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06/06/2023 | FRANCE | N°21TL00466

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 06 juin 2023, 21TL00466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 566 719,16 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, et de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803458 du

18 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'ONIAM à ver...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 566 719,16 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, et de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803458 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'ONIAM à verser à Mme A... la somme de 109 348 euros en réparation de ses préjudices, sous déduction à faire des sommes versées à titre provisionnel d'un montant total de 16 846,90 euros, ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 février 2021 et 27 décembre 2021 sous le n° 21MA00466 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL00466, Mme A..., représentée par Me Gontard, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 18 décembre 2020 en ce qu'il a limité l'indemnisation qui lui est due à la somme de 109 348 euros ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme totale de 566 719,16 euros en réparation des préjudices subis du fait de la contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C dont elle a été victime ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- les transfusions de sang qui lui ont été administrées en janvier 1983 sont à l'origine de son asthénie ;

- l'apparition des premiers symptômes de la pathologie hépatique date du 1er janvier 1993, laquelle date doit être retenue comme point de départ du préjudice ;

- son invalidité est dépourvue de lien avec la pathologie hépatique ;

- son préjudice économique temporaire avant consolidation s'établit à la somme totale de 63 195 euros ;

- son préjudice économique permanent s'établit à la somme de 107 604 euros au titre de la période avant la retraite et à celle de 91 530 euros au titre de la période après la retraite ;

- un capital d'un montant de 162 380,16 euros doit lui être accordé au titre de son préjudice concernant l'aide par une tierce-personne ;

- une somme de 30 010 euros doit lui être accordée au titre de son préjudice fonctionnel partiel ainsi qu'une somme de 30 000 euros au titre des souffrances endurées, pour la période avant consolidation ;

- une somme de 30 000 euros doit ensuite lui être accordée au titre de son déficit fonctionnel permanent évalué à 15% par l'expert, une somme de 20 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, une somme de 2 000 euros au titre de son préjudice esthétique et une somme de 30 000 euros au titre de son préjudice sexuel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2021, l'ONIAM, représenté par la SELARLU RRM agissant par Me Roquelle-Meyer, conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en ramenant l'indemnisation de Mme A... à de plus justes proportions.

Il fait valoir que :

- le jugement doit être infirmé en ce qu'il a retenu un lien de causalité entre les préjudices subis par Mme A... et sa contamination par le virus de l'hépatite C à compter de 2003, en l'absence d'élément médical permettant d'établir un lien direct, certain et exclusif de l'imputabilité de ses préjudices à la contamination avant 2011 ;

- il doit également être infirmé en ce qu'il a estimé que l'asthénie présentée par Mme A... était imputable à cette contamination, dès lors que l'asthénie dont fait état l'expert n'est mentionnée dans aucun certificat médical avant la prise en charge de l'appelante par le centre hospitalier de Nîmes en 2007 ; en outre, depuis son adolescence, elle a subi plusieurs interventions chirurgicales et un syndrome dépressif en 2007, et a été reconnue travailleur handicapé en 2012 pour des raisons indépendantes de l'hépatite C ;

- les prétentions indemnitaires de l'appelante doivent être réduites à de plus justes proportions ;

- la somme allouée au titre des souffrances endurées doit être confirmée ;

- le déficit fonctionnel temporaire subi avant 2011 ne peut être retenu comme étant imputable à la contamination ; à titre subsidiaire, seules les périodes à compter de 2007 et à hauteur de 8% peuvent être indemnisées ; le déficit fonctionnel temporaire doit être évalué à hauteur de 25% d'août 2013 au 23 novembre 2014, à 50% jusqu'au 25 février 2015 et à 20% jusqu'au 10 août 2015, correspondant à une indemnisation de 2 590,25 euros et, à titre subsidiaire, à la somme de 4 901,13 euros ;

- l'indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent doit être limitée à la somme de 12 414 euros ;

- l'indemnité allouée au titre du préjudice sexuel doit être confirmée ;

- aucune somme ne peut être allouée au titre du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique ;

- il y a lieu également de rejeter les demandes présentées au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs, en l'absence de lien de causalité avec la contamination, ainsi que la demande présentée au titre du préjudice de retraite ;

- le jugement doit être infirmé en tant qu'il a alloué une indemnité au titre de l'assistance par tierce personne ; à titre subsidiaire, le besoin sera limité à la période d'août 2013 à 10 août 2015, soit une indemnité de 4 616,16 euros sous réserve de la production de justificatifs ;

- la solidarité nationale ne saurait supporter la charge de frais irrépétibles.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme A....

Par ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 11 octobre 2022.

Vu :

- les ordonnances n° 1502083 du 8 octobre 2015 et n° 1701808 du 21 septembre 2017 par lesquelles le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a mis à la charge de l'ONIAM le versement à Mme A... de provisions d'un montant de 2 000 et 14 846,90 euros ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Michel substituant Me Gontard, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 18 novembre 1965, a été victime le 25 décembre 1982 d'un accident de la circulation qui a nécessité son hospitalisation au centre hospitalier universitaire de Nîmes jusqu'au 11 janvier 1983, où elle a reçu des transfusions de produits sanguins. Sa contamination par le virus de l'hépatite C a été diagnostiquée en septembre 2011. Estimant que cette contamination était imputable aux transfusions sanguines reçues, elle a obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes la réalisation de deux expertises ainsi que, par ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes en date des 8 octobre 2015 et 21 septembre 2017, la condamnation de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser deux provisions d'un montant de 2 000 et 14 846,90 euros. En l'absence de réponse à sa demande préalable présentée le 13 août 2018, Mme A... a demandé la condamnation de l'ONIAM à réparer les conséquences dommageables de sa contamination transfusionnelle. Mme A... relève appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Nîmes le 18 décembre 2020 en tant qu'il a limité la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 109 348 euros, sous déduction des sommes versées à titre provisionnel, et demande que son indemnisation soit portée à la somme totale de 566 719,16 euros. L'ONIAM demande, par la voie de l'appel incident, de ramener l'indemnité qui a été accordée à Mme A... à de plus justes proportions.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le principe de l'obligation :

2. En application des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins, sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

3. Il résulte de l'instruction que Mme A... a reçu plusieurs transfusions sanguines en janvier 1983 au centre hospitalier universitaire de Nîmes à la suite d'un accident de la circulation, et qu'en février 2011, à l'occasion d'une hospitalisation pour un changement de prothèse du mollet droit, une sérologie de l'hépatite C s'est révélée positive. Le diagnostic de l'hépatite C dont elle est atteinte a été confirmé en août 2013. L'ONIAM ne conteste pas son obligation au titre de la solidarité nationale, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique.

En ce qui concerne le lien de causalité et la période indemnisable :

4. Si Mme A... soutient que la date d'apparition des premiers symptômes de la pathologie hépatique dont elle était atteinte doit être fixée au 1er janvier 1993, aucune pièce médicale ne vient cependant en justifier, s'agissant en particulier de l'asthénie dont elle souffrait. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, si le rapport d'expertise judiciaire définitif a déterminé que Mme A... a subi une période de déficit fonctionnel temporaire au taux de 8 % en lien avec la pathologie virale à compter du 1er janvier 1993 en raison d'une asthénie modérée et des premiers signes de manifestations extra hépatiques, il ne fait état d'aucun élément de nature médicale permettant de faire débuter la manifestation de cette pathologie dès cette date. En revanche, contrairement à ce que fait valoir l'ONIAM, si la pathologie virale dont était atteinte Mme A... n'a été diagnostiquée qu'en février 2011, cette circonstance ne suffit pas à considérer que le lien de causalité direct et certain entre ladite pathologie et les préjudices subis n'est établi qu'à compter de cette date. En effet, selon les conclusions de la première expertise médicale établie le 25 février 2015 par un professeur en bactériologie et un médecin de l'établissement français du sang, complétées par les réponses aux dires de l'office, Mme A... a été victime d'une asthénie importante depuis 2003, comme en atteste le fait qu'elle a été contrainte de demander la diminution de sa quotité de travail l'année suivante, ajoutant que le lien direct entre l'asthénie et la pathologie virale est établi par la nette amélioration de son état clinique, dont l'asthénie, depuis l'éradication du virus. Il résulte par ailleurs de l'instruction que Mme A... a demandé la diminution de sa quotité de travail à compter du mois de septembre 2004. Par suite, au regard de la période de déficit fonctionnel temporaire au taux de 25% déterminée par l'expert à compter du 1er janvier 2004, il y a lieu de fixer le point de départ de la période indemnisable en lien avec la contamination transfusionnelle à la date du 1er janvier 2004.

5. Il résulte de l'instruction, notamment des deux rapports d'expertise judiciaire ainsi que des courriers de praticiens des centres hospitaliers universitaires de Montpellier et Nîmes en date des 8 juillet et 7 décembre 2015, que l'hépatite C de la requérante s'est accompagnée d'une asthénie, d'une légère fibrose et de manifestations extra-hépatiques importantes constituées par un syndrome rhumatoïde inflammatoire, une gammapathie monoclonale bénigne mise en évidence en 2007, un syndrome sec et un état dépressif, dont l'expert a fixé la date de consolidation au 10 août 2015, date d'éradication de la charge virale après traitement par bithérapie.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux pertes de gains professionnels actuels :

6. Il résulte de l'instruction que Mme A... occupait depuis l'année 2001 un emploi de réceptionniste, puis d'assistante médicale à temps plein dans un cabinet dentaire, pour une rémunération annuelle nette de 13 432 euros en 2003. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire définitif et de l'attestation établie par l'ancien employeur de la requérante que la réduction de son temps de travail de 151,67 à 117 heures par mois à compter du mois de septembre 2004 est imputable aux manifestations extra-hépatiques de la contamination, notamment une asthénie continue et importante depuis le début de l'année 2004. Du 1er septembre 2004 jusqu'au 28 juillet 2011, la réduction de ses gains salariaux imputable à la contamination transfusionnelle justifie l'allocation d'une somme de 260 euros par mois soit une indemnité de 21 580 euros sur cette période de 6 ans et 11 mois.

7. A compter du 29 juillet 2011, Mme A... a été placée en congé maladie en raison des manifestations extra-hépatiques de sa contamination. Elle a ensuite été contrainte de cesser son activité professionnelle à compter du 20 octobre 2011 en raison d'une asthénie sévère puis de l'incapacité imputable au traitement par bithérapie entre novembre 2014 et février 2015 suivie de la persistance de manifestations extra-hépatiques jusqu'au 10 août 2015, date de la consolidation de son état de santé. La perte de revenus en résultant doit donc être regardée comme étant également imputable à la contamination transfusionnelle. Toutefois, alors qu'une mesure d'instruction avait été diligentée par les premiers juges le 5 novembre 2020 afin de lui demander de produire les relevés d'indemnités journalières qui lui ont été servies par la caisse primaire d'assurance maladie entre 2011 et 2015, Mme A... s'est bornée à produire deux relevés concernant le mois d'avril 2011 et celle allant du 14 novembre au 12 décembre 2013. Ainsi, si Mme A... soutient avoir subi des pertes de salaire qu'elle évalue à la somme de 894 euros au titre de la période du 29 juillet au 20 octobre 2011, à laquelle doit s'ajouter celle de 78 euros au titre de trois jours de carence, puis de 1 504 euros au titre de la période du 21 octobre au 23 novembre 2011, de 17 143 euros au titre de la période du 24 novembre 2011 au 13 novembre 2013, de 11 840 euros du 14 novembre 2013 au 31 janvier 2015 et de 4 857,85 euros au titre de la période allant jusqu'au 10 août 2015, elle ne justifie du préjudice subi que par la production de ses avis d'imposition sur le revenu, en l'absence des relevés des indemnités journalières et des allocations chômage qu'elle a perçues au titre de cette période. Dans ces conditions, ses pertes de gains financiers doivent être évaluées à hauteur de 1 000 euros au titre de la période allant du 29 juillet au 31 décembre 2011, à 3 000 euros au titre de l'année 2012 ainsi qu'au titre de l'année 2013, à 7 000 euros au titre de l'année 2014 et à 8 000 euros au titre de la période courant du 1er janvier au 10 août 2015, soit un total de 22 000 euros.

Quant aux pertes de gains professionnels futurs :

8. Mme A... demande l'indemnisation de son préjudice économique permanent qu'elle évalue à la somme de 107 604 euros jusqu'à son départ à la retraite à l'âge de 62 ans. Il résulte toutefois de l'instruction que, depuis le 10 août 2015, Mme A... n'est plus porteuse du virus mais conserve des manifestations extra-hépatiques gênantes en raison de la présence de facteurs rhumatoïdes, ainsi que de symptômes sous la forme d'alacrymie bilatérale, constitutives d'une incapacité permanente limitée. Si l'expert a mentionné, dans la rubrique " situation professionnelle ", que Mme A... était autorisée à travailler à raison d'un mi-temps dans le cadre d'un placement en invalidité de catégorie 2 dont le motif n'est pas précisé, il n'a cependant pas entendu retenir, après la date de consolidation, une incapacité professionnelle imputable à la contamination hépatique, alors qu'il n'a au demeurant mentionné aucune incidence professionnelle ni pertes de revenu au stade de l'étude des préjudices permanents imputables à la pathologie hépatique. Dans ces conditions, les pertes de revenus invoquées par Mme A... pour la période postérieure au 10 août 2015 et calculées sur la base d'un travail à mi-temps ne peuvent être regardées comme étant imputables à la pathologie hépatique. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que sa pension d'invalidité, d'un montant de 690 euros en 2015 porté à 747 euros en 2017, ne réparerait pas suffisamment la perte de revenus alléguée.

9. Mme A... demande ensuite la réparation du préjudice financier qu'elle subira au moment de sa retraite du fait de sa contamination. Elle estime que le retentissement de celle-ci sur le montant de la pension de retraite attendue à l'âge théorique de départ à la retraite de 62 ans en 2027 s'établit à 4 068 euros par an sur une base viagère. Alors que seules les pertes de revenus imputables à la pathologie hépatique sur une période de 4 ans sont susceptibles d'avoir entraîné une perte de droits à pension de retraite et que la pension de retraite est calculée sur les 25 meilleures années de la carrière, il résulte de l'instruction, notamment du relevé de situation individuelle établi par Info retraite au 31 décembre 2016, que Mme A... bénéficie d'un total de 118 trimestres à cette date dont 4 trimestres pour chacune des années concernées allant du 29 juillet 2011 au 10 août 2015. Dans ces conditions, Mme A... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice au titre de la perte de ses droits à pension.

Quant à l'assistance par tierce personne :

10. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

11. Selon le rapport d'expertise judiciaire définitif, l'état de Mme A... nécessite l'assistance d'une tierce personne à raison de six heures par semaine à compter du 1er janvier 2004. Si l'ONIAM relève que l'expert a d'abord mentionné " besoin d'une tierce personne : non ", le quantum de 6 heures par semaine avait cependant été retenu dans le premier rapport, sans indication de la période correspondant à ce besoin. En revanche, ainsi que l'oppose l'ONIAM, l'expert n'a apporté aucune justification dans le rapport définitif quant au point de départ de ce besoin, alors que Mme A... a continué d'exercer ses fonctions d'assistante médicale jusqu'au 29 juillet 2011, en sollicitant une diminution de sa quotité horaire à compter de septembre 2004 en raison des trajets importants qu'elle effectuait pour se rendre sur son lieu de travail, se plaignant de fatigue importante et de douleurs articulaires. Par suite, il y a lieu de considérer que le besoin d'assistance par une tierce personne s'établit de juillet 2011, correspondant à l'augmentation du taux de déficit fonctionnel partiel temporaire retenu par l'expert, au 10 août 2015, date de consolidation de son état de santé. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation de ces besoins sur la base d'une année de 59 semaines. L'aide ayant vraisemblablement revêtu une nature familiale, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en l'indemnisant sur la base d'un taux horaire moyen de 13 euros, tenant compte des cotisations dues par l'employeur. Mme A... peut ainsi prétendre à la somme de 19 000 euros à ce titre. Il n'y a pas lieu de retrancher le montant de la prestation de compensation du handicap ou de l'allocation personnalisée d'autonomie dont il ne résulte pas de l'instruction que la requérante l'a perçue ou la perçoit à la date du présent arrêt, la circonstance que l'intéressée soit susceptible de la solliciter à l'avenir étant également sans incidence sur le montant de l'indemnité.

12. En revanche, la mention de la nécessité pour Mme A... de bénéficier de l'assistance par une tierce personne six heures par semaine doit être regardée comme n'ayant été retenue par l'expert judiciaire que pour la période avant consolidation, dès lors qu'au stade de l'étude de plusieurs préjudices à caractère permanent il indique dans son rapport définitif " besoin d'une tierce personne : non ". La nécessité d'une telle assistance dans la période post-consolidation ne ressortant d'aucune autre pièce du dossier, Mme A... n'est pas fondée à demander une indemnité à ce titre.

Quant aux frais divers :

13. Il n'appartient pas au tribunal de donner acte de réserves concernant l'indemnisation de postes de préjudices qui ne sont ni documentés ni chiffrés. Mme A... n'ayant formulé aucune prétention s'agissant des dépenses de santé qui seraient restées à sa charge et des frais divers, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une quelconque somme à ce titre.

14. Il résulte de ce qui précède que les préjudices patrimoniaux de Mme A... doivent être évalués à la somme de 62 580 euros.

S'agissant des préjudices personnels :

15. Il résulte des rapports d'expertise judiciaire, et eu égard à la date du 1er janvier 2004 retenue comme début des troubles liés au virus de l'hépatite C, que Mme A... a connu une période de déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % du 2 janvier 2004 au 1er juillet 2011, soit 7 ans et 6 mois desquels doivent être retranchés cinq mois d'incapacité en 2005 pour les soins liés à sa prothèse de mollet, de 35 % du 2 juillet 2011 au 23 novembre 2014, soit 3 ans et près de 5 mois, de 50 % du 24 novembre 2014 au 25 février 2015, soit 3 mois et de 20 % du 26 février au 10 août 2015 soit 5 mois et 14 jours. Il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par la requérante en fixant à 19 100 euros l'indemnité destinée à les réparer.

16. Mme A... reste atteinte, en conséquence de sa contamination par le virus de l'hépatite C, d'une fibrose minime de stade F0-F1, d'un syndrome sec et d'un syndrome rhumatoïde. En revanche, son hypothyroïdie diagnostiquée en septembre 2015 ne peut être rattachée avec certitude à l'asthénie liée à la pathologie hépatique. Il y a donc lieu d'indemniser ses troubles de toute nature dans les conditions d'existence sur la base d'un déficit fonctionnel permanent de 10 %, justifiant, pour une femme âgée de 50 ans à la date de consolidation, que lui soit accordée une indemnité d'un montant de 14 000 euros telle que retenue par les premiers juges.

17. Il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par Mme A..., évaluées par l'expert à 3 sur une échelle de 1 à 7, en fixant à 3 600 euros la somme destinée à les réparer.

18. Si l'expert a estimé que Mme A... a subi un préjudice esthétique dont il a évalué le taux à 0,5 sur une échelle de 1 à 7, la nature de ce préjudice n'est cependant pas précisée et ne peut dès lors donner lieu à indemnisation.

19. De même, si l'expert a admis l'existence d'un préjudice d'agrément modéré, la réalité de celui-ci, contestée par l'ONIAM, n'est pas suffisamment documentée par les photographies produites par l'intéressée, alors que Mme A... ne précise pas la nature et la fréquence des activités sportives et de loisirs dont la pratique aurait été limitée du fait de la pathologie hépatique, et alors par ailleurs qu'elle a souffert de problèmes orthopédiques en lien avec ses accidents de la circulation ayant pu expliquer cette privation. Ce poste de préjudice ne peut dès lors donner lieu à indemnisation.

20. L'expert a admis un préjudice sexuel notable, en mentionnant notamment la persistance d'un syndrome de sécheresse vaginale. En l'espèce, il y a lieu d'évaluer ce chef de préjudice en allouant à Mme A... une somme de 2 000 euros telle que retenue par les premiers juges.

[0]21. Il résulte de ce qui précède que les préjudices personnels de Mme A... en lien avec les conséquences dommageables de la contamination transfusionnelle s'élèvent à la somme de 38 700 euros.

22. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme A... en réparation de ses préjudices doit être ramenée à 101 280 euros. Compte-tenu des provisions d'un montant total de 16 846,90 euros qui lui ont été allouées par les ordonnances susvisées du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, l'ONIAM doit verser à Mme A... la somme de 84 433,10 euros.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'indemnité que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme A... est ramenée à 101 280 euros, sous déduction des provisions de 16 846,90 euros qui lui ont été allouées.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 décembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et de l'appel incident de l'ONIAM est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

21TL00466 1

N°21TL00466 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00466
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : PATRICK GONTARD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-06;21tl00466 ?
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