Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les sociétés Sud-Waste Holding et Sud-Waste Garonne ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a délivré à la société Sud-Waste Holding un certificat d'urbanisme opérationnel négatif déclarant non réalisable l'opération de construction d'une unité de méthanisation sur un terrain sis au lieu-dit Simorre à Cazères-sur-Garonne, ensemble la décision de rejet du recours gracieux et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de leur délivrer un certificat d'urbanisme positif, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer la demande dans le même délai.
Par un jugement n° 2400061 du 14 juin 2024, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 août et 15 novembre 2024, les sociétés Sud-Waste Holding et Sud-Waste Garonne, représentées par Me Deldique, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, ensemble l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 7 juillet 2023 et la décision de rejet de leur recours gracieux ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de leur délivrer un certificat d'urbanisme positif, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer la demande dans le même délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à leur verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a procédé d'office à une substitution de motifs ;
- en tant qu'installation d'intérêt collectif, l'unité de méthanisation projetée est admissible en zone agricole A du plan local d'urbanisme de la commune de Cazères-sur-Garonne et sa construction y est permise ; elle constitue un ouvrage d'infrastructure au sens de l'article A.1.1 du règlement de ce plan ; il n'existe aucune incompatibilité de principe entre un projet d'unité de méthanisation et la vocation d'une zone agricole ;
- le projet est compatible avec l'exercice d'une activité agricole dans l'unité foncière d'implantation ; le jugement contesté est entaché d'erreur de droit et de plusieurs erreurs d'appréciation et de fait ; les parcelles d'implantation du projet appartenant à M. A... sont intégrées à une unité foncière d'une superficie totale de 50 hectares lui appartenant ; ainsi, c'est à tort que le tribunal a retenu une unité foncière d'une superficie de 5 hectares et non de 50 hectares ; en outre, les trois parcelles d'implantation ont une superficie de 8,73 hectares et le projet occupera non 80 % mais seulement 9,3% de l'unité foncière d'implantation ; le projet ne fait pas obstacle et est compatible avec l'exercice d'une activité agricole, eu égard au fait que l'unité foncière présente un très faible potentiel agronomique et qu'il n'occupera que 9,3 % de la surface agricole utile ;
- la compatibilité du projet doit être appréciée à l'échelle de l'unité foncière et non à celle du terrain d'assiette du projet ; le projet s'intègre à une unité foncière de 50 hectares composée d'un ensemble de parcelles appartenant à M. A... ; 91% de l'unité foncière demeurera consacrée à l'activité agricole de M. A... ; eu égard à l'emprise au sol du projet, il n'est pas démontré qu'il impactera fortement les surfaces agricoles ; bien loin d'un grignotage des terres, la surface agricole utilisée a augmenté ; le terrain d'implantation a connu une succession de cultures différentes, laquelle témoigne d'un faible potentiel agronomique des sols ; il est peu pertinent d'évoquer une large zone dédiée à la culture lorsque le projet se situe en bordure d'autoroute ; le projet favorise significativement l'activité agricole locale en prévoyant un épandage des digestats dans un rayon maximum de 20 kilomètres du site de méthanisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2024, la ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par ordonnance du 15 novembre 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 29 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Teulière, président assesseur,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- et les observations de Me Le Bon, représentant les sociétés Sud-Waste Holding et Sud-Waste Garonne.
Considérant ce qui suit :
1. La société Sud-Waste Holding a sollicité, le 3 novembre 2022, la délivrance d'un certificat d'urbanisme " opérationnel " portant sur la construction d'une unité de méthanisation sur un terrain sis au lieu-dit Simorre à Cazères-sur-Garonne (Haute-Garonne). Par un arrêté du 7 juillet 2023, le préfet de la Haute-Garonne lui a délivré un certificat d'urbanisme négatif déclarant non réalisable l'opération poursuivie. Le 7 septembre 2023, la société Sud-Waste Holding a adressé par voie électronique à la préfecture un recours gracieux à l'encontre de cette décision, qui a été implicitement rejeté. Les sociétés Sud-Waste Holding et Sud-Waste Garonne relèvent appel du jugement n° 2400061 du 14 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2023 ensemble de la décision de rejet du recours gracieux et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de leur délivrer le certificat d'urbanisme sollicité.
Sur la régularité du jugement :
2. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
3. En l'espèce, le tribunal a relevé, au point 10 du jugement contesté, que le préfet de la Haute-Garonne faisait valoir dans son mémoire en défense que le projet aura pour effet de soustraire des terres à l'activité agricole et qu'il est donc incompatible avec la vocation de la zone agricole. Les premiers juges ont alors estimé, en donnant leur exacte portée aux écritures en défense du préfet, que ce dernier devait être regardé comme demandant de substituer ce dernier motif tiré de l'incompatibilité du projet avec l'exercice d'une activité agricole au motif initialement retenu dans le certificat d'urbanisme négatif attaqué tiré de ce que l'unité de méthanisation ne constitue pas un équipement d'intérêt collectif. Puis, le tribunal a procédé, au point 11 du jugement, à la substitution demandée, dès lors qu'elle ne privait pas les sociétés requérantes d'une garantie procédurale. Il en résulte que le moyen tiré de ce que le tribunal aurait procédé d'office à une substitution de motifs et aurait ainsi entaché son jugement d'irrégularité ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ; / (...) II.- Dans les zones agricoles ou forestières, le règlement peut autoriser les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. / III.- Lorsque le règlement n'interdit pas les constructions ou les installations mentionnées au II du présent article, les installations de méthanisation mentionnées à l'article L. 111-4 sont considérées comme de telles constructions ou de telles installations. Ces projets d'installations sont préalablement soumis pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. ". Ces dispositions ont pour objet de conditionner l'implantation de constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dans des zones naturelles, agricoles ou forestières à la possibilité d'exercer des activités agricoles, pastorales ou forestières sur le terrain où elles doivent être implantées et à l'absence d'atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. Pour vérifier si la première de ces exigences est satisfaite, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si le projet permet l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d'implantation, au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du plan local d'urbanisme ou, le cas échéant, auraient vocation à s'y développer, en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l'emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux.
5. D'autre part, aux termes de l'article 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Cazères-sur-Garonne, dans sa rédaction issue de la modification du 28 septembre 2017, applicable à la zone agricole A, pour la partie du projet implantée dans l'ancienne zone AUX : " Toute occupation et utilisation des sols est interdite à l'exception des installations nécessaires : / à l'activité agricole / aux services publics ou d'intérêt collectif ". Aux termes de l'article 1.1 du règlement du même plan local d'urbanisme, applicable à la zone agricole A dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet en litige, dans sa rédaction issue de la 2ème modification simplifiée du 21 septembre 2022 : " Sous réserve de dessertes et réseaux suffisants et d'une compatibilité avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale dans l'unité foncière où elles sont implantées et sous réserve qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, sont autorisées les affectations des sols, constructions et activités suivantes : / les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, / les constructions et installations d'infrastructures nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif, (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le projet en cause a pour objet la réalisation d'une unité de méthanisation d'une emprise totale de cinq hectares, dont un hectare dédié à l'espace vert et à l'accueil d'une butte périphérique verte, sur les parcelles cadastrées section A nos 109, 1489 et 1491 d'une superficie totale 8,7 hectares, l'emprise du site clôturé représentant une surface d'environ 4,7 hectares. Il est constant que ce projet, qui implique notamment la construction d'un bâtiment de 2 100 m², d'un digesteur de 510 m², d'un post-digesteur de 475 m² et d'une cuve de stockage de digestat brut de 784 m², doit s'implanter sur des parcelles agricoles encore exploitées en luzerne bio et qu'il aura donc pour effet de soustraire ces terres à l'activité agricole. Les appelantes soutiennent que la compatibilité du projet avec l'exercice d'une activité agricole doit, en l'espèce, s'apprécier à l'échelle de l'unité foncière d'une cinquantaine d'hectares appartenant à M. A..., agriculteur exploitant propriétaire des parcelles d'assiette du projet et que ce dernier n'occupe dès lors que 9,3 % d'une telle unité. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'une promesse de vente a été conclue entre cet agriculteur et la société Sud-Waste Garonne pour l'acquisition par cette dernière des seules parcelles cadastrées section A nos 109 et 1491 dans leur totalité et, pour partie, la parcelle ... à hauteur de 12 316 m² constituant l'unité foncière d'implantation du projet. Ainsi, au regard notamment de son emprise sur 5 hectares dont 4,7 hectares de site clôturé, de la superficie des terrains d'implantation, de la consommation induite de terres agricoles et de son impact sur les sols, le projet ne peut être regardé comme étant compatible avec l'exercice d'une activité agricole sur le terrain d'implantation au sens de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme et dans l'unité foncière d'implantation au sens de l'article 1.1 précité du règlement du plan local d'urbanisme, quand bien même les parcelles d'implantation, qui doivent être détachées de la surface agricole utile de l'exploitation de M. A..., apparaissent mal drainées et à faible rendement, et nonobstant l'épandage prévu des digestats dans un rayon de 20 kilomètres autour du site.
7. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Sud-Waste Holding et Sud-Waste Garonne ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2023 ensemble de la décision de rejet du recours gracieux et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de leur délivrer le certificat d'urbanisme sollicité. Par voie de conséquence, leurs conclusions d'appel à fin d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que les sociétés Sud-Waste Holding et Sud-Waste Garonne demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête des sociétés Sud-Waste Holding et Sud-Waste Garonne est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Sud-Waste Holding et Sud-Waste Garonne et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.
Le rapporteur,
T. Teulière
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24TL02208