Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
I - Par une demande n° 2106493, M. F... B... et Mme D... E... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2021 par lequel le maire de Boujan-sur-Libron a accordé un permis de construire à M. C... A... pour la réalisation d'une maison d'habitation avec garage et piscine sur la parcelle cadastrée section ... située au " Hameau de Sauvageot ".
II - Par un déféré n° 2201750, le préfet de l'Hérault a demandé au même tribunal l'annulation de ce même permis de construire du 3 novembre 2021.
III - Par une demande n° 2204067, M. et Mme B... ont demandé au même tribunal l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le maire de Boujan-sur-Libron a accordé un permis de construire à M. A... pour la réalisation d'un hangar agricole avec garage, entrepôt, local de production et bureaux sur cette même parcelle ....
Par un jugement nos 2106493, 2201750 et 2204067, rendu le 13 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier, après avoir joint ces trois demandes, a prononcé l'annulation des arrêtés des 3 novembre 2021 et 13 juillet 2022, mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions présentées par la commune à ce titre.
Procédures devant la cour :
I - Par une requête n° 23TL01364, enregistrée le 13 juin 2023, la commune de Boujan-sur-Libron, représentée par la SELARL Valette-Berthelsen, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 avril 2023 ;
2°) de rejeter les demandes présentées respectivement par le préfet de l'Hérault et par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) de mettre à la charge respective de l'Etat et de M. et Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le déféré préfectoral était irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- les premiers juges ont accueilli à tort les moyens tirés de la méconnaissance des articles A 1 et A 2 du règlement du plan local d'urbanisme, de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme combiné avec l'article 8 des dispositions générales de ce règlement, du même article R. 111-2 combiné avec l'article A 4 dudit règlement concernant la défense incendie, du même article A 4 concernant les eaux pluviales et de l'article A 11 de ce règlement ;
- à titre subsidiaire, le tribunal aurait dû prononcer une annulation partielle des permis litigieux ou surseoir à statuer dans l'attente d'une régularisation des illégalités ;
- au titre de l'effet dévolutif, le permis de construire du 3 novembre 2021 ne méconnaît ni les articles R. 431-1, R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, ni l'article A 4 du règlement du plan local d'urbanisme s'agissant de l'alimentation en eau potable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2023, M. F... B... et Mme D... E... épouse B..., représentés par Me Caudrelier, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Boujan-sur-Libron une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2024, le préfet de l'Hérault doit être regardé comme concluant au rejet de la requête.
Il renvoie à ses écritures de première instance.
La clôture de l'instruction est intervenue le 18 septembre 2024 en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
II - Par une requête n° 23TL01365, enregistrée le 13 juin 2023, puis un mémoire en réplique, enregistré le 24 juillet 2024, M. C... A..., représenté par la SARL Arcames avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 13 avril 2023 ;
2°) de rejeter les demandes présentées respectivement par le préfet de l'Hérault et par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente d'une régularisation ou, à titre infiniment subsidiaire, de prononcer une annulation partielle des permis litigieux;
4°) de mettre à la charge respective de l'Etat et de M. et Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le déféré préfectoral était irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- les époux B... ne justifiaient pas d'un intérêt à agir suffisant ;
- les premiers juges ont accueilli à tort les moyens tirés de la méconnaissance des articles A 1 et A 2 du règlement du plan local d'urbanisme, de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme combiné avec l'article 8 des dispositions générales de ce règlement, du même article R. 111-2 combiné avec l'article A 4 dudit règlement concernant la défense incendie, du même article A 4 concernant les eaux pluviales et de l'article A 11 de ce règlement ;
- au titre de l'effet dévolutif : le permis du 3 novembre 2021 ne méconnaît pas l'article R. 431-1 du code de l'urbanisme, le dossier de demande de permis n'était pas insuffisant et le projet ne méconnaît pas l'article A 4 du règlement du plan local d'urbanisme s'agissant de l'eau potable ; le dossier de demande du permis du 13 juillet 2022 n'était pas insuffisant ; le projet ne méconnaît pas l'article A 4 du même règlement s'agissant des eaux usées ;
- à titre subsidiaire, il sera sursis à statuer dans l'attente d'une régularisation ou, à titre infiniment subsidiaire, il sera prononcé une annulation partielle des permis.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 décembre 2023 et le 6 septembre 2024, M. F... B... et Mme D... E... épouse B..., représentés par Me Caudrelier, concluent, dans le dernier état de leurs écritures, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Boujan-sur-Libron une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2024, le préfet de l'Hérault doit être regardé comme concluant au rejet de la requête.
Il renvoie à ses écritures de première instance.
La clôture de l'instruction est intervenue le 18 septembre 2024 en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
M. A..., représenté par la SARL Arcames avocats, a produit un mémoire enregistré le 13 mars 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- les observations de Me Sapparart, représentant M. A...,
- les observations de Me Caudrelier, représentant M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est propriétaire de la parcelle cadastrée section ..., présentant une superficie de 6 311 m2, située au " Hameau de Sauvageot ", sur le territoire de la commune de Boujan-sur-Libron (Hérault). Par un arrêté du 10 décembre 2018, le maire de cette commune lui a accordé un permis de construire pour la réalisation d'un hangar agricole sur cette parcelle, mais, par un arrêté du 15 février 2021, pris sur la base d'un procès-verbal d'infraction établi par les services de l'Etat le 10 décembre 2020, le maire l'a mis en demeure de cesser immédiatement les travaux en cours, lesquels n'étaient pas conformes au projet autorisé par ce permis. M. A... a sollicité, le 14 juin 2021, un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation présentant une surface de plancher de 245,92 m2 sur la même parcelle. L'intéressé a complété sa demande de permis le 8 septembre suivant en prévoyant également l'implantation d'une serre sur cette parcelle. Le maire de Boujan-sur-Libron lui a accordé ce permis de construire par un arrêté du 3 novembre 2021. M. A... a sollicité, le 14 mai 2022, un autre permis de construire, pour la réalisation, sur la même parcelle, d'un hangar agricole incluant un garage, un entrepôt, un local de production artisanale et des bureaux, l'ensemble représentant une surface totale de plancher de 669,07 m2. Le maire lui a accordé ce permis par un arrêté du 13 juillet 2022.
2. M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif de Montpellier de deux demandes tendant respectivement à l'annulation des arrêtés du 3 novembre 2021 et du 13 juillet 2022. Le préfet de l'Hérault a déféré l'arrêté du 13 juillet 2022 devant cette même juridiction. Par un jugement rendu le 13 avril 2023, le tribunal administratif, après avoir joint ces trois demandes, a prononcé l'annulation des deux arrêtés, a mis à la charge de la commune le versement d'une somme de 1 500 euros à M. et Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par la commune à ce titre. Par leurs requêtes respectives nos 23TL01364 et 23TL01365, la commune de Boujan-sur-Libron et M. A... relèvent appel de ce jugement. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour se prononcer par un même arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité des demandes :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. / (...) ". Figurent au nombre des actes visés à l'article L. 2131-2 du même code : " Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Boujan-sur-Libron a transmis l'arrêté du 3 novembre 2021 aux services de la préfecture de l'Hérault le 9 novembre 2021 et que le préfet a présenté un recours gracieux contre cet arrêté le 21 décembre suivant, lequel a interrompu le délai de recours de deux mois prévu par les dispositions précitées. Par une première lettre le 6 janvier 2022, le maire a indiqué au préfet qu'il envisageait de procéder au retrait de l'arrêté en cause, puis, par une seconde lettre le 3 février 2022, il lui a précisé qu'à la suite des observations de M. A..., il souhaitait que la procédure de retrait soit " suspendue " jusqu'à la réception d'un avis de l'agence régionale de santé Occitanie. Eu égard aux termes mêmes de cette dernière lettre, le maire ne peut être regardé comme ayant expressément rejeté, le 3 février 2022, le recours gracieux formé par le préfet, lequel doit donc être considéré comme ayant été implicitement rejeté le 21 février 2022. Il s'ensuit que le délai de deux mois imparti au préfet de l'Hérault pour déférer cet arrêté du 3 novembre 2021 n'a recommencé à courir qu'à partir de cette dernière date et que le déféré enregistré le 7 avril 2022 n'était, en conséquence, pas tardif. Par suite, la fin de non-recevoir invoquée en ce sens ne peut qu'être écartée.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou de contrat préliminaire (...). ". Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge de l'excès de pouvoir, lequel statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, l'importance ou la localisation du projet.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... sont propriétaires de plusieurs parcelles, supportant notamment leur maison d'habitation, situées " Hameau de Sauvageot ", à proximité immédiate du terrain de M. A... et en contrebas par rapport à ce terrain dont elles ne sont séparées que par un chemin rural. Compte tenu de la nature des projets de construction en litige, notamment de l'importance du hangar agricole, de leur localisation dans une vaste zone agricole largement préservée de l'urbanisation et de la complexité des conditions d'accès à ce hameau desservi par une voie communale étroite, les projets autorisés par les permis attaqués sont de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance des biens de M. et Mme B..., lesquels justifiaient donc d'un intérêt suffisant pour contester ces permis. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par M. A... sur ce point doit être également écartée.
En ce qui concerne la légalité des permis de construire :
7. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a annulé un acte intervenu en matière d'urbanisme, de se prononcer sur le bien-fondé des motifs d'annulation retenus par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie l'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance.
8. Il ressort des termes du jugement attaqué que, pour annuler le permis de construire du 3 novembre 2021 portant sur la réalisation d'une maison d'habitation, le tribunal administratif de Montpellier a notamment estimé que le projet en litige méconnaissait les dispositions des articles A 1 et A 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Boujan-sur-Libron. Il ressort par ailleurs de ce même jugement que, pour annuler les deux permis de construire en litige, les premiers juges ont également considéré que les deux projets méconnaissaient l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ainsi que l'article 8 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme s'agissant de la voie de desserte, le même article R. 111-2 ainsi que l'article A 4 de ce règlement concernant la défense incendie, le même article A 4 concernant les eaux pluviales et, enfin, l'article A 11 de ce règlement s'agissant de l'aspect extérieur.
9. En premier lieu, selon l'article A 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Boujan-sur-Libron, applicable à la zone agricole A au sein de laquelle se situe la parcelle de M. A... : " Occupations et utilisations du sol interdites : / Les constructions et installations non admises à l'article suivant sont interdites. / Sont notamment interdites : / (...) / - habitations non admises à l'article suivant ; / (...) ". Selon l'article A 2 du même règlement : " Occupations et utilisations du sol admises sous conditions : / Seules les occupations et utilisations du sol suivantes sont admises sous diverses conditions et notamment à la condition qu'elles ne soient pas positionnées en zone d'aléa inondation fort ou modéré : / En secteur A : / (...) / - les constructions des bâtiments d'exploitation destinés au logement des animaux et au stockage des récoltes et du matériel agricole ainsi que les équipements nécessaires à l'exploitation ; / - les constructions à usage d'habitation directement liées et nécessaires à l'exploitation agricole ; / (...) ". Pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à l'exploitation agricole, l'autorité administrative doit s'assurer au préalable, sous le contrôle du juge, de la réalité de l'exploitation agricole, au sens de ces dispositions, laquelle se caractérise par l'exercice effectif d'une activité agricole d'une consistance suffisante.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a produit à l'appui de sa demande de permis de construire du 14 juin 2021 une attestation d'affiliation auprès de la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc en qualité de chef d'exploitation pour la culture d'oliviers et un relevé d'exploitation portant sur un ensemble de parcelles représentant une superficie totale de 8,86 hectares dont 5,82 hectares en cultures spécialisées. Il a également joint à sa demande de permis, à titre de pièce complémentaire, une fiche de renseignement dans laquelle il évoque une surface de vergers de 12 hectares, rappelle le hangar agricole autorisé par le permis accordé le 10 décembre 2018 et expose son projet de créer une serre chauffée pour les boutures d'oliviers. Les informations ainsi apportées ne permettent toutefois pas de retenir que M. A... exerçait de manière effective, lors de la délivrance du permis le 3 novembre 2021, une activité agricole présentant une consistance suffisante, alors au demeurant que, par un arrêt n° 21TL03585 rendu le 7 décembre 2023, la cour a estimé que le permis du 10 décembre 2018 avait été obtenu à la suite de manœuvres frauduleuses sur ce point et a enjoint au maire de procéder au retrait de ce permis, ce qui a été fait par un arrêté du 12 décembre 2023. En tout état de cause, à supposer même que la réalité de l'activité agricole de M. A... ait pu être suffisamment caractérisée, l'intéressé n'apporte aucun élément probant de nature à estimer que sa présence permanente sur le terrain litigieux serait nécessaire pour assurer la surveillance de plantations d'oliviers ou la régulation de la serre chauffée projetée, ni même d'ailleurs pour assurer le fonctionnement de l'espace " dégustation " envisagé au sein du hangar selon sa demande de permis modificatif présentée le 8 décembre 2022. Par suite, le permis de construire accordé le 3 novembre 2021 à M. A... pour la réalisation d'une maison d'habitation ne respecte pas les articles A 1 et A 2 précités du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Boujan-sur-Libron.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". L'article 8 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Boujan-sur-Libron mentionne que : " Accès et voirie : / Se conformer aux prescriptions du SDIS (service départemental d'incendie et de secours) présentées dans les annexes du règlement. / Accès : / (...) / Les accès sur les voies publiques ou privées doivent être aménagés de manière à ne pas créer de difficultés ou de dangers pour la circulation générale ; ils doivent satisfaire aux besoins des constructions ou des opérations projetées, notamment en ce qui concerne les possibilités d'intervention des services publics. / Les caractéristiques des accès doivent permettre de satisfaire aux règles minimales de desserte : défense contre l'incendie, protection civile, stationnement, enlèvement des ordures, etc. / (...) / Voirie : / Les terrains constructibles doivent être desservis par des voies publiques ou privées dans les conditions répondant à l'importance et à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles qui y sont édifiés. Les caractéristiques des voies doivent également répondre aux exigences de sécurité, de défense contre l'incendie, de protection civile et du service de collecte des déchets urbains. / Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent et à la topographie du site et aux opérations qu'elles doivent desservir dans le futur. La largeur des voies nouvelles ouvertes à la circulation publique devra être adaptée à l'ampleur du projet et conforme aux prescriptions du SDIS. / (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette des projets est desservi par la voie communale n° 2, laquelle relie ledit terrain à la route départementale n° 15E2 sur une longueur de l'ordre de 750 mètres. Le procès-verbal établi par un commissaire de justice le 2 août 2022, produit par M. et Mme B..., montre que cette voie de desserte présente, sur une longueur de l'ordre de 400 mètres, une chaussée d'une largeur comprise entre 2,65 mètres et 2,80 mètres bordée par deux fossés, puis, sur un autre tronçon, une chaussée d'une largeur de 2,50 mètres, se réduisant à 2 mètres en un endroit, bordée par des talus. Les indications de ce procès-verbal ne sont pas utilement contredites par le plan d'alignement établi par un géomètre le 8 juin 2023, versé aux débats par la commune en appel, lequel mesure la largeur de la voie en y intégrant les fossés et les bas de talus, non praticables pour la circulation des véhicules. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie de l'Hérault ait été annexé au règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Boujan-sur-Libron, de sorte qu'il n'est pas directement opposable aux permis de construire. Il ressort toutefois de ces mêmes pièces que le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault, consulté sur le projet de hangar de M. A..., a précisé, dans son avis du 31 mai 2022, les mesures préconisées pour assurer l'accessibilité des véhicules d'incendie et de secours, en renvoyant au " guide technique " annexé audit règlement, lequel recommande, pour un tel bâtiment, ainsi d'ailleurs que pour une maison d'habitation, une bande de roulement d'une largeur minimale de 3 mètres. Eu égard à l'importance des tronçons de la voie communale ne présentant pas une telle largeur, ainsi qu'au niveau de risque lié aux constructions projetées, tenant notamment à la taille du hangar et aux diverses activités qui y sont prévues, ainsi qu'à la présence de personnes dans la maison d'habitation, le terrain d'assiette des projets ne peut être regardé comme desservi par une voie répondant aux exigences de sécurité et de défense contre l'incendie au sens et pour l'application des prescriptions précitées de l'article 8 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme. Par voie de conséquence, les arrêtés des 3 novembre 2021 et 13 juillet 2022 ne sont pas conformes aux prescriptions de cet article. Pour les mêmes motifs, les arrêtés en cause sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme s'agissant de la desserte routière.
13. En troisième lieu, selon l'article A 4 du règlement du plan local d'urbanisme : " Desserte par les réseaux : / (...) / Défense incendie : / La défense incendie doit être assurée par des poteaux normalisés de manière à ce que le débit soit adapté à l'importance de l'opération. / (...) / Assainissement des eaux pluviales : / Lorsque le réseau public recueillant les eaux pluviales existe, les ménagements réalisés doivent garantir l'écoulement des eaux pluviales dans ce réseau. / En l'absence d'un réseau d'eaux pluviales, le constructeur doit réaliser sur son terrain et à sa charge des dispositifs appropriés et proportionnés permettant l'évacuation directe et sans stagnation des eaux pluviales vers un déversoir désigné à cet effet. Ces aménagements ne doivent pas faire obstacle au libre écoulement des eaux de ruissellement. / En aucun cas les eaux pluviales ne doivent être rejetées dans le réseau d'assainissement d'eaux usées. / (...) ".
14. D'une part, il est vrai que, si le dossier de demande du permis de construire relatif à la maison d'habitation ne matérialise aucun ouvrage particulier pour la défense contre l'incendie, le dossier de demande portant sur le hangar agricole prévoit, pour sa part, la mise en place d'un réservoir d'eau ou de deux citernes, pour un volume total de stockage de 90 m3 ou 120 m3. Il résulte cependant expressément des dispositions précitées de l'article A 4 du règlement du plan local d'urbanisme qu'il n'autorise la réalisation de nouvelles constructions qu'en présence de poteaux incendie normalisés et qu'il ne permet notamment pas de prévoir l'installation d'autres moyens de défense contre l'incendie en l'absence de tels poteaux. Si M. A... souligne que le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie de l'Hérault autorise l'usage de points d'eau naturels ou artificiels en l'absence de poteaux et qu'il a obtenu à ce titre l'accord du service départemental d'incendie et de secours pour les citernes proposées, les prescriptions du règlement départemental susmentionné sont sans incidence sur l'application du règlement du plan local d'urbanisme. De même, si le pétitionnaire relève que les annexes sanitaires du plan local d'urbanisme mentionnent également une telle possibilité, les énonciations de ces annexes ne revêtent aucune portée normative et sont donc insusceptibles de faire échec à l'application de l'article A 4. Enfin, si l'intéressé fait valoir que l'exigence de la présence de poteaux incendie normalisés devrait être écartée comme illégale en ce qu'elle porterait une atteinte excessive aux possibilités constructives en zone agricole, il n'apparaît pas que la prescription ainsi critiquée, motivée par un but de sécurité publique et justifiée par le souci de garantir un débit adapté à l'importance de l'opération, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, les projets contestés méconnaissent l'article A 4 précité s'agissant de la défense contre l'incendie. En revanche, compte tenu du réservoir d'eau ou des citernes prévus par le pétitionnaire sur sa parcelle, les permis de construire ne procèdent pas d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme s'agissant de ce même point.
15. D'autre part, il est constant qu'aucun des deux dossiers de demande de permis en litige ne comporte la moindre indication sur les modalités retenues par M. A... pour assurer l'assainissement des eaux pluviales. La commune et le pétitionnaire soutiennent que les eaux pluviales pourront être infiltrées sur la parcelle compte tenu de sa surface conséquente et se prévalent de l'avis favorable rendu sur le projet de maison d'habitation le 27 août 2021 par le service pluvial de la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée. Néanmoins, alors que les dispositions précitées exigent la mise en place de dispositifs appropriés et proportionnés pour l'évacuation sans stagnation des eaux pluviales en l'absence de réseau et alors que l'étude de sol réalisée dans le cadre de la conception de l'assainissement des eaux usées mentionne en outre un sol " très peu perméable à imperméable ", aucun élément technique n'est versé aux débats pour justifier de la pertinence d'une solution d'infiltration sur la parcelle. Il ressort au surplus de son avis sus-évoqué que le service pluvial de la communauté d'agglomération s'est référé, à titre de recommandation, au futur règlement d'assainissement des eaux pluviales en cours d'élaboration, lequel imposera un volume de rétention de 130 litres par mètre cube imperméabilisé et dont le projet avait au demeurant été déjà approuvé par le conseil municipal de Boujan-sur-Libron avant l'octroi des permis de construire attaqués. Dès lors, les projets en litige méconnaissent également l'article A 4 du règlement du plan local d'urbanisme s'agissant des eaux pluviales.
16. En quatrième lieu, selon l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme : " Aspect extérieur : / Les principes de base suivants devront être respectés : / Harmonie globale : / Par leur aspect extérieur, les constructions et autres modes d'occupation du sol ne doivent pas porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, au site et aux paysages naturels. / Pour les nouvelles exploitations, l'ensemble des bâtiments constituera un ensemble homogène (registre architectural commun, hauteur et gabarit articulés) dans le style mas viticole. / (...) / En particulier, les constructions seront conçues avec les préoccupations architecturales suivantes : / (...) / Encadrements : / Les encadrements des ouvertures principales et notamment des portails des garages ou des bâtiments d'exploitation devront s'inspirer du style existant des maisons vigneronnes du centre ancien (19ème - 20ème). / (...) ".
17. Il ressort des notices descriptives des deux projets, ainsi que des pièces graphiques jointes aux demandes de permis, que tant la maison que le hangar projetés présentent, pour l'essentiel, un aspect architectural de style contemporain avec, en particulier, de larges baies vitrées et des menuiseries en aluminium gris anthracite équipées de volets roulants assortis. En raison notamment de ces caractéristiques, les deux projets ne peuvent pas être regardés comme s'inscrivant dans le style " mas viticole " mentionné par l'article A 11 précité du règlement du plan local d'urbanisme, lequel doit être considéré, compte tenu de son objet même, comme s'appliquant à toutes les nouvelles constructions liées à une exploitation agricole. Par ailleurs, si les notices descriptives énoncent que les encadrements des ouvertures principales des bâtiments s'inspireront du " style existant des maisons vigneronnes ", sans d'ailleurs préciser de quelle manière, ces indications sont manifestement contredites par les pièces graphiques relatives aux projets en cause, lesquelles ne font apparaître aucun traitement spécifique pour ces ouvertures. Dans ces conditions, les permis de construire litigieux ont été accordés en méconnaissance des prescriptions de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme sur ces points.
En ce qui concerne les possibilités de régularisation :
18. Selon l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". Selon l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
19. Les illégalités constatées aux points 10 et 12 du présent arrêt ne concernent pas des parties identifiables des constructions projetées et n'apparaissent pas régularisables en l'état de la consistance de l'activité agricole du pétitionnaire et des caractéristiques de la voirie. Par suite, les conclusions subsidiaires présentées par les appelants, tendant à la mise en œuvre des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 précités du code de l'urbanisme, ne peuvent qu'être rejetées.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Boujan-sur-Libron et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les arrêtés des 3 novembre 2021 et 13 juillet 2022, mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions présentées par la commune à ce titre.
Sur les frais liés aux litiges :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de M. et Mme B..., lesquels ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, une somme quelconque au titre des frais exposés par la commune appelante et par M. A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Boujan-sur-Libron une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme B... sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes présentées par la commune de Boujan-sur-Libron et par M. A... sont rejetées.
Article 2 : La commune de Boujan-sur-Libron versera à M. et Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Boujan-sur-Libron, à M. C... A..., au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et à M. F... B... et Mme D... E... épouse B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Béziers.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
J.F. Moutte
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 23TL01364, 23TL01365