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20/05/2025 | FRANCE | N°23TL01946

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 20 mai 2025, 23TL01946


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 12 octobre 2021 par laquelle le conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins a refusé de transmettre sa plainte contre le docteur ... à la chambre disciplinaire de première instance d'Occitanie de l'ordre des médecins, d'enjoindre au conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins de déférer le docteur ... devant la chambre disciplinaire de première instance

d'Occitanie de l'ordre des médecins ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande et de m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 12 octobre 2021 par laquelle le conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins a refusé de transmettre sa plainte contre le docteur ... à la chambre disciplinaire de première instance d'Occitanie de l'ordre des médecins, d'enjoindre au conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins de déférer le docteur ... devant la chambre disciplinaire de première instance d'Occitanie de l'ordre des médecins ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande et de mettre à la charge du conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2106748 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2023, M. A... B..., représenté par Me Manya, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 mai 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 12 octobre 2021 par laquelle le conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins a refusé de transmettre sa plainte contre le docteur ... à la chambre disciplinaire de première instance ;

3°) de mettre à la charge du conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins de l'Hérault une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier juge n'a pas correctement qualifié les faits de l'espèce en retenant, pour écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation, que la décision de ne pas traduire le docteur ... devant la chambre disciplinaire n'était pas une décision d'ordre déontologique, et en n'accueillant pas le moyen tiré de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée en droit et en fait dès lors qu'elle n'expose pas les textes concernés ni les raisons pour lesquelles le code de déontologie n'a pas été enfreint ;

- le conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins s'est cru en situation de compétence liée, n'a pas statué sur la demande qu'il a formulée et a omis de prendre en compte les articles 34, 35 et 76 du code de déontologie des médecins.

Un mémoire accompagné du procès-verbal de la séance du 12 octobre 2021, présenté par le conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins de l'Hérault a été enregistré le 5 février 2024 .

Par ordonnance du 4 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., policier municipal à Corneilhan (Hérault), a porté plainte à l'encontre du docteur ..., médecin territorial, auprès du conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins, qui a refusé, par une décision du 12 octobre 2021, de traduire le docteur ... devant la chambre disciplinaire de première instance d'Occitanie de l'ordre des médecins. Par jugement du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B... d'annulation de cette décision. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, les moyens tirés des erreurs de qualification qu'auraient commises les premiers juges, qui se rapportent au bien-fondé du jugement et non à sa régularité, ne peuvent être utilement invoqués.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique : " Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d'au moins trois de ses membres. / (...) Lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe le médecin (...) mis en cause et les convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant./ (...) ". Par dérogation à ces dispositions, l'article L. 4124-2 du code de la santé publique prévoit, s'agissant des médecins chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre, qu'ils " ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit./ (...) ". Les personnes et autorités publiques mentionnées à cet article ont seules le pouvoir de traduire un médecin chargé d'un service public devant la juridiction disciplinaire à raison d'actes commis dans l'exercice de cette fonction publique. En particulier, un conseil départemental de l'ordre des médecins exerce, en la matière, une compétence propre et les décisions par lesquelles il décide de ne pas déférer un médecin devant la juridiction disciplinaire peuvent faire directement l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative.

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 4127-112 du code de la santé publique :

" Toutes les décisions prises par l'ordre des médecins en application du présent code de déontologie doivent être motivées. / Celles de ces décisions qui sont prises par les conseils départementaux peuvent être réformées ou annulées par le conseil national soit d'office, soit à la demande des intéressés ; celle-ci doit être présentée dans les deux mois de la notification de la décision ". Lorsque l'attention du conseil départemental de l'ordre des médecins a été attirée, par un particulier, sur un acte réalisé, au titre de ses fonctions publiques, par un médecin chargé d'un service public, la décision par laquelle cette autorité retient qu'il n'y a pas lieu de traduire ce médecin devant la juridiction disciplinaire, laquelle procède de l'exercice du large pouvoir d'appréciation dont il dispose quant à l'opportunité d'engager une telle procédure, ne constitue pas, à l'égard du particulier concerné, une décision administrative individuelle défavorable, au sens et pour l'application de l'article de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Ainsi, elle n'a pas à être motivée en application de cet article. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, si le conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins rappelle dans la décision attaquée qu'en application de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique, un médecin ne peut être traduit devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de sa fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit, la décision attaquée de ne pas déférer le docteur ... devant la chambre disciplinaire de première instance, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de la séance du 12 octobre 2021, se fonde sur ce que les faits en cause ne sont pas détachables de la mission qui a été confiée à cette praticienne et que cette dernière n'a pas enfreint le code de déontologie. Dès lors, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins s'est cru en situation de compétence liée, ni qu'il n'a pas statué sur sa demande. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 4127-34 du code de la santé publique : " Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution. ". Aux termes de l'article R. 4127-35 du même code : " Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. (...) ". Aux termes de l'article R. 4127-76 du même code : " L'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. / Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci. ".

7. D'une part, M. B..., qui conteste les conditions d'émission d'un certificat médical quant à son aptitude à la reprise du travail, ne peut utilement invoquer les dispositions des articles R. 4127-34 et R. 4127-35 du code de la santé publique dès lors que ne sont pas en cause ici la clarté dans la formulation de prescriptions, ni l'information donnée par le médecin au patient quant aux investigations et soins proposés. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été examiné le 2 août 2021 par le docteur ..., alors assistée du docteur ..., lequel devait la remplacer à compter de septembre 2021, et s'est vu remettre à l'issue de cet examen un certificat d'aptitude à la reprise du travail à mi-temps pour une durée de trois mois, dont il soutient qu'il était signé par les deux médecins. Ni la circonstance qu'a été ultérieurement communiqué à M. B..., sur sa demande du fait de la perte du premier document, un second certificat signé par le docteur ..., et non plus signé par ces deux médecins, ni celle qu'ait été ajoutée, dans le second certificat, une mention concernant l'inaptitude de l'intéressé au port d'arme, qui n'est pas contradictoire, ne révèlent un manquement du praticien à ses obligations déontologiques, alors qu'il n'est pas établi que le docteur ... serait entrée en contact avec la commune pour l'établissement de ce second certificat, de sorte que la partialité du praticien n'est pas démontrée. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins n'a pas pris en compte les obligations déontologiques du médecin découlant des articles R. 4127-34, R. 4127-35 et R. 4127-76 du code de la santé publique.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Sur les frais exposés à l'occasion du litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au conseil départemental de l'Hérault de l'ordre des médecins.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.

La rapporteure,

V. Dumez-Fauchille

La présidente,

A. Geslan-DemaretLa greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°23TL01946


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01946
Date de la décision : 20/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-04-007 Professions, charges et offices. - Discipline professionnelle. - Compétences des organismes ordinaux en matière de discipline professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Virginie Dumez-Fauchille
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : MANYA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-20;23tl01946 ?
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