Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 22 mars 2022 par lequel le président de la communauté d'agglomération du Grand Avignon a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation, prenant effet au 1er avril 2022, d'enjoindre à la communauté d'agglomération du Grand Avignon de le réintégrer dans ses fonctions à compter de la date de son éviction et de régulariser sa situation administrative et financière à compter de cette même date, dans de brefs délais et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Avignon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2201114 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du président de la communauté d'agglomération du Grand Avignon du 22 mars 2022, a enjoint à la communauté d'agglomération du Grand Avignon de réintégrer juridiquement M. B... à compter du 1er avril 2022 dans le délai d'un mois et l'a condamnée à verser à M. B... une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 juillet 2023 et le 28 mai 2024, la communauté d'agglomération du Grand Avignon, représentée par la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 11 mai 2023 ;
2°) de rejeter les demandes de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle ne s'est pas fondée sur la seule mise en examen de M. B... pour prononcer la sanction de révocation, en dépit d'une maladresse dans la rédaction de l'arrêté ;
- les faits de détention à son domicile d'une arme de poing chargée, de trois fusils, de deux gilets pare-balle et de 4,5 kilogrammes de cocaïne, outre une montre Rolex, un lingot d'or, un détecteur de cartes SIM, un brouilleur d'ondes et d'images vidéos, qui n'ont été contestés ou expliqués par l'intéressé ni devant le conseil de discipline, ni devant les premiers juges, sont établis par les articles de presse et les indications données par le parquet ;
- ils suffisaient à établir un manquement caractérisé propre à justifier la sanction de révocation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Gontard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Avignon une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la matérialité des faits, à la date à laquelle la décision de révocation a été adoptée, n'était pas établie ;
- l'arrêté portant révocation est insuffisamment motivé en droit et en fait, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il a été pris à l'issue d'une procédure illégale dès lors que le rapport adressé au conseil de discipline comportait une erreur matérielle, mentionnant à tort sa mise en examen pour trafic de stupéfiants, ce qui entraîne l'irrégularité de la saisine du conseil de discipline et, partant, de son avis ;
- la sanction est disproportionnée, en l'absence de manquement commis par lui à ses obligations de fonctionnaire, et dès lors qu'elle repose sur la mesure de sûreté dont il a fait l'objet et sur des articles de presse, eux-mêmes basés sur des faisceaux d'indices.
Par ordonnance du 22 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Denilauler substituant Me Gaschignard, représentant la communauté d'agglomération du Grand Avignon.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 22 mars 2022, le président de la communauté d'agglomération du Grand Avignon a prononcé à l'encontre de M. B..., adjoint technique principal de 2ème classe, la sanction de révocation. Par jugement du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté. La communauté d'agglomération du Grand Avignon relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) / Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation. (...) ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. En l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen, sous réserve du respect de son obligation de loyauté vis-à-vis de ses agents. Par ailleurs, si la légalité d'une décision doit être appréciée à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de tenir compte, le cas échéant, d'éléments factuels antérieurs à cette date mais révélés postérieurement.
5. Une condamnation pénale en première instance, et à plus forte raison une mise en examen, même assortie d'un placement en détention provisoire ou d'un contrôle judiciaire, ne peut suffire à fonder légalement une décision de révocation en raison de l'indépendance des procédures pénale et disciplinaire. L'autorité administrative ne méconnaît pas le principe de la présomption d'innocence, y compris dans l'hypothèse où c'est à raison des mêmes faits, étrangers ou non à l'exercice des fonctions d'agent d'une collectivité, que sont engagées parallèlement les deux procédures, en prononçant une sanction sans attendre que les juridictions aient définitivement statué, à la condition que la matérialité des faits soit établie.
6. L'arrêté attaqué se fonde sur ce que M. B... a été mis en examen pour des faits de détention d'armes de catégorie B sans autorisation, de blanchiment, de participation à une association de malfaiteurs, sur ce qu'il a été placé d'abord en détention provisoire puis sous contrôle judiciaire par ordonnance du juge des libertés et de la détention près le tribunal judicaire de Nîmes le 8 octobre 2021, et sur ce que les faits en cause constituent des manquements particulièrement graves aux obligations d'intégrité, de dignité, de loyauté et de probité et ont, par ailleurs, fait l'objet d'une large publicité, par deux articles de presse, causant une atteinte grave à la réputation et à l'image de la communauté d'agglomération du Grand Avignon.
7. Il ressort des pièces du dossier que sont parus deux articles de presse les 3 juillet et 11 novembre 2021 faisant référence à l'interpellation d'un trafiquant de drogue par ailleurs fonctionnaire territorial, sans le nommer, mais avec suffisamment de précision pour l'identifier, au domicile duquel ont été notamment trouvés des armes, des gilets pare-balle, une Rolex, des diamants, un lingot d'or. A la suite de cette parution, la communauté d'agglomération du Grand Avignon a sollicité le parquet du tribunal judiciaire de Nîmes et a été informée, par courriel du substitut du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nîmes, en date du 14 décembre 2021, de ce que l'intéressé a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, pour des faits de blanchiment, de participation à une association de malfaiteurs et de détention d'arme de catégorie B. La circonstance que ce courriel ait par erreur également mentionné le chef de trafic de stupéfiants est sans incidence dès lors que la sanction en cause ne se fonde pas sur de tels faits. Si, en séance du conseil de discipline, l'intéressé a nié les faits reprochés, expliquant sa mise en examen par l'interception de deux personnes en possession d'argent liquide et en provenance de son domicile, il n'a pas contesté la présence à son domicile d'une arme de poing, et a nié également avoir été arrêté et incarcéré, alors qu'à la date de la séance il avait déjà été interpellé et fait l'objet d'une détention provisoire. Il ressort enfin des mentions portées dans le jugement du tribunal correctionnel de Nîmes du 17 octobre 2023, produit en appel, postérieur à la décision attaquée, mais dont il peut être tenu compte pour établir la matérialité des faits, antérieurs à la décision attaquée, sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée, que les investigations menées, notamment des retranscriptions de conversations téléphoniques et la présence de son ADN sur l'élastique d'une liasse de billets ont révélé l'implication de l'intéressé, qui avait reconnu la détention d'arme à son domicile lors de son audition, dans des transactions clandestines, tandis que son train de vie fastueux ne correspondait pas à son niveau de revenus. Le juge correctionnel ayant retenu les chefs de blanchiment, association de malfaiteurs et détention d'armes non autorisée pour condamner M. B... à une peine d'emprisonnement de quatre ans, en sus de 30 000 euros d'amende. Par suite, au regard de l'ensemble de ces éléments, la communauté d'agglomération du Grand Avignon est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 22 mars 2022 au motif que la matérialité des faits n'était pas établie.
8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté du 22 mars 2022.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués devant le tribunal :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) infligent une sanction ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'arrêté attaqué précise les considérations de fait fondant le prononcé de la sanction. La circonstance que les faits reprochés ne se rattachent pas à l'exercice de ses fonctions relève du bien-fondé de la sanction, et ne peut être utilement invoquée à l'appui du moyen tiré de l'insuffisante motivation en fait. Par suite, l'arrêté attaqué satisfait à l'exigence de motivation en fait prescrite par les dispositions précitées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " (...) Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l'autorité territoriale. Ce rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. (...) ".
12. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
13. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de saisine du conseil de discipline, dressé par l'autorité territoriale, mentionnait que M. B... avait été mis en examen pour trafic de stupéfiants, alors que le trafic de stupéfiants n'était pas au nombre des chefs retenus pour la mise en examen de l'intéressé. Toutefois, le procès-verbal du conseil de discipline du 23 février 2022 mentionne que " le substitut du procureur a indiqué récemment que Monsieur B... n'était pas poursuivi pour trafic de stupéfiants tout en confirmant les autres chefs d'inculpation ", de sorte que les membres du conseil de discipline ont émis leur avis en ayant connaissance du caractère erroné, sur ce point, du rapport de saisine. Alors par ailleurs que le trafic de stupéfiants n'est pas au nombre des faits reprochés à M. B... sur lesquels s'est fondée l'autorité administrative pour prendre la sanction contestée, l'inexactitude matérielle figurant dans le rapport de saisine n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision, ni n'a privé l'intéressé d'une garantie. Par suite, l'irrégularité du rapport de saisine du conseil de discipline dont M. B... se prévaut n'a pas vicié l'avis du conseil de discipline du 23 février 2022 et n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision de sanction litigieuse.
14. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'avis du conseil de discipline n'a pas été rendu au terme d'une procédure irrégulière. Il ne constitue pas, en tout état de cause, la base légale de l'arrêté litigieux. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 22 mars 2022 est dépourvu de base légale du fait de l'irrégularité de l'avis du conseil de discipline.
15. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la matérialité des faits reprochés à M. B... est établie. Compte tenu de leur gravité, et bien que ces faits n'aient pas été commis à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, la sanction de la révocation, sanction la plus élevée du quatrième groupe, ne présente pas un caractère disproportionné.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération du Grand Avignon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du président de la communauté d'agglomération du Grand Avignon du 22 mars 2022. Il en résulte que c'est également à tort que les premiers juges ont enjoint à cet établissement public de coopération intercommunale de réintégrer juridiquement M. B... à compter du 1er avril 2022 et ont mis à sa charge une somme de 1 000 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 22 mars 2022 n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. B... doivent être rejetées.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Avignon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros à verser à la communauté d'agglomération du Grand Avignon en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2201114 du tribunal administratif de Nîmes du 11 mai 2023 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Nîmes et devant la cour sont rejetées.
Article 3 : M. B... versera à la communauté d'agglomération du Grand Avignon une somme de 1 000 (mille) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Grand Avignon et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 8 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL01695