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04/02/2025 | FRANCE | N°23TL01329

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 04 février 2025, 23TL01329


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a retiré sa carte de séjour pluriannuelle et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa

situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a retiré sa carte de séjour pluriannuelle et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2205445 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2023 et le 30 septembre 2024, M. A... C... B..., représenté par Me Bazin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement rendu le 22 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a retiré son titre de séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser à son conseil, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français qui est distinct de celui concernant la décision de retrait de son titre de séjour et ont entaché leur jugement d'une erreur de droit ;

- la décision de retrait de son titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié de ses troubles psychiatriques dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er octobre 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2024.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian, né le 4 janvier 1988, entré en France en décembre 2013, selon ses déclarations, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Hérault et a bénéficié d'un titre de séjour valable du 8 septembre 2017 au 7 septembre 2018, renouvelé jusqu'au 7 septembre 2019, puis s'est vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle valable du 8 septembre 2019 au 7 septembre 2023. Par un arrêté du 21 juillet 2022, le préfet de l'Hérault a retiré son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier, rendu le 22 décembre 2022, rejetant sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Si M. B... soutient que les premiers juges auraient omis de répondre au moyen, soulevé dans sa requête, tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français, il ressort toutefois des motifs du jugement attaqué que le tribunal, aux points 5 et 6, avec pour sous-titre " en ce qui concerne les moyens communs à l'arrêté contesté " a notamment écarté comme non fondé le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement en relevant les éléments de droit et de fait figurant dans l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal, qui n'est, au demeurant, nullement tenu de répondre à tous les arguments venant au soutien d'un moyen, aurait entaché son jugement d'une omission à statuer doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité du retrait de la carte de séjour pluriannuelle :

3. En premier lieu, l'arrêté vise les textes dont il est fait application, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 432-4 de ce code, qui permet à l'autorité administrative de retirer, par décision motivée, une carte de séjour temporaire annuelle ou pluriannuelle à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Les motifs de la décision exposent les deux condamnations pénales de M. B... ainsi que les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français, en particulier les éléments relatifs à sa situation familiale. L'arrêté en litige comporte ainsi l'exposé des considérations de fait et de droit qui le fondent sans que l'appelant puisse utilement invoquer l'absence de mention de ses troubles psychiatriques, qui, au demeurant, au regard des éléments versés au dossier, n'avaient pas été portés à la connaissance du préfet de l'Hérault. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté. Il ressort de cette même motivation que le préfet de l'Hérault a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé de sorte que le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été procédé à un tel examen doit également être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour (...) pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

5. La menace pour l'ordre public s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant le comportement personnel de l'étranger en cause. Il n'est donc ni nécessaire, ni suffisant que le demandeur ait fait l'objet de condamnations pénales. L'existence de celles-ci constitue cependant un élément d'appréciation au même titre que d'autres éléments tels que la nature, l'ancienneté ou la gravité des faits reprochés à la personne ou encore son comportement habituel.

6. Pour retirer le titre de séjour pluriannuel dont était titulaire M. B..., le préfet de l'Hérault s'est fondé, d'une part, sur la condamnation de ce dernier, le 30 juin 2021, par le tribunal correctionnel de Montpellier à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour prise du nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales contre lui, refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l'identification de son empreinte génétique par une personne soupçonnée d'infraction, et à un an et six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans, pour refus de se prêter aux prises d'empreintes digitales ou de photographies lors d'une vérification d'identité et violences avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours et, d'autre part, sur une seconde condamnation, le 6 octobre 2021, à une peine de deux mois d'emprisonnement avec interdiction de détenir ou porter une arme et interdiction de séjour sur Montpellier pendant cinq ans pour usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours.

7. Il ressort des pièces du dossier que les deux condamnations pénales dont M. B... a fait l'objet, dans un intervalle de six mois seulement, et qui ont été prononcées, pour des faits de violence ou de menace d'une arme, caractérisent la persistance d'un comportement violent de la part de l'appelant. Compte tenu de la nature des faits commis et de leur gravité, et alors que ces condamnations présentaient encore un caractère récent à la date de l'arrêté contesté, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que la présence en France de M. B... constituait une menace pour l'ordre public. Pour les mêmes motifs, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui retirant, pour ce motif, sa carte de séjour pluriannuelle le préfet de l'Hérault aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Si M. B... se prévaut de la durée de son séjour en France, sa présence sur le territoire constitue, ainsi qu'il a été dit au point 7, une menace pour l'ordre public. En outre, s'il se prévaut également de la précarité et de la gravité de son état de santé et justifie être atteint de schizophrénie, il ne ressort cependant pas des pièces versées au dossier et notamment des articles de presse ou documents médicaux, que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier d'un traitement médical approprié au Nigéria. Enfin, il est célibataire et sans enfant.

10. Dans ces conditions, au regard tant de la menace pour l'ordre public que représente M. B..., que de sa vie privée et familiale, le préfet de l'Hérault n'a pas, en retirant la carte de séjour temporaire qui lui avait été délivrée pour la période du 8 septembre 2019 au 7 septembre 2023, porté au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a pris sa décision en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ". Selon l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

12. L'obligation de quitter le territoire français, fondée sur le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du retrait de titre de séjour, qui est suffisamment motivé, ainsi qu'il a été dit au point 3. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français contestée doit être écarté. En outre, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux doit également être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

14. Ainsi qu'il a été dit au point 9, l'appelant ne démontre pas l'indisponibilité d'un traitement médical adapté à sa pathologie au Nigéria. Dans ces conditions, et alors, au demeurant, que l'intéressé n'avait pas saisi le préfet de l'Hérault, à la date de la décision contestée, d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, il n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point précédent.

15. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 10 du présent arrêt, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à Me Bazin et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.

La rapporteure,

D. Teuly-Desportes

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°23TL01329 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01329
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Delphine Teuly-Desportes
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : BAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;23tl01329 ?
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