Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 mai 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, au besoin sous astreinte, d'ordonner la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros à Me Rosé au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2204747 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2023, Mme B... C..., représentée par Me Rosé, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°2204747 du tribunal administratif de Montpellier du 17 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 mai 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale, dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, au besoin sous astreinte ;
4°) d'ordonner la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Rosé en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
-le tribunal a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la durée de sa vie commune avec M. A... ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation familiale ;
- elle méconnaît l'article 8 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée en droit ;
- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :
- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2024.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité vénézuélienne, est entrée sur le territoire français le 9 décembre 2021, selon ses déclarations. Elle a sollicité, le 3 janvier 2022, la délivrance d'un titre de séjour au regard de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 20 mai 2022, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 17 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur qu'auraient commise les premiers juges dans l'appréciation de la durée de vie commune entre Mme C... et son partenaire de pacte civil de solidarité, qui se rapporte au bien-fondé du jugement et non à sa régularité, ne peut être utilement invoqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., qui a signé une convention de pacte civil de solidarité le 3 mars 2022 avec M. A..., ressortissant franco-vénézuélien, a rencontré ce dernier au Vénézuela, et avait signé avec lui un pacte d'union civile vénézuélien " Union Estable de Hecho ", le 13 mai 2021. L'intéressée justifie en outre d'un contrat de bail en leur deux noms et du paiement de loyer pour le logement correspondant de février 2020 à mai 2021. Or il résulte des termes de l'arrêté attaqué que, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme C... au titre de la vie privée et familiale, le préfet s'est fondé sur ce que cette dernière ne justifiait pas d'une communauté de vie de 12 mois avec son partenaire sur le territoire français et ne pouvait donc se prévaloir d'une vie privée et familiale ancienne et intense. En se bornant à apprécier la communauté de vie sur le seul territoire français, alors que l'appelante justifie de ce que sa relation avec M. A... s'est nouée, antérieurement à son arrivée en France, au Vénézuela, le préfet de l'Hérault n'a pas procédé à un examen suffisant de la situation familiale de Mme C....
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi doivent être annulées.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
7. Eu égard au motif d'annulation de retenu, le présent arrêt implique seulement que le préfet de l'Hérault réexamine la demande de titre de séjour présentée par Mme C... le 3 janvier 2022, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision et de délivrer, dans l'attente, à cette dernière, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir l'injonction d'une astreinte.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
8. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rosé, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate d'une somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2204747 du 17 novembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 20 mai 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par Mme C... le 3 janvier 2022 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans l'attente de la nouvelle décision à intervenir sur sa demande, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Rosé, avocate de Mme C..., une somme de 1 000 (mille) euros, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à Me Rosé, au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 18 février 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL01565