Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'ordonner avant-dire-droit une expertise médicale en vue de déterminer et chiffrer les préjudices résultant de l'accident dont elle a été victime le 31 mai 2018, de condamner le centre hospitalier de Montfavet à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis, de condamner le centre hospitalier de Montfavet aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement avant-dire-droit n°1903972 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le centre hospitalier de Montfavet à lui verser la somme de 3 000 euros et a ordonné une expertise.
Par un jugement n°1903972 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le centre hospitalier de Montfavet à verser à Mme D... la somme de 1 000 euros, a mis à la charge définitive du centre hospitalier de Montfavet les entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros, a mis à sa charge la somme de 1 500 euros à verser à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juin 2023 et 18 octobre 2024, Mme A... D..., représentée par Me Anav-Arlaud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 mars 2023 ;
2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise médicale confiée à un expert ophtalmologiste, dont les frais seront mis à la charge du centre hospitalier de Montfavet ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Montfavet à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'accident de service dont elle a été victime le 31 mai 2018 et du fait de la faute commise par le centre hospitalier au titre la violation de son obligation de prévention ;
4°) à défaut, de confirmer le jugement attaqué ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montfavet la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
- en la laissant affectée sur un poste non adapté à son handicap malgré les préconisations de la médecine de prévention, le centre hospitalier de Montfavet a méconnu son obligation de sécurité et son obligation de prévention des risques, prévue aux articles L. 4111-1, L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 4624-6 du code du travail et à l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- cette situation, qui a perduré durant un an et demi, lui a causé des souffrances physiques et morales et un préjudice moral, qu'elle évalue à 15 000 euros ;
- elle est également fondée à rechercher la responsabilité sans faute du centre hospitalier en raison de l'accident de service dont elle a été victime le 31 mai 2018 ;
- le centre hospitalier de Montfavet a également commis une faute à l'origine de l'accident de service du 31 mai 2018, dès lors qu'il n'a pas mis en place l'organisation et les moyens nécessaires pour qu'elle se rende en toute sécurité à l'expertise médicale devant se tenir le 31 mai 2018 à 14 heures 30 à Carpentras ;
- l'expertise ordonnée par le tribunal ayant été confiée à un neurochirurgien, qui n'est pas spécialiste de la vision, il est nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise à confier à un ophtalmologue, et éventuellement à un sapiteur spécialisé en médecine interne, afin qu'il détermine l'étendue de ses préjudices et qu'il se prononce sur l'imputabilité de ses lésions ophtalmologiques à l'accident de service du 31 mai 2018 ; elle est aujourd'hui quasiment aveugle, souffre de maux de tête permanents et présente des séquelles physiques persistantes, notamment au niveau de sa jambe droite ;
- à défaut de nouvelle expertise ordonnée par la cour, elle demande la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices subis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2024, le centre hospitalier de Montfavet, représenté par Me Walgenwitz, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que soit mise à la charge de Mme D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte aucune critique du jugement attaqué ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la lombosciatique droite et l'aggravation des troubles visuels dont souffre Mme D... ne présentaient pas de lien avec l'accident de service dont elle a été victime le 31 mai 2018 ;
- la désignation d'un médecin expert ophtalmologue ne présente aucun caractère d'utilité.
Par une ordonnance du 22 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 novembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- les observations de Me Vimini, substituant Me Walgenwitz, représentant le centre hospitalier de Montfavet.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été recrutée le 5 janvier 2004 par le centre hospitalier de Montfavet (Vaucluse) pour y exercer des fonctions de bio nettoyage, puis a été titularisée dans le grade des agents de services hospitaliers qualifiés à compter du 10 juillet 2007. Elle a été affectée au sein de deux unités du centre hospitalier de Montfavet situées à Avignon, l'hôpital de jour Saint Gabriel et le centre médico psychologique Alexandre Blanc, lesquels sont distants d'environ trois kilomètres. Présentant une très forte myopie bilatérale, elle s'est vu reconnaître la qualité de travailleuse handicapée et le 20 janvier 2017, la directrice des ressources humaines de l'établissement a préconisé son affectation au sein d'une seule unité. Cette préconisation a également été mentionnée par le médecin du travail les 6 février 2017, 28 septembre 2017 et 30 mars 2018. Par un courrier du 24 avril 2018, elle a été convoquée pour une expertise médicale prévue le 31 mai 2018 à 14 heures 30 à Carpentras. Le 31 mai 2018, après avoir quitté son lieu de travail pour se rendre à cette expertise médicale en autobus, elle a toutefois été victime d'une chute lui ayant occasionné un traumatisme crânien. Elle a été placée en congé de maladie à compter du 1er juin 2018 et par une décision du 22 juin 2018, le directeur du centre hospitalier a reconnu l'accident du 31 mai 2018 comme imputable au service. Le 19 juillet 2019, elle a formé une demande indemnitaire préalable tendant à la réparation de ses préjudices, laquelle a été implicitement rejetée. Elle a ensuite saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande tendant ce que soit ordonnée une expertise médicale et à la condamnation du centre hospitalier de Montfavet à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'inadaptation de ses conditions de travail à son état de santé et de l'accident de service dont elle a été victime le 31 mai 2018. Par un jugement avant-dire-droit du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le centre hospitalier de Montfavet à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'inadaptation de ses conditions de travail pendant une période de quinze mois, ayant expiré le 31 mai 2018 et, concernant l'accident de service du 31 mai 2018, a écarté la responsabilité pour faute du centre hospitalier, a considéré que sa responsabilité sans faute était engagée et a ordonné avant-dire-droit une expertise afin de déterminer les conséquences de cet accident et l'étendue des préjudices subis par Mme D.... Le 3 décembre 2022, le docteur B..., neurochirurgien, a remis son rapport. Par un jugement du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le centre hospitalier de Montfavet à verser à Mme D... la somme de 1 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence résultant de son hospitalisation liée à l'accident de service du 31 mai 2018, a mis à la charge définitive du centre hospitalier les entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros, a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande Mme D.... Elle relève appel du jugement du 30 mars 2023.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conditions de travail de Mme D... :
S'agissant de la responsabilité pour faute :
2. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au présent litige : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ". Aux termes de l'article L. 4111-1 du code du travail : " Sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 4111-4, les dispositions de la présente partie sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'aux travailleurs. / Elles sont également applicables : / (...) / 3° Aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article 2 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (...) ". Aux termes de l'article L. 4121-1 du même code : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ". Aux termes de l'article L. 4624-6 de ce code : " L'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite ". L'article L. 4624-2 du même code dispose que : " I.- Tout travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l'environnement immédiat de travail bénéficie d'un suivi individuel renforcé de son état de santé. Ce suivi comprend notamment un examen médical d'aptitude, qui se substitue à la visite d'information et de prévention prévue à l'article L. 4624-1. / II.- L'examen médical d'aptitude permet de s'assurer de la compatibilité de l'état de santé du travailleur avec le poste auquel il est affecté, afin de prévenir tout risque grave d'atteinte à sa santé ou à sa sécurité ou à celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l'environnement immédiat de travail ". Enfin, aux termes de l'article L. 4624-3 du même code : " Le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur. ".
3. Il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet. A ce titre, il leur incombe notamment de prendre en compte, dans les conditions prévues par les dispositions ci-dessus rappelées, les propositions d'aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents, que les médecins du travail sont seuls habilités à émettre.
4. Ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, Mme D..., qui souffre d'une myopie bilatérale très sévère et s'est à ce titre vu reconnaître la qualité de travailleuse handicapée par une décision du 15 novembre 2016, était affectée sur deux unités du centre hospitalier de Montfavet, à 50% à l'hôpital de jour Saint Gabriel et à 50% au centre médico psychologique Alexandre Blanc, qui sont distants d'environ trois kilomètres. Par un courrier du 20 janvier 2017, faisant suite à une réunion de la cellule d'adéquation à l'emploi s'étant tenue la veille au sujet des restrictions formulées par le médecin du travail concernant Mme D..., la directrice des ressources humaines de l'établissement mentionnait " la nécessité d'organiser, pour l'intéressée, une affectation unique ". De plus, le 6 février 2017, le médecin du travail l'a déclarée apte " avec restrictions " à l'exercice de ses fonctions, en mentionnant qu'" il serait souhaitable que Mme D... puisse n'avoir qu'une affectation si possible St Gabriel ". Le 28 septembre 2017, le médecin du travail a renouvelé cette restriction, en relevant que l'intéressée " ne doit avoir qu'une affectation " " au plus près de son domicile ", à l'hôpital Saint Gabriel. Cette préconisation a de nouveau été renouvelée par le médecin du travail le 30 mars 2018, lequel relevait que Mme D... ne devait " pas avoir plusieurs sites de travail " et qu'elle devait " travailler uniquement sur le secteur sud Saint Gabriel ". Si en défense, le centre hospitalier fait valoir qu'il a été envisagé d'affecter Mme D... sur un seul site dès la restructuration des pôles de psychiatrie devant être menée au second semestre de l'année 2018, il ne l'établit pas. De plus, il n'établit ni même n'allègue qu'une affectation sur un site unique aurait été impossible avant l'intervention de ladite restructuration. En ne prenant pas ces mesures nécessaires pour assurer la sécurité et préserver la santé de Mme D..., malgré les préconisations répétées du médecin du travail, le centre hospitalier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
S'agissant des préjudices :
5. Il résulte de l'instruction que Mme D... a subi des souffrances physiques et morales et un préjudice moral résultant de l'inadaptation de ses conditions de travail. Il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en fixant à 3 000 euros la somme globale destinée à les réparer, ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
En ce qui concerne l'accident de service du 31 mai 2018 :
6. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
S'agissant de la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Montfavet :
7. Il résulte de l'instruction que le 31 mai 2018, après avoir travaillé jusqu'à environ 12 heures 15, Mme D... est partie de son lieu de travail afin de se rendre en autobus à l'expertise médicale à laquelle elle était convoquée le même jour à 14 heures 30 à Carpentras. En se rendant à l'arrêt de bus, elle est toutefois tombée en traversant une route en travaux et a été transportée par les pompiers au service des urgences du centre hospitalier d'Avignon. Comme en première instance, l'appelante soutient que le centre hospitalier de Montfavet a commis une faute à l'origine de cet accident reconnu imputable au service en ne mettant pas en place l'organisation et les moyens nécessaires pour qu'elle se rende à cette expertise en toute sécurité, compte tenu de sa pathologie. Elle se prévaut notamment du courrier du 24 avril 2018 la convoquant à cette expertise médicale lui conseillant d'y être accompagnée en raison de la potentielle réalisation d'un examen du fond d'œil avec dilatation pupillaire. Toutefois, si elle soutient que le centre hospitalier aurait refusé de lui accorder une journée de réduction du temps de travail afin que son époux l'accompagne à cette expertise, elle n'établit pas avoir présenté une telle demande. De plus, si elle soutient que le centre hospitalier a commis une faute en ne mettant pas à sa disposition une voiture de service avec un accompagnant, elle n'établit ni même n'allègue avoir présenté une telle demande ou avoir indiqué à son employeur qu'elle ne disposait d'aucun accompagnateur pour s'y rendre. Enfin, si elle soutient qu'il lui a été indiqué qu'elle devait se rendre à cette expertise par ses propres moyens et qu'elle devait revenir travailler après ladite expertise, la seule production d'un courriel d'un représentant syndical adressé à l'établissement le 28 mai 2018 ne saurait permettre d'établir ses allégations. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
S'agissant de la responsabilité sans faute du centre hospitalier de Montfavet :
8. Il résulte de l'instruction que par une décision du 22 juin 2018, devenue définitive, le directeur du centre hospitalier de Montfavet a reconnu l'imputabilité au service de l'accident dont a été victime Mme D... le 31 mai 2018. En application des principes énoncés au point 6 du présent arrêt, cette dernière est fondée à rechercher la responsabilité sans faute de cet établissement pour obtenir réparation des préjudices en lien direct et certain avec cet accident de service.
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire du docteur B..., neurochirurgien, en date du 3 décembre 2022, que si la chute de Mme D... survenue le 31 mai 2018 a occasionné un traumatisme crânien avec impact occipital et une perte de connaissance initiale, elle n'est en revanche pas responsable de l'aggravation de ses troubles visuels. A ce titre, l'expert missionné par le tribunal administratif a relevé l'absence de traumatisme orbitaire bilatéral, que l'examen scanographique cérébral effectué était normal et qu'aucun examen ophtalmologique n'avait été réalisé aux urgences. Il résulte également de l'instruction que l'intéressée souffrait déjà antérieurement à cet accident de service de troubles visuels sévères, diagnostiqués dès le début de l'année 2016, se caractérisant par une baisse très importante de l'acuité visuelle bilatérale en rapport avec une dégénérescence maculaire myopique associée à un glaucome, le docteur C..., ophtalmologue, ayant le 2 novembre 2017 relevé que la meilleure acuité visuelle de loin était inférieure à 1/20 à droite comme à gauche sans correction et restait inférieure à 1/10 avec correction et que l'évolution prévisible de ces troubles était leur aggravation, sans toutefois mentionner de délai à ce titre. Pour contester les conclusions de l'expertise, l'appelante produit un certificat du même ophtalmologue du 15 décembre 2022, selon lequel il l'aurait reçue en consultation le 7 juin 2018, mentionnant une myopie très forte de l'ordre de -20.0 dioptries, une hypertonie des globes, que son acuité visuelle était de 3/10 à l'œil droit et 1,5/10 l'œil gauche en novembre 2017 et avait ainsi " changé depuis son accident de travail " datant du 31 mai 2018 et, qu'au total, l'intéressée présentait une cécité légale avec une acuité visuelle inférieure à 1/20ème de chaque côté, non améliorable tant d'un point de vue chirurgical que médical. Toutefois, dès lors que dans son certificat du 28 juin 2018 établi après un examen réalisé le même jour, soit environ un mois après l'accident du 31 mai 2018, le docteur C... avait seulement mentionné que Mme D... se plaignait de photopsies importantes et d'une baisse d'acuité visuelle depuis l'accident du 31 mai 2018, sans faire état de lésions traumatiques oculaires occasionnées par l'accident pouvant expliquer l'aggravation de ses troubles de la vision ou d'une baisse brutale de son acuité visuelle qu'il aurait alors mesurée, ni le certificat du 15 décembre 2022 dont se prévaut Mme D... ni les autres certificats médicaux produits par l'intéressée ne sont de nature à démontrer le lien entre son accident et l'aggravation de sa pathologie. Par suite et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que l'aggravation de ses troubles visuels serait une conséquence de son accident de service.
10. En second lieu, à supposer que Mme D..., qui indique souffrir de séquelles physiques persistantes, notamment au niveau de sa jambe droite, ayant justifié une opération en urgence le 11 septembre 2020, entende comme en première instance soutenir que l'accident de service du 31 mai 2018 est à l'origine d'une lombosciatique droite dont elle souffre, il ressort du rapport d'expertise précité du docteur B..., que cet accident n'est pas à l'origine de cette lombosciatique. A ce titre, l'expert a relevé l'absence de mention de douleurs lombaires ou sciatiques dans les différents documents médicaux lui ayant été transmis, que le mécanisme de la chute ne pouvait expliquer l'apparition d'une hernie discale post-traumatique, que le neurologue consulté le 20 mars 2019 n'a rapporté l'existence d'aucune douleur à type lombo-sciatique, que si Mme D... s'est plainte de douleurs cervicales et que son médecin traitant lui a prescrit un examen d'imagerie à résonance magnétique cervicale, un tel examen ne lui a pas été prescrit concernant la zone lombaire et que l'aspect radiologique décrit sur l'imagerie à résonance médicale du 28 février 2020 correspondait à un aspect dégénératif lombaire, avec un rétrécissement canalaire L4-L5 et une hernie discale médiane et paramédiane droite L5-S1. Si Mme D... produit un extrait de son dossier d'hospitalisation concernant l'opération de cette hernie discale le 11 septembre 2020, la circonstance que celui-ci mentionne qu'elle a " présenté un traumatisme vertébral en 2018 avec à l'époque une hernie discale L5-S1 postéro médiane bilatérale ", ne saurait suffire à contredire les conclusions du docteur B..., neurochirurgien, et à établir un lien entre cette hernie discale et l'accident de service dont elle a été victime.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'une part, de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Montfavet, d'autre part, de faire droit à la demande d'expertise par un ophtalmologue sollicitée par Mme D..., qui ne revêt aucun caractère utile, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a limité l'indemnisation des préjudices découlant de l'inadaptation de ses conditions de travail et de l'accident de service du 31 mai 2018 aux sommes respectives de 3 000 et 1 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. En premier lieu, le tribunal administratif de Nîmes a mis les frais de l'expertise médicale réalisée par le docteur B..., taxés et liquidés à hauteur de 1 000 euros, à la charge définitive du centre hospitalier de Montfavet. Le jugement attaqué n'est pas contesté sur ce point.
13. En second lieu, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Montfavet, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du centre hospitalier de Montfavet présentées en application des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Montfavet en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au centre hospitalier de Montfavet.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL01266