La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/2025 | FRANCE | N°24TL02933

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 22 mai 2025, 24TL02933


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 566 719,16 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C.



Par un jugement n° 1803458 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Office national d'in

demnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à ver...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 566 719,16 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1803458 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme A... la somme de 109 348 euros en réparation de ses préjudices, sous déduction des sommes versées à titre provisionnel d'un montant total de 16 846,90 euros.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête, enregistrée le 3 février 2021 sous le n° 21MA00466 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00466 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 décembre 2021, Mme A..., représentée par Me Gontard, a demandé à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 18 décembre 2020 en ce qu'il a limité l'indemnisation qui lui est due à la somme de 109 348 euros ;

2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme totale de 566 719,16 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- les transfusions de sang qui lui ont été administrées en janvier 1983 sont à l'origine des préjudices invoqués ;

- son préjudice économique temporaire avant consolidation s'établit à la somme totale de 63 195 euros ;

- son préjudice économique permanent s'établit à la somme de 107 604 euros au titre de la période avant la retraite et à celle de 91 530 euros au titre de la période après la retraite ;

- un capital d'un montant de 162 380,16 euros doit lui être accordé au titre de son préjudice concernant l'aide par une tierce-personne ;

- une somme de 30 010 euros doit lui être accordée au titre de son préjudice fonctionnel partiel ainsi qu'une somme de 30 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- une somme de 30 000 euros doit également lui être accordée au titre de son déficit fonctionnel permanent, ainsi que les sommes de 20 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, de 2 000 euros au titre de son préjudice esthétique et de 30 000 euros au titre de son préjudice sexuel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Roquelle-Meyer, a conclu au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ramenant l'indemnisation de Mme A... à de plus justes proportions.

Il soutenait que :

- aucun des moyens soulevés par Mme A... n'était fondé ;

- le jugement doit être infirmé en ce qu'il a retenu un lien de causalité entre les préjudices subis par Mme A... et sa contamination par le virus de l'hépatite C à compter de 2003 ;

- il doit également être infirmé en ce qu'il a estimé que l'asthénie présentée par Mme A... était imputable à cette contamination ;

- certains préjudices indemnisés par le tribunal ne sont pas imputables à la contamination ou ont été évalués de façon excessive.

Par un arrêt n° 21TL00466 du 6 juin 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a ramené à 101 280 euros la somme à verser à Mme A..., sous déduction des sommes versées à titre provisionnel.

Procédure devant le Conseil d'État :

Par une décision n° 485325 du 26 novembre 2024, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 21TL00466 du 6 juin 2023 en tant qu'il statue sur le préjudice subi par Mme A... au titre de la perte de droits à pension de retraite et a renvoyé dans cette mesure l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour après cassation :

Par deux mémoires complémentaires, enregistrés les 13 février et 14 avril 2025, Mme A..., représentée par Me Gontard, persiste dans ses écritures et limite ses prétentions relatives à la perte de droits à pension de retraite à la somme de 29 532 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2025, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Roquelle-Meyer, persiste dans ses écritures et conclut, à titre subsidiaire, à ce que l'indemnisation de la perte de droits à pension de retraite soit limitée à la période de quatre ans durant laquelle Mme A... a dû cesser son activité professionnelle en raison de sa pathologie.

Mme A... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale, par décision du 13 décembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à réparer les conséquences dommageables de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C. Elle a fait appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 décembre 2020 en tant qu'il a limité la condamnation de cet établissement public à lui verser la somme de 109 348 euros, sous déduction des sommes versées à titre provisionnel, et a demandé que son indemnisation soit portée à la somme totale de 566 719,16 euros. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a demandé, par la voie de l'appel incident, de ramener l'indemnité accordée par le tribunal à de plus justes proportions. Par un arrêt du 6 juin 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a ramené à 101 280 euros la somme à verser à Mme A..., sous déduction des sommes versées à titre provisionnel. Par une décision n° 485325 du 26 novembre 2024, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 6 juin 2023 en tant qu'il statue sur le préjudice subi par Mme A... au titre de la perte de droits à pension de retraite et renvoyé dans cette mesure l'affaire devant la cour.

2. Il ressort des énonciations de l'arrêt du 6 juin 2023 que la contamination de Mme A... par le virus de l'hépatite C à la suite de transfusions sanguines, dont les conséquences dommageables doivent être indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sur le fondement de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, a été à l'origine, notamment, du placement de l'intéressée en congé maladie à compter du 29 juillet 2011, puis de la cessation de son activité professionnelle d'assistante médicale du 20 octobre 2011 au 10 août 2015, date de la consolidation de son état de santé. Ainsi, seules les pertes de revenus enregistrées par Mme A... au cours de cette période de quatre ans sont susceptibles d'avoir entraîné une perte de droits à pension de retraite devant être prise en charge par l'Office.

3. Il résulte de l'instruction, notamment de la simulation établie le 3 avril 2025 par Info Retraite, que Mme A... devrait percevoir, dans l'hypothèse d'un départ à la retraite le 1er décembre 2027, à l'âge de 62 ans, une retraite de base à taux plein et une retraite complémentaire de montants respectifs de 8 294,16 euros et de 2 142,48 euros bruts par an. Elle produit également trois évaluations de sa retraite de base, réalisées par l'Assurance retraite de la sécurité sociale les 26 juin et 17 juillet 2018. La première prend en compte, pour le calcul de la pension de Mme A..., dans l'hypothèse d'un départ à la retraite le 1er décembre 2027 et d'un arrêt de son activité professionnelle en 2011, un salaire de base de 12 126,84 euros à partir de 21 années de carrière. Les deux autres évaluations retiennent, pour un départ à la retraite le 1er décembre 2027 et le 1er octobre 2029, sans interruption de l'activité professionnelle jusqu'à ces dates, des salaires de base de 18 615,94 euros et 18 777,02 euros à partir de ses 25 meilleures années de carrière. Il résulte du croisement des salaires annuels revalorisés mentionnés dans ces évaluations que le salaire de base de Mme A... se serait élevé à 13 215 euros si elle avait travaillé au cours des quatre années durant lesquelles elle a dû cesser son activité professionnelle et en prenant en compte ses 25 meilleures années de carrière jusqu'en 2015, avec un départ à la retraite au 1er décembre 2027, ainsi qu'elle le revendique. Il en ressort que, en prenant en compte un taux de 50 % et le nombre maximal de trimestres de 169, sa pension de base n'aurait pas excédé le montant retenu dans la simulation établie par Info Retraite. Ainsi, Mme A..., qui se borne d'ailleurs à se prévaloir, sans le justifier, de ce qu'elle aurait dû percevoir des pensions d'un montant global de 976 euros par mois, sans d'ailleurs préciser sa situation actuelle, notamment si elle continue de percevoir une pension d'invalidité, n'établit pas l'existence d'un préjudice à ce titre. En revanche, il résulte également de la simulation établie en 2025 par Info Retraite que Mme A... a totalisé, au cours de sa carrière, 1 489,31 points au titre de sa retraite complémentaire des salariés du secteur privé, dont, en vertu d'une simulation établie par le même organisme le 8 juin 2018, une moyenne annuelle de 100 points au titre de son dernier emploi. Par suite, l'absence de salaire au cours des quatre années durant lesquelles elle a dû cesser son activité professionnelle en raison de sa pathologie a entraîné, après déduction de 21,83 et 0,55 points obtenus au titre de cette période, une perte de 377,62 points. La perte de droits à pension de Mme A... s'établit donc, en prenant en compte une valeur annuelle du point de 1,4386, à 543,24 euros bruts par an. Après application du taux de capitalisation de 23,610 pour une femme âgée de 62 ans, cette perte s'élève à 12 826 euros bruts. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A..., qui correspond à l'absence de perception du montant net de sa pension, en l'évaluant à la somme de 12 000 euros.

4. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à verser à Mme A... en réparation de ses préjudices doit être portée à 113 280 euros.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'indemnité que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à verser à Mme A... est portée à 113 280 euros, sous déduction des provisions d'un montant total de 16 846,90 euros qui lui ont été allouées.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24TL02933 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24TL02933
Date de la décision : 22/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : SCP B. ODENT, L. POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-22;24tl02933 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award