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18/03/2025 | FRANCE | N°23TL00793

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 18 mars 2025, 23TL00793


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune de C... a implicitement rejeté sa demande, présentée par une lettre du 26 avril 2020, tendant à la conclusion d'un acte authentique en vue de constituer une servitude conventionnelle de passage d'une canalisation d'assainissement en tréfonds de la parcelle communale cadastrée section ... au profit de la parcelle cadastrée section B n° 1823 en exéc

ution de la délibération du conseil municipal du 10 octobre 2016 et, d'autre part, de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune de C... a implicitement rejeté sa demande, présentée par une lettre du 26 avril 2020, tendant à la conclusion d'un acte authentique en vue de constituer une servitude conventionnelle de passage d'une canalisation d'assainissement en tréfonds de la parcelle communale cadastrée section ... au profit de la parcelle cadastrée section B n° 1823 en exécution de la délibération du conseil municipal du 10 octobre 2016 et, d'autre part, de condamner cette commune à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'absence de constitution de cette servitude.

Par un jugement n° 2002261 du 7 février 2023, rectifié par une ordonnance du président du tribunal du 21 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision implicite et enjoint à la commune de C... de constituer, au profit de M. B..., la servitude de passage telle qu'approuvée par la délibération du conseil municipal du 10 octobre 2016. Par ce même jugement, le tribunal a condamné la commune de C... à verser une indemnité de 1 000 euros à M. B... en réparation de son préjudice moral et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 6 avril et 7 novembre 2023, et le 9 janvier 2024, la commune de C..., représentée par Me Blanc, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 février 2023 rectifié par une ordonnance du président du tribunal du 21 février 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- M. B... n'est plus propriétaire de la parcelle cadastrée section B n° 2680, issue de la division de la parcelle n° 1823, supportant la maison d'habitation bénéficiaire de la servitude de passage autorisée par la délibération du 10 octobre 2016 ;

- il ne pouvait être fait droit à la demande de M. B... tendant à l'établissement d'une servitude de passage d'une canalisation privée d'eaux usées en tréfonds de la parcelle communale cadastrée section ... dès lors que la délibération du conseil municipal du 10 octobre 2016 n'autorisait la constitution de cette servitude qu'au profit d'une seule maison d'habitation, édifiée sur la parcelle cadastrée section B n° 1823 en exécution d'un permis de construire obtenu en 2014, et non pour l'édification d'un lotissement composé de trois maisons individuelles ; compte tenu de la division parcellaire du terrain cadastré section B n° 1823, seule la parcelle désormais cadastrée section B n° 2681 bénéficie de la convention de servitude de passage autorisée par cette délibération ;

- M. B... entend se soustraire aux règles d'urbanisme régissant la construction de lotissements en projetant de construire trois maisons sur le même tènement immobilier, dotées d'équipements communs, sans pour autant déposer un permis de construire valant division ni un permis d'aménager ;

- c'est à tort que le tribunal a annulé la décision en litige et lui a enjoint de conclure une convention de servitude de passage avec M. B... alors qu'un changement de circonstances de fait et de droit est intervenu depuis l'adoption de la délibération du conseil municipal du 10 octobre 2016 en ce que, d'une part, la parcelle cadastrée section B n° 1823 n'a plus d'existence depuis sa division en deux parcelles désormais cadastrées section B n° 2680 et n° 2681 et, d'autre part, la parcelle cadastrée section B n° 2680, sur laquelle est édifiée la maison d'habitation bénéficiant de la servitude de passage autorisée par cette délibération, a été vendue par M. B... à un couple par un acte authentique dressé le 10 mars 2023 mentionnant que le bien est raccordé au réseau collectif d'assainissement ;

- afin de tirer les conséquences de la vente de la parcelle cadastrée section B n° 2680, le conseil municipal a, par une délibération du 11 décembre 2023, abrogé la délibération du 10 octobre 2016 portant sur une parcelle qui n'existe plus, approuvé la constitution d'un convention de servitude de passage pour le raccordement au réseau public d'eaux usées au profit des nouveaux acquéreurs de la parcelle cadastrée section B n° 2680 pour les seuls besoins de la maison régulièrement édifiée sur cette parcelle et, enfin, autorisé le maire à conclure cette convention de servitude ainsi que l'acte notarié subséquent ;

- l'appel incident de M. B... doit être rejeté dès lors, d'une part, que les préjudices allégués, passés et à venir, ne sont pas établis, d'autre part, qu'il n'a subi aucun trouble dès lors que la maison d'habitation édifiée sur la parcelle cadastrée section B n° 2680 a été régulièrement construite et effectivement raccordée au réseau public d'assainissement sans difficulté, seule la convention autorisant la servitude n'ayant pas été signée ; enfin, cette maison a fait l'objet d'une cession, le vendeur ayant déclaré dans le cadre de l'acte notarié établi le 10 mars 2023 que ce bien était raccordé au réseau public d'assainissement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Garreau, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de C... ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'indemnisation et de porter la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de C... à la somme globale de 25 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le courrier de réponse du conseil de la commune en date du 11 juin 2020 opposé à sa demande du 26 avril 2020 ne constitue pas un acte décisoire dès lors que ce dernier n'est pas compétent pour édicter une décision au nom de la commune ;

- en vertu du principe d'indépendance des législations, la commune de C... ne pouvait utilement lui opposer le respect des règles d'urbanisme pour rejeter sa demande, de telles règles étant sans incidence sur la régularisation, par acte notarié, de la servitude de passage en litige ;

- la commune de C... a commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité en refusant d'exécuter la délibération du conseil municipal du 10 octobre 2016 ;

- en refusant d'exécuter la délibération du conseil municipal du 10 octobre 2016, le maire de la commune de C... a méconnu l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Nîmes, qui avait annulé deux refus de permis de construire opposés par le maire, et dont il résulte qu'il est désormais titulaire de permis de construire tacites ;

- la délibération du 10 octobre 2016 a fait naître à son profit une décision créatrice de droits en application de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ; il n'a eu de cesse, depuis l'année 2016, de solliciter la signature d'un acte authentique formalisant la constitution de la servitude créée au profit de son fonds par cette délibération qui n'est assortie d'aucun délai ou condition particulière ;

- la commune de C... ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude pour opposer le délai qui s'est écoulé depuis l'adoption de la délibération du 10 octobre 2016 ;

- la servitude de passage en litige existe dans les faits dès lors que la maison d'habitation édifiée sur la parcelle cadastrée section B n° 1823 est raccordée au réseau d'assainissement public au moyen d'une canalisation déjà construite ; toutefois, il lui importe de régulariser la servitude de passage en litige afin de pérenniser ce raccordement ;

- c'est à bon droit que le tribunal a enjoint à la commune de C... de régulariser la servitude en litige eu égard à l'effet rétroactif qui s'attache à l'annulation contentieuse de la décision implicite de rejet opposée à sa demande ;

- la circonstance que le fonds bénéficiant de la servitude de passage a été cédé au mois de mars 2023 est sans incidence sur le jugement attaqué dès lors que la délibération du 10 octobre 2016 approuve la constitution d'une servitude à titre perpétuel et gratuit au profit de la parcelle cadastrée section B n° 1823 ;

- par la voie de l'appel incident, il est fondé à contester le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses demandes indemnitaires et à obtenir la condamnation de la commune de C... à indemniser les préjudices qu'il a subis du fait de la résistance abusive de cette dernière dans les conditions suivantes :

* 15 000 euros au titre des troubles liés à l'usage de la servitude ;

* 5 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence ;

* 5 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par une ordonnance du 17 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 8 novembre 2024, à 12 heures.

Par une lettre du 26 février 2025, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la commune de C... tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision rejetant implicitement la demande de M. B... du 26 avril 2020 et lui a enjoint de conclure une convention de servitude de passage dès lors que cette décision a été implicitement mais nécessairement abrogée sans recevoir de commencement d'exécution du fait, d'une part, de la division parcellaire du fonds dominant cadastré B 1823 suivie de la cession du fonds cadastré B 2680 et, d'autre part, de l'intervention de la délibération du conseil municipal de C... du 11 décembre 2023 abrogeant la délibération du 10 octobre 2016 laquelle n'a pas reçu de commencement d'exécution.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n°55-22 du 4 janvier 1955 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Ruffel, substituant Me Blanc, représentant la commune de C....

Une note en délibéré a été présentée par M. B... le 10 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a fait l'acquisition, par un acte notarié du 14 novembre 2014, de la parcelle cadastrée section ... située à C... (Vaucluse) sur laquelle il a édifié une construction à usage d'habitation autorisée par un permis de construire du 21 octobre 2014. En vue de raccorder cette maison d'habitation au réseau d'assainissement collectif, le maire de C... a autorisé M. B..., par une lettre du 2 avril 2015, à faire implanter une canalisation privée dans le tréfonds de la parcelle cadastrée section ..., laquelle relevait alors du domaine privé communal avant qu'elle soit affectée à l'usage du public après son aménagement en jardin public. Cette canalisation a été implantée au cours de l'année 2015.

2. Par une délibération du 10 octobre 2016, le conseil municipal de C... a consenti à la constitution d'une servitude de passage à titre perpétuel et gratuit sur la parcelle communale cadastrée section ..., fonds servant, au profit de la parcelle privée cadastrée section ..., fonds dominant, aux fins exclusives de passage en tréfonds de la canalisation d'assainissement desservant la maison d'habitation précitée. Par une lettre du 26 avril 2020, M. B... a demandé à la commune de C... d'exécuter la délibération du 10 octobre 2016 en faisant établir un acte authentique instituant la servitude de passage. Le silence gardé par la commune de C... sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par un jugement du 7 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision implicite et enjoint à la commune de C... de constituer, au profit de M. B..., la servitude de passage telle qu'approuvée par la délibération du conseil municipal du 10 octobre 2016 précitée. Par ce même jugement, le tribunal a condamné la commune de C... à verser une indemnité de 1 000 euros à M. B... en réparation de son préjudice moral et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La commune de C... relève appel de ce jugement. À titre incident, M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses conclusions indemnitaires.

Sur le non- lieu à statuer partiel :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 2122-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Des servitudes établies par conventions passées entre les propriétaires, conformément à l'article 639 du code civil, peuvent grever des biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui relèvent du domaine public, dans la mesure où leur existence est compatible avec l'affectation de ceux de ces biens sur lesquels ces servitudes s'exercent ".

4. Aux termes de l'article 637 du code civil : " Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire ". Aux termes de l'article 639 du même code : " Elle dérive ou de la situation naturelle des lieux, ou des obligations imposées par la loi, ou des conventions entre les propriétaires ". L'article 686 de ce code dispose que : " Il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public. / L'usage et l'étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue ; à défaut de titre, par les règles ci-après ". L'article 700 du code civil précise que : " Si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée. / Ainsi, par exemple, s'il s'agit d'un droit de passage, tous les copropriétaires seront obligés de l'exercer par le même endroit ".

5. La servitude ne peut pas bénéficier à un fonds issu de la division du fonds dominant lorsqu'il a été stipulé par les parties à l'acte constitutif de la servitude que le droit de passage concédé était limité exclusivement à la desserte de la maison d'habitation figurant sur la parcelle initiale, ce qui en exclut le bénéfice à la parcelle qui en est issue et qui ne comporte pas de maison d'habitation.

6. D'autre part, aux termes de l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière : " Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles : / 1° Tous actes, même assortis d'une condition suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs : / a) Mutation ou constitution de droits réels immobiliers (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 4 du même décret : " Tout acte sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit être dressé en la forme authentique ". L'article 30 de ce même décret dispose que : " 1. Les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application du 1° de l'article 28 sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés, ou ont fait inscrire des privilèges ou des hypothèques (...) ".

7. En application de ces dispositions, sont obligatoirement publiés au bureau des hypothèques de la situation des immeubles tous actes portant constitution de droits réels immobiliers. Les actes soumis à publicité sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers.

8. Enfin, un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.

9. Ainsi qu'il a été dit, par une délibération du 10 octobre 2016, le conseil municipal de C... a consenti à la conclusion d'un acte authentique en vue de constituer, à titre gratuit et perpétuel, en tréfonds de la parcelle communale cadastrée section ..., une servitude de passage d'une canalisation destinée à l'évacuation des eaux usées dans le réseau d'assainissement au bénéfice de la maison d'habitation édifiée à la suite du permis de construire délivré à M. B... en 2014 sur la parcelle cadastrée section ..., laquelle constitue le fonds dominant. Il ressort des mentions contenues dans cette délibération, laquelle régit l'étendue de la servitude consentie par la commune sur le domaine public communal, que l'objet de la servitude grevant le fonds servant cadastré section ... se limite exclusivement au passage d'une seule canalisation d'assainissement desservant, de surcroît, la seule maison d'habitation édifiée sur la parcelle cadastrée section ... dans le cadre du permis de construire précité.

10. Il est constant que la servitude de passage en tréfonds de la parcelle cadastrée section ... consentie par la délibération du 10 octobre 2016, laquelle porte constitution de droits réels immobiliers, n'a ni donné lieu à un acte dressé en la forme authentique ni été publiée au service chargé de la publicité foncière compétent comme le prescrivent les dispositions précitées des articles 4 et 28 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, ce qui la rend inopposable aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité, et publiés.

11. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que postérieurement à cette délibération, M. B... a fait procéder, au mois de juillet 2022, à une division parcellaire de sa propriété cadastrée ..., laquelle se compose à présent de deux parcelles cadastrées section B n° 2681 et B n° 2680, dénommées lot n° 2 et lot n°1, cette dernière supportant la maison d'habitation autorisée par le permis de construire délivré en 2014 et la servitude de passage consentie par la délibération du 10 octobre 2016. Il ressort également des pièces du dossier, notamment de l'acte dressé en la forme authentique le 10 mars 2023, que M. B... a cédé la parcelle cadastrée section B n° 2680 supportant la maison d'habitation précitée à un couple d'acquéreurs. Ce même acte authentique mentionne la division cadastrale ainsi opérée, dont le plan est annexé à l'acte, et précise que le notaire chargé d'instrumenter la vente a demandé au service de la publicité foncière compétent de procéder à la publicité foncière simultanée du document modificatif du parcellaire établi par un géomètre-expert le 8 juillet 2022.

12. En application des dispositions précitées de l'article 686 du code civil, de l'article L. 2122-4 du code général de la propriété des personnes publiques et du principe rappelé au point 5, la servitude de passage établie au profit d'un fonds venant à être divisé ne bénéficie pas à chaque terrain issu de la division parcellaire lorsque la situation du fonds assujetti s'en trouve aggravée ou lorsque le droit de passage concédé était exclusivement limité à la desserte de la maison d'habitation implantée sur le fonds dominant initial. Il s'ensuit que, postérieurement au jugement attaqué, seule la parcelle cadastrée section B n° 2680, supportant la maison d'habitation édifiée dans le cadre du permis de construire, a conservé le caractère de fonds dominant et que la servitude en litige ne pouvait bénéficier à la parcelle cadastrée section B n° 2681 issue de la parcelle initialement cadastrée section ....

13. En exécution du jugement attaqué et afin de tenir compte de la division cadastrale du terrain cadastré section ..., et de la mutation simultanée de la parcelle cadastrée section B n° 2680 résultant de l'acte authentique du 10 mars 2023, le conseil municipal de C... a, par une nouvelle délibération du 11 décembre 2023, édictée postérieurement au jugement attaqué, pris acte de la division et de la cession de la parcelle cadastrée section ... et " abrogé " la délibération du 10 octobre 2016 au motif qu'elle visait une parcelle n'ayant plus d'existence. Par cette même délibération, la commune a consenti à la constitution d'une servitude de passage de la canalisation d'assainissement reliée à la maison édifiée sur la parcelle cadastrée section B n° 2680. Les servitudes de passage constituant, en application des dispositions précitées des articles 637 et 639 du code civil, une charge imposée à un fonds pour l'usage et l'utilité d'un autre fonds, dit fonds dominant, et non une charge établie en faveur d'une personne, la commune de C... n'est, dès lors, à la date du présent arrêt, plus tenue de faire droit à la demande de M. B..., en date du 26 avril 2020, tendant à ce qu'un acte soit dressé en la forme authentique en vue de constituer une servitude de passage sur l'intégralité de la parcelle cadastrée section ....

14. Il s'évince de ce qui précède que la décision en litige, par laquelle la commune de C... a implicitement rejeté la demande de M. B... tendant à la conclusion d'un acte en la forme authentique en vue de constituer une servitude de passage sur l'ancienne parcelle cadastrée section ..., doit être regardée comme ayant définitivement disparu de l'ordonnancement juridique sans avoir reçu un commencement d'exécution par voie de conséquence, d'une part, de la cession de la parcelle cadastrée section B n° 2680 à la suite de la division parcellaire du fonds cadastré ... et, d'autre part, de l'abrogation subséquente de la délibération du 10 octobre 2016 précitée intervenue le 11 décembre 2023. La requête d'appel ayant ainsi perdu son objet, il n'y a plus lieu d'y statuer en tant qu'elle tend à l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué statuant sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. C... devant le tribunal.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation restant en litige :

15. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.

16. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles 4, 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955, portant réforme de la publicité foncière, que l'absence de conclusion d'un acte authentique pour constituer une servitude de passage et d'accomplissement des mesures de publicité afférentes auprès du service de la publicité foncière compétent a seulement pour effet de rendre cette servitude inopposable aux tiers qui viendraient à acquérir des droits réels concurrents du même auteur sur le même fonds en vertu d'actes soumis à la même obligation de publicité foncière et publiés. Par suite, l'absence de conclusion puis de publication de l'acte authentique en vue de constituer la servitude consentie par la délibération du 10 octobre 2016 affecte seulement l'opposabilité de ce droit réel immobilier aux tiers.

17. Or, d'une part, il résulte de l'instruction que la construction de la canalisation, objet de la servitude de passage en litige, a été autorisée par une lettre de la commune de C... le 2 avril 2015, soit antérieurement à la délibération du conseil municipal du 10 octobre 2016 autorisant le maire à conclure un acte authentique pour constituer cette servitude et à le faire publier par le service de la publicité foncière. Par ailleurs, ainsi qu'il le reconnaît lui-même et ainsi que cela résulte de la lettre qu'il a adressée à la commune le 5 août 2016 pour l'informer de l'édification de cette canalisation conformément au tracé validé par cette dernière au mois d'avril 2015, et de l'établissement d'un constat d'huissier, M. B... a fait installer la canalisation précitée au plus tard à la fin de l'année 2015. Il en résulte que, depuis l'année 2015, M. B... a continûment bénéficié du service rendu par ce droit réel immobilier durant la période au cours de laquelle il était propriétaire du fonds dominant. À cet égard, il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est pas allégué, qu'un tiers ou que la commune de C... serait venu entraver la jouissance paisible des services rendus par ce droit.

18. D'autre part, il résulte de l'acte authentique dressé le 10 mars 2023, que M. B... a cédé la maison édifiée sur la parcelle cadastrée section B n° 2681 ayant, ainsi qu'il a été dit précédemment, le caractère de fonds dominant, sans établir, ni même alléguer, que son bien aurait subi une moins-value du fait de l'absence de conclusion d'un acte authentique portant sur la servitude conventionnelle en litige. Au contraire même, il résulte des mentions portées sur l'acte de vente que, selon les déclarations du vendeur, le bien est raccordé au réseau d'assainissement collectif. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de C... aurait refusé aux nouveaux propriétaires du fonds dominant, cadastré section B n° 2680, de jouir paisiblement de la servitude de passage en litige ou que ces derniers auraient exercé de recours à l'encontre de leur vendeur, M. B..., afin de se plaindre de l'absence de raccordement de leur maison au réseau d'assainissement collectif.

19. Par suite, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les préjudices dont se prévaut M. B... tenant, d'une part, à l'existence d'un préjudice moral, d'autre part, aux troubles dans ses conditions d'existence et, enfin, aux travaux d'entretien et de remplacement des canalisations, ainsi qu'à des trouble subis dans l'usage de la servitude, ne sont pas établis. Au surplus, ces troubles ne présentent pas de lien de causalité avec l'absence de conclusion d'un acte authentique suivi de sa publication foncière, le non-accomplissement de ces formalités ayant seulement pour effet de rendre la servitude de passage en litige inopposable aux tiers ayant acquis des droits concurrents sur le même fonds.

20. Il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Nîmes doit être annulé en tant qu'il a partiellement fait droit aux demandes indemnitaires présentées par M. B... et la demande de ce dernier doit être rejetée en tant qu'elle tend à la condamnation de la commune de C... à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive entachant la décision du maire de C... refusant de conclure un acte authentique en vue de constituer la servitude en litige. Pour les mêmes motifs, les conclusions d'appel incident par lesquelles M. B... conteste le jugement attaqué en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes indemnitaires doivent être rejetées.

21. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par la commune de C... tendant à l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué, et, d'autre part, que cette commune est fondée à soutenir que c'est à tort que, à l'article 3 du dispositif de son jugement, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser une indemnité de 1 000 euros à M. B.... Il résulte également de tout ce qui précède que l'appel incident présenté par M. B... doit être rejeté.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

23. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la commune de C... tendant à l'annulation des articles 1er et 2 du jugement n° 2002261 du 7 février 2023 du tribunal administratif de Nîmes statuant sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. B... devant le tribunal.

Article 2 : L'article 3 du jugement n° 2002261 du 7 février 2023 du tribunal administratif de Nîmes, rectifié par une ordonnance du 21 février 2023, est annulé.

Article 3 : Les demandes à fin d'indemnisation présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Nîmes et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 4 : M. B... versera à la commune de C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de C... et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 4 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00793


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00793
Date de la décision : 18/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime.

Domaine - Domaine public - Régime - Contentieux de la responsabilité.

Droits civils et individuels - Droit de propriété - Servitudes - Institution des servitudes.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SCP FAYOL & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-18;23tl00793 ?
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