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13/02/2025 | FRANCE | N°23TL02997

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 13 février 2025, 23TL02997


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté pris par le préfet des Pyrénées-Orientales le 16 février 2023 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2300929 rendu le 21 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Sergent, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté pris par le préfet des Pyrénées-Orientales le 16 février 2023 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2300929 rendu le 21 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Sergent, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 16 février 2023 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de procéder à la suppression de son signalement dans le système d'information Schengen dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la mesure en litige est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa situation se caractérise par des circonstances humanitaires justifiant qu'il ne soit pas prononcé une interdiction de retour sur le territoire français ;

- ladite mesure méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation s'agissant des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle, lesquelles sont excessives ;

- le tribunal administratif a commis des erreurs de droit et des erreurs d'appréciation en n'accueillant pas les moyens mentionnés aux alinéas précédents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2024, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par la SCP Vial - Pech de Laclause - Escale - Knoepffler - Huot - Piret - Joubes, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement et de l'arrêté attaqués et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 12 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 septembre 2024.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- et les observations de Me Bellamy, représentant le préfet des Pyrénées-Orientales.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 3 août 1997, serait entré en France au mois de septembre 2013 selon ses déclarations. Il a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département du Tarn à compter du 25 septembre 2013, puis il a bénéficié d'un contrat " jeune majeur " avec les services de ce même département du 23 juillet 2015 au 31 juillet 2017. Le préfet du Tarn lui a délivré des autorisations provisoires de séjour du 22 septembre 2015 au 5 août 2017, puis une carte de séjour portant la mention " étudiant " du 1er septembre 2017 au 31 août 2018. L'intéressé ayant aussi sollicité une carte de séjour en qualité de " salarié " et après l'annulation d'un refus implicite par le tribunal administratif de Toulouse le 5 mars 2018, le préfet du Tarn a pris à son encontre, le 3 mai 2019, un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse le 20 décembre 2019 et la cour administrative d'appel de Bordeaux le 23 février 2021.

2. M. B... s'est maintenu sur le territoire français et a sollicité auprès des services de la préfecture des Pyrénées-Orientales, le 29 avril 2021, l'octroi d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté pris le 24 mars 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. L'intéressé s'étant maintenu en France à l'expiration de ce délai de trente jours, le même préfet l'a assigné à résidence pour deux périodes successives de quarante-cinq jours à compter du 30 novembre 2022. Puis, par un arrêté du 16 février 2023, le préfet a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a placé en rétention. Par la présente requête, M. B... interjette appel du jugement du 21 février 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 février 2023 en tant qu'il prononce l'interdiction de retour sur le territoire français.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. L'appelant soutient que le tribunal administratif aurait commis des erreurs de droit ainsi que des erreurs d'appréciation en n'accueillant pas les moyens de sa demande tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation commises par le préfet au regard de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la mesure en litige sur sa situation personnelle. Les moyens ainsi invoqués relèvent toutefois de l'office du juge de cassation et non de celui du juge d'appel, auquel il revient de se prononcer directement sur la légalité de l'interdiction de retour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

4. En premier lieu, selon les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Par ailleurs, selon l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

5. Il n'est pas contesté que M. B... s'est maintenu irrégulièrement en France au-delà du délai de trente jours imparti par l'arrêté du 24 mars 2022 visé au point 1 du présent arrêt pour l'exécution volontaire de la mesure d'éloignement. Il se trouvait donc dans la situation dans laquelle l'administration est en principe conduite à prononcer une interdiction de retour sur le territoire français en vertu de l'article L. 612-7 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ni la durée de séjour de neuf années du requérant en France, ni la présence d'un frère et d'un oncle sur le territoire national, ni la circonstance que l'intéressé a obtenu des diplômes en 2017 et 2018 et qu'il s'est inscrit à l'université depuis la rentrée 2021, ne permettent de caractériser des circonstances humanitaires justifiant qu'une telle mesure ne soit pas édictée à son encontre. Il n'apparaît par ailleurs pas que la durée d'un an retenue pour l'interdiction de retour emporterait des conséquences excessives sur la situation personnelle de l'intéressé, lequel ne justifie pas de liens stables et intenses en France et s'est au surplus déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement comme il a été dit au point 1. En prononçant cette interdiction de retour, le préfet n'a ainsi commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation dans l'application des dispositions énoncées au point précédent.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a été admis au séjour en France que de manière temporaire, pour sa prise en charge comme mineur isolé, puis pour son parcours scolaire jusqu'à l'obtention du bac professionnel en électrotechnique en 2017 et de la mention complémentaire de " technicien réseaux " en 2018. L'intéressé s'est ensuite maintenu irrégulièrement sur le territoire national nonobstant une première mesure d'éloignement. Le requérant est célibataire et sans enfant et ne démontre pas avoir noué des liens privés intenses en France en se bornant à produire les attestations de quatre amis et quelques photographies. Il n'établit pas non plus entretenir des relations suivies avec son frère et son oncle résidant en région parisienne. Malgré la durée de sa présence en France, il ne justifie en outre d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière et, bien qu'il se soit inscrit en première année de licence en droit à la rentrée 2021, il ressort des pièces produites qu'il s'est inscrit à nouveau en première année de la même licence à la rentrée 2022, sans qu'il n'apporte le moindre élément susceptible de témoigner d'une progression réelle dans ce nouveau cursus. Dans ces conditions, l'interdiction de retour sur le territoire français, prononcée pour une durée limitée à un an, ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Dès lors, les stipulations précitées n'ont pas été méconnues.

8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés aux points précédents, il n'apparaît pas que le préfet des Pyrénées-Orientales aurait commis une erreur manifeste d'appréciation s'agissant des conséquences de l'interdiction de retour sur la situation personnelle de l'appelant. Il s'ensuit que le moyen soulevé en ce sens doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 16 février 2023 en tant qu'il prononce l'interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par l'appelant et n'implique dès lors aucune mesure d'exécution particulière au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intéressé aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, lequel n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'appelant la somme réclamée par le préfet des Pyrénées-Orientales au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet des Pyrénées-Orientales sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Sergent et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL02997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02997
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : SERGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23tl02997 ?
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