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17/04/2025 | FRANCE | N°23TL01044

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 17 avril 2025, 23TL01044


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... H..., M. B... H..., Mme I... H..., Mme F... H..., Mme G... H..., M. et Mme E... H..., venant aux droits de Mme D... C..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 du préfet de la Haute-Garonne déclarant d'utilité publique les travaux nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté du Rivel, sur le territoire des communes de Baziège et Montgiscard et emportant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanism

e de ces deux communes.



Par ordonnance n° 462171 du président de la section d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... H..., M. B... H..., Mme I... H..., Mme F... H..., Mme G... H..., M. et Mme E... H..., venant aux droits de Mme D... C..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 du préfet de la Haute-Garonne déclarant d'utilité publique les travaux nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté du Rivel, sur le territoire des communes de Baziège et Montgiscard et emportant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme de ces deux communes.

Par ordonnance n° 462171 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 4 avril 2022, le jugement de l'affaire enregistrée au tribunal administratif de Toulouse sous le n° 2003871 a été attribué au tribunal administratif de Montpellier.

Par un jugement n° 2023871 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 mai 2023 et 20 février 2024, les consorts H..., représentés par Me Xoual, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont renversé la charge de la preuve et n'ont pas usé de leur pouvoir d'instruction ;

- la notice explicative incluse dans le dossier soumis à enquête publique est insuffisante dès lors qu'elle ne justifie pas le projet d'enfouissement des lignes électriques envisagé par l'expropriant pour les travaux nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté du Rivel ;

- alors que le projet prévoit la réalisation d'une nouvelle infrastructure de transport, la notice explicative ne contient pas les éléments mentionnés aux articles L. 2123-9 et R. 2123-18 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'appréciation sommaire des dépenses est insuffisante faute d'avoir pris en compte le coût des aménagements de l'échangeur autoroutier et de la route départementale D24 ;

- l'étude d'impact ne présente aucune solution de substitution qui aurait été envisagée par le maître d'ouvrage et cette insuffisance prive le public de se faire sa propre opinion sur le choix du site et son périmètre ;

- le dossier soumis à enquête publique est incomplet en ce qu'il ne comporte ni l'avis de l'autorité environnementale ni la réponse du maître d'ouvrage à cet avis en méconnaissances des dispositions des articles R. 123-8 et R. 123-19 du code de l'environnement ;

- la chambre d'agriculture n'a pas été consultée dans le cadre de l'enquête publique ce qui a nui à la bonne information du public ;

- l'avis d'ouverture de l'enquête publique n'a pas fait l'objet d'une publicité suffisante au sens des dispositions de l'article R. 213-11 du code de l'environnement ce qui a nui à la bonne information du public ;

- l'opération ne présente pas un caractère d'utilité publique au regard de son coût excessif compte tenu notamment du caractère hypothétique des perspectives de développement et des atteintes excessives à la propriété privée et à la sécurité publique ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique ;

- l'arrêté attaqué, en tant qu'il emporte mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Baziège et Montgiscard, est illégal en ce que cette mise en compatibilité a engendré des plans locaux d'urbanisme contraires aux dispositions de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme ; par suite, l'arrêté attaqué en tant qu'il vaut déclaration d'utilité publique des travaux nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté du Rivel est entaché d'illégalité au regard des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et celles de l'article L. 153-54 du code de l'urbanisme du fait de la remise en vigueur des versions antérieures des plans locaux d'urbanisme des communes de Baziège et de Montgiscard.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 octobre 2023 et 5 mars 2024, la communauté d'agglomération du Sud-Est toulousain dite Sicoval, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les consorts H... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les consorts H... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- et les observations de Me Xoual, représentant les consorts H..., et de Me Courrech, représentant la communauté d'agglomération du Sicoval.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne a déclaré d'utilité publique les travaux nécessaires à la réalisation, sur le territoire des communes de Baziège et Montgiscard, de la zone d'aménagement concerté du Rivel dont le maître d'ouvrage est la communauté d'agglomération du Sicoval. Ce même arrêté emporte également mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme de ces deux communes. Les consorts H... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve ou omis d'user de leur pouvoir d'instruction.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

S'agissant de l'insuffisance du dossier soumis à enquête publique :

3. Aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; (...) ". Aux termes de l'article R. 112-6 du même code : " La notice explicative prévue aux articles R. 112-4 et R. 112-5 indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu, notamment du point de vue de son insertion dans l'environnement. ". Les inexactitudes, omissions ou insuffisances du dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de cette enquête publique que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet de zone d'aménagement concerté en litige présente la même configuration et le même périmètre entre l'étude préliminaire de faisabilité et le projet d'aménagement soumis à enquête publique. L'enfouissement ou non de la ligne haute-tension traversant le projet ne saurait constituer, en l'absence de différences significatives, notamment du point de vue de son insertion dans l'environnement, des partis distincts au sens de l'article R. 112-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Dans ces conditions, la notice explicative n'avait pas à indiquer les raisons pour lesquelles le projet retenu qui a été soumis à l'enquête publique ne prévoyait pas l'enfouissement de cette ligne haute-tension.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet de la zone d'aménagement concerté du Rivel, destiné à accueillir des activités économiques à vocation d'industrie et de services, d'artisanat, de conception et de recherche, implique la suppression d'un passage à niveau par la modification du profil en travers de la route départementale 16 et la création d'un passage supérieur de traversée d'une voie ferrée. Un tel aménagement ne peut pas être regardé comme une nouvelle infrastructure de transport au sens des dispositions de l'article L. 2123-9 du code général de la propriété des personnes publiques qui prévoit notamment que le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique d'une telle infrastructure expose les principes relatifs aux modalités de rétablissement des voies interrompues ou affectées. Dès lors, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ce que la notice explicative du dossier soumis à l'enquête publique ne contient pas les informations mentionnées aux articles L. 2123-9 et R. 2123-18 de ce code concernant les nouvelles infrastructures de transport.

6. En troisième lieu, l'obligation faite par les dispositions de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique à l'autorité qui poursuit la déclaration d'utilité publique de faire figurer au dossier soumis à l'enquête publique une appréciation sommaire des dépenses a pour but de permettre à tous les intéressés de s'assurer que ces travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, ont un caractère d'utilité publique. Toutefois, elle ne saurait conduire à inclure dans ce coût celui d'ouvrages distincts, ayant une finalité propre et dont le financement n'est pas nécessairement lié à celui du projet qui fait l'objet de la déclaration d'utilité publique.

7. Il ressort des pièces du dossier que si la construction de l'échangeur routier de Montgiscard sur l'autoroute A61 et la construction de la route départementale entre la route départementale 16 et la route départementale 813 sont réalisées de façon complémentaire avec la création de la zone d'aménagement concerté du Rivel, dans l'objectif d'un développement progressif d'activités économiques sur le secteur en cause, ces ouvrages complémentaires, qui ne sont pas situés dans l'emprise de l'opération d'aménagement déclarée d'utilité publique par l'arrêté en litige, constituent des ouvrages distincts dont les financements ne sont pas liés à celui de cette zone d'aménagement concerté. Dans ces conditions, les coûts de cet échangeur et de la construction de la route départementale n'avaient pas à être mentionnés dans l'appréciation sommaire des dépenses. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier soumis à enquête publique sur ce point devra être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement : " Le dossier comprend au moins : / 1° Lorsque le projet fait l'objet d'une évaluation environnementale (...) c) L'avis de l'autorité environnementale mentionné au III de l'article L. 122-1, le cas échéant, au III de l'article L. 122-1-1, à l'article L. 122-7 du présent code ou à l'article L. 104-6 du code de l'urbanisme, ainsi que la réponse écrite du maître d'ouvrage à l'avis de l'autorité environnementale ;(...) ". Aux termes de l'article R. 123-19 du même code : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. (...) ".

9. Il ressort de la lecture du rapport de la commission d'enquête que tant l'avis de l'autorité environnementale que la réponse du maître d'ouvrage à cet avis figuraient dans les pièces constitutives du dossier soumis à enquête publique. Dans ces conditions, la seule absence de mention de ces documents dans la liste des pièces du dossier soumis à enquête publique n'a pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population et n'a pas été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier d'enquête publique sur ce point doit être écarté.

10. En cinquième lieu, en vertu de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, le dossier soumis à l'enquête publique comprend " (...) 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme ; (...) ". Aux termes de l'article L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime, " les plans d'occupation des sols ou les documents d'urbanisme en tenant lieu (...) prévoyant une réduction des espaces agricoles (...) ne peuvent être rendus publics ou approuvés qu'après avis de la chambre d'agriculture (...). Il en va de même en cas (...) de modification de ces documents (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que la chambre d'agriculture de la Haute-Garonne a été saisie pour avis sur le projet de création de la zone d'aménagement concerté du Rivel par courrier du 3 août 2016. Il ressort également des pièces du dossier que le projet en litige n'a pas évolué entre l'avis de la chambre d'agriculture émis le 29 septembre 2016 et l'enquête publique, dont le dossier contenait cet avis, qui s'est déroulée du 14 octobre au 18 novembre 2019. Par suite, en l'absence de changement de circonstance de fait, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier soumis à l'enquête du fait d'un avis de la chambre d'agriculture devenu obsolète doit être écarté.

S'agissant de l'insuffisance de l'étude d'impact :

12. Aux termes de l'article L. 122-3 du code de l'environnement, l'étude d'impact comprend au minimum : " (...) d) Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, eu égard aux incidences du projet sur l'environnement ; (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 de ce code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; ".

13. Il résulte des dispositions du 7° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement que l'étude d'impact que doit réaliser le maître d'ouvrage peut légalement s'abstenir de présenter des solutions qui ont été écartées en amont et qui n'ont, par conséquent, pas été envisagées par le maître d'ouvrage. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact produite par la communauté d'agglomération du Sicoval explique les raisons pour lesquelles le site d'implantation du projet de zone d'aménagement concerté du Rivel a été retenu, et notamment la volonté de développer le secteur sud-est du territoire du Sicoval afin de proposer de l'emploi et non de réduire les communes concernées à des fonctions de village-dortoir. Alors que le maître d'ouvrage n'a aucunement envisagé d'autres sites, l'étude d'impact n'avait pas à expliquer pourquoi des solutions alternatives à ce projet n'avaient pas été retenues. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement doit être écarté.

S'agissant de l'insuffisance de la publicité relative à l'ouverture de l'enquête publique :

14. Aux termes de l'article R. 123-11 du code de l'environnement : " I. - Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. Pour les projets d'importance nationale et les plans et programmes de niveau national, cet avis est, en outre, publié dans deux journaux à diffusion nationale quinze jours au moins avant le début de l'enquête. / (...) IV. - En outre, dans les mêmes conditions de délai et de durée, et sauf impossibilité matérielle justifiée, le responsable du projet procède à l'affichage du même avis sur les lieux prévus pour la réalisation du projet. / (...) ".

15. S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à la publicité de l'ouverture de l'enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions précitées, la méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

16. Il ressort des pièces du dossier que l'avis au public d'ouverture de l'enquête publique pour le projet en litige a été publié dans les journaux La Dépêche du Midi et le Journal Toulousain et affiché en trente-six points sur le territoire des communes de Baziège, Montgiscard et Ayguesvives, comprenant cinq points sur le site du projet, ainsi que le mentionne le constat d'huissier dressé le 18 novembre 2019. Il est constant que la publicité de l'avis respectait les conditions de délai et de durée fixées à l'article R. 123-11 du code de l'environnement. Si les requérants soutiennent que le Journal Toulousain ne fait l'objet que d'une diffusion restreinte ne lui permettant pas de répondre aux exigences de l'article R. 123-11 précité, il ressort des pièces du dossier que ce dernier est habilité à recevoir des annonces légales. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier qu'une publicité complémentaire a été réalisée, notamment en distribuant un document d'information dans les boîtes aux lettres des habitants des communes de Baziège, Montgiscard et Ayguesvives. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, les modalités restreintes de distribution du Journal Toulousain aient pu, à elles seules, nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération faisant l'objet de l'enquête. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la publicité relative à l'ouverture de l'enquête publique doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

17. En premier lieu, il appartient au juge administratif, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

18. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la réalisation de la zone d'aménagement concerté du Rivel vise à permettre le développement économique et la création de 2 700 emplois environ à une vingtaine de kilomètres au sud-est de l'agglomération toulousaine, dans un contexte d'offre foncière économique limitée en périphérie de Toulouse. Le site d'implantation retenu est identifié dans le schéma de cohérence territoriale de la grande agglomération toulousaine comme un site d'intérêt d'agglomération à vocation économique où la densité forte d'emplois constitue une priorité. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet d'y accueillir des activités liées aux " technologies vertes, construction innovante, énergies renouvelables, économie circulaire " ne répond à aucun besoin réel. D'autre part, si le projet est situé dans un secteur concerné par le risque fort d'inondation lié à l'Hers Mort et au Rivel, couvert par le plan de prévention des risques d'inondation de l'Hers Mort moyen approuvé par le préfet de la Haute-Garonne le 21 janvier 2014, il ressort des pièces du dossier que le projet ne comprend aucune zone inondable d'aléa fort à l'intérieur du périmètre de la zone d'aménagement concerté et qu'il est possible d'éviter l'édification de constructions dans les zones d'expansion des crues du Rivel. En outre, le coût du projet, qui s'élève à 65 millions d'euros, n'apparaît pas excessif eu égard à l'intérêt économique qu'il présente pour l'agglomération toulousaine. De même, l'atteinte à la propriété privée des appelants et l'atteinte portée aux terres agricoles de très bonne valeur agronomique, pour une superficie d'une centaine d'hectares, ne suffisent pas à retirer son caractère d'utilité publique au projet. Enfin, la circonstance que le projet en litige ait été conçu en synergie avec la création de l'échangeur autoroutier de Montgiscard n'est pas de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique. Il s'ensuit que les inconvénients du projet ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'il présente. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'utilité publique de l'opération concernée doit être écarté.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " La déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les prescriptions d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols, du schéma directeur de la région d'Ile-de-France, d'un plan d'aménagement de zone applicable dans une zone d'aménagement concerté, ou avec les dispositions à caractère réglementaire régissant un lotissement approuvé, s'effectue dans les conditions prévues au code de l'urbanisme et dans les conditions prévues à l'article L. 4433-10-7 du code général des collectivités territoriales en cas d'incompatibilité avec les prescriptions d'un schéma d'aménagement régional. ". Aux termes de l'article L.153-54 du code de l'urbanisme : " Une opération faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique, d'une procédure intégrée en application de l'article L. 300-6-1 ou, si une déclaration d'utilité publique n'est pas requise, d'une déclaration de projet, et qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir que si : / 1° L'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; / 2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. Le maire de la ou des communes intéressées par l'opération est invité à participer à cet examen conjoint. ". Aux termes de l'article L. 101-2 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / 1° L'équilibre entre : / a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; / b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ; / c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / d) La sauvegarde des ensembles urbains et la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel ; / e) Les besoins en matière de mobilité ; / (...) 6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ;(...) ".

20. Les consorts H... soutiennent que l'arrêté en litige en tant qu'il emporte la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Baziège et de Montgiscard porte atteinte à l'objectif prévu à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme précité tenant à un équilibre entre le développement urbain maîtrisé et la protection des milieux naturels et des paysages. Toutefois, les projets d'aménagement et de développement durables des plans locaux d'urbanisme des deux communes concernées prévoient dans leurs orientations la création d'une zone d'aménagement concerté à vocation d'activités dans le secteur du Rivel. Ainsi, la seule circonstance que la zone d'aménagement concerté du Rivel va consommer environ 100 hectares de terres agricoles, dont 80 seront artificialisées, ainsi que le relève l'avis de l'autorité environnementale du 28 août 2019, ne suffit pas pour considérer que cette mise en compatibilité entraîne un déséquilibre entre le développement urbain et la protection des milieux naturels et des paysages de ces communes. Dans ces conditions, les consorts H... ne démontrent pas que l'arrêté attaqué méconnaîtrait l'objectif d'équilibre prévu à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme. Par voie de conséquence, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué en tant qu'il vaut déclaration d'utilité publique des travaux nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté du Rivel est illégal au regard des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et de celles de l'article L. 153-54 du code de l'urbanisme du fait de la remise en vigueur des plans locaux d'urbanisme antérieurs ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

21. En dernier lieu, les consorts H... ne peuvent utilement se prévaloir, s'agissant d'un arrêté du 2 juin 2020 portant déclaration d'utilité publique des travaux nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté des dispositions intervenues postérieurement de l'article 191 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui instaure un objectif d'absence de toute nouvelle artificialisation des sols.

22. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par les appelants et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des consorts H... une somme à verser à la communauté d'agglomération du Sivocal sur le fondement de mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête des consorts H... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du Sicoval au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... H..., représentant unique pour l'ensemble des requérants, au ministre de l'intérieur et à la communauté d'agglomération du Sud-Est Toulousain dite Sicoval.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01044


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01044
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: Mme Nathalie Lasserre
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : XOUAL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-17;23tl01044 ?
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