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06/05/2025 | FRANCE | N°23TL01342

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 06 mai 2025, 23TL01342


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 680 euros en réparation des préjudices subis du fait d'accidents de service, dont il a été victime, les 13 août 2001 et 3 décembre 2008, ainsi que de la rechute survenue, le 18 septembre 2013, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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n jugement n°2103603 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 680 euros en réparation des préjudices subis du fait d'accidents de service, dont il a été victime, les 13 août 2001 et 3 décembre 2008, ainsi que de la rechute survenue, le 18 septembre 2013, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2103603 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Betrom, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, rendu le 12 mai 2023 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 680 euros à titre de provision en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, sa réclamation préalable portait sur les trois accidents de service de sorte que c'est à tort que sa demande d'indemnisation des préjudices en lien avec les accidents de 2001 et 2008 a été regardée comme irrecevable ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa demande d'indemnisation portant sur une situation de rechute survenue en 2013 était prescrite alors qu'il n'a eu connaissance de la consolidation de son état que le 31 mai 2017 ;

- son préjudice, au regard des déficits fonctionnels permanents fixés, doit être fixé à la somme totale de 23 680 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 octobre 2024, la date de clôture d'instruction a été reportée au 12 novembre 2024.

Vu :

- l'ordonnance n° 21MA04017 du 31 janvier 2022 du président de la 4ème chambre de la cour administrative de Marseille ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., surveillant brigadier, affecté au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), a été victime, les 13 août 2001 et 3 décembre 2008, d'accidents reconnus imputables au service. En outre, l'autorité administrative a regardé la blessure, constatée le 18 septembre 2013, comme une conséquence de l'accident de service qu'il a subi le 3 décembre 2008. M. B..., après avoir adressé à l'Etat une réclamation indemnitaire, le 27 avril 2021, reçue le 30 avril suivant et implicitement rejetée, a saisi, le 7 juillet 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier afin d'obtenir une provision à valoir sur son préjudice définitif. Par une ordonnance n° 2103558, rendue le 20 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande. Par une ordonnance n° 21MA04017, rendue le 31 janvier 2022, le président de la 4ème chambre de la cour administrative de Marseille, a, d'une part, annulé l'ordonnance rendue par le juge des référés en tant qu'elle n'avait pas fait droit à la demande de M. B... tendant à la condamnation de l'Etat au paiement de la somme provisionnelle de 4 200 euros au titre de sa rechute d'accident de service, constatée le 18 septembre 2013 et a, d'autre part, condamné l'Etat à lui verser la somme provisionnelle de 4 200 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 3% lié à cette rechute. M. B... relève appel du jugement, rendu le 12 mai 2023, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'indemnisation en réparation des préjudices subis du fait d'accidents de service dont il a été victime, les 13 août 2001 et 3 décembre 2008, ainsi que d'une situation de rechute, le 18 septembre 2013, de l'accident du 3 décembre 2008 et demande l'indemnisation de ses préjudices.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".

3. En premier lieu, la décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question.

4. En deuxième lieu, le droit des agents publics à bénéficier d'une prise en charge par l'administration à raison d'un accident reconnu imputable au service est constitué à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée. Ce droit inclut celui de bénéficier à nouveau d'une telle prise en charge en cas de rechute, c'est-à-dire d'une modification de l'état de l'agent constatée médicalement postérieurement à la date de consolidation de la blessure ou de guérison apparente et constituant une conséquence exclusive de l'accident ou de la maladie d'origine.

5. En dernier lieu, lorsqu'il y a constat d'une situation de rechute, le fait générateur est identique à l'accident de service initial.

6. Si l'appelant soutient que le tribunal s'est mépris sur le contenu de sa réclamation préalable d'indemnisation, adressée par ses soins au garde des sceaux, qui l'a reçue le 30 avril 2021, il résulte toutefois de l'examen de ce document que si l'intéressé a certes fait mention des taux d'incapacité permanente partielle de 8% et 5% respectivement retenus par l'administration pour les accidents de service de 2001 et 2008, il n'en mentionne ni la date ni l'existence. En revanche, M. B... fait expressément référence, dans sa demande, à la rechute du 18 septembre 2013, pour laquelle il a explicitement formulé le souhait d'obtenir l'indemnisation de ses conséquences dommageables. Par suite, si sa réclamation n'a pas lié le contentieux pour l'accident de service subi le 13 août 2001, ainsi que l'a retenu le tribunal, M. B... doit être regardé comme ayant lié le contentieux pour les dommages causés par cette situation de rechute et ceux, conformément au principe rappelé au point 4, liés au même fait générateur que constitue l'accident initial du 3 décembre 2008. Par suite, le jugement attaqué, en tant qu'il rejette comme irrecevables, en l'absence de liaison du contentieux, les conclusions à fin d'indemnisation de M. B... portant sur l'accident de service survenu le 3 décembre 2008, est irrégulier et doit, dans cette mesure, être annulé.

7. Il y a lieu, pour la cour, de statuer sur cette demande, portant sur l'indemnisation des préjudices en lien avec l'accident subi le 3 décembre 2008, par la voie de l'évocation, et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur l'autre demande présentée par M. B... et tendant à l'indemnisation de la situation de rechute, constatée le 18 septembre 2013.

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée pour l'indemnisation de la situation de rechute :

8. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".

9. Pour l'application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 s'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime. La consolidation de l'état de santé de la victime d'un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentaient un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir.

10. S'il est constant que la date de consolidation de l'état de santé de M. B... à raison de l'accident du travail du 3 décembre 2008 comme de la situation de rechute, constatée le 18 septembre 2013, a été fixée au 24 mai 2016, il résulte toutefois de l'instruction que ce n'est que, de façon rétroactive, que l'autorité administrative, s'appropriant les conclusions de la commission de réforme, réunie le 25 avril 2017, a, par une décision du 16 mai 2017, retenu une telle date, correspondant à la date de reprise effective d'activité de l'intéressé. Il suit de là qu'en l'absence d'une décision ou d'une évaluation médicale antérieures fixant une consolidation à cette même date, M. B... doit être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance jusqu'à la date de cette décision du 16 mai 2017. Dans ces conditions, le point de départ du délai de prescription mentionné à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 doit être fixé au 1er janvier 2018 par application des dispositions de l'article 3 de cette même loi. Ainsi, à la date à laquelle M. B... a formulé sa demande indemnitaire préalable auprès du garde des sceaux, soit le 30 avril 2021, sa créance et par là même son action en réparation, n'étaient pas prescrites.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre de la justice pour rejeter sa demande d'indemnisation de la situation de rechute, constatée le 18 septembre 2013, d'un accident de service antérieur.

Sur la demande d'indemnisation des conséquences dommageables liées à l'accident de service subi le 3 décembre 2008 et à la situation de rechute :

12. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent la réparation des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit du fait de l'accident ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité d'une personne publique ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait.

13. Il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté en défense par le garde des sceaux, ministre de la justice, que M. B... a subi des séquelles définitives résultant, d'une part, d'un traumatisme facial, qui a occasionné un déficit fonctionnel permanent de 5% et d'une situation de rechute, constatée le 18 septembre 2013, occasionnant un déficit fonctionnel permanent de 3%, soit un déficit fonctionnel total de 8%. Par suite, et compte-tenu de l'âge de M. B..., à la date de la consolidation, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, en lui allouant la somme de 8 800 euros, incluant l'ensemble des troubles définitifs dans ses conditions d'existence et dont il y a lieu de déduire la provision d'un montant de 4 200 euros qu'il s'est vu accorder.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir qu'il doit se voir attribuer, au titre de l'indemnisation de ses préjudices en lien avec l'accident de service et la situation de rechute qui s'y rapporte, la somme de 8 800 euros, dont il y aura lieu de déduire la provision accordée, le 31 janvier 2022, par le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille.

Sur les frais liés au litige :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°2103603 du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'indemnisation de M. B... portant sur l'accident de service survenu le 3 décembre 2008 et les conclusions à fin d'indemnisation de la situation de rechute, constatée le 18 septembre 2013.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B... la somme de 8 800 euros sous déduction de la provision d'un montant de 4 200 euros, accordée le 31 janvier 2022, en réparation de son préjudice en lien avec l'accident de service subi le 3 décembre 2008 et la situation de rechute, constatée le 18 septembre 2013.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

D. Teuly-Desportes

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°23TL01342 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01342
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Suspension.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Delphine Teuly-Desportes
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : BETROM

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;23tl01342 ?
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