La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2025 | FRANCE | N°24TL01150

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 06 mai 2025, 24TL01150


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2024 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à c

ompter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2024 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en le munissant, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, le versement de la même somme sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2400772 du 15 avril 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a, après avoir admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 12 janvier 2024, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, en le munissant, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros à verser à son conseil en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 6 mai 2024, sous le n°24TL01149, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du 15 avril 2024.

Il soutient que :

- son appel, présenté dans le délai de recours, est recevable ;

- c'est à tort que le magistrat désigné a jugé que son arrêté était entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de la demande de M. C... ;

- au regard notamment d'une entrée récente sur le territoire français, aucun autre moyen d'annulation ne peut être retenu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2024, M. D... C..., représenté par Me Lescarret, sollicite son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, et demande, à titre subsidiaire, dans le cadre de l'effet dévolutif, d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2024 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en le munissant, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, et dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au versement de la même somme sur le seul fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le motif d'annulation a été retenu à juste titre, la seule production pour la première fois en appel de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant les demandes d'asile des filles mineures du requérant ne saurait démontrer la légalité de la mesure d'éloignement ;

- d'autres moyens, dans le cadre de l'effet dévolutif, sont de nature à fonder l'annulation de l'obligation de quitter le territoire à savoir la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle et la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- enfin, outre le défaut de fondement légal au regard de l'illégalité de la mesure d'éloignement, la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par une ordonnance du 21 janvier 2025, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 20 mars 2025.

II. Par une requête, enregistrée le 6 mai 2024, sous le n°24TL01150, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 15 avril 2024.

Il soutient qu'il existe un moyen sérieux de nature à justifier, d'une part, l'annulation du jugement contesté, et, d'autre part, le rejet des conclusions à fin d'annulation, d'injonction et de condamnation accueillies, ainsi qu'il en a justifié dans sa requête au fond, à savoir le moyen tiré de ce que l'absence de mention de l'épouse de M. D... C... et de ses deux filles ne suffisait pas à caractériser le défaut d'examen réel et sérieux retenu par le magistrat désigné pour annuler l'arrêté contesté, la demande d'asile de son épouse et de leurs filles mineures ayant été, au demeurant, rejetée, le 15 mai 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2024, M. D... C..., représenté par Me Lescarret, sollicite le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer à une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi de 1991 relative à l'aide juridique ou, dans l'hypothèse où son admission à l'aide juridictionnelle ne serait pas prononcée, à la mise à la charge de l'Etat de la somme d'un même montant sur le seul fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- il est renvoyé au mémoire en défense, produit dans le cadre de l'instance n°24TL01149.

Par une ordonnance du 28 novembre 2024, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 6 janvier 2025.

Par deux décisions du 15 novembre 2024, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu de plein droit à M. C... dans ces deux instances.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant nigérian, né le 24 décembre 1994, entré sur le territoire français le 21 avril 2018, selon ses déclarations, y a déposé une demande d'asile le 2 mai suivant. Constatant que les empreintes de l'intéressé avaient été enregistrées dans la base dactyloscopique centrale de données informatisées du système Eurodac en Italie, le préfet de la Haute-Garonne a, après avoir obtenu leur accord, par un arrêté du 29 octobre 2018, transféré M. C... aux autorités italiennes, mesure dont la légalité a été, en définitive, confirmée par la cour administrative d'appel de Bordeaux, le 30 avril 2019. Le 17 octobre 2022, il a, à nouveau, déposé une demande d'asile. Par une décision du 12 mai 2023, l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande. Par un arrêté du 12 janvier 2024, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête n°24TL01149, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 15 avril 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 12 janvier 2024 et lui a notamment enjoint de réexaminer la situation de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour. Par la requête n°24TL01150, le préfet de la Haute Garonne en sollicite le sursis à exécution. M. C... demande, à titre reconventionnel, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

2. Les requêtes n° 24TL01149 et n° 24TL01150 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur l'admission de M. C... à l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Par deux décisions du 14 novembre 2024, M. C... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les requêtes n°24TL01149 et n°24TL01150. Dans ces conditions, ses demandes d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle dans ces deux instances sont devenues sans objet.

Sur la requête n°24TL01149 :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...)4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ;(...). ". Selon l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. (...). ".

5. Pour annuler l'arrêté contesté, le premier juge a estimé que M. C..., qui établissait, dans le même temps, une relation de concubinage avec Mme A..., compatriote nigériane, était fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne, en ne faisant mention, dans l'arrêté du 12 janvier 2024, ni de sa compagne, ni de ses filles, nées en 2019 et en 2021, avait entaché les mesures en litige d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle et familiale, et ce, d'autant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté la demande d'asile de sa compagne et de ses filles avait été rejetée.

6. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 1, l'arrêté en litige a été pris à la suite du rejet de la demande d'asile de M. C..., sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4, l'intéressé, en l'absence de recours contre la décision de l'office français de recours des réfugiés et apatrides, ne disposant plus du droit de se maintenir sur le territoire français, ainsi que l'a, au demeurant, relevé le magistrat désigné. Or, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté, que le préfet de la Haute-Garonne, qui a certes seulement relevé que " M. C... se déclarait marié sans autre précision " a examiné la vie personnelle et familiale de ce dernier, en ce compris sa relation de concubinage avec Mme A..., ressortissante nigériane, et leurs deux filles, respectivement âgées de 4 et 2 ans. A cet égard, ne suffit pas à caractériser un défaut d'examen la seule circonstance que Mme A... aurait déposé une demande d'asile, pour elle-même et pour leurs deux filles, dès lors qu'il ressort du dossier de première instance et notamment du compte rendu de l'entretien de M. C..., réalisé, le 5 mai 2023, par l'officier de protection, que la demande d'asile de sa compagne avait été rejetée, M. C... indiquant lui-même que cette dernière avait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, il ressort des nouvelles pièces produites en appel par le préfet, que les demandes d'asile des deux filles du requérant ont été rejetées par des décisions de l'office français de recours des réfugiés et apatrides notifiées le 25 mai 2023, donc antérieurement à l'arrêté contesté. En conséquence, c'est à tort que le premier juge a estimé que l'arrêté en litige était nécessairement entaché d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a retenu ce motif pour annuler l'arrêté du 12 janvier 2024.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté :

S'agissant des moyens communs aux décisions en litige :

8. D'une part, l'arrêté du 12 janvier 2024 est signé par Mme G..., adjointe à la directrice des migrations et de l'intégration. Or, par un arrêté du 13 mars 2023 régulièrement publié, le 15 mars 2023, au recueil des actes administratifs spécial n° 31-2023-099 de la préfecture, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme F..., directrice des migrations et de l'intégration et, en son absence ou en cas d'empêchement, à Mme E..., à l'effet de signer notamment les mesures d'éloignement et les décisions fixant le pays de renvoi. Par suite, et dès lors qu'il n'est ni établi, ni même allégué que la directrice des migrations n'aurait pas été empêchée, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.

9. D'autre part, l'arrêté en litige vise les textes dont il fait application et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet mentionne l'ensemble des éléments relatifs aux conditions d'entrée et de séjour en France de M. C... et notamment le rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection réfugiés et apatrides. Par ailleurs, est également mentionné le fait que l'intéressé, qui se déclare marié sans autre précision, ne justifie pas de liens personnels et familiaux en France qui seraient anciens, intenses et stables, et ce, dès lors qu'il a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine. Enfin, le représentant de l'Etat mentionne que M. C... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. En conséquence, l'arrêté contesté est suffisamment motivé et les moyens tirés du caractère insuffisant de la motivation de la mesure d'éloignement comme de la décision fixant le pays de renvoi doivent être écartés.

S'agissant de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, M. C..., dont la demande d'asile avait été rejetée dans les conditions exposées aux points 1 et 6, n'avait plus le droit de se maintenir sur le territoire français. Il pouvait donc faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français conformément aux dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Haute-Garonne, qui ne s'est pas estimé en situation de compétence liée comme le révèle la motivation adoptée, n'a donc pas méconnu ces dispositions ni celles de l'article 542-1 du même code citées au point 4.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). " Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

12. M. C..., à la date de l'arrêté contesté, est le père de deux filles âgées respectivement de quatre et deux ans qu'il a eues avec Mme A..., compatriote nigériane, et invoque ses attaches familiales, la scolarisation de sa fille aînée et la durée de sa présence en France. Toutefois, l'intéressé n'a été admis au séjour que le temps de l'examen de sa demande d'asile, rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, le 12 mai 2023. Si l'appelant se prévaut également des efforts d'intégration entrepris par la famille, en faisant notamment état de cours de français qu'ils suivent avec sa compagne et de perspectives professionnelles pour lui-même notamment dans le domaine de la peinture en bâtiment, ces éléments ne sont pas de nature à établir une insertion particulière dans la société française, alors que sa concubine fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'ainsi rien ne s'oppose à la reconstitution de leur cellule familiale au Nigéria avec leurs enfants, qui pourront y poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, la décision litigieuse ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C... une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise l'autorité préfectorale doit être écarté.

13. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

14. La décision litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'appelant de ses enfants mineures qui ont vocation à accompagner leurs parents au Nigéria où elles pourront poursuivre, notamment en ce qui concerne l'aînée, ainsi qu'il a été dit au point 12, leur scolarité. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les demandes d'asile des filles du requérant avaient été rejetées avant l'arrêté attaqué sans faire l'objet d'un recours devant la cour nationale du droit d'asile. Il n'est donc pas porté atteinte à leur intérêt supérieur au sens des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de sorte que le moyen doit être écarté.

S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

15. D'une part, il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation présentées contre la décision fixant le pays de renvoi.

16. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants Selon l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 4 novembre 1950 ".

17. Si M. C... soutient que ses filles risqueraient de subir l'excision en cas de retour au Nigéria, il n'établit pas par les pièces versées au dossier qu'elles feraient l'objet de ces risques personnels et actuels dans leur pays d'origine, alors, au demeurant, que leurs demandes d'asiles, à l'instar de celle de sa compagne, ont été rejetées par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides. S'il invoque également son appartenance à la communauté de Saint Savior et le risque pour lui-même d'être exposé à des agressions physiques, il ressort toutefois des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée sans qu'il apporte en appel d'élément nouveau. Par suite, faute d'établir le caractère personnel des risques pour leur vie ou leur liberté ou l'exposition à des traitements inhumains ou dégradants, en cas de retour au Nigéria, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point précédent ne peut qu'être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 12 janvier 2024 par lequel il a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par suite, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement attaqué et de rejeter le surplus de la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions d'appel aux fins d'injonction sous astreinte.

Sur la requête n°24TL01150 :

19. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n°2400772 du 15 avril 2024 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 24TL01150 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés aux litiges :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme à verser au conseil de M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°24TL01150 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2400772 du 15 avril 2024, ni sur les conclusions des requêtes n°24TL01149 et n°24TL01150 tendant à ce que M. C... soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2400772 du 15 avril 2024 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse sont annulés.

Article 3 : La demande de première instance et les conclusions en appel de M. C... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... C... et à Me Lescarret.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

D. Teuly-Desportes

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°24TL01149, N°24TL01150 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL01150
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Delphine Teuly-Desportes
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : LESCARRET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;24tl01150 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award