Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 11 mai 2021 par laquelle la rectrice de l'académie de Montpellier a refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle, d'enjoindre à cette autorité de prendre tout mesure destinée à éloigner une collègue enseignante, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à défaut d'exécution dans un délai de 48 heures à compter de la notification du jugement à venir, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Par un jugement n° 2103332 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 mai 2023, le 23 février 2024, le 8 mars 2024 et le 12 mai 2024, M. B... A..., représenté par Me Manya, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 mars 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 11 mai 2021 par laquelle la rectrice de l'académie de Montpellier a refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle, en tant qu'elle a refusé de mettre en place une mesure d'éloignement de Mme ... ;
3°) d'enjoindre à l'Etat, en la personne de la rectrice de l'académie de Montpellier, de prendre toute mesure destinée à éloigner Mme ..., sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à défaut d'exécution dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, si exposés.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Montpellier a commis une erreur manifeste d'appréciation en confirmant le refus de protection fonctionnelle qui lui a été opposé par la rectrice de l'académie de Montpellier ;
- la décision attaquée est engagée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des faits de harcèlement moral qu'il a subis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2024, la rectrice de l'académie de Montpellier conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bardoux substituant Me Manya, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est professeur d'économie et de gestion au sein du lycée ... à Perpignan (Pyrénées-Orientales). Par courrier du 1er avril 2021, il a sollicité la protection fonctionnelle au regard d'une situation de harcèlement moral dont il s'estimait victime. Par une décision du 11 mai 2021, la rectrice de l'académie de Montpellier a rejeté sa demande. Par un jugement du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. M. A... relève appel de ce jugement, dont il demande la réformation, et demande l'annulation de la décision du 11 mai 2021, en tant qu'elle a refusé de mettre en place une mesure d'éloignement de Mme ....
Sur la régularité du jugement :
2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'auraient commise les premiers juges, qui se rapporte au bien-fondé du jugement et non à sa régularité, ne peut être utilement invoqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Aux termes de l'article 11 de la même loi, alors applicable : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
4. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. En l'espèce, à l'appui de sa demande de protection fonctionnelle présentée le 1er avril 2021, M. A... a indiqué subir une situation de harcèlement moral, du fait d'attaques récurrentes concernant son orientation sexuelle, à l'origine d'une dégradation de ses conditions de travail. Il soutient d'abord être victime d'agissements relevant d'un harcèlement moral, compte tenu des démarches répétées de Mme ..., professeure d'espagnol, à son encontre, des conséquences de la divulgation, par cette dernière, de son orientation sexuelle, du dénigrement manifesté par plusieurs collègues, en particulier à l'occasion d'une réunion qui s'est tenue le 10 juillet 2020 avec l'équipe pédagogique du lycée. Il ressort des pièces du dossier que Mme ..., professeure d'espagnol dans la même section d'enseignement professionnel que M. A..., a divulgué en 2014 auprès d'élèves et de membres du corps professoral, des éléments relatifs à sa vie privée et personnelle, en particulier concernant son orientation sexuelle, et tenu des propos dénigrants à son endroit. L'intéressée a d'ailleurs été condamnée à verser des dommages et intérêts à M. A... pour ce comportement, par un arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 18 novembre 2020. Pour regrettables que soient ces agissements, il n'est pas démontré qu'ils aient ensuite perduré, et ne présentent donc pas un caractère répété. Si Mme ... a sollicité ultérieurement d'anciens élèves en vue d'obtenir des attestations pour sa défense, ces sollicitations ne présentaient pas de caractère dénigrant à l'égard de M. A.... Si M. A... fait en outre état de dégradations de véhicule, à deux reprises, en avril 2016 et en juin 2018 et de la réception de lettres anonymes à caractère injurieux, la première dans son casier le 31 mai 2017 et la seconde à son domicile, le 14 août 2017, ces actes, dont les auteurs ne sont pas connus, ne peuvent être imputés à Mme ..., ni ne traduisent un dénigrement généralisé au sein de l'établissement où travaille M. A....
6. Par ailleurs, l'administration n'a, certes, pas engagé de procédure disciplinaire à l'encontre de Mme ..., mais alors qu'il n'est pas établi que M. A... aurait dénoncé la persistance de difficultés liées à la présence de celle-ci avant juillet 2017, le requérant a été affecté sur un poste relevant d'une autre section à la rentrée 2018, dispensant seulement quelques heures en section d'enseignement professionnel, tandis que Mme ... était placée en congé de longue maladie du 9 novembre 2017 au 8 novembre 2018, de sorte que les contacts entre les deux professeurs s'en trouvaient largement réduits. La rectrice de l'académie de Montpellier a, en outre, par décisions du 7 juillet 2016 et du 13 juin 2017, octroyé à M. A... la protection fonctionnelle à l'occasion des faits dont il a été victime, en particulier dans son action judiciaire contre Mme ... de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'accorder de nouveau une protection fonctionnelle pour ces faits.
7. Ensuite, si, comme le soutient M. A..., une réunion de l'équipe pédagogique s'est tenue, en présence d'inspecteurs académiques, le 10 juillet 2020, en vue de résoudre des tensions existant au sein de l'équipe, il résulte des comptes-rendus et témoignages relatifs à cette réunion qu'au cours de celle-ci, M. A... a été mis en cause par deux enseignants en particulier, qui lui imputaient la responsabilité de la dégradation des relations au sein de l'équipe et les difficultés rencontrées par Mme C..., avec laquelle M. A... travaillait en binôme, sans toutefois qu'il soit démontré que les propos tenus à son endroit aient revêtu un caractère agressif ou injurieux. Le compte-rendu de cette réunion adressé par le proviseur à la direction des ressources humaines a en outre conclu à ce que les allégations des collègues de M. A... ne reposaient sur aucun élément factuel ou circonstancié, et qu'aucun élément n'attestait d'une impossibilité pour l'équipe de travailler ensemble. En tout état de cause, eu égard à la portée de l'annulation partielle demandée par l'appelant, seulement en tant que l'administration n'a pas mis en place une mesure d'éloignement de Mme ..., M. A... ne peut utilement invoquer le déroulement de cette réunion du 10 juillet 2020, à laquelle celle-ci n'était pas présente.
8. Par ailleurs, si l'intéressé, arrêté depuis le 1er septembre 2020 en raison d'un syndrome dépressif réactionnel, fait état d'une dégradation de son état de santé en lien avec le service, du fait d'une souffrance au travail, l'imputabilité au service d'une pathologie psychique, à la supposer établie, ne suffit pas en soi à caractériser des faits de harcèlement moral qui doivent répondre aux prescriptions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.
9. Il résulte de ce qui précède que les éléments avancés par le requérant ne suffisent pas à caractériser des faits constitutifs d'un harcèlement moral. Par suite, en refusant de lui octroyer la protection fonctionnelle, la rectrice de l'académie de Montpellier n'a pas fait une inexacte application de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
12. D'une part, le requérant ne justifie pas avoir exposé des dépens dans la présente instance. Par suite, les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.
13. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL01273