sa rédaction issue de la modification du 28 septembre 2017. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En se bornant à soutenir que c'est à tort que le tribunal a confirmé les motifs de refus de permis de construire tirés de la méconnaissance de l'article A-13 du règlement du plan local d'urbanisme de Cazères-sur-Garonne, dans sa rédaction issue de la modification du 28 septembre 2017, et du défaut de production de l'attestation de conformité de l'assainissement non collectif et à renvoyer sur ces points à ses écritures de première instance sans les joindre à sa requête d'appel, la société requérante n'assortit pas ses moyens de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Elle ne conteste pas davantage utilement la réponse apportée par le tribunal à ses moyens de première instance aux points 12 à 15 du jugement contesté. Il y a lieu, en tout état de cause, de les écarter par adoption des motifs pertinents ainsi retenus par les premiers juges.
5. D'une part, aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ; / (...) II.- Dans les zones agricoles ou forestières, le règlement peut autoriser les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. III.- Lorsque le règlement n'interdit pas les constructions ou les installations mentionnées au II du présent article, les installations de méthanisation mentionnées à l'article L. 111-4 sont considérées comme de telles constructions ou de telles installations. Ces projets d'installations sont préalablement soumis pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. ". Ces dispositions ont pour objet de conditionner l'implantation de constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dans des zones naturelles, agricoles ou forestières à la possibilité d'exercer des activités agricoles, pastorales ou forestières sur le terrain où elles doivent être implantées et à l'absence d'atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. Pour vérifier si la première de ces exigences est satisfaite, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si le projet permet l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d'implantation, au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du plan local d'urbanisme ou, le cas échéant, auraient vocation à s'y développer, en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l'emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux.
6. D'autre part, aux termes de l'article 1 du règlement du plan local d'urbanisme de Cazères-sur-Garonne, dans sa rédaction issue de la modification du 28 septembre 2017, applicable à la zone agricole A, pour la partie du projet implantée dans l'ancienne zone AUX : " Toute occupation et utilisation des sols est interdite à l'exception des installations nécessaires : / à l'activité agricole / aux services publics ou d'intérêt collectif ". Aux termes de l'article 1.1 du règlement du même plan local d'urbanisme, applicable à la zone agricole A dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet en litige, dans sa rédaction issue de la 2ème modification simplifiée du 21 septembre 2022 : " Sous réserve de dessertes et réseaux suffisants et d'une compatibilité avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale dans l'unité foncière où elles sont implantées et sous réserve qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, sont autorisées les affectations des sols, constructions et activités suivantes : / les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, / les constructions et installations d'infrastructures nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif, (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le projet en cause a pour objet la réalisation d'une unité de méthanisation d'une emprise totale de 5 hectares, dont 1 hectare dédié à l'espace vert et à l'accueil d'une butte périphérique verte, sur les parcelles cadastrées section A ... d'une superficie totale de 8,7 hectares, l'emprise du site clôturé représentant une surface de 4,7 hectares. Il est constant que ce projet, qui implique notamment la construction d'un bâtiment de 2 100 m², d'un digesteur de 510 m², d'un post-digesteur de 475 m² et d'une cuve de stockage de digestat brut de 784 m², doit s'implanter sur des parcelles agricoles encore exploitées en luzerne bio et qu'il aura donc pour effet de soustraire ces terres à l'activité agricole. L'appelante soutient que la compatibilité du projet avec l'exercice d'une activité agricole doit en l'espèce s'apprécier à l'échelle de l'unité foncière d'une cinquantaine d'hectares appartenant à M. A..., agriculteur exploitant propriétaire des parcelles d'assiette du projet et que ce dernier n'occupe que 9,3 % d'une telle unité. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'une promesse de vente a été conclue entre cet agriculteur et la société Sud-Waste Garonne pour l'acquisition par cette dernière des seules parcelles cadastrées section A ... dans leur totalité et, pour partie, la parcelle ... à hauteur de 12 316 m², constituant l'unité foncière d'implantation du projet. Ainsi, au regard notamment de son emprise sur 5 hectares dont 4,7 hectares de site clôturé, de la superficie des terrains d'implantation, de la consommation induite de terres agricoles et de son impact sur les sols, le projet ne peut être regardé comme étant compatible avec l'exercice d'une activité agricole sur le terrain d'implantation au sens de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme et dans l'unité foncière d'implantation au sens de l'article 1.1 précité du règlement du plan local d'urbanisme, quand bien même les parcelles d'implantation, qui doivent être détachées de la surface agricole utile de l'exploitation de M. A..., apparaissent mal drainées et à faible rendement, et nonobstant l'épandage prévu des digestats dans un rayon de 20 kilomètres autour du site.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Sud-Waste Garonne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 15 septembre et 10 novembre 2023 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le permis de construire sollicité. Par voie de conséquence, ses conclusions d'appel à fin d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la société Sud-Waste Garonne demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Sud-Waste Garonne est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sud-Waste Garonne et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.
Le rapporteur,
T. Teulière
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24TL02209