Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
La société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ou, à défaut, de résilier le marché public n° 2019-02 attribué par la commune d'Aulus-les-Bains à la société Arantec Enginheria CEEI, relatif à l'instrumentation du bassin versant du Garbet pour la diminution de la vulnérabilité du village et du camping municipal aux crues torrentielles, et de condamner la commune à lui verser une indemnité de 41 488 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis en raison de son éviction irrégulière de la procédure de passation de ce marché et de mettre à la charge de la commune d'Aulus-les-Bains la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1906793 du 17 juin 2021, ce tribunal a annulé le contrat litigieux et a condamné la commune d'Aulus-les-Bains à verser à la société Ogoxi-Ogoxe la somme de 18 244 euros en réparation du préjudice financier né de son éviction irrégulière de la procédure de passation et a mis à la charge de la commune, au titre des frais de l'instance, une somme de 1 500 euros au bénéfice de la société requérante.
Par un arrêt nos 21TL23426 et 21TL23480 du 8 novembre 2022, la cour a, sur appel de la commune d'Aulus-les-Bains, après avoir constaté le non-lieu à statuer sur la demande de sursis à exécution du jugement n° 1906793 du 17 juin 2021, aux articles 2 et 3, annulé ce jugement et rejeté la demande de la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe.
Par une décision n°470264 du 31 octobre 2023, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe, a annulé les articles 2 à 4 de l'arrêt du 8 novembre 2022 de la cour, a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour et a mis à la charge de la commune d'Aulus-les-Bains une somme de 3 000 euros à verser à la société Ogoxi-Ogoxe en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée initialement au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, le 18 août 2021, puis au greffe de la cour, le 1er mars 2022 et des mémoires, enregistrés les 31 mai et 13 juillet 2022, un mémoire, non communiqué, enregistré le 13 septembre 2022, et, après cassation, des mémoires, enregistrés les 18 mars et 3 mai 2024, la commune d'Aulus-les-Bains, représentée par Me Darribère, de la société civile professionnelle Darribère, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de rejeter l'ensemble des demandes présentées par la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe ;
3°) de dire et juger, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour confirmerait l'annulation du marché et retiendrait que la société par actions simplifiée unipersonnelle Ogoxi-Ogoxe n'était pas non dépourvue de toute chance de remporter le contrat, que la candidate évincée a droit à être remboursée des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ;
4°) de dire et juger, à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour confirmerait l'annulation du marché et retiendrait que la société Ogoxi- Ogoxe avait des chances sérieuses de remporter le contrat, qu'elle ne peut être condamnée à une indemnité supérieure à 3 505 euros en réparation du préjudice financier subi par la société Ogoxi-Ogoxe ;
5°) de mettre à la charge de la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe les entiers dépens ;
6°) de mettre à la charge de la société Ogoxi-Ogoxe, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes de 3 000 et 4 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel.
Elle soutient que :
- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors qu'elle ne s'est pas vu communiquer le document adressé par la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe portant sur la marge nette escomptée par cette dernière dans l'hypothèse où elle se serait vu attribuer le marché ;
- le délai laissé à la société Ogoxi-Ogoxe, justifié par l'urgence à réaliser l'installation du dispositif d'alerte et de détection des crues, pour présenter une offre modifiée était suffisant pour que celle-ci participe effectivement à la phase de négociation de sorte que le principe d'égalité de traitement des soumissionnaires n'a pas été méconnu ; le dirigeant de la société Ogoxi-Ogoxe a manqué à son devoir de diligence en ne réceptionnant pas le pli contenant l'invitation à remettre une offre modifiée dans le cadre de la phase de négociation ;
- la société Ogoxi-Ogoxe, qui n'a présenté aucune offre modifiée dans le délai qui lui était imparti, ne pouvait solliciter l'indemnisation des bénéfices raisonnablement attendus alors même qu'elle se trouvait ainsi privée de toute chance sérieuse d'obtenir le marché ;
- la marge nette retenue par le tribunal pour l'évaluation du préjudice n'est pas justifiée dans son montant.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 octobre et 19 novembre 2021, 16 juin, 13 juillet et 12 septembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué et des mémoires enregistrés, après cassation, les 22 décembre 2023, 12 avril et 10 octobre 2024, la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe, représentée par Me Garnier-Coutild, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête, à ce que la somme de 18 244 euros à laquelle le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune d'Aulus-les-Bains soit assortie des intérêts au taux légal en application de l'article 1231-6 du code civil et sollicite, par la voie de l'appel incident, la condamnation de la commune d'Aulus-les-Bains à lui verser la somme de 1 695,19 euros correspondant au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre, et demande que soit mise à la charge de la commune d'Aulus-les-Bains la somme de 3 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la commune d'Aulus-les-Bains ne sont pas fondés ;
- au surplus, elle disposait d'une chance sérieuse d'obtenir le marché et doit se voir indemniser de son manque à gagner et des frais engagés pour présenter son offre ;
- son modèle économique et notamment, le fait qu'elle dispose d'un logiciel d'alerte liée aux crues qu'elle a elle-même conçu, explique l'importance de son taux de marge nette.
La requête et l'ensemble de la procédure ont été communiquées à la société Arantec Enginheria CEEI, qui n'a pas présenté d'observations en défense.
Par une ordonnance du 10 octobre 2024, la date de clôture d'instruction a été reportée au 12 novembre 2024.
Par un avis du 22 avril 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité du moyen, qui n'est pas d'ordre public, relatif à la régularité du jugement et tenant à la méconnaissance du principe du contradictoire, dans la mesure où il n'a pas été soulevé dans le délai d'appel et constitue une demande nouvelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de commerce ;
- le code des postes et des communications électroniques ;
- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- les observations de Me Darribère, représentant la commune d'Aulus-les-Bains,
- et les observations de Me Garnier-Coutild, représentant la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe.
Une note en délibéré, présentée pour la commune d'Aulus-les-Bains a été enregistrée le 16 mai 2025.
Considérant ce qui suit :
1. La commune d'Aulus-les-Bains, située dans le département de l'Ariège et exposée à risques d'inondation, a lancé, au mois d'avril 2019, une procédure de passation d'un marché, selon une procédure adaptée, pour un système de détection et d'alerte de crues, comportant deux phases : un dépôt d'offres avant négociations, puis un nouveau dépôt après celles-ci. Elle a attribué ce marché d'un montant de 58 638 euros hors taxes à la société Arantec Engihneria CEEI. Saisi par la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe, candidate évincée, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Toulouse a, par une ordonnance du 5 août 2019, annulé la procédure adaptée par laquelle la commune d'Aulus-les-Bains a attribué à la société Arantec Engihneria CEEI le marché public de travaux visant à l'installation d'un réseau de pluviomètres et de limnimètres sur le bassin versant du Garbet afin de diminuer la vulnérabilité de son territoire au risque de crues torrentielles, et a enjoint à la commune de reprendre cette procédure au stade de l'engagement des négociations après la première analyse des offres. Après reprise de la procédure, le conseil municipal a, par une délibération du 27 septembre 2019, décidé d'attribuer le marché à la société Arantec Enginheria CEEI, ce dont la société Ogoxi-Ogoxe a été informée par une lettre du maire du 18 octobre 2019. Saisi par cette dernière société d'un recours en contestation de la validité de ce contrat, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 17 juin 2021, annulé ce marché et condamné la commune à verser à la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe la somme de 18 244 euros en réparation des préjudices résultant de son éviction irrégulière. Sur appel de la commune d'Aulus-les-Bains, la cour administrative d'appel de Toulouse a notamment, par un arrêt du 8 novembre 2022, annulé ce jugement et rejeté la demande de la société Ogoxi-Ogoxe. A la suite du pourvoi en cassation de cette société, formé le 9 janvier 2023, le Conseil d'Etat a annulé les articles 2 à 4 de l'arrêt du 8 novembre 2022 et a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire à la cour. La commune d'Aulus-les-Bains demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse rendu le 17 juin 2021. Par la voie de l'appel incident, la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe conclut, dans le dernier état de ses écritures, à ce que la condamnation de la commune intègre, en outre, une somme de 1 695,19 euros relative aux frais de présentation de son offre.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 611 -1 du code de justice administrative : " Les exigences de la contradiction mentionnées à l'article L. 5 du présent code sont adaptées à celles de la protection du secret des affaires répondant aux conditions prévues au chapitre Ier du titre V du livre Ier du code de commerce. ". Selon l'article L. 151-1 du code de commerce : " Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : / 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; /2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; / 3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret (...) ".
3. Si la commune d'Aulus-les-Bains soutient que le principe du contradictoire, mentionné à l'article L. 5 du code de justice administrative, a été méconnu dès lors qu'elle ne s'est pas vu communiquer les éléments produits par la société par actions simplifiée, en réponse à la mesure d'instruction, adressée le 12 avril 2021, et relatifs à la marge nette escomptée dans l'hypothèse où elle aurait été attributaire du marché, elle n'a soulevé ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, relevant de la régularité du jugement, que dans son mémoire en réplique, enregistré au greffe le 31 mai 2022, soit après l'expiration du délai d'appel. Ainsi, elle a présenté une prétention fondée sur une cause juridique distincte constituant une demande nouvelle qui, ayant été présentée tardivement, n'est pas recevable. Les parties en ayant été informées, il y a lieu de relever d'office l'irrecevabilité de cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le cadre juridique :
4. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.
5. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
6. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 3 du code de la commande publique : " Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2123-1 du même code : " Une procédure adaptée est une procédure par laquelle l'acheteur définit librement les modalités de passation du marché, dans le respect des principes de la commande publique et des dispositions du présent livre, à l'exception de celles relatives à des obligations inhérentes à un achat selon une procédure formalisée. ". Aux termes de l'article R. 2123-4 du même code : " Lorsqu'il recourt à une procédure adaptée, l'acheteur en détermine les modalités en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2143-1 du même code : " L'acheteur fixe les délais de réception des candidatures en tenant compte de la complexité du marché et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leur candidature ". Aux termes de l'article R. 2151-1 de ce code : " L'acheteur fixe les délais de réception des offres en tenant compte de la complexité du marché et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leur offre ".
7. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, dans le cadre d'une procédure adaptée, l'acheteur fixe les délais de réception des candidatures et des offres, y compris le cas échéant après négociation, en tenant compte de la complexité du marché et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leur offre, dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux : " En cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, un avis du prestataire informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré ".
9. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le destinataire du pli recommandé avec avis de réception le retire au bureau de poste durant le délai de mise en instance de quinze jours, la date de notification de ce pli est celle de son retrait. En cas de retour du pli à l'administration au terme du délai de mise en instance, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste.
10. En dernier lieu, pour apprécier le caractère suffisant du délai de réception des offres dans le cadre d'une procédure adaptée en application des dispositions de l'article R. 2143-1 du code de la commande publique citées au point 6, il convient de se placer à la date de notification des plis contenant la date limite de présentation des offres en application des principes tenant à la réception des courriers avec avis de réception rappelés au point précédent.
11. Il résulte de l'instruction que la commune d'Aulus-les-Bains a, en exécution de l'ordonnance du juge des référés, rendue le 5 août 2019, adressé à chaque candidat, le 19 août 2019, un premier courrier recommandé avec avis de réception engageant une phase de négociation, les invitant à présenter une offre modifiée au plus tard le 2 septembre suivant, et les informant qu'à défaut ils seraient regardés comme maintenant leur offre initiale. A la suite de la réception d'un courrier du gérant de la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe daté du 29 août 2019 informant la commune d'un problème de réception de ce pli, l'office national des forêts a, en sa qualité d'assistant à la maîtrise d'ouvrage de la commune, envoyé à cette société un second courrier recommandé avec avis de réception daté du 5 septembre, reportant l'échéance au 9 septembre suivant, qui a été reçu par la société le 16 septembre suivant, soit dans le délai de quinze jours de sa mise en instance au bureau de poste mais postérieurement au délai fixé par le pouvoir adjudicateur. Compte tenu de la relative technicité du marché d'instrumentation, mais au regard de la période estivale et du délai dont disposaient les soumissionnaires pour retirer le nouveau pli, adressé avec demande d'avis de réception, la société par actions simplifiée, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, n'a pas disposé d'un délai suffisant pour déposer son offre modifiée.
12. Au regard de la nature du manquement relevé, c'est-à-dire du non-respect par le pouvoir adjudicateur de ses obligations en matière de mise en concurrence qui est à l'origine d'une inégalité de traitement entre candidats dans l'attribution du marché litigieux, la commune d'Aulus-les-Bains n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulouse a retenu qu'il était de nature à entraîner l'annulation de ce marché public.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation de la candidate évincée :
13. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat, il appartient au juge de vérifier d'abord si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. Dans l'affirmative, il n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient, d'autre part, de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Dans un tel cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.
14. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 7 à 12, la commune d'Aulus-les-Bains, en ne lui ne donnant pas un délai suffisant pour rendre son offre modifiée, n'a pas permis à la société Ogoxi-Ogoxe de participer effectivement à la phase de négociation, l'a, ce faisant, évincée irrégulièrement et a donc commis une faute.
15. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'offre de la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe a été classée deuxième sur quatre offres, à l'issue de la première phase, avec une note globale de 85,5 points contre 88,32 points pour l'attributaire, en obtenant notamment la note maximale sur le critère du prix. En outre, au regard des éléments versés aux débats, l'intimée justifie qu'elle était en mesure de faire progresser sa note relative aux sous-critères du critère de la valeur technique, portant sur la méthodologie employée et le délai d'exécution des travaux notamment dans la mesure où elle proposait désormais un délai d'exécution inférieur d'une semaine à celui initialement proposé. Par suite, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe établit qu'elle avait une chance sérieuse d'emporter le marché si l'irrégularité ayant conduit à son éviction n'avait pas été commise.
16. En troisième lieu, pour justifier de la réalité de son manque à gagner, la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe verse aux débats, par rapport au prix des prestations proposé de 36 488 euros, un tableau retraçant le bénéfice net évalué à la somme totale de 19 392 euros, dont 17 031 euros pour la tranche ferme et 2 361 euros pour l'option n°2, correspondant à des marges opérationnelles respectives de 54% et de 46%, avant déduction de l'impôt sur les sociétés, document assorti d'une attestation établie, le 7 octobre 2024, par un expert-comptable et commissaire aux comptes, qui n'a eu aucune observation à formuler sur la cohérence des informations ainsi délivrées par le président de la société. Pour contester le taux retenu, la commune d'Aulus-les-Bains relève que le taux de marge nette de la société attributaire est très inférieur en ce qu'il s'établit à 9%. En outre, elle produit l'étude intitulée " analyse des marges nettes du marché du dispositif d'alerte local contre les crues ", réalisée, le 15 mars 2024, par l'office national des forêts, en charge d'une mission d'assistance au maître d'ouvrage, qui souligne certaines incohérences notamment celle selon laquelle le coût de revient de l'installation du dispositif par le concurrent évincé est inférieur au coût des fournitures de la société attributaire et ne représente que 42% du coût total supporté par ce dernier. Pour autant, la société intimée justifie, d'une part, par la spécificité de son modèle économique, qui repose sur l'achat de matériel de surveillance des crues, sans acquisition d'un logiciel dans la mesure où elle a développé son propre logiciel et, d'autre part, les documents versés aux débats, du caractère réduit du coût de fournitures et par là même du caractère substantiel du taux de marge nette, à l'instar du leader du marché des dispositifs d'alerte anti-crues, dont le taux de marge atteint plus de 70%. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner de la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe en l'évaluant à 50 % du bénéfice escompté, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif de Toulouse.
17. En dernier lieu, ce manque à gagner inclut les frais de présentation de l'offre, qui n'ont pas, ainsi qu'il a été rappelé au point 13, et contrairement aux allégations de l'intimée, à faire l'objet d'une indemnisation spécifique. Les conclusions présentées par cette dernière, par la voie de l'appel incident, tendant à ce que l'indemnisation intègre également une somme représentant ces frais de présentation, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Aulus-les-Bains n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser à la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe une indemnité de 18 244 euros et a mis à sa charge, au titre des frais de l'instance, une somme de 1 500 euros.
En ce qui concerne les intérêts :
19. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.
20. En vertu de ces dispositions, les intérêts au taux légal courront sur la somme mentionnée au point 18, à compter de la date de réception par la commune d'Aulus-les-Bains de la réclamation indemnitaire préalable adressée, le 27 novembre 2019, par la société Ogoxi-Ogoxe.
Sur les frais liés aux litiges :
En ce qui concerne la demande de remboursement des dépens :
21. En l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, la commune d'Aulus-les-Bains n'est pas fondée, en tout état de cause, à en solliciter le remboursement.
En ce qui concerne les frais liés au litige de première instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe, qui n'est pas la partie perdante, la somme que sollicite la commune d'Aulus-les-Bains au titre des frais exposés et non compris dans les dépens devant le tribunal administratif de Toulouse en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
En ce qui concerne les frais liés à l'instance d'appel :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, la somme que sollicite la commune d'Aulus-les-Bains au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Aulus-les-Bains, sur le même fondement, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Aulus-les-Bains est rejetée.
Article 2 : La somme de 18 244 euros que la commune d'Aulus-les-Bains a été condamnée à verser à la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe portera intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la commune de la réclamation indemnitaire préalable adressée, le 27 novembre 2019, par la société Ogoxi-Ogoxe.
Article 3 : Le jugement n° 1906793 du 17 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : La commune d'Aulus-les-Bains versera la somme de 1 500 euros à la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aulus-les-Bains, à la société Arantec Enginheria CEEI et à la société par actions simplifiée Ogoxi-Ogoxe.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de l'Ariège en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°23TL02527 2