Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre communal d'action sociale de Colomiers à lui verser la somme de 24 637,16 euros à parfaire, assortie des intérêts à compter de sa réclamation et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices qu'elle a subis, d'enjoindre au centre communal d'action sociale de Colomiers de reconstituer sa carrière et ses droits à pension et de mettre à la charge de cet établissement une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2022357 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes, auquel la requête a été transmise par ordonnance du Conseil d'Etat du 4 avril 2022, a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 avril 2023 et le 7 février 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme A... B..., représentée par Me Ingelaere, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°2022357 du tribunal administratif de Nîmes du 16 février 2023 ;
2°) de condamner le centre communal d'action sociale de Colomiers à lui verser la somme de 10 506,35 euros au titre de son préjudice ;
3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Colomiers la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a à tort considéré qu'une partie de ses demandes indemnitaires étaient irrecevables et que le centre communal d'action sociale de Colomiers n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;
- sa requête de première instance était recevable ratione temporis, compte tenu de ce que le centre communal d'action sociale de Colomiers ne lui a pas indiqué les voies et délais de recours à la réception de sa réclamation préalable du 23 octobre 2018, de sorte que son action indemnitaire se prescrivait par quatre ans ;
- le centre communal d'action sociale de Colomiers a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en lui appliquant un indice erroné au regard de la grille indiciaire dont elle relevait, en ne lui octroyant pas le bénéfice du supplément familial de traitement, en ne lui versant pas l'indemnité de congés payés à laquelle elle avait droit ;
- elle a subi un préjudice moral du fait d'avoir dû effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent autorisé, du fait des difficultés administratives pour obtenir paiement de ces heures supplémentaires, du manque d'information de sa hiérarchie sur sa situation administrative, de l'application d'un indice erroné ayant pour conséquence de minorer sa rémunération, et du non-versement du supplément familial de traitement et de la rémunération compensatrice de congés payés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2023, le centre communal d'action sociale de Colomiers, représenté par Me Vielh, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel est tardive, en application de l'article R. 811-2 du code de justice administrative ;
- les conclusions aux fins d'indemnisation du préjudice moral que Mme B... soutient avoir subi sont irrecevables, en l'absence de demande préalable, et s'agissant de conclusions nouvelles en appel ;
- les conclusions de première instance relatives aux rappels de salaire, aux heures supplémentaires et aux indemnités sont irrecevables à raison de leur tardiveté, la demande du 25 octobre 2018 par laquelle Mme B... a demandé la régularisation financière de sa situation ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet devenue définitive ;
- il n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.
Par ordonnance du 15 janvier 2024 la clôture d'instruction a été fixée au 7 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n°85-1148 du 24 octobre 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Denilauler, représentant Mme B..., et de Me Aveline, représentant le centre communal d'action sociale de Colomiers.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée à compter du 21 mars 2017 en contrat à durée déterminée par le centre communal d'action sociale de Colomiers (Haute-Garonne) comme agent social contractuel pour exercer les fonctions d'aide-soignante au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Résidence Emeraude. Elle a signé avec le centre communal d'action sociale de Colomiers plusieurs contrats à durée déterminée d'une durée inférieure à un mois puis un contrat à durée déterminée de six mois, pour la période d'octobre 2017 à mars 2018, qui n'a pas été renouvelé. Par un courrier du 7 mai 2020, auquel il n'a pas été répondu, Mme B... a demandé au centre communal d'action sociale de l'indemniser des préjudices qu'elle estimait avoir subis en raison de ses conditions de rémunération et des modalités de la fin de sa relation de travail. Par jugement du 16 février 2023, rectifié par ordonnance du président du tribunal du même jour, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient à tort considéré que le centre communal d'action sociale de Colomiers n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité, qui se rapporte au bien-fondé du jugement et non à sa régularité, ne peut être utilement invoqué.
3. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 421-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) ". Aux termes de l'article L. 231-4 du même code : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : 2° Lorsque la demande ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ". Aux termes de l'article L. 112-3 de ce code : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception. ". Aux termes de l'article L. 112-6 du même code : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. ". Toutefois, suivant les termes de l'article L. 112-2 dudit code : " Les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents. ".
4. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 23 octobre 2018, reçu par le centre communal d'action sociale de Colomiers le 25 octobre 2018, Mme B... a demandé à cet établissement de bien vouloir régulariser sa situation en appliquant le coefficient d'indice correspondant à son poste, et de procéder au rappel de salaires nécessaire, comprenant les heures supplémentaires, les indemnités de dimanches et jours férié, ainsi que les primes devant lui être versées de droit. La décision implicite de rejet de cette demande, née du silence gardé par le centre communal d'action sociale de Colomiers, n'a pas été contestée par Mme B... dans le délai de recours contentieux, lequel a commencé à courir à l'issue d'un délai de deux mois suivant la réception par cet établissement de la demande. Sans que Mme B... puisse utilement invoquer l'absence d'accusé de réception et de mention des voies et délais de recours, dès lors que les dispositions précitées des articles L. 122-3 et L. 112-6 ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents, cette décision implicite est devenue définitive. Dès lors, les conclusions indemnitaires de Mme B... tendant au rappel de salaires, du fait de l'application d'un indice erroné, et au paiement d'heures supplémentaires qu'elle estime n'avoir pas été rémunérées doivent, pour ce motif invoqué en défense et qui doit être substitué à celui retenu par les premiers juges, être rejetées comme irrecevables en raison de leur tardiveté.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En premier lieu, si les contrats de travail successivement signés entre Mme B... et le centre communal d'action sociale de Colomiers entre mars et septembre 2017 prévoyaient le versement à l'intéressée d'une indemnité compensatrice de congés payés égale à 1/10ème de ses rémunérations, le contrat de travail liant les deux parties, d'une durée de six mois, pour la période d'octobre 2017 à mars 2018 précise que l'agent est " admis au bénéfice des congés annuels à prendre avant la fin du contrat et des congés prévus par les titres III et IV du décret n°88-145 du 15 février 1988 ". Dès lors, alors en outre que Mme B... n'établit, ni même n'allègue n'avoir pas été en mesure de prendre les congés auxquels son contrat lui donnait droit, elle n'est pas fondée à soutenir que le centre communal d'action sociale aurait commis une faute en ne lui versant pas d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période d'octobre 2017 à mars 2018.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires alors applicable : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) Le droit au supplément familial de traitement est ouvert en fonction du nombre d'enfants à charge au sens du titre Ier du livre V du code de la sécurité sociale, à raison d'un seul droit par enfant. ". Aux termes de l'article 10 du décret du 24 octobre 1985 modifié relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation : " Le droit au supplément familial de traitement, au titre des enfants dont ils assument la charge effective et permanente à raison d'un seul droit par enfant, est ouvert aux magistrats, aux fonctionnaires civils, aux militaires à solde mensuelle ainsi qu'aux agents de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière dont la rémunération est fixée par référence aux traitements des fonctionnaires ou évolue en fonction des variations de ces traitements, à l'exclusion des agents rétribués sur un taux horaire ou à la vacation. La notion d'enfant à charge à retenir pour déterminer l'ouverture du droit est celle fixée par le titre Ier du livre V du code de la sécurité sociale. Lorsque les deux membres d'un couple de fonctionnaires ou d'agents publics, mariés ou vivant en concubinage, assument la charge du ou des mêmes enfants, le bénéficiaire est celui d'entre eux qu'ils désignent d'un commun accord. Cette option ne peut être remise en cause qu'au terme d'un délai d'un an. (...)".
7. Si Mme B... justifie, étant mère d'un enfant, d'une situation familiale susceptible de lui ouvrir le droit au supplément familial de traitement, elle n'établit, ni même n'allègue, avoir adressé à son administration le formulaire de demande de ce supplément et les documents justificatifs requis, alors qu'il résulte d'un courriel interne au service des ressources humaines, en date du 17 mars 2017, que ces documents étaient attendus par ce service. Dès lors, et alors par ailleurs qu'il résulte des dispositions rappelées au point précédent que le seul fait d'être parent d'un enfant ne suffit pas ouvrir le droit au supplément familial de traitement, le centre communal d'action sociale de Colomiers n'a pas commis de faute en ne versant pas à Mme B... le supplément familial de traitement.
8. En dernier lieu, Mme B... soutient avoir subi un préjudice moral, tout d'abord du fait du dépassement du nombre maximal d'heures supplémentaires autorisé en juillet et septembre 2017 et du défaut d'information sur sa situation administrative. L'indemnisation de ce préjudice, en tant qu'il se rattache à un fait générateur distinct de ce qu'elle invoquait en première instance, présente le caractère de conclusion nouvelle, comme le soulève le centre communal d'action sociale de Colomiers. Ensuite, l'appelante fait état d'un préjudice moral lié à la faute commise par le centre communal d'action sociale de Colomiers du fait de ne pas l'avoir rémunérée à hauteur de l'indice qui aurait dû lui être appliqué et du fait de difficultés dans le paiement d'heures supplémentaires. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, les conclusions indemnitaires liées à ces fautes sont tardives. Mme B... n'est en conséquence pas recevable à demander l'indemnisation d'un nouveau préjudice à cet égard. Enfin, si l'appelante soutient avoir subi un préjudice moral du fait du non-versement du supplément familial de traitement et de l'indemnité compensatrice de congés payés, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7 que le centre communal d'action sociale de Colomiers n'a pas commis de faute à cet égard, de sorte que Mme B... n'est pas fondée à demander l'indemnisation d'un préjudice moral.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre communal d'action sociale de Colomiers, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de le centre communal d'action sociale de Colomiers, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par le centre communal d'action sociale de Colomiers en application de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de Colomiers tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre communal d'action sociale de Colomiers.
Délibéré après l'audience du 18 février 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL00951