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06/05/2025 | FRANCE | N°24TL02559

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 06 mai 2025, 24TL02559


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 26 mars 2024 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de r

etard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 26 mars 2024 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2401676 du 20 septembre 2024, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et des mémoires en production de pièces, enregistrés les 3 octobre 2024, 7 octobre 2024, 18 février 2025 et 3 mars 2025, M. B... C... A..., représenté par Me Ghaem, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 septembre 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 mars 2024 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " et de lui délivrer sans délai et le temps nécessaire à la délivrance de ce titre de séjour une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en procédant plus de quatre mois après son édiction au retrait de l'autorisation de travail qu'il s'était vu délivrer le 10 août 2023, laquelle constitue une décision créatrice de droits, le préfet de Vaucluse a méconnu les articles L. 242-1 et L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait en qualité de salarié ; aucune fraude ne saurait lui être reprochée ;

- en procédant à un nouvel examen des conditions relatives à la délivrance des autorisations de travail, prévues à l'article R. 5221-20 du code du travail alors qu'il s'était auparavant vu délivrer une autorisation de travail, le préfet a entaché la décision portant refus de séjour d'une erreur de droit ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu.

Par une ordonnance du 10 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 mars 2025 à 12 heures.

M. A... a produit une pièce enregistrée le 20 mars 2025, qui n'a pas été communiquée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,

- et les observations de Me Santin, substituant Me Ghaem, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant béninois né le 7 mai 1995 à Parakou (Bénin), est entré sur le territoire français le 8 septembre 2018, sous couvert d'un visa long séjour en qualité d'étudiant. A l'expiration de celui-ci, il a bénéficié de quatre titres de séjour temporaires d'un an en cette qualité dont le dernier était valable du 6 novembre 2022 au 5 novembre 2023. Le 9 octobre 2023, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 mars 2024, le préfet de Vaucluse a refusé de faire droit à cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 20 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. / (...) ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du même code : " I. - Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : / 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; / (...) / II. - La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. / (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-15 de ce code : " La demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est adressée au moyen d'un téléservice au préfet du département dans lequel l'établissement employeur a son siège ou le particulier employeur sa résidence. ". Aux termes de l'article R. 5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-20 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : / 1° S'agissant de l'emploi proposé : / a) Soit cet emploi relève de la liste des métiers en tension prévue à l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et établie par un arrêté conjoint du ministre chargé du travail et du ministre chargé de l'immigration ; / b) Soit l'offre pour cet emploi a été préalablement publiée pendant un délai de trois semaines auprès des organismes concourant au service public de l'emploi et n'a pu être satisfaite par aucune candidature répondant aux caractéristiques du poste de travail proposé ; / (...) / 5° Lorsque l'étranger est titulaire d'une carte de séjour portant les mentions " étudiant " ou " étudiant-programme de mobilité " prévue à l'article L. 422-1, L. 422-2, L. 422-5, L. 422-26 et L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il a achevé son cursus en France ou lorsqu'il est titulaire de la carte de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " prévue à l'article L. 422-14 du même code, l'emploi proposé est en adéquation avec les diplômes et l'expérience acquise en France ou à l'étranger. ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ".

5. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 5221-2 du code du travail que, pour obtenir un titre de séjour portant la mention " salarié ", l'étranger doit préalablement détenir une autorisation de travail délivrée par le préfet, lequel apprécie si la demande qui lui est soumise remplit les conditions prévues à l'article R. 5221-20 du code du travail. L'autorisation de travail, qui, sous réserve notamment des cas de fraude ou de menace à l'ordre public, permet à l'étranger qui en est titulaire de se voir délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " salarié ", constitue une décision créatrice de droits. Ainsi, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, et sous réserve de l'existence d'une fraude, l'administration ne peut procéder au retrait d'une autorisation de travail de sa propre initiative qu'à condition qu'elle soit illégale et que le retrait intervienne dans un délai de quatre mois suivant son édiction.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui était titulaire d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant valable du 6 novembre 2022 au 5 novembre 2023, a sollicité le 9 octobre 2023 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", en se prévalant d'un contrat d'apprentissage modifié par avenant du 19 mars 2023 en contrat à durée indéterminée à temps complet, conclu avec la société Brico Dépôt, pour un emploi de vendeur. Le 22 juin 2023, son employeur avait préalablement sollicité la délivrance d'une autorisation de travail à son profit et le 10 août 2023, cette autorisation lui avait été délivrée. Pour refuser de lui délivrer le titre de séjour portant la mention " salarié " que M. A... sollicitait, le préfet de Vaucluse s'est fondé sur les motifs selon lesquels d'une part, l'emploi de " vendeur/conseil magasin " ne figurait pas dans la liste des métiers en tension dans la zone Provence-Alpes-Côte d'Azur et, d'autre part, que la société Brico Dépôt ne justifiait pas de démarches auprès de France Travail. En se fondant, pour prendre l'arrêté contesté le 26 mars 2024, sur ces motifs de refus, qui se rapportent aux conditions de délivrance d'une autorisation de travail, laquelle avait en l'espèce été préalablement délivrée le 10 août 2023, le préfet de Vaucluse a implicitement mais nécessairement entendu retirer cette autorisation de travail. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, un tel retrait ne pouvait légalement intervenir que dans un délai de quatre mois à compter de l'édiction de cette autorisation de travail, soit jusqu'au 10 décembre 2023. Par suite, en se fondant sur les motifs précités pour refuser de délivrer à M. A... le titre de séjour portant la mention " salarié " qu'il sollicitait sur le fondement de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Vaucluse a entaché sa décision d'une erreur de droit. Il s'ensuit que la décision portant refus de titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi contenues dans l'arrêté du préfet de Vaucluse du 26 mars 2024.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Il résulte de l'instruction que le 19 octobre 2024, M. A... a volontairement exécuté l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre par l'arrêté du préfet de Vaucluse du 26 mars 2024 et que la société Brico Dépôt a formé une nouvelle demande d'autorisation de travail à son profit le 20 novembre 2024, laquelle lui a été délivrée le 7 janvier 2025. Toutefois, il résulte également de l'instruction que, par une décision du 27 février 2025, l'ambassade de France à Cotonou (Guinée) a rejeté sa demande de demande de visa de long séjour en qualité de salarié. Dans ces conditions, il ne peut, au jour du présent arrêt, être fait droit aux conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n°2401676 du 20 septembre 2024 et l'arrêté du préfet de Vaucluse du 26 mars 2024 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

H. Bentolila

La présidente,

A. Geslan-DemaretLa greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24TL02559


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL02559
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Helene Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : GHAEM

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;24tl02559 ?
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