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25/03/2025 | FRANCE | N°23TL00086

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 25 mars 2025, 23TL00086


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel la présidente de la région Occitanie l'a affecté au lycée Stéphane Hessel de Toulouse, d'enjoindre à la présidente de la région Occitanie de le réaffecter au lycée Raymond Naves de Toulouse, sur le poste aménagé qu'il occupait jusqu'au 6 juin 2022 et de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la région Occitanie sur le fondement des dispositions de l'article L. 76

1-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2203242, rendue ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel la présidente de la région Occitanie l'a affecté au lycée Stéphane Hessel de Toulouse, d'enjoindre à la présidente de la région Occitanie de le réaffecter au lycée Raymond Naves de Toulouse, sur le poste aménagé qu'il occupait jusqu'au 6 juin 2022 et de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la région Occitanie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2203242, rendue le 1er décembre 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a, en application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté la demande présentée par M. A... et a rejeté les conclusions présentées par la région Occitanie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me James-Foucher, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance rendue le 1er décembre 2022 ;

2°) de déclarer recevable sa requête et d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel la présidente de la région Occitanie l'a affecté au lycée Stéphane Hessel de Toulouse ;

3°) d'enjoindre à la présidente de la région Occitanie de le réaffecter sur le poste de travailleur handicapé aménagé dont il bénéficiait au lycée Raymond Naves de Toulouse ;

4°) de mettre à la charge de la région Occitanie les dépens, ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a retenu que l'arrêté du 11 avril 2022 ne lui faisait pas grief et qu'il n'était pas recevable à le contester ; en effet, au regard de l'aménagement de son poste de travail qui comporte une nécessité de proximité maximale entre son lieu de travail et son domicile, sa nouvelle affectation lui cause un préjudice et porte atteinte à ses droits ;

- l'autorité hiérarchique a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire déguisée méconnaissant par là même la procédure disciplinaire ;

- il est entaché de détournement de pouvoir ;

- au regard de son état de santé et du handicap qui lui a été reconnu, il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, la région Occitanie, représentée par Me de Faÿ, du cabinet Bardon et de Faÿ (BF2A), conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 avril 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 24 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lesure, représentant la région Occitanie.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., adjoint technique territorial des établissements publics locaux d'enseignement, affecté au lycée Raymond Naves, situé à Toulouse (Haute-Garonne), relève appel de l'ordonnance du 1er décembre 2022 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel la présidente de la région Occitanie l'a affecté sur un emploi d'agent d'entretien des locaux au sein du lycée Stéphane Hessel à Toulouse à compter du 7 juin 2022.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...). ".

3. D'une part, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.

4. D'autre part, un changement d'affectation prononcé d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

5. Par l'arrêté contesté, la présidente de la région Occitanie a prononcé la mutation dans l'intérêt du service de M. A... en l'affectant au lycée Stéphane Hessel à Toulouse à compter du 7 juin 2022 en indiquant, dans son article 2, que le fonctionnaire continuait d'exercer les fonctions d'agent d'entretien des locaux.

6. Quand bien même la décision attaquée n'aurait pas affecté la rémunération ou les perspectives de carrière de M. A..., elle a cependant eu une incidence importante sur ses conditions matérielles de travail et notamment ses conditions de trajet dans la mesure où il est titulaire d'une carte mobilité inclusion avec la mention " priorité " et d'un aménagement de son poste de travail, lequel doit comporter, outre la limitation du port de charge et la nécessité de pauses médicales, selon la dernière attestation de suivi de son état de santé, dûment remplie par le médecin du travail, le 21 mars 2022, une proximité maximale du lieu de travail et de son domicile. Or, sa nouvelle affectation se situe à près de trois kilomètres de son domicile alors que l'ancienne en était seulement éloignée de 600 mètres. Dans ces conditions, malgré la volonté de son employeur de choisir un nouveau lieu d'affectation dans un établissement public local d'enseignement qui ne soit pas trop éloigné de celui dans lequel il exerçait ses fonctions, il en résulte une modification entraînant une dégradation des conditions de travail de l'intéressé.

7. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le chef d'établissement du lycée Raymond Naves, dans lequel M. A... était affecté, a fait état, à son sujet, en dépit de la sanction du premier groupe, d'exclusion de trois jours, infligée le 13 décembre 2021, d'une accumulation de fautes professionnelles et d'une installation de l'agent dans une " posture de toute-puissance ", de refus d'obéissance hiérarchique, d'absences non autorisées et de refus de rattraper les heures non effectuées, et réclamait, dans la saisine de l'autorité hiérarchique, le 11 janvier 2022, la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire. Il résulte des termes mêmes de ce courrier que la volonté de réaffecter M. A... en dehors du lycée Raymond Naves ne procédait pas seulement de la volonté d'assurer le bon fonctionnement de l'établissement public local d'enseignement, mais d'écarter l'agent en raison de la réitération d'un comportement fautif. Si, dans l'arrêté contesté, la présidente de la région Occitanie a justifié la mesure de mutation d'office par le caractère détérioré de l'ambiance et de la cohésion de l'équipe, il est également fait allusion au comportement et à la conduite inappropriée de l'agent. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'appréciation défavorable du comportement et de la manière de servir de M. A... ont été pris en compte pour décider de sa réaffectation sur un poste d'agent d'entretien au lycée Stéphane Hessel de Toulouse, et ce, en dépit de la circonstance que l'aménagement de son poste de travail y a également été prévu. Dans ces conditions, l'autorité hiérarchique avait l'intention de sanctionner M. A....

8. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 11 avril 2022 n'a pas le caractère d'une mesure d'ordre intérieur. Par suite, l'appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a, par l'ordonnance contestée, rejeté sa demande comme dirigée contre un acte non susceptible de recours et l'a regardée comme irrecevable.

9. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler l'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse et de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande de première instance de M. A....

Sur la demande d'annulation :

10. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 et 7, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens d'annulation, M. A... est fondé, d'une part, à soutenir que l'arrêté du 11 avril 2022 de la présidente de la région Occitanie a été pris pour des motifs caractérisant une sanction disciplinaire déguisée le privant par là même des garanties attachées à la procédure qui, au regard de la nature des griefs reprochés, comportait nécessairement la consultation préalable du conseil de discipline et, d'autre part, à en demander l'annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que M. A... soit réaffecté dans son emploi. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre à la présidente de la région Occitanie de le rétablir dans ses fonctions d'agent d'entretien des locaux au sein du lycée Raymond Naves à Toulouse dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

12. D'une part, en l'absence, dans la présente instance, de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, M. A... n'est pas fondé, en tout état de cause, à en solliciter le remboursement.

13. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la région Occitanie au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Occitanie une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige que sollicite M. A... sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2203242 du 1er décembre 2022 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : L'arrêté du 11 avril 2022 par lequel la présidente de la région Occitanie a affecté M. A... au lycée Stéphane Hessel sur un emploi d'agent d'entretien des locaux est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la présidente de la région Occitanie de réaffecter M. A... sur le poste d'agent d'entretien des locaux avec aménagement qu'il occupait au lycée Raymond Naves de Toulouse dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La région Occitanie versera la somme de 1 500 euros à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par la région Occitanie en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la région Occitanie.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

La rapporteure,

D. Teuly-Desportes

La présidente,

A. Geslan-DemaretLa greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de la région Occitanie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°23TL00086 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00086
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Caractère disciplinaire d'une mesure - Mesure présentant ce caractère.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation - Introduction de l'instance - Décisions susceptibles de recours.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Delphine Teuly-Desportes
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : CABINET BARDON & DE FAY- AVOCATS ASSOCIÉS - BF2A

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;23tl00086 ?
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