Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le groupement foncier agricole Le Centaure a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté n° PC 30 189 20P 273 du 8 décembre 2020 par lequel le maire de Nîmes a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la régularisation d'une construction à usage d'habitation.
Par un jugement n° 2003978 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mars 2023 et 19 septembre 2023, le groupement foncier agricole Le Centaure, représenté par la SCP CGCB et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2020 du maire de Nîmes ;
3°) d'enjoindre à la commune de Nîmes d'instruire la demande de permis de construire qu'il a présentée le 26 août 2020 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal administratif a procédé à une substitution de motif, tirée de l'absence de démonstration de la nécessité de disposer d'un second logement pour le fonctionnement de l'activité agricole, qui n'avait pourtant pas été sollicitée par la commune, ni explicitement, ni implicitement, de sorte qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations sur cet autre motif ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- la commune de Nîmes, qui s'est estimée à tort liée par l'avis défavorable de la direction départementale des territoires et de la mer du Gard, dont elle a repris in extenso les motifs erronés, a renoncé à exercer pleinement sa compétence ;
- la position des premiers juges, qui ont censuré le motif de refus tiré de la méconnaissance des dispositions du 3) de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes, est fondée ;
- à titre subsidiaire, la présence permanente de plusieurs personnes est nécessaire eu égard à la grande taille de l'exploitation et la présence de chevaux de compétition, de chevaux de propriétaires en pension et de chevaux d'élevage, qui requièrent un suivi et une surveillance de l'état de santé et une protection contre les risques d'actes de cruauté et d'incendie ; en outre, le seul logement préexistant de 50 m², sujet aux nuisances olfactives et sonores des écuries, ne permet pas d'accueillir convenablement les exploitants et leurs enfants majeurs ;
- à titre surabondant, le projet refusé ne conduit pas à porter atteinte à l'intégrité de surfaces cultivables mais permet en réalité de réhabiliter une construction préexistante qui ne faisait l'objet d'aucun entretien, et de réduire les surfaces imperméabilisées en l'état du décapage des anciens courts de tennis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2023, la commune de Nîmes, représentée par la SELARL Maillot avocats et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du groupement foncier agricole Le Centaure une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité dès lors qu'elle doit être regardée comme ayant sollicité une substitution de motif dans ses écritures en défense devant le tribunal administratif ;
- le motif ainsi substitué tiré de l'absence de nécessité d'autoriser plus d'un logement sur l'exploitation est de nature à justifier légalement le refus de permis de construire ;
- les autres moyens développés par le groupement foncier agricole Le Centaure ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 8 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabert, président ;
- les conclusions de M. Jazeron, rapporteur public,
- les observations de Me Péchon, représentant l'appelant,
- et les observations de Me Raynal, représentant la commune intimée.
Considérant ce qui suit :
1. Le groupement foncier agricole Le Centaure a déposé le 26 août 2020 auprès des services de la commune de Nîmes (Gard) une demande de permis de construire pour la régularisation d'une construction à usage d'habitation présentant une surface de plancher déclarée de 243,9 m² avec piscine sur la parcelle cadastrée section BM n° 108 sise route de Sauve. Par un arrêté n° PC 30 189 20P 0273 du 8 décembre 2020, le maire de Nîmes a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité. Par la présente requête, le groupement foncier agricole Le Centaure fait appel du jugement du 31 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
3. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nîmes a estimé que la commune de Nîmes avait fait valoir en défense devant lui que le refus de permis de construire était légalement justifié par le motif, autre que celui qu'elle avait opposé au groupement foncier agricole Le Centaure, fondé sur l'absence de nécessité d'autoriser un second logement pour le bon fonctionnement de l'activité agricole du pétitionnaire. Dans son mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2022 devant le tribunal administratif, la commune de Nîmes a indiqué que la superficie de la construction nouvellement créée est trop importante et que la réalisation de cette construction d'habitation sur l'exploitation est manifestement injustifiée dans le cas d'espèce. Alors que le motif initial de refus était fondé sur l'impossibilité d'autoriser plus d'un logement par exploitation agricole en application du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone A, les premiers juges ont pu considérer à bon droit que la commune contestait la nécessité d'autoriser un second logement. Dans ces conditions, en estimant que la commune en défense sollicitait une substitution de motif, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'erreur de droit commise par le maire de Nîmes au regard de l'étendue de sa compétence :
4. L'arrêté de refus de permis de construire opposé à la demande du groupement foncier agricole Le Centaure mentionne, dans ses motifs, l'avis défavorable émis par les services de la direction départementale des territoires et de la mer du Gard concernant le volet agricole du projet. Contrairement à ce que soutient le groupement requérant, la seule mention dans les motifs de l'arrêté de cet avis défavorable ne permet pas de regarder le maire comme s'étant cru en situation de compétence liée pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le maire sur ce point ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le motif initial du refus de permis de construire :
5. Aux termes des dispositions du 1) de l'article A1 règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes, applicable à la zone agricole A dans laquelle se situe le projet en litige, est interdit en zone A : " tout nouvel aménagement ou construction, à l'exception de ceux autorisés à l'article A2 ". En application des dispositions du 3) de l'article A2 du même règlement, sont autorisées pour l'ensemble de la zone exceptés les secteurs Aa, Ab, Ac1 et Ac2 : " les constructions à usage d'habitation dont la présence est nécessaire (exploitants et salariés) au bon fonctionnement de l'activité agricole, dans la limite de 250 m² de surface de plancher. Ces constructions doivent être implantées dans un rayon de 50 m autour des bâtiments agricoles existants sauf lorsque le risque inondation, la topographie ou autres éléments démontrés ne permettent pas l'implantation à cette limite. Leur localisation ne doit pas porter atteinte à l'intégrité des surfaces cultivables. ".
6. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que pour refuser la délivrance du permis de construire sollicité par le groupement foncier agricole Le Centaure, le maire de Nîmes a indiqué que dans le cas où la présence permanente de l'exploitant est nécessaire, un seul logement peut être accepté par exploitation et qu'il existe déjà un logement occupé sur cette exploitation. Toutefois, il ne résulte des dispositions précitées du 3) de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme aucune impossibilité de construire plus d'un bâtiment à usage d'habitation si plusieurs logements sont nécessaires au bon fonctionnement d'une activité agricole, à condition toutefois que la surface de plancher maximale autorisée de 250 m² par construction ne soit pas dépassée. Dans ces conditions, et ainsi que le reconnaît d'ailleurs la commune en défense, ce motif fondé sur les dispositions précitées du 3) de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur de droit.
En ce qui concerne la demande de substitution de motif présentée par la commune de Nîmes :
7. Pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à l'exploitation agricole, l'autorité administrative compétente doit s'assurer au préalable de la réalité de l'exploitation agricole caractérisée par l'exercice effectif d'une activité agricole d'une consistance suffisante ainsi que de la nécessité de la construction pour cette même activité. Par ailleurs, le lien de nécessité, qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole et, d'autre part, la destination de la construction ou de l'installation projetée. Lorsque la construction envisagée est à usage d'habitation, il convient d'apprécier le caractère indispensable de la présence permanente de l'exploitant sur l'exploitation au regard de la nature et du fonctionnement des activités de l'exploitation agricole.
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le " Centre équestre Le Centaure " exploité par le groupement foncier agricole Le Centaure, implanté sur les parcelles cadastrées section BM nos 66, 108, 123, 127 et section BN n° 84, sur une superficie totale d'environ 7 hectares, comprend environ 100 chevaux gardés sur place en permanence et a pour objet les activités de club équestre, de prise en pension, d'organisation de concours et, à titre seulement accessoire, d'élevage. Il se compose de 900 m² de boxes, de deux locaux de rangement de matériels, d'un manège couvert de 1 200 m², de trois locaux techniques, d'un bureau, d'une salle de réunion et d'un logement de 55 m2. M. A... B..., affilié à la mutualité sociale agricole, en est le chef d'exploitation à titre principal. Il ressort également des pièces du dossier que son épouse et ses deux enfants majeurs travaillent en tant que salariés dans l'exploitation, et qu'au total, le centre équestre emploie douze personnes sur le site. Au regard de ces éléments, le groupement requérant doit être regardé comme exerçant une activité agricole effective, ce qui n'est au demeurant pas contesté par la commune de Nîmes.
9. D'autre part, pour justifier la création d'un logement supplémentaire ayant une surface de plancher de 243,9 m² avec piscine, le groupement foncier agricole Le Centaure soutient que la présence permanente sur place du chef d'exploitation à titre principal, de son épouse et de leurs deux enfants, salariés de l'exploitation, est nécessaire. A cet effet, il produit une attestation émanant d'une vétérinaire faisant état de plusieurs interventions pour coliques ayant nécessité une surveillance de nuit au cours des années 2018 et 2019 et rappelant le caractère indispensable de la présence sur le site 24 heures sur 24 de la personne responsable des chevaux, tandis que quatre propriétaires équestres attestent de ce qu'une présence humaine permanente est un critère déterminant dans le choix d'une pension pour leur animal. Il fait également valoir que le centre équestre se situe dans une zone sujette aux feux de forêt et que la présence de plusieurs personnes est nécessaire eu égard au risque d'actes malveillants. Toutefois, et alors qu'il est constant qu'un logement, dont le groupement foncier agricole Le Centaure est propriétaire, existe déjà sur la parcelle cadastrée BM n° 66, à proximité immédiate des boxes pour chevaux, le groupement appelant ne démontre pas, par les seuls éléments susmentionnés, que la seconde et nouvelle construction à usage de logement serait nécessaire au bon fonctionnement de l'activité agricole. Au surplus, la circonstance que l'habitation existante présenterait des conditions de confort limitées est sans effet sur l'appréciation que l'autorité administrative doit porter, au regard de la législation de l'urbanisme, sur le caractère de nécessité d'une construction pour l'exploitation agricole. Dans ces conditions, la demande de permis de construire déposée par le groupement foncier agricole Le Centaure pouvait être légalement refusée sur le fondement de l'absence de nécessité d'un second logement pour le bon fonctionnement de l'activité agricole. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le maire de Nîmes aurait pris la même décision de refus s'il s'était initialement fondé sur ce motif.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le groupement appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Nîmes, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par le groupement foncier agricole Le Centaure et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelant la somme que demande la commune de Nîmes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du groupement foncier agricole Le Centaure est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Nîmes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement foncier agricole Le Centaure et à la commune de Nîmes.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Teulière, président-assesseur
- Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
Le président-assesseur,
T. Teulière La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00765