Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Refuge Agri-Loisir - la ferme aventure a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a délivré un certificat d'urbanisme déclarant non réalisables les installations du parc " la ferme aventure " sur un terrain situé au lieu-dit " Perdiguères " sur le territoire de la commune de Le Perthus.
Par un jugement n° 2005789 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mai 2023, l'association Refuge Agri-Loisir-la ferme aventure, représentée par Me Manya, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2020 du préfet des Pyrénées-Orientales ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Manya en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que son projet peut être regardé comme " nécessaires à l'exploitation agricole " au sens du 2° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que son projet n'est pas situé en zone d'aléa fort du risque inondation ;
- le préfet était tenu d'envisager la possibilité d'assortir son arrêté de prescriptions spéciales en vertu de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2024, la ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par l'association Refuge Agri-Loisir - la ferme aventure n'est fondé.
Par ordonnance du 8 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 décembre 2024.
Par une décision du 22 mars 2023, l'association Refuge Agri-Loisir - la ferme aventure a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par un courrier du 10 avril 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office que le motif de la décision attaquée, tiré de ce que le projet méconnaît les dispositions des articles L. 111-3 et L. 111-4 du code de l'urbanisme, est entaché d'une méconnaissance du champ d'application de la loi dès lors que ces dispositions ne sont pas applicables sur le territoire des communes classées en zone de montagne, lesquelles sont entièrement régies pour l'application de la règle de constructibilité limitée par les dispositions des articles L. 122-5 et suivants du code de l'urbanisme et que, par suite, le moyen soulevé par l'association appelante tiré de l'erreur d'appréciation au regard de ces dispositions est inopérant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- et les observations de Me Pion Riccio, représentant l'association Refuge Agri-Loisir -la ferme aventure.
Considérant ce qui suit :
1. Le 12 novembre 2019, l'association Refuge Agri-Loisir - la ferme aventure a demandé, sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, un certificat d'urbanisme déclarant réalisables les installations, déjà édifiées, d'un parc ludique composé de structures de type " algéco " destinées à accueillir animaux, bureaux et sanitaires sur le territoire de la commune de Le Perthus (Pyrénées-Orientales). Par arrêté du 30 juillet 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a délivré un certificat d'urbanisme déclarant non réalisable l'opération envisagée. Par la présente requête, l'association Refuge Agri-Loisir - la ferme aventure relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
2. Statuant sur l'appel du demandeur de première instance dirigé contre un jugement qui a rejeté ses conclusions à fin d'annulation d'une décision administrative reposant sur plusieurs motifs en jugeant, après avoir censuré tel ou tel de ces motifs, que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur le ou les motifs que le jugement ne censure pas, il appartient au juge d'appel, s'il remet en cause le ou les motifs n'ayant pas été censurés en première instance, de se prononcer, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, sur les moyens critiquant la légalité du ou des motifs censurés en première instance, avant de déterminer, au vu de son appréciation de la légalité des différents motifs de la décision administrative, s'il y a lieu de prononcer l'annulation de cette décision ou de confirmer le rejet des conclusions à fin d'annulation. Si le juge d'appel estime qu'un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l'administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut rejeter les conclusions à fin d'annulation de cette décision et donc rejeter la demande portée devant lui, sans être tenu de se prononcer sur les moyens qui ne se rapportent pas à la légalité de ce motif de refus.
3. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus ".
4. Pour délivrer à l'association appelante un certificat d'urbanisme déclarant non réalisable l'opération envisagée, le préfet des Pyrénées-Orientales a estimé que cette opération méconnaissait les dispositions des articles L. 111-3, L. 111-4, L. 122-5, R. 111-2 et R. 111-27 du code de l'urbanisme. Les premiers juges ont relevé l'illégalité du motif tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme mais ont estimé que le préfet des Pyrénées-Orientales aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les trois autres motifs tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 111-3 et L. 111-4, L. 122-5 et R. 111-2 du même code.
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ". Ces dispositions interdisent en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées " en dehors des parties urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà une densité et un nombre significatifs de constructions, à l'exception des constructions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, les articles L. 122-5 et L. 122-5-1 du code de l'urbanisme, définissant le champ d'application des règles spécifiques aux communes situées en zone de montagne, précisent que : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées " et que " Le principe de continuité s'apprécie au regard des caractéristiques locales de l'habitat traditionnel, des constructions implantées et de l'existence de voies et réseaux ". Ces dispositions régissent entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l'application de la règle de constructibilité limitée, qu'elles soient ou non dotées d'un plan local d'urbanisme, à l'exclusion des dispositions des articles L. 111-3 et L. 111-4 régissant la situation des communes non dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu.
6. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Le Perthus est classée en zone de montagne et est, par suite, entièrement régie par la règle de constructibilité limitée énoncée ci-dessus. Il s'ensuit que le motif de la décision attaquée, tiré de ce que le projet méconnaît les dispositions des articles L. 111-3 et L. 111-4 du code de l'urbanisme, est entaché d'une méconnaissance du champ d'application de la loi. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Pyrénées-Orientales aurait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 111-3 et L. 111-4 du code de l'urbanisme pour déclarer non réalisable l'opération envisagée par l'association appelante ne peut qu'être écarté comme inopérant.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
8. D'une part, le préfet des Pyrénées-Orientales a également opposé, pour délivrer un certificat d'urbanisme déclarant non réalisable l'opération envisagée par l'association appelante, la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme au vu du porter à connaissance préfectoral du risque d'inondation du 11 juillet 2019, interdisant toute nouvelle construction en zone d'aléa fort à l'exception des bâtiments agricoles nécessaires à l'activité agricole et à l'exclusion de tous projets de construction à usage d'habitation et de tous projets de bâtiments susceptibles d'accueillir du public ou d'abriter des animaux. Si ce porter à connaissance classe une partie des parcelles concernées par le projet en zone d'aléa faible, le service de restauration des terrains en montagne (RTM) avait estimé en 1995 que ces parcelles étaient soumises à un risque de crue torrentielle d'aléa fort du fait de leur situation dans un méandre prononcé du cours d'eau " La Rome ". En outre, il ressort des pièces du dossier qu'après une visite conjointe sur les lieux du même service et de l'Office national des forêts, un avis, daté du 31 janvier 2020, a été rendu par le service " eau et risques " de la direction départementale des territoires et de la mer des Pyrénées-Orientales, lequel confirme l'exposition des parcelles concernées par le projet à un risque de crue torrentielle d'aléa fort. Dans ces conditions, et alors que la commune est dépourvue de plan de prévention du risque inondation, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas commis d'erreur de fait en considérant que les parcelles concernées par le projet sont situées en zone d'aléa fort.
9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'avis au titre des risques naturels de l'Office national des forêts du 14 janvier 2020, que la crue advenue en 1986 a été aggravée par le charriage des corps flottants lors du débordement de la rivière. En se fondant sur la situation du projet en zone exposée à un aléa fort de risque d'inondation et en décrivant la nature des installations projetées, constituées d'éléments légers et démontables, le préfet des Pyrénées-Orientales a ainsi suffisamment caractérisé le risque présenté par le projet et n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
10. Enfin, alors que le terrain d'assiette du projet en litige est exposé à un risque de crue torrentielle d'aléa fort, l'association appelante ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que l'autorité administrative compétente aurait dû déclarer réalisable ce projet en l'assortissant de prescriptions spéciales.
11. Il s'ensuit que le préfet des Pyrénées-Orientales pouvait légalement, pour ce motif fondé sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, déclarer non réalisable l'opération envisagée par l'association appelante.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et alors qu'elle ne conteste au demeurant pas les autres motifs de la décision attaquée tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 122-5 et R. 111-27 du code de l'urbanisme, que l'association Refuge Agri-Loisir - la ferme aventure n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Refuge Agri-Loisir - la ferme aventure est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Refuge Agri-Loisir - la ferme aventure, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et à Me Manya.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales et à la commune de Le Perthus.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01195