Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D..., Mme G... D..., M. E... D..., M. C... D... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse à titre principal, de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Toulouse et son assureur la société Axa France IARD à leur verser la somme totale de 907 997,97 euros en réparation des chefs de préjudices qu'ils estimaient avoir subis en raison des fautes commises durant la prise en charge de M. B... D..., subsidiairement, si l'aléa thérapeutique devait être retenu par le tribunal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à les indemniser à hauteur de 35% de leurs préjudices, et de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à les indemniser à hauteur de 35% de leurs préjudices en raison de sa faute, et de mettre à la charge du centre hospitalier de Toulouse et de son assureur la société Axa France IARD, la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Montpellier la requête présentée par les consorts D....
Par un jugement n° 2025363 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a mis l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales hors de cause, a condamné solidairement le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société Axa France IARD à verser la somme totale de 142 901,56 euros à M. B... D..., sous déduction de la somme de 160 000 euros versée à titre provisionnel, ainsi que les sommes de 3 669,81 euros à Mme G... D..., 1 469,81 euros à M. E... D..., 1 319,81 euros à M. C... D... et 1 319,81 euros à M. A... D..., a condamné le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 56 009,43 euros en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2020, ainsi que le remboursement des frais futurs exposés par elle au titre des dépenses de santé de M. D... dans la limite d'un montant annuel de 14 542,74 euros et la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis solidairement à la charge du centre hospitalier de Toulouse et de la société Axa France IARD une somme globale de 1 500 euros à verser aux consorts D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse une somme de 500 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie sur le fondement des mêmes dispositions et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2023, M. B... D..., Mme G... D..., M. E... D..., M. C... D... et M. A... D..., représentés par Me Guettard, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2023 en ses articles 2 et 8 ;
2°) de tenir compte d'un taux de perte de chance de 70% imputable au centre hospitalier universitaire de Toulouse et de condamner solidairement ce dernier et son assureur la société Axa France IARD à leur verser la somme totale de 979 401,32 euros au titre des préjudices subis directement par M. D..., et les sommes de 18 000 euros, 10 000 euros, 8 000 euros et 8 000 euros au titre des préjudices respectivement subis par Mme D..., M. E... D..., M. C... D... et M. A... D... en leur qualité de victimes indirectes ;
3°) de mettre solidairement à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse et de son assureur la société Axa France IARD une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les dépens.
Ils soutiennent que :
Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Toulouse :
- la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Toulouse est engagée sur le fondement de la faute pour défaut de surveillance post-opératoire, retard de diagnostic et retard de prise en charge ; l'état antérieur de M. D... n'a concouru au dommage qu'à hauteur de 30%, la perte de chance d'éviter l'amputation imputable au centre hospitalier universitaire de Toulouse doit être fixée à 70% ;
Sur l'évaluation des préjudices :
- M. B... D... a subi des préjudices évalués à 7 929,50 euros au titre de l'aide humaine temporaire, à 1 512 euros au titre de l'aide humaine temporaire pour le jardinage et le bricolage, à 1 320 euros au titre des frais liés à la défense compte tenu du recours à l'assistance d'un médecin-conseil ;
- Mme D..., M. E... D..., M. C... D... et M. A... D... ont subi un préjudice évalué à la somme globale de 11 597,46 euros au titre des frais de déplacement exposés lors des périodes d'hospitalisation de M. B... D... ;
- M. B... D... doit être indemnisé de ses préjudices patrimoniaux permanents à hauteur de 18 015,07 euros au titre de ses dépenses de santé futures, de 108 476,29 euros au titre des frais d'adaptation de son logement, de 78 773,46 euros au titre des frais liés à l'acquisition d'un véhicule adapté, de 305 873,05 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne, de 116 787,89 euros au titre des frais de bricolage et de jardinage et de 69 516,60 euros au titre des frais d'entretien de ses volières ;
- concernant les préjudices patrimoniaux temporaires, M. B... D... a subi des préjudices évalués à 12 600 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, à 80 000 euros au titre des souffrances endurées, et de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
- les préjudices patrimoniaux permanents subis par M. B... D... doivent être évalués à 110 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, à 20 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, à 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément et à 12 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
- le préjudice d'affection subi par les victimes indirectes peut être évalué et indemnisé respectivement à 15 000 euros pour Mme D..., l'épouse de M. B... D..., 10 000 euros pour M. E... D..., 8 000 euros pour M. C... D... et 8 000 euros pour M. A... D..., ses trois fils.
Par des mémoires enregistrés le 27 juillet 2023 et le 9 avril 2024, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, représentée par Me Noy, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
- de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a condamné le centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui rembourser la somme de 56 009,43 euros selon le mode de versement et le taux de perte de chance de 30 % retenus et à lui verser une somme au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et une somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- d'actualiser en cause d'appel l'indemnité forfaitaire de gestion à 1 191 euros ;
- de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a condamné le centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui rembourser, au prorata du taux de perte de chance, et avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2020 le montant des " dépenses de santé futures ", mais d'actualiser le montant de ces dépenses à la somme de 484 878,19 euros ;
- de mettre à la charge de la partie succombant en appel d'une somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles exposés.
Elle fait valoir que :
- le poste des " dépenses de santé actuelles " s'élève à la somme de 186 698,11 euros, comme l'ont évalué les premiers juges ;
- la somme devant lui être remboursée par le centre hospitalier universitaire de Toulouse au titre des dépenses de santé futures doit être actualisée compte tenu des débours effectivement exposés depuis la date de consolidation de l'état de santé de M. D... ; le poste des " dépenses de santé futures " exposées à compter de la consolidation de l'état de santé de M. D... s'élève ainsi à 484 878,19 euros, et se ventile comme suit : 80 921 euros en frais échus jusqu'au 27 octobre 2023, et 403 957,19 euros en frais futurs à échoir ;
- elle s'en remet à justice quant au mode de versement de la somme ;
- l'indemnité forfaitaire de gestion doit être réévaluée à 1 191 euros en application de l'article 1er de l'arrêté du 18 décembre 2023.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2023, le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société anonyme Axa France IARD, représentés par Me Cara, demandent à la cour :
- de confirmer le jugement attaqué dans son application du taux de perte de chance de 30% correspondant à la part imputable au retard de prise en charge et dans son évaluation des préjudices constitués par les dépenses de santé actuelles, les frais de déplacement, les frais de défense par médecin conseil, du préjudice esthétique permanent, du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel et des préjudices d'affection des proches de M. D... ;
- de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a condamné le centre hospitalier universitaire de Toulouse à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sa créance à hauteur de 56 009,43 euros et à lui rembourser annuellement les frais futurs liés à la santé de M. D... dans la limite d'un montant de 14 542,74 euros, subsidiairement de moduler le capital correspondant aux frais futurs de la caisse ;
- d'infirmer le jugement en ce qui concerne les sommes qu'ils ont été condamnés à verser au titre de l'assistance temporaire par tierce personne, des dépenses de santé futures, des frais de véhicule adapté, de l'assistance permanente par tierce personne, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et du déficit fonctionnel permanent, et de modérer les demandes relatives à ces postes ;
- d'ordonner le versement des sommes en lien avec l'assistance définitive par tierce personne sous forme d'une rente annuelle ;
- de rejeter les demandes relatives aux frais d'adaptation du logement et, à titre subsidiaire, de modérer ces demandes ;
- de modérer les demandes faites au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- la part du dommage imputable au retard de prise en charge de M. D... par les services de l'hôpital doit être évaluée à 30% compte tenu de l'aléa et de l'état antérieur du patient, comme l'ont retenu les premiers juges ;
- le jugement doit être confirmé concernant l'indemnisation du préjudice esthétique permanent, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel, les frais de transport et les préjudices subis par les proches de M. D..., les dépenses de santé actuelles ;
- la demande de M. D... au titre de l'aide humaine temporaire doit être ramenée à la somme de 1 294,80 euros, pour tenir compte des seuls jours inclus dans le déficit fonctionnel temporaire partiel, qui exclut les jours d'hospitalisation de l'intéressé ;
- la réalité du préjudice relatif à l'aide humaine temporaire pour le jardinage et le bricolage n'est pas démontrée ;
- il y a lieu d'appliquer le taux de perte de chance de 30% à la somme allouée à M. D... au titre des frais de défense ;
- la demande de M. D... au titre des dépenses de santé futures doit être modérée, compte tenu du reste à charge de 651,19 euros concernant l'acquisition d'un fauteuil roulant, lequel doit être renouvelé tous les cinq ans ;
- la demande de M. D... au titre des frais de logement adapté doit être rejetée, comme l'ont fait les premiers juges ; subsidiairement, la demande doit être modérée en retranchant de la somme demandée les frais liés à l'aménagement d'une piscine extérieure, dont la nécessité n'est pas justifiée ;
- la nécessité d'un véhicule adapté n'est pas contestée, mais l'achat d'un nouveau véhicule n'est pas justifié ; il peut être alloué à M. D... un forfait de 8 000 euros pour participer à la prise en charge du nouveau véhicule et une somme de 2 619,93 euros au titre des frais d'aménagement de ce véhicule, en sus d'une rente annuelle pour tenir compte d'un renouvellement du véhicule tous les 7 ans, sommes sur lesquelles doit être appliqué le taux de perte de chance de 30 % ;
- la demande de M. D... concernant l'assistance par tierce personne permanente doit être modérée et ramenée à 31 122 euros pour les arrérages échus, en tenant compte d'un quantum de 14 heures hebdomadaires et d'un coût horaire de 13 euros, tandis que les arrérages échus doivent être versés par une rente trimestrielle de 778,05 euros ;
- la somme allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire doit être modérée en tenant compte d'une valeur de 18 euros par jour ;
- la demande de M. D... au titre des souffrances endurées est disproportionnée ; ce poste doit être évalué à 23 000 euros et donner lieu à une indemnisation de 6 900 euros après application du taux de perte de chance ;
- la somme allouée au titre du déficit fonctionnel permanent doit être modérée et ramenée à 26 100 euros, après application du taux de perte de chance, compte tenu d'un déficit évalué par l'expert à 50% et de l'âge de M. D... à la date de la consolidation ;
- il est pris acte de l'évaluation du préjudice esthétique temporaire à 4/7, mais l'indemnisation à verser à ce titre doit être ramenée à 900 euros après application du taux de perte de chance ;
- concernant la créance de la caisse primaire d'assurance maladie, les modalités de remboursement fixées par le jugement, sous forme de rente annuelle dont le montant doit tenir compte du justificatif des débours effectivement versés, doivent être confirmées ; subsidiairement, si le mode de la capitalisation était retenu, le capital à verser devrait être évalué à 47 091,29 euros ;
- les demandes présentées par la caisse primaire d'assurance maladie et par les consorts D... au titre des frais irrépétibles doivent être modérées.
Par ordonnance du 15 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Guettard, représentant M. B... D... et autres, et de Me Montamat, représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société Axa France IARD.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D..., né en 1949, a subi une lobectomie pulmonaire programmée le 16 avril 2012 au centre hospitalier universitaire de Toulouse (Haute-Garonne), sur le site de l'hôpital Larrey, en raison de la découverte d'un adénocarcinome papillaire primitif bronchique lingulaire. Les suites post-opératoires ont été compliquées par une ischémie du membre inférieur droit, nécessitant une intervention en urgence au service de chirurgie vasculaire de Rangueil le 17 avril 2012, consistant en une thrombectomie du pontage inter-fémoral et du pontage prothéto-fémoral commun, ainsi qu'une aponévrotomie de décharge d'une rhabdomyolyse, suivie, le 18 avril 2012, d'une nouvelle intervention pour récidive ischémique du membre inférieur droit. En raison d'une évolution défavorable, M. D... a dû subir en dernier lieu une amputation à hauteur de la cuisse droite le 19 décembre 2012. Par courrier du 7 août 2020, reçu le 12 août 2020, les consorts D... ont adressé une réclamation indemnitaire préalable au centre hospitalier universitaire de Toulouse, laquelle a été implicitement rejetée. Par jugement du 13 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a condamné solidairement le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société Axa France IARD, son assureur, à verser la somme de 142 901,56 euros à M. B... D..., sous déduction de la somme de 160 000 euros versée à titre provisionnel, ainsi que les sommes de 3 669,81 euros à Mme G... D..., 1 469,81 euros à M. E... D..., 1 319,81 euros à M. C... D... et 1 319,81 euros à M. A... D... et a rejeté le surplus de leurs demandes. Par ce même jugement, le tribunal administratif de Montpellier a en outre condamné le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 56 009,43 euros en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2020, ainsi qu'au remboursement des frais futurs exposés par elle au titre des dépenses de santé de M. D... dans la limite d'un montant annuel de 14 542,74 euros et la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Les consorts D... relèvent appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, la caisse primaire d'assurance maladie, d'une part, et le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société Axa France IARD, d'autre part, demandent la réformation de ce jugement.
Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Toulouse :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, (...) tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
3. En raison de la découverte d'un adénocarcinome papillaire primitif bronchique lingulaire, M. D... a subi une lobectomie pulmonaire le 16 avril 2012 au centre hospitalier universitaire de Toulouse, sur le site de l'hôpital Larrey. Le lendemain matin, vers 7 h30, le chirurgien ayant pratiqué l'intervention a constaté, d'après son compte-rendu, une ischémie aiguë des membres inférieurs associée de douleurs et au matin, un membre violacé devenu insensible et glacé. M. D... a été transféré au service de chirurgie vasculaire du site de Rangueil, au sein duquel il a subi le jour même une thrombectomie du pontage inter-fémoral, un pontage prothétique ainsi qu'une aponévrotomie de décharge. En raison d'une récidive ischémique du membre inférieur droit, il a subi deux nouvelles interventions le 18 avril 2012, à la suite desquelles sont diagnostiquées une thrombose veineuse profonde du membre inférieur droit et une nécrose musculaire. En raison de l'aggravation de l'état de sa jambe droite, M. D... a subi une amputation du cinquième orteil le 19 juillet 2012, du pied droit le 26 août 2012, une amputation transtibiale le 7 décembre 2012 et une amputation de la cuisse droite le 19 décembre 2012. Il résulte de l'instruction que le chirurgien ayant examiné M. D... le 17 avril 2012 au matin a effectué une incision des aponévroses en raison de la rhabdomyolyse qui signifiait que l'ischémie affectant la jambe droite remontait à largement plus de 6 heures, soit une durée au-delà de laquelle la récupération du membre est compromise. Or, d'une part, les antécédents connus du patient, relatifs à des thromboses, devaient conduire à une surveillance particulière du service en charge du suivi post-opératoire, d'autre part, il n'est pas contesté qu'en salle de réveil, à l'issue de l'intervention pratiquée le 16 avril 2012, M. D... a signalé ressentir des douleurs très importantes au niveau de sa jambe droite, qu'il ne parvenait pas à bouger, ce qui a été décrit par le médecin anesthésiste de permanence, comme des douleurs normales en post-opératoires, liées à la position sur la table d'opération, alors que ces signalements de douleurs, combinés à la connaissance des antécédents de M. D..., auraient dû alerter le service en faveur d'une surveillance étroite. Dès lors que ce n'est que le lendemain matin, à 7h30, que l'ischémie aiguë du membre inférieur droit a été constatée, le défaut de surveillance des complications post-opératoires et le retard dans la prise en charge des complications survenues sont établis et constituent d'une négligence fautive du centre hospitalier universitaire de Toulouse, de nature à engager sa responsabilité.
Sur la perte de chance :
4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
5. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, en date du 20 novembre 2013, et du rapport de l'expert judiciaire désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse du 24 novembre 2016 que l'état antérieur de M. D... présentait des facteurs de risque vasculaire, à savoir, dyslipidémie, surcharge pondérale, tabagisme, antécédents de thromboses veineuses, ayant nécessité des interventions chirurgicales à plusieurs reprises, ce qui était de nature à augmenter le risque de complications post-opératoires. Par ailleurs, M. D... a dû cesser la prise de son traitement anticoagulant, qui empêche la formation de caillots, en raison de l'intervention de lobectomie programmée le 16 avril 2012, cet arrêt de traitement étant recommandé compte tenu du risque hémorragique de l'opération de lobectomie, comme en conviennent les experts consultés. Or cette opération était elle-même nécessaire du fait de la découverte d'un adénocarcinome papillaire primitif bronchique lingulaire. Dans ces conditions, le défaut de surveillance post-opératoire et le retard dans la prise en charge de l'ischémie aiguë de la jambe droite qui en a résulté ont concouru à l'évolution péjorative du membre inférieur droit de M. D..., laquelle résulte aussi de l'état antérieur pathologique du patient, en présence de comorbidités, et de la réalisation d'un aléa lié à l'arrêt du traitement anticoagulant. Par suite, la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Toulouse, du fait du défaut de surveillance post-opératoire et du retard de prise en charge des complications survenues, doit être engagée à raison d'une perte de chance pour M. D... d'éviter l'amputation qu'il y a lieu d'évaluer, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, à 30%.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices subis par M. B... D..., victime directe :
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
Quant à l'aide humaine temporaire :
6. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
7. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il appartient ensuite au juge de déduire du montant de l'indemnité ou de la rente allouée à la victime au titre de l'assistance par tierce personne les prestations ayant pour objet la prise en charge de tels frais. Cette déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune.
8. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du docteur F... du 29 mars 2016 relatif à l'évaluation des préjudices, que le besoin d'assistance temporaire par une tierce personne dont a eu besoin le requérant doit être estimé à deux heures par jour par une aide non spécialisée, et à deux heures par semaine pour du jardinage et du bricolage, pendant la période de déficit temporaire partiel courant du 17 avril 2012 au 20 novembre 2013, soit, compte tenu de la durée d'hospitalisation de M. D... au cours de cette période, pendant 166 jours.
9. D'une part, s'agissant de l'aide non spécialisée, il y a lieu de retenir un taux horaire de 13 euros, et ce sur une base de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail. A cet égard, les appelants ne contestent pas utilement ce taux horaire, déjà retenu par les premiers juges, par la seule production d'une facture, émise par une association de prestations de service à domicile, qui mentionne un coût total horaire de 21,9 euros mais dont moins de la moitié reste à la charge de M. D.... Les frais liés à l'assistance temporaire par une tierce personne non spécialisée doivent ainsi être évalués à la somme globale de 4 872 euros, et doivent donner lieu, après application du taux de perte de chance, à une indemnisation à hauteur de 1 461,53 euros ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
10. D'autre part, s'agissant de l'aide spécialisée en jardinage et bricolage, il y a lieu de retenir le taux horaire de 18 euros. Les appelants ne justifient pas d'un coût horaire supérieur par la production d'une unique facture relative à des prestations d'entretien du jardin, datée du 29 mai 2013, d'un montant de 400 euros, et portant la mention manuscrite d'un paiement de cette somme trois fois par an. Les frais liés à l'assistance temporaire par une tierce personne pour le jardinage et le bricolage doivent ainsi être évalués à la somme globale de 963,64 euros, et doivent donner lieu, après application du taux de perte de chance, à une indemnisation à hauteur de 289,09 euros ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
Quant aux frais liés à la défense :
11. M. D... justifie avoir exposé des frais d'assistance d'un médecin-conseil lors des opérations d'expertise d'un montant de 1 312 euros, qu'il y a lieu d'indemniser dans leur intégralité ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
Quant aux dépenses de santé futures :
12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. D... doit appliquer localement sur le moignon fémoral, deux fois par jour, une crème de type Cold Dream, dont le coût mensuel est estimé à 14,20 euros suivant la facture produite. Les arrérages échus entre la date de consolidation et la présente décision doivent être évalués à la somme de 1 959,60 euros. Pour la période postérieure à la date de mise à disposition de la présente décision, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en l'évaluant à 1 178,12 euros sur la base du montant de l'euro de rente, fixé à 10,435 par le barème publié par la Gazette du palais en 2025 pour un homme âgé de 76 ans. Dès lors, après application du taux de perte de chance, ce poste de préjudice doit être indemnisé à hauteur de la somme globale de 1 121,32 euros.
13. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. D... nécessite l'usage d'un fauteuil roulant. Compte tenu des factures produites par les appelants, en date du 8 février 2019 et du 10 août 2022, de montants respectifs de 4 139,14 euros et 6 572,60 euros, pour cet équipement, du montant restant à la charge de M. D..., après déduction de la part de remboursement de la caisse primaire d'assurance maladie laquelle s'élevait à 651,19 euros en 2019 et à 3 790,84 euros en 2022, de ce que, par ailleurs, un fauteuil était nécessaire dès 2013, les arrérages échus entre la date de consolidation et la présente décision doivent être évalués à 4 442,03 euros. Pour la période postérieure à la date de mise à disposition de la présente décision, eu égard à la date du prochain renouvellement du fauteuil en 2027, compte tenu d'un renouvellement tous les cinq ans, M. D... sera âgé de 78 ans. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en l'évaluant à 6 247,32 euros, par application, à un cinquième du coût d'acquisition du fauteuil en 2022, restant à la charge de M. D..., soit 758,17 euros, du montant de l'euro de rente, fixé à 8,24 par le barème publié par la Gazette du palais en 2025 pour un homme âgé de 78 ans. Dès lors, après application du taux de perte de chance sur le montant total de 10 689,35 euros, ce poste de préjudice doit être indemnisé à hauteur de la somme globale de 3 206,81 euros.
Quant aux dépenses consécutives à la réduction d'autonomie :
14. En premier lieu, lorsque le préjudice à réparer consiste dans l'aménagement du domicile de la victime, il ouvre droit à son indemnisation alors même que la victime n'a pas avancé les frais d'aménagement.
15. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du 29 mars 2016 relatif à l'évaluation des préjudices, qui s'appuie sur les conclusions du sapiteur en ergothérapie consulté pour les besoins de l'expertise, que l'état de santé de M. D... nécessite l'adaptation de son logement tenant à l'aménagement de l'accès au domicile par la modification de l'escalier extérieur et la pose de rampes et de barres d'appui, à la modification des toilettes et de la porte d'accès, à la pose d'une douche à l'italienne avec assise et barres d'appui dans la salle de bain, à la création d'une liaison du garage à la cuisine par un élévateur vertical, à l'élargissement des portes intérieures au domicile et à la présence d'une rampe amovible permettant de circuler entre les pièces. En revanche, la construction d'une piscine extérieure et la mise en place d'un siège élévateur d'accès ne sont pas rendus nécessaires par le handicap de M. D... et ne peuvent être indemnisées au titre de l'adaptation du logement, et ce, en dépit des bienfaits de séance de piscine pour M. D..., et de l'absence de rampe d'accès à la piscine de Léguevin, laquelle ne dispose d'ailleurs que d'un bassin estival. En effet, M. D... n'établit pas ne pas pouvoir se rendre dans d'autres établissements de bains adaptés. Par ailleurs le caractère nécessaire de la création de la rampe d'accès vers la véranda n'est pas établi, compte tenu des autres aménagements prévus. Au regard des factures et devis produits par les appelants, il sera fait une exacte appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à une somme globale de 31 361,05 euros, ce qui doit donner lieu à une indemnisation de 9 408,31 euros après application du taux de perte de chance.
16. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le handicap de M. D... justifie de l'acquisition d'aides techniques que sont un coussin anti-escarres, la surélévation du lit par un matelas supplémentaire puis par un lit médicalisé, un fauteuil de salon releveur et une prothèse aquatique. Au regard des factures et devis produits par les appelants, il sera fait une exacte appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à une somme globale de 48 446 euros, compte tenu du montant de l'euro de rente, fixé à 10,435 par le barème publié par la Gazette du palais en 2025 pour un homme âgé de 76 ans, ce qui donne lieu à une indemnisation de 14 533,80 euros après application du taux de perte de chance.
17. En dernier lieu, au titre des frais d'adaptation du véhicule, seuls les éventuels aménagements d'un véhicule qui seraient rendus nécessaires par l'état de santé de M. D... en lien avec la faute peuvent être indemnisés. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du 29 mars 2016, que le handicap de M. D... nécessite de disposer d'un véhicule doté d'une boîte de vitesses automatique et de commandes de frein et d'accélération au volant. M. D... n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation de l'acquisition d'un véhicule neuf, auquel il a procédé en 2013, alors qu'il ne démontre pas l'impossibilité d'aménager son ancienne voiture, ni d'y ranger un fauteuil roulant. Il y a lieu en revanche d'indemniser l'intéressé du surcoût que représente l'équipement par boîte automatique au moment de l'acquisition du véhicule, qui peut être évalué à 1 500 euros, et des frais d'adaptation du véhicule par l'installations de commandes au volant, qui s'élèvent à 2 619,13 euros d'après la facture produite par les appelants. Dès lors, compte tenu d'une fréquence de renouvellement d'un véhicule tous les sept ans, il y a lieu d'évaluer à 588,44 euros le surcoût annuel lié à l'adaptation de ce véhicule. Pour la période courant de 2013 à la date de la mise à disposition au greffe du présent arrêt, ce préjudice s'établit à la somme de 7 061,37 euros. Pour la période postérieure à l'arrêt, ce surcoût de 588,44 euros par an doit être capitalisé de manière viagère sur la base d'un coefficient de 10,435 du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2025 et applicable à un homme âgé de 76 ans et être ainsi évalué à la somme de 6 140,37 euros. Il y a lieu en conséquence d'indemniser ce poste de préjudice à hauteur de 3 960,52 euros après application du taux de perte de chance sur le montant total de 13 201,74 euros.
Quant à l'aide humaine permanente :
18. D'une part, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du 29 mars 2016 portant sur l'évaluation des préjudices, que l'état de santé de M. D... nécessite l'assistance par une tierce personne à hauteur de 10 heures par semaine, postérieurement au 20 novembre 2013, date de consolidation de son état. Ainsi qu'il a été dit au point 9, il y a lieu de retenir un taux horaire de 13 euros, et ce sur une base de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail. Pour la période courant de la date de consolidation de l'état de santé de M. D... à la date de mise à disposition de la présente décision, le volume horaire dont le coût doit être indemnisé est de 5 980 heures, soit un coût total de 87 759,36 euros. Pour la période postérieure à la mise à disposition de la présente décision, le coût annuel de l'assistance par tierce personne, qui s'établit à 9 391,34 euros, compte tenu d'un taux horaire de 16 euros, doit être capitalisé de manière viagère sur la base d'un coefficient de 10,435 du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2025 et applicable à un homme âgé de 76 ans et être ainsi évalué à la somme de 97 998,66 euros. Par suite, il sera fait une juste appréciation du poste de préjudice constitué par le coût de l'assistance par tierce personne en le fixant à la somme globale de 185 758,02 euros. Dès lors, le centre hospitalier universitaire de Toulouse doit être condamné à verser à M. D... la somme de 55 727,41 euros après application du taux de perte de chance.
19. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. D... nécessite, en sus de l'aide humaine non spécialisée, une aide au jardinage et au bricolage et une aide à l'entretien de ses volières, estimée à 4 heures par semaine, quantum que ne conteste pas le centre hospitalier universitaire de Toulouse, à compter de la date de consolidation de son état de santé. Pour la période courant de la date de consolidation de l'état de santé de M. D... à la date de mise à disposition de la présente décision, le volume horaire dont le coût doit être indemnisé est de 2392 heures, soit un coût total de 48 600,20 euros. Pour la période postérieure à la mise à disposition de la présente décision, le coût annuel de cette aide spécialisée, qui s'établit à 4 226,10 euros compte tenu d'un taux horaire de 18 euros doit être capitalisé de manière viagère sur la base d'un coefficient de 10,435 du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2025 et applicable à un homme âgé de 76 ans et être ainsi évalué à la somme de 44 099,40 euros. Par suite, il sera fait une juste appréciation du poste de préjudice constitué par le coût de l'assistance par tierce personne en le fixant à la somme globale de 92 699,60 euros. Dès lors, le centre hospitalier universitaire de Toulouse doit être condamné à verser à M. D... la somme de 27 809,88 euros après application du taux de perte de chance.
S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
20. Il résulte de l'instruction que le déficit fonctionnel temporaire total de M. D... doit être retenu pendant les périodes du 16 avril au 23 juillet 2012, 13 au 16 août 2012, 25 août au 5 septembre 2012, 25 au 29 octobre 2012, 5 au 6 novembre 2012, 4 au 26 décembre 2012 et 8 janvier au 10 octobre 2013, au cours desquelles il était hospitalisé. M. D... a en outre subi un déficit fonctionnel temporaire partiel, évalué par l'expert à 50 % pendant les périodes du 24 juillet au 12 août 2012, 17 au 25 août 2012, 5 septembre au 25 octobre 2012, 30 octobre au 4 novembre 2012, 7 novembre au 3 décembre 2012, 27 décembre 2012 au 7 janvier 2013 et 10 octobre au 19 novembre 2013. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à la somme totale de 10 080 euros, à raison de 20 euros par jour, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, ce qui doit donner lieu à une indemnisation de 3 024 euros après application du taux de perte de chance.
Quant aux souffrances endurées :
21. Les souffrances physiques et morales endurées par M. D..., ont été évaluées par les experts désignés par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et par le juge judiciaire respectivement à 5 et 6 sur une échelle de 7. Le taux de 6 sur une échelle de 7 peut être retenu, ce qui n'est pas contesté par le centre hospitalier universitaire de Toulouse. Il sera fait une juste appréciation du préjudice constitué par les souffrances endurées en l'évaluant à 27 000 euros, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, ce qui doit donner lieu à une indemnisation de 8 100 euros après application du taux de perte de chance.
Quant au préjudice esthétique temporaire :
22. Le préjudice subi à ce titre, coté à 4 sur une échelle de 7 par les experts peut être évalué à la somme de 6 000 euros, ce qui doit donner lieu à une indemnisation de 1 800 euros après application du taux de perte de chance.
Quant au déficit fonctionnel permanent :
23. Il résulte de l'instruction que M. D..., âgé de 64 ans à la date de la consolidation de son état médico-légal, présente un déficit fonctionnel permanent de 50%. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre, en l'évaluant à la somme de 90 000 euros, soit 27 000 euros après application du taux de perte de chance.
Quant au préjudice esthétique permanent :
24. Le préjudice subi à ce titre par M. D..., résultant de l'amputation de sa jambe droite, coté à 4 sur une échelle de 7 par les experts peut être évalué à la somme de 8 000 euros, ce que ne conteste pas le centre hospitalier universitaire de Toulouse. En conséquence, M. D... doit être indemnisé à hauteur de 2 400 euros après application du taux de perte de chance.
Quant au préjudice d'agrément :
25. Il résulte de l'instruction que, du fait du déficit fonctionnel permanent dont il est atteint, M. D... est limité dans l'exercice des activités de loisirs auxquelles il s'adonnait antérieurement, tenant essentiellement au jardinage, au bricolage et à l'élevage d'oiseaux. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en l'évaluant à la somme de 3 000 euros, ce qui donne lieu à une indemnisation de 900 euros après application du taux de perte de chance.
Quant au préjudice sexuel :
26. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du 29 mai 2016 portant sur l'évaluation des préjudices, que M. D... subit un préjudice sexuel du fait de douleurs et de difficultés dans la réalisation des rapports sexuels. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en l'évaluant à la somme de 3 000 euros, ce qui donne lieu à une indemnisation de 900 euros après application du taux de perte de chance.
En ce qui concerne les préjudices subis par les victimes indirectes :
S'agissant des frais de transport :
27. Mme D... et ses trois enfants ont exposés des frais de transport pour se rendre à l'hôpital durant l'hospitalisation de M. D.... Les parties ne demandant pas la réformation du jugement sur l'indemnisation des frais de déplacement pour un montant de 11 597,46 euros, il y a lieu de retenir ce montant, ce qui, après application du taux de perte de chance, doit donner lieu à une indemnisation de Mme D... et de ses trois enfants de 3 479,24 euros, à répartir à parts égales.
S'agissant du préjudice d'affection :
28. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection des victimes indirectes en l'évaluant à 10 000 euros pour Mme D..., qui vit avec son époux, à 2 000 euros pour M. E... D..., fils majeur de M. D..., et atteint d'une affection psychologique et à 1 500 euros respectivement pour M. C... D... et M. A... D..., fils de M. D.... Dès lors, Mme D..., M. E... D..., M. C... D... et M. A... D... doivent être indemnisés du préjudice d'affection qu'ils subissent, respectivement à hauteur de 3 000 euros, de 600 euros, de 450 euros et de 450 euros, après application du taux de perte de chance.
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne :
En ce qui concerne les dépenses de santé actuelles :
29. Il résulte de l'instruction, en particulier des attestations du médecin-conseil de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, que cette dernière a exposé des frais de santé de 186 698,11 euros pour M. D... jusqu'à la date de la consolidation de l'état de santé de ce dernier, fixée au 20 novembre 2013. Dès lors, la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne au titre des dépenses de santé actuelles s'élève à 56 009,43 euros après application du taux de perte de chance.
En ce qui concerne les dépenses de santé futures :
30. D'une part, la caisse primaire d'assurance maladie justifie avoir servi, depuis la date de consolidation et jusqu'au 27 octobre 2023, des prestations de santé à M. D... en lien avec le dommage à hauteur de 80 921 euros, ce qui doit être indemnisé, au titre des dépenses de santé futures, à hauteur de 24 276,30 euros après application du taux de perte de chance.
31. D'autre part, la même caisse fournit une attestation de frais futurs viagers à hauteur de 48 475,80 euros par an, et en demande le remboursement en capital pour un montant total de 402 957,19 euros.
32. Eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord.
33. En l'espèce, le centre hospitalier universitaire de Toulouse s'oppose à l'indemnisation des dépenses de santé futures exposées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sous forme d'un capital. Dans ces conditions, les débours de la caisse engagés depuis le 27 octobre 2023 donneront lieu, en sus du paiement de la créance fixée au point 30, à un remboursement par le centre hospitalier universitaire de Toulouse, sur présentation de justificatifs à la fin de chaque année échue, et dans la limite du montant total de 14 542,74 euros par an après application du taux de perte de chance.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
34. La caisse primaire d'assurance-maladie de la Haute-Garonne, n'obtenant pas en appel de majoration de la somme allouée par les premiers juges au titre de ses débours, elle n'est pas fondée à demander une actualisation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion qui lui a été accordée par le tribunal.
35. Il résulte de tout ce qui précède que la somme que le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société Axa France IARD ont été condamnés à verser à M. D... doit être portée à 162 708,27 euros, que celle à verser à Mme D... doit être portée à 3 869,81 euros, que celles à verser respectivement à M. E... D..., M. C... D... et M. A... D... doivent être confirmées et que le centre hospitalier universitaire de Toulouse doit également être condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne les sommes de 56 009,43 euros et de 24 276,30 euros, sous déduction pour cette dernière des éventuels remboursements effectués par le centre hospitalier en exécution du jugement, et à lui rembourser les débours exposés postérieurement au 27 octobre 2023, sur présentation de justificatifs à la fin de chaque année échue, et dans la limite du montant total de 14 542,74 euros par an.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
36. D'une part, M. B... D... et autres ne justifient pas avoir exposé de dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, il n'y a pas lieu d'accueillir leurs conclusions tendant à ce que les dépens de l'instance soient mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse et de la société Axa France IARD.
37. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Toulouse et de la société Axa IARD France une somme globale de 1 500 euros à verser aux appelants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société Axa France IARD ont été solidairement condamnés à verser à M. B... D... par l'article 2 du jugement n° 2025363 du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2023 est portée à 162 708,27 euros sous déduction de la somme de 160 000 euros versée à titre provisionnel.
Article 2 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société Axa France IARD ont été solidairement condamnés à verser à Mme D... par l'article 2 du jugement n° 2025363 du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2023 est portée à 3 869,81 euros.
Article 3 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Toulouse a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale par les articles 3 et 4 du jugement n° 2025363 du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2023 est portée à 80 285,73 euros, sous déduction des remboursements éventuels déjà effectués par le centre hospitalier en exécution de l'article 4 du jugement. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2020.
Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Toulouse remboursera à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, sur présentation des justificatifs à la fin de chaque année échue, les frais futurs exposés par elle postérieurement au 27 octobre 2023 au titre des dépenses de santé de M. D..., dans la limite d'un montant de 14 542,74 euros.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2025363 du 13 février 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société Axa France IARD verseront solidairement à M. B... D..., Mme G... D..., M. E... D..., M. C... D... et M. A... D..., une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., Mme G... D..., M. E... D..., M. C... D... et M. A... D..., au centre hospitalier universitaire de Toulouse, à la société anonyme Axa France IARD et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL00857