Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 mars 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant un an.
Par un jugement n° 2303511 rendu le 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 24 mars 2023 en tant qu'il fixe le pays de renvoi (article 1er), a enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. B... (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'intéressé (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 avril 2024, M. A... B..., représenté par Me Moulin, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement du 28 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 24 mars 2023 en tant qu'il refuse son admission au séjour, l'oblige à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et l'interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'agissant de leurs conséquences sur sa situation personnelle ; il justifie de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels pour bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour en France ;
- les décisions en cause méconnaissent l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il justifie de sa présence en France depuis sept ans et qu'il dispose du centre de ses intérêts privés et familiaux sur le territoire national ;
- la même mesure est entachée d'une erreur d'appréciation dans l'application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 25 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 octobre 2024.
Les parties ont été informées, le 3 janvier 2025, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête de M. B... dès lors que l'intéressé a été admis au bénéfice de la protection subsidiaire le 6 juin 2024.
Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public, produites pour M. B..., représenté par Me Moulin, ont été enregistrées le 23 janvier 2025.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jazeron, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant russe, né le 3 août 1998 à Vladikavkaz (Russie), entré en France le 27 juin 2016 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, mais sa demande initiale, puis sa première demande de réexamen, ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décisions des 22 novembre 2016 et 5 août 2020. Le préfet de l'Hérault a pris à son encontre, les 7 avril 2017 et 28 décembre 2020, à la suite de ces deux rejets, deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par les juridictions administratives. Le 28 février 2023, l'intéressé a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour, soit au titre de la vie privée et familiale, soit en qualité de salarié. Par un arrêté du 24 mars 2023, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement rendu le 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Montpellier, saisi par M. B..., a annulé la décision fixant le pays de renvoi (article 1er), a enjoint au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande (article 3). Par la présente requête, M. B... interjette appel de ce jugement en tant que, par ledit article 3, le tribunal administratif a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950 stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est présent depuis presque sept ans sur le territoire français à la date de l'arrêté en litige. L'intéressé y est entré avec sa grand-mère maternelle, alors qu'il était encore mineur, pour y rejoindre sa mère, Mme B..., avec laquelle il avait résidé en Russie depuis sa naissance et qui avait dû quitter ce pays après avoir reçu des menaces à la suite d'un attentat terroriste dont elle avait été témoin, ce qui a conduit la Cour nationale du droit d'asile à accorder à l'intéressée, par une décision du 17 mai 2016, le bénéfice de la protection subsidiaire. Il ressort en outre des pièces du dossier, d'une part, que la mère de M. B... est titulaire d'une carte de séjour d'une durée de quatre ans en tant que bénéficiaire de la protection subsidiaire et, d'autre part, qu'elle partage une communauté de vie stable avec un ressortissant russe séjournant régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident depuis au moins dix ans, lequel héberge également l'appelant à son domicile. Il ressort par ailleurs de ces mêmes pièces que M. B... s'est investi dans plusieurs associations locales et qu'il présente des perspectives sérieuses d'intégration professionnelle en qualité de vendeur dans une entreprise spécialisée dans le commerce de produits arméniens. Il n'est enfin pas contesté que le requérant n'a plus d'attache familiale dans son pays d'origine et qu'il n'a notamment jamais connu son père dont il ne porte d'ailleurs pas le nom. Dans ces conditions et bien qu'il se soit maintenu irrégulièrement en France malgré les deux mesures d'éloignement précédemment prises à son encontre, la décision de refus de séjour doit être regardée comme portant à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. En conséquence, M. B... est fondé à soutenir qu'en refusant son admission au séjour, le préfet de l'Hérault a méconnu les stipulations précitées.
4. L'illégalité du refus de séjour prive de base légale les autres décisions contenues dans l'arrêté du 24 mars 2023, portant respectivement obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et interdiction de retour sur ce territoire pour une durée d'un an.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que l'appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Montpellier, après avoir annulé la décision fixant le pays de renvoi, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'article L. 424-9 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile mentionne que : " L'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " bénéficiaire de la protection subsidiaire " d'une durée maximale de quatre ans. / Cette carte est délivrée dès la première admission au séjour de l'étranger. ". Selon l'article R. 424-7 de ce code : " Le préfet procède à la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 424-9 ou L. 424-11 dans un délai de trois mois à compter de la décision d'octroi de la protection subsidiaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile. ".
7. Il résulte de l'instruction, plus particulièrement du relevé " TelemOfpra " concernant M. B..., qu'à la suite d'une nouvelle demande de réexamen de sa demande d'asile présentée le 12 septembre 2023, le requérant a été admis au bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile rendue en audience publique le 6 juin 2024, laquelle est devenue définitive. L'appelant est donc en droit de se voir délivrer le titre de séjour prévu par les dispositions énoncées au point précédent. Par conséquent, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer un tel titre à l'intéressé dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.
Sur les frais liés au litige :
8. M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, Me Moulin, son avocate, peut se prévaloir des dispositions du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Moulin, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2303511 du 28 septembre 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Hérault du 24 mars 2023 est annulé en tant qu'il porte refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et interdiction de retour sur ce territoire pour une durée d'un an.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer un titre de séjour à M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me Moulin sur le fondement du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Moulin.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24TL00862