Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
I - La société anonyme Neoen a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté n° PC 011 376 21 00001 du 31 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Aude lui a refusé un permis de construire pour la réalisation d'un parc photovoltaïque au sol sur des parcelles situées sur le territoire de la commune de La Serpent.
II - La société Neoen a également demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté n° DDT-SUEDT-UFB-2023-078 du 31 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Aude lui a refusé une autorisation de défrichement portant sur une surface de 9,16 hectares pour la réalisation de ce même parc photovoltaïque au sol.
Par un jugement nos 2305604, 2305619 du 21 mai 2024, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes après les avoir jointes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet 2024 et 21 février 2025, la société anonyme Neoen, représentée par Me Duval, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 mai 2024 ;
2°) d'annuler, d'abord, l'arrêté du préfet de l'Aude du 31 juillet 2023 lui refusant l'autorisation de défrichement et, ensuite, l'arrêté du même préfet du 31 juillet 2023 lui refusant le permis de construire ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer l'autorisation de défrichement sollicitée, puis le permis de construire, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que le tribunal administratif de Montpellier n'a pas répondu, s'agissant de l'arrêté refusant le permis de construire, aux moyens se rapportant à la prise en compte des zones de débroussaillement et à la justification du choix du site et, s'agissant des deux arrêtés, aux moyens relatifs aux impacts sur les chiroptères ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'arrêté refusant l'autorisation de défrichement :
- la localisation du projet au sein du périmètre de plans nationaux d'actions en faveur de rapaces et à proximité de sites relevant du réseau Natura 2000 ne constitue pas un motif suffisant pour justifier légalement le refus d'autorisation de défrichement en litige ;
- l'étude d'impact, valant évaluation des incidences Natura 2000, est conforme au VI de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : l'étude conclut à l'absence d'incidences sur les sites Natura 2000 ; les inventaires écologiques ne sont pas insuffisants ; l'étude prend en compte les obligations légales de débroussaillement ; la mise en œuvre des mesures d'évitement, de réduction et de compensation permettra de limiter les impacts résiduels du projet ;
- les impacts de l'opération sur la biodiversité ne sont pas de nature à justifier le refus en litige sur le fondement du 8° de l'article L. 341-5 du code forestier dès lors que les incidences résiduelles, après la prise en compte des mesures d'évitement, de réduction et de compensation, seront très faibles tant pour l'avifaune et les chiroptères que pour le chat forestier ;
En ce qui concerne l'arrêté refusant le permis de construire :
- le préfet ne pouvait pas opposer l'absence d'autorisation de défrichement dès lors que le refus de cette autorisation était lui-même illégal comme il a été exposé ci-dessus ;
- l'étude d'impact est suffisante, tant s'agissant des inventaires écologiques que de la prise en compte des zones de débroussaillement et de la justification du choix du site ;
- le préfet ne pouvait pas refuser le permis de construire sur le fondement de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme, lequel ne permet que l'édiction de prescriptions ;
- l'étude d'impact, valant évaluation des incidences Natura 2000, est conforme au VI de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ainsi qu'il a été établi précédemment ;
- le projet est conforme à l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme dès lors qu'il n'est pas de nature à porter atteinte au paysage avoisinant ou aux éléments de patrimoine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2024, la ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante concernant le refus du permis de construire ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2025, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante concernant le refus de l'autorisation de défrichement ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 5 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;
- la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 du Parlement et du Conseil concernant la conservation des oiseaux sauvages ;
- le code de l'environnement ;
- le code forestier ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- et les observations de Me Daheron, représentant la société appelante.
Considérant ce qui suit :
1. La société Neoen souhaite réaliser un parc photovoltaïque au sol sur un ensemble de parcelles situées aux lieux-dits " Le Riel ", " Les Coutious " et " La Julliade " sur le territoire de la commune de La Serpent (Aude). Elle a présenté, le 23 décembre 2021, une demande de permis de construire portant sur un ensemble de 35 560 panneaux, un poste de livraison et dix locaux techniques, répartis en trois îlots clôturés sur une superficie totale de 18,8 hectares et présentant une puissance prévisionnelle de 19,5 mégawatts-crête (MWc). La même société a sollicité, le 23 février 2022, une autorisation de défrichement portant sur une surface totale de boisements de 9,31 hectares en vue de la réalisation de ce même parc photovoltaïque. La mission régionale d'autorité environnementale d'Occitanie a émis un avis sur ces deux demandes le 18 août 2022, puis une enquête publique unique s'est tenue du 4 avril au 4 mai 2023, à l'issue de laquelle la société pétitionnaire a modifié son projet en supprimant notamment les deux plus petits îlots initialement prévus, ramenant ainsi le nombre de panneaux photovoltaïques à 31 185, la superficie totale du projet à 16,5 hectares, sa puissance prévisionnelle à 17,2 MWc et la surface à défricher à 9,16 hectares. Par deux arrêtés édictés le 31 juillet 2023, le préfet de l'Aude lui a refusé tant l'autorisation de défrichement que le permis de construire. Par un jugement rendu le 21 mai 2024, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté, après les avoir jointes, les deux demandes en annulation présentées par la société Neoen à l'encontre de ces deux arrêtés préfectoraux. Par la requête susvisée, ladite société interjette appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés. ". En l'espèce, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montpellier a répondu à l'ensemble des moyens invoqués par la société requérante contre les motifs de refus opposés par le préfet de l'Aude dans les deux arrêtés en litige. Le tribunal a notamment mentionné, aux points 8 et 9, auxquels renvoient les points 14 et 17, les motifs pour lesquels il a écarté les moyens concernant la prise en compte des zones de débroussaillement et la justification du choix du site, soulevés à l'encontre de l'arrêté refusant le permis de construire. Les premiers juges ont également indiqué, aux points 7 et 8, auxquels renvoient les points 14 et 17, mais aussi au point 10, les raisons pour lesquelles ils ont écarté les moyens relatifs aux impacts du projet sur les chiroptères, invoqués à l'encontre des deux arrêtés. Le tribunal n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties et a ainsi suffisamment motivé son jugement. Il s'ensuit que le moyen soulevé sur ce point doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'arrêté refusant l'autorisation de défrichement :
3. En premier lieu, selon l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : / (...) / 8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population ; / (...) ".
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'étude d'impact du projet produite par la société Neoen à l'appui de ses demandes d'autorisation de défrichement et de permis de construire, que la zone d'implantation retenue est incluse en tout ou en partie dans les périmètres de quatre plans nationaux d'actions relatifs à des espèces de grands rapaces, à savoir l'aigle royal, le vautour fauve, le gypaète barbu et le vautour percnoptère. Elle est également proche du périmètre du plan national d'actions relatif au milan royal. La même zone se trouve, par ailleurs, à proximité de deux zones identifiées au titre du réseau " Natura 2000 ", à savoir la zone de protection spéciale " Pays de Sault " située à 860 mètres au sud et la zone de protection spéciale " Hautes Corbières " située à 4,3 kilomètres au sud-est, lesquelles ont été désignées à ce titre en vue de la conservation de trente-trois espèces d'oiseaux dont quatorze présentent, selon l'étude d'impact, une potentialité de présence modérée ou forte sur le site. Si la société Neoen relève que la situation des terrains au sein ou à proximité de ces zonages ne s'oppose pas en soi à l'implantation du projet et ne constitue donc pas un motif suffisant pour justifier le refus de l'autorisation, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet de l'Aude ne s'est pas fondé sur cette seule circonstance pour opposer ce refus et il a pu, en tout état de cause, se prévaloir utilement de l'existence de ces protections pour caractériser l'intérêt écologique du secteur dans le cadre de l'appréciation des conséquences potentielles du défrichement.
5. D'autre part, il ressort également de l'étude d'impact que les inventaires naturalistes réalisés par un bureau d'études spécialisé ont mis en évidence, en seulement six jours de prospection, une variété d'avifaune significative dans la zone d'implantation du projet, avec le recensement d'au moins cinquante-sept espèces d'oiseaux. Parmi l'ensemble de ces espèces, quarante-neuf ont été regardées comme nicheuses possibles, probables ou certaines au sein de la zone et quarante-huit bénéficient d'un statut de protection, dont huit au titre de l'annexe I de la directive " oiseaux " du 30 novembre 2009 et quinze au titre des listes rouges des espèces menacées au plan national ou au plan régional. Si l'étude d'impact admet l'existence d'enjeux régionaux modérés à exceptionnels pour vingt-huit des espèces répertoriées, ses rédacteurs n'ont toutefois estimé les enjeux locaux comme modérés ou forts que pour quatre desdites espèces, sans que la minoration des enjeux locaux ainsi opérée ne soit valablement justifiée par le nombre prétendument limité d'individus contactés lors des inventaires, lesquels n'ont porté que sur un nombre de jours relativement réduit eu égard à la surface et à la sensibilité de la zone.
6. Il est vrai que les principales espèces de grands rapaces n'ont été observées qu'en survol au-dessus de la zone où elles ne sont apparemment pas nicheuses, de sorte que, même si l'implantation des panneaux projetés pourrait réduire leur territoire de chasse, le défrichement n'apparaît, par lui-même, qu'assez peu susceptible des les impacter. En revanche, il ressort des plans produits par la société pétitionnaire que le déboisement concernerait principalement des secteurs de chênaie pubescente, de forêt mixte et de pinède, soit des habitats très favorables à l'avifaune des milieux boisés ou semi-ouverts. L'étude d'impact reconnaît au demeurant que le projet aurait des impacts bruts modérés pour les oiseaux des milieux boisés et forts pour ceux des milieux semi-ouverts et, si ses auteurs n'ont retenu que des impacts résiduels très faibles pour l'ensemble de ces espèces, une telle conclusion n'apparaît pas sérieusement justifiée au vu des seules mesures d'évitement et de réduction proposées dans cette étude, dès lors que la surface restant à défricher demeure importante et que les incidences du déboisement sur l'avifaune ne seraient pas atténuées de manière suffisamment significative par l'adaptation du planning et la pose de nichoirs prévues par la société requérante. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que ladite société a estimé utile de déposer, par la suite, une demande de dérogation à la législation relative aux espèces protégées, portant en particulier sur vingt-sept espèces d'oiseaux, dans laquelle le niveau des impacts résiduels du projet a été rehaussé pour les espèces des milieux boisés au point de justifier une mesure compensatoire consistant en la mise en place d'îlots de sénescence. Dans ces conditions et ainsi que l'autorité environnementale l'avait au demeurant retenu dans son avis du 18 août 2022, les impacts du défrichement sur l'avifaune doivent être regardés comme ayant été sous-évalués par l'étude d'impact et le préfet a donc pu valablement se fonder sur ce que le projet entraînerait une perte d'habitats notable pour les oiseaux.
7. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le site d'implantation du projet est localisé à 4,3 kilomètres de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type II " Corbières Occidentales ", laquelle a notamment été identifiée pour la conservation de plusieurs espèces de chiroptères. Il ressort à cet égard de l'étude d'impact que les investigations réalisées par le bureau d'études ont permis de révéler, en seulement deux nuits d'écoutes, la présence de douze espèces de chiroptères sur le site, toutes protégées, dont quatre au titre de l'annexe II de la directive " habitats " du 21 mai 1992 et cinq au titre de la liste rouge nationale. Il ressort de cette même étude que la recherche de gîtes menée en journée a mis en évidence l'existence de nombreux habitats favorables à ces espèces dans l'aire d'implantation retenue, notamment au sein des chênaies pubescentes. De même que pour l'avifaune, compte tenu du nombre de nuits d'écoutes très réduit, ne couvrant notamment pas la fin de l'été, l'étude d'impact n'explique pas de manière probante la minoration des enjeux locaux par rapport aux enjeux régionaux identifiés pour ces espèces. Elle reconnaît au demeurant l'existence d'impacts bruts modérés pour l'ensemble des chiroptères et, si ses auteurs ont évalué les impacts résiduels à un niveau très faible pour ces espèces, un tel résultat n'apparaît pas valablement justifié par les seules mesures d'évitement et de réduction proposées par la société pétitionnaire, dès lors que, même s'il est soutenu que les habitats les plus propices aux gîtes des chauves-souris seraient préservés, la superficie restant à défricher demeure conséquente et concerne aussi des milieux favorables à l'activité de ces animaux, sans que les risques pour ces derniers ne puissent être regardés comme suffisamment réduits par l'effet d'une adaptation du planning, de la pose de nichoirs ou de la mise en œuvre d'un protocole de contrôle des arbres. Dès lors et ainsi que l'autorité environnementale l'avait également estimé dans son avis, les impacts du déboisement sur les chiroptères ont été sous-évalués par le porteur du projet et c'est donc à bon droit que le préfet a pu invoquer l'existence d'une perte d'habitats significative pour ces espèces.
8. En outre, il ressort des pièces du dossier que, si le chat forestier n'a pas été observé lors des inventaires réalisés dans la zone d'implantation du projet, l'étude d'impact mentionne la présence d'une empreinte suspecte et admet la forte probabilité de sa présence régulière sur le site en lui attribuant un enjeu fort tant au plus régional qu'au plan local. Il ressort également de l'étude d'impact que les secteurs de chênaie pubescente, de forêt mixte et de pinède sur lesquels seraient prévus les travaux de défrichement revêtent des enjeux importants pour ce mammifère protégé et que le projet aurait ainsi des impacts bruts modérés pour celui-ci. En se bornant à invoquer les mêmes mesures d'évitement et de réduction que celles déjà évoquées ci-dessus pour l'avifaune et les chiroptères, la société requérante n'établit pas la pertinence du niveau d'impacts résiduels très faible retenu dans l'étude d'impact pour le groupe d'espèces animales dont relève le chat forestier, pour lequel ce niveau a d'ailleurs été rehaussé dans la demande de dérogation présentée ultérieurement au titre de la législation relative aux espèces protégées. Eu égard à l'importance de la surface concernée et à la fragmentation des habitats qui serait induite par le projet, les incidences du défrichement sur le chat forestier ont également été sous-estimées et le préfet a donc pu valablement relever la perte d'habitats qui impacterait cette espèce.
9. Enfin, si la société pétitionnaire a modifié le projet de centrale photovoltaïque à la suite de l'enquête publique en supprimant les deux petits îlots initialement prévus sur les parties nord-ouest et nord-est de la zone, il ressort toutefois des pièces du dossier que la réduction de l'emprise ainsi opérée porte sur une superficie très réduite, limitée à 0,15 hectare s'agissant du seul défrichement, et que les deux îlots en cause ne supportent, pour l'essentiel, que des habitats présentant des enjeux faibles pour les espèces animales inventoriées, si bien que le préfet a pu retenir à bon droit que cette modification n'était pas de nature à réduire le risque de perte de biodiversité et à remettre ainsi en cause les constats énoncés aux points précédents.
10. Eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux points 4 à 9 du présent arrêt, le maintien des boisements litigieux doit être regardé comme nécessaire à l'équilibre biologique de la zone d'implantation du projet, laquelle présente un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales et végétales et de l'écosystème. En conséquence, le refus d'autorisation de défrichement opposé par l'autorité préfectorale ne procède pas d'une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 341-5 du code forestier.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée " Evaluation des incidences Natura 2000 " : / (...) / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; / (...) / VI. - L'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout (...) programme ou projet, (...) si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000. / (...) ". Il résulte des dispositions précitées, éclairées par l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne, que l'autorisation d'un projet entrant dans leur champ d'application ne peut être accordée qu'à la condition que les autorités compétentes, une fois identifiés les aspects du projet pouvant, par eux-mêmes ou combinés avec d'autres projets, affecter les objectifs de conservation du site, et compte tenu des meilleures connaissances scientifiques, aient acquis la certitude qu'il est dépourvu d'effets préjudiciables sur les objectifs de conservation de ce site. Il en est ainsi lorsqu'il ne subsiste aucun doute raisonnable d'un point de vue scientifique quant à l'absence de tels effets.
12. Il ressort des pièces du dossier que la société Neoen a produit, en annexe n° 5 à l'étude d'impact, une " notice d'incidences Natura 2000 simplifiée " analysant les effets du projet sur la zone de protection spéciale " Pays de Sault " située à 860 mètres du site. Il ressort notamment de cette notice que les inventaires menés par le bureau d'études ont mis en évidence la présence certaine d'au moins huit espèces d'oiseaux parmi les trente-trois ayant déterminé l'identification de cette zone, dont six sont regardées comme nicheuses possibles ou probables. La notice ainsi produite se borne toutefois à reproduire les passages de l'étude d'impact relatifs à l'état initial des habitats et de la faune dans la zone d'implantation du projet, ainsi que la liste des mesures d'évitement et de réduction proposées, pour en conclure, sans la moindre justification supplémentaire, que le projet en cause ne serait pas susceptible d'avoir une incidence sur le site " Natura 2000 " et qu'il ne serait notamment pas de nature à perturber les espèces ayant justifié la création de ce site. Dans ces conditions et au regard des insuffisances de l'étude d'impact s'agissant de l'analyse de l'avifaune, telles que relevées aux points 5 et 6 du présent arrêt, le préfet a pu légalement considérer que l'évaluation des incidences " Natura 2000 " présentée par la société requérante n'était pas suffisante pour lever tout doute raisonnable quant aux risques susceptibles de résulter du défrichement pour les objectifs de conservation de la zone.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été exposé aux dix points précédents que la société Neoen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 mai 2024, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Aude a refusé l'autorisation de défrichement.
En ce qui concerne l'arrêté refusant le permis de construire :
14. En premier lieu, selon l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme : " Conformément à l'article L. 341-7 du nouveau code forestier, lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à l'autorisation de défrichement prévue aux articles L. 341-1 et L. 341-3 du même code, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis. ".
15. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 3 à 13 du présent arrêt que le préfet de l'Aude a pu légalement refuser l'autorisation de défrichement sollicitée par la société Neoen pour la réalisation du projet de parc photovoltaïque de La Serpent. Par suite, l'autorité préfectorale a pu légalement lui refuser le permis de construire sollicité pour ce même projet au motif qu'elle n'avait pas préalablement obtenu l'autorisation de défrichement requise.
16. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. ". Le tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement soumet à évaluation environnementale, à sa rubrique n° 30, les " installations photovoltaïques de production d'électricité d'une puissance égale ou supérieure à 1 MWc, à l'exception des installations sur ombrières ". Selon l'article R. 122-5 de ce dernier code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages (...) et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / (...) / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) / 3° Une description des aspects pertinents de l'état initial de l'environnement (...) ; / (...) / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement (...) ; / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; / 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. / La description de ces mesures doit être accompagnée (...) de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; / (...) ".
17. D'une part, l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme ne permet pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, lorsque le projet est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Il s'ensuit que le préfet de l'Aude a commis une erreur de droit en se fondant sur les dispositions de cet article pour motiver le refus du permis de construire. En revanche et pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 à 7 du présent arrêt, le préfet a pu légalement fonder ce refus sur les insuffisances de l'étude d'impact s'agissant des inventaires, de l'évaluation des enjeux et de la séquence " éviter, réduire, compenser " en ce qui concerne l'avifaune et les chiroptères. En outre et pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 12, le préfet a pu valablement opposer à la demande de permis l'insuffisance de l'évaluation des incidences " Natura 2000 " présentée par la société pétitionnaire au regard des exigences de l'article L. 414-4 du code de l'environnement.
18. D'autre part, l'étude d'impact produite par la société requérante ne comportait, en son chapitre 6, qu'un exposé sommaire de deux variantes d'implantation du projet de centrale photovoltaïque sur le site retenu, la première occupant une surface de 25 hectares et la seconde n'occupant plus que 18,8 hectares pour prendre en compte les diverses contraintes en présence. L'autorité environnementale ayant relevé le caractère insuffisant de cet exposé pour justifier le choix du site, la société pétitionnaire a complété son dossier de demande en présentant, au paragraphe 4 de son mémoire en réponse à ladite autorité, une analyse détaillée des principaux " sites dégradés " existants à l'échelle de la communauté de communes du Limouxin, dont le périmètre comprend la commune de La Serpent, tendant à montrer qu'aucun de ces sites ne pouvait accueillir l'opération projetée et à justifier ainsi le choix d'une implantation dans un site naturel. Le dossier ainsi complété doit être regardé comme satisfaisant à l'exigence formelle prévue par le 7° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, si bien que le préfet n'a pas pu légalement refuser le permis au motif de l'insuffisance de l'étude d'impact sur ce point.
19.
En troisième lieu, selon l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à justifier un refus de permis de construire sur le fondement de cet article, il appartient à l'administration d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que ladite construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
20. Il ressort des pièces du dossier que la zone d'implantation du projet s'inscrit dans l'environnement naturel et forestier des collines de l'ouest audois et du Quercorb, lequel est largement préservé de l'urbanisation, mais ne fait l'objet d'aucune protection particulière sur le plan paysager ou patrimonial. Si la création d'un parc photovoltaïque de 16,5 hectares induirait nécessairement une modification notable du paysage immédiat, il ressort toutefois de l'analyse paysagère intégrée dans l'étude d'impact que les perceptions visuelles sur le projet resteraient limitées aux voies d'accès au site et qu'elle seraient notamment très réduites à l'échelle des paysages lointain et intermédiaire compte tenu de la topographie et de la végétation. De plus, si l'étude d'impact mentionne la présence de dix monuments historiques classés ou inscrits dans les aires d'études éloignée et intermédiaire, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le projet présenterait avec ces monuments les risques de covisibilité mentionnés par l'architecte des bâtiments de France dans son avis du 19 juillet 2022. Enfin, contrairement à ce que le préfet a indiqué dans l'arrêté en litige, l'étude d'impact a pris en compte les zones de débroussaillement réglementaires de 50 mètres tout autour des installations et la société pétitionnaire a d'ailleurs précisé à cet égard que le débroussaillement n'aurait pas de véritable incidence paysagère dès lors qu'il ne porterait que sur les strates herbacée et arbustive et non pas sur la strate arborée, laquelle serait conservée. Par suite, le projet n'est pas de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux et l'autorité préfectorale a dès lors fait une inexacte application de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en refusant le permis de construire sur ce fondement.
21. Il résulte de ce qui précède que les motifs de refus opposés par le préfet de l'Aude sur le fondement des articles R. 111-26 et R. 111-27 du code de l'urbanisme, ainsi que de l'article R. 122-5 du code de l'environnement s'agissant de la justification du choix du site, se trouvent entachés d'illégalité. Il résulte cependant de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision de refus sur la demande de permis de construire présentée par la société Neoen s'il s'était uniquement fondé sur les autres motifs, tenant, d'une part, à l'absence d'obtention préalable de l'autorisation de défrichement et, d'autre part, aux insuffisances de l'étude d'impact s'agissant de la biodiversité et des incidences " Natura 2000 ", lesquels étaient de nature à justifier légalement ce refus comme il a été exposé aux points 15 et 17 ci-dessus. Il s'ensuit que la société Neoen n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement du 21 mai 2024, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Aude a refusé l'octroi du permis de construire.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
22. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation et n'implique donc aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, lequel n'a pas la qualité de partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par la société Neoen et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Neoen est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Neoen, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24TL01994