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06/05/2025 | FRANCE | N°23TL01428

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 06 mai 2025, 23TL01428


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2020 par lequel le maire de Mende l'a rétrogradé au grade d'adjoint technique territorial, d'enjoindre à la commune de Mende de reconstituer sa carrière, en ce inclus ses droits à pension, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune de Mende la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de just

ice administrative.



Par un jugement n°2002863 du 20 avril 2023, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2020 par lequel le maire de Mende l'a rétrogradé au grade d'adjoint technique territorial, d'enjoindre à la commune de Mende de reconstituer sa carrière, en ce inclus ses droits à pension, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune de Mende la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2002863 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du maire de Mende du 24 juillet 2020, a enjoint à la commune de Mende de rétablir M. A... dans les droits qu'il détenait de son grade d'adjoint technique principal de 2ème classe à compter du 1er août 2020, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de la commune de Mende la somme de 1 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par la commune de Mende au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, la commune de Mende, représentée par le cabinet d'avocats Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et Associés, agissant par Me Constans, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 avril 2023 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la sanction disciplinaire infligée à M. A... était disproportionnée par rapport aux fautes commises ; le comportement de M. A... a fait l'objet de plusieurs rappels à l'ordre et son travail était remis en question depuis plusieurs années par sa hiérarchie ; en dépit des demandes lui ayant été adressées pour qu'il transmette un rapport hebdomadaire d'activité, M. A... n'a pas satisfait avec rigueur à cette exigence ; eu égard aux comportements inappropriés récurrents de M. A..., caractérisant des manquements aux devoirs de respect et d'obéissance hiérarchique, la sanction de rétrogradation lui ayant été infligée était proportionnée aux fautes commises ;

- la matérialité des faits reprochés à M. A... est établie ; l'intéressé s'est absenté pendant le passage du Tour de France à Mende en 2018, alors que ses congés n'avaient pas été validés et la circonstance qu'ils aient postérieurement fait l'objet d'une régularisation par la direction des ressources humaines ne saurait ôter à ce comportement son caractère fautif ; la matérialité des faits concernant l'altercation ayant eu lieu le 5 février 2019 avec M. C... est établie ; si M. A... a indiqué en première instance ne plus se souvenir de cet évènement, il a reconnu les faits devant le conseil de discipline ; en dépit de l'interdiction de sortie qui s'imposait à lui pendant son arrêt maladie du 16 au 30 mars 2020, le directeur général des services de la commune l'a croisé au supermarché le 28 mars 2020 et de surcroît, M. A... l'a alors ignoré ;

- le conseil de discipline était régulièrement composé ;

- les détournements de procédure et de pouvoir allégués par M. A... ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2024, M. B... A..., représenté par le cabinet d'avocats Juris Ratio Avocats, agissant par Me Saint-Léger, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Mende la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'un vice de procédure, dès lors que la représentante de la commune de Mende y a siégé, en méconnaissance de l'article 3 du décret du 18 septembre 1989 ; la présence au sein du conseil de discipline du maire de la commune de Balsièges, qui est le vice-président de la communauté de communes Cœur de Lozère, laquelle est présidée par le maire de Mende, est également irrégulière ; enfin, un agent de la commune de Mende a également irrégulièrement siégé au conseil de discipline ; ainsi, sur les quatre représentants des élus, deux avaient des liens d'intérêts avec l'autorité disciplinaire et sur les quatre représentants du personnel, un était un agent de la commune de Mende ;

- il avait obtenu un accord verbal de sa hiérarchie pour poser des congés pendant le passage du Tour de France dans la commune en 2018 ; ces congés ont par la suite été validés par la direction des ressources humaines ; ces faits ne sont pas fautifs ; concernant l'altercation du 5 février 2019, la matérialité des faits n'est pas établie ; concernant l'évènement du 28 mars 2020, la commune ne l'a pas invité à se soumettre à un contrôle, de sorte qu'elle ne saurait lui reprocher d'être sorti en dépit de l'interdiction de sortie prévue dans son arrêt de travail et le fait d'avoir ignoré son supérieur hiérarchique en dehors du service n'est pas fautif ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la sanction disciplinaire litigieuse est disproportionnée aux faits lui étant reprochés ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'un détournement de pouvoir et de procédure.

Par une ordonnance du 20 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 octobre 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Duarte, représentant la commune de Mende.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté par la commune de Mende (Lozère) le 17 mars 2008, détenait le grade d'adjoint technique principal de 2ème classe et était affecté au service " propreté ". Par un courrier du 2 juin 2020, le maire de Mende l'a informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre et de ses droits concernant la consultation de son dossier et l'intéressé a procédé à cette consultation le 16 juin 2020. Après la réunion du conseil de discipline le 29 juin 2020, par un arrêté du 24 juillet 2020, le maire de Mende lui a infligé la sanction disciplinaire de rétrogradation au grade immédiatement inférieur, à savoir celui d'adjoint technique territorial, à compter du 1er août 2020. Par un jugement du 20 avril 2023 dont la commune de Mende relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En l'espèce, le jugement attaqué comporte en ses points 2 à 6 les motifs de droit et de fait ayant conduit les premiers juges à retenir comme fondé le moyen tiré ce que l'arrêté attaqué du maire de Mende du 24 juillet 2020 était entaché d'une erreur d'appréciation. Contrairement à ce que soutient la commune de Mende, les premiers juges, qui ont retenu que les faits reprochés à M. A... dans la décision attaquée étaient matériellement établis et étaient fautifs, ont ensuite considéré que la sanction disciplinaire relevant du troisième groupe était disproportionnée par rapport aux fautes commises et ont ainsi suffisamment motivé leur jugement, lequel ne comporte pas de contradiction dans ses motifs. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. / (...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Troisième groupe : la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; (...) ".

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. En l'espèce, il ressort des termes de l'arrêté litigieux que, pour lui infliger la sanction de rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent, le maire de Mende s'est fondé sur les griefs tirés de ce que M. A... avait manqué de respect à sa hiérarchie en adoptant un comportement et en utilisant un vocabulaire inappropriés, et qu'il avait fait preuve de désobéissance en ne respectant pas les consignes précisées dans le règlement des congés annuels de la commune, en s'absentant malgré le refus de validation de ses congés par ses supérieurs hiérarchiques.

6. S'agissant du premier grief retenu par le maire de Mende à l'encontre de M. A..., à savoir un manquement au devoir de respect envers sa hiérarchie, il ressort des pièces du dossier que le 5 février 2019, le directeur des services techniques de la commune s'est rendu sur le parking où se situait le " local propreté " et s'est adressé à M. A..., qui nettoyait le parking installé dans une balayeuse, lequel aurait alors dit à son supérieur qu'il le " faisait ch... ", refusant tout dialogue, et serait ensuite parti au moyen de la balayeuse dans laquelle il se trouvait. Si M. A... se borne à soutenir qu'il ne se souvient pas de cette conversation compte tenu de son ancienneté, il ressort toutefois des pièces du dossier que ces faits sont décrits dans un rapport circonstancié établi par le directeur des services techniques et que M. A... a reconnu avoir tenu de tels propos devant le conseil de discipline. Ainsi, la matérialité de ces faits, qui présentent un caractère fautif, doit être regardée comme établie. S'agissant du second grief retenu dans la décision litigieuse, il ressort des pièces du dossier que M. A... ne s'est pas présenté à son poste les 18, 19 et 20 juillet 2018, en dépit du refus qui lui avait opposé concernant la prise de jours de congés annuels à ces dates compte tenu du passage du Tour de France dans la commune de Mende à cette période, nécessitant la présence des agents municipaux, en particulier ceux participant comme M. A... à l'entretien de la voirie. Si l'intéressé persiste à soutenir qu'il avait obtenu un accord verbal de sa hiérarchie pour poser ces jours de congés, il n'apporte aucun commencement de preuve de nature à l'établir. De plus, s'il ressort des pièces du dossier que ces jours de congés annuels ont été " validés " par le service des ressources humaines de la commune le 23 juillet 2018, cette régularisation ne saurait ôter son caractère fautif au comportement de M. A..., qui s'est absenté du service sans y être autorisé pendant une période au cours de laquelle sa présence était particulièrement requise. Les deux griefs retenus par le maire de Mende dans la décision litigieuse sont ainsi matériellement établis et constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. Si la commune de Mende se prévaut d'autres faits qu'elle considère comme fautifs, tels que le refus de M. A... de remettre systématiquement un rapport hebdomadaire d'activité, son manque d'implication patent dans l'exercice de ses fonctions ou encore le non-respect des conditions de son arrêt de travail le 28 mars 2020, ces faits, qui ne sont pour la plupart pas suffisamment établis, n'ont en tout état de cause pas été retenus par le maire de Mende dans l'arrêté litigieux.

7. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, les faits reprochés à M. A..., tirés de son absence non autorisée en juillet 2018 et de l'altercation verbale du 5 février 2019, qui sont matériellement établis, présentent un caractère fautif. Toutefois, compte tenu du caractère ponctuel de ces faits et de l'absence de toute procédure disciplinaire antérieurement engagée à l'encontre de M. A..., ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la sanction disciplinaire de rétrogradation au grade immédiatement inférieur infligée à M. A..., qui relève du troisième groupe, présente un caractère disproportionné aux faits fautifs retenus. Par suite, en lui infligeant cette sanction disciplinaire, le maire de Mende a entaché l'arrêté litigieux d'une erreur d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Mende n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du maire de Mende du 24 juillet 2020.

Sur les frais liés au litige :

9. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Mende demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

10. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Mende la somme demandée par M. A... sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Mende est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Mende et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 8 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

H. Bentolila

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de la Lozère, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°23TL01428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01428
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Helene Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : SCP VPNG AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;23tl01428 ?
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