Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... H... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 25 novembre 2020 par laquelle la rectrice de l'académie de Montpellier a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie qu'elle a déclarée le 12 avril 2019 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2101704 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril 2023 et 30 juillet 2024, Mme G... H..., représentée par Me Manya, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 10 février 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 25 novembre 2020 par laquelle la rectrice de l'académie de Montpellier a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée le 12 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Montpellier de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande était recevable ;
- la décision du 25 novembre 2020 a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas pu être entendue par la commission de réforme ; cette irrégularité l'a privée d'une garantie ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'aucun médecin spécialiste de sa pathologie n'a siégé lors de la réunion de la commission de réforme du 19 novembre 2020 ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'erreur d'appréciation quant au lien entre sa pathologie et l'exercice de ses fonctions, dès lors qu'elle ne présente aucun état antérieur.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 juillet et 29 août 2024, la rectrice de l'académie de Montpellier conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- le signataire de la décision litigieuse bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée ;
- la décision attaquée est suffisamment motivée ;
- l'avis émis par la commission de réforme le 19 novembre 2020 a bien été communiqué à Mme H... ;
- Mme H... a présenté ses observations écrites avant la réunion de la commission de réforme ; son audition n'aurait apporté aucun élément utile à la commission, qui disposait de toutes les informations nécessaires pour se prononcer sur sa situation ;
- le moyen tiré de l'absence de présence d'un médecin spécialiste de sa pathologie au sein de la commission de réforme n'est pas assorti de précisions suffisantes ; en tout état de cause, la présence d'un tel spécialiste n'est obligatoire que si elle est réellement nécessaire pour l'appréciation de la situation de l'agent, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; les membres de la commission de réforme disposaient de son dossier médical, comportant les rapports d'expertise de deux médecins spécialistes agréés, un otorhinolaryngologiste et un psychiatre ;
- Mme H... présente un état pathologique préexistant ; son état de santé est dû à un état dépressif névrotique ;
- pour le surplus, elle s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 4 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 octobre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bardoux, substituant Me Manya, représentant Mme H....
Considérant ce qui suit :
1. Mme H..., professeure certifiée de mathématiques, exerce ses fonctions au sein du collège ..., à Saint-André (Pyrénées-Orientales). Le 12 avril 2019, elle a déclaré une maladie professionnelle puis a sollicité la reconnaissance de son imputabilité au service, le 22 avril 2020. Par une décision du 25 novembre 2020, la rectrice de l'académie de Montpellier, suivant l'avis défavorable émis par la commission de réforme des Pyrénées-Orientales dans sa séance du 19 novembre 2020, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie. Par un courriel du 14 décembre 2020 et un courrier du 18 décembre 2020, Mme H... a formé un recours gracieux et un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision, lesquels ont été implicitement rejetés. Elle relève appel du jugement du 10 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la rectrice de l'académie de Montpellier du 25 novembre 2020.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, par un arrêté du 30 septembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région Occitanie n°R76-2020-172 du 7 octobre 2020, la rectrice de région académique Occitanie, rectrice de l'académie de Montpellier, a donné délégation à M. K..., chef de la division des affaires médicales, des retraites et de l'action sociale, à l'effet de signer notamment les actes concernant les " accidents de services et les maladies professionnelles de tous les personnels enseignants ", en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., de M. F... et de Mme E.... Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au jour de la décision attaquée, Mme A..., M. L...)F...(/L...) et Mme E... n'auraient pas été absents ou empêchés, le moyen tiré de ce que M. I... n'était pas compétent pour signer la décision litigieuse doit être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.
A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. En l'espèce, la décision attaquée vise les dispositions dont la rectrice d'académie a entendu faire application. Elle mentionne également les rapports d'expertise des docteurs D... et B... des 3 juillet et 15 octobre 2020, l'avis défavorable émis par la commission de réforme des Pyrénées-Orientales dans sa séance du 19 novembre 2020 et précise que " la pathologie somatique ne peut être reconnue d'origine professionnelle et la pathologie psychologique développée n'est pas essentiellement et directement causée par le travail habituel. ". Elle mentionne enfin que le taux d'incapacité permanente n'atteint pas 25% et que Mme H... présente un état pathologique préexistant. Dès lors, cette décision comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, alors en vigueur : " (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme. / (...) / Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. / (...) ".
6. Mme H... soutient que malgré sa demande, elle n'a pas pu présenter d'observations orales devant la commission de réforme en raison du contexte sanitaire, alors qu'elle avait pourtant sollicité le report de la séance au cours de laquelle la commission devait examiner sa situation. Toutefois, elle n'apporte aucune précision ni commencement de preuve permettant d'établir ses allégations. Enfin, si elle fait état de sa qualité de travailleuse handicapée, elle ne se prévaut de la méconnaissance d'aucune disposition particulière applicable aux agents placés dans cette situation. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 précité, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / (...) 2. L'imputabilité au service de l'affection entraînant l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 34 (4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; / (...) ". En vertu de l'article 12 de ce décret, la commission de réforme départementale, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, est notamment composée des membres du comité médical prévu à l'article 6 dudit décret. En application de cet article, qui renvoie à l'article 5 du même décret, ce comité comprend " deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 ". Aux termes de l'article 19 du même décret : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le médecin spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération (...) ".
8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
9. Il ressort des pièces du dossier que si aucun médecin spécialiste n'a siégé au sein de la commission de réforme qui s'est réunie le 19 novembre 2020 pour examiner la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie déclarée par Mme H..., ladite commission disposait cependant du rapport d'expertise du docteur D..., expert oto-rhino-laryngologiste, en date du 3 juillet 2020 et du rapport d'expertise du docteur B..., psychiatre, en date du 15 octobre 2020. Ainsi, si la réunion de la commission a été tenue hors de la présence d'un médecin spécialiste, cette absence ne peut être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme de nature à priver Mme H... d'une garantie et entraîner l'illégalité de la décision en litige. Le moyen tiré du vice de procédure doit, par suite, être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ".
11. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
12. Mme H... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une " dysphonie fonctionnelle entraînant une dépression réactionnelle puis aggravation ". Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie, la rectrice de l'académie de Montpellier s'est fondée, au-delà de l'avis défavorable émis par la commission de réforme le 19 novembre 2020, sur les rapports d'expertise des docteurs D... et B... en date des 3 juillet et 15 octobre 2020. Le docteur B..., médecin psychiatre, a considéré que la pathologie de Mme H... n'était " pas essentiellement et directement causée par son travail habituel " et a relevé que l'intéressée présentait un état pathologique préexistant ayant pu favoriser la pathologie, à savoir un état dépressif névrotique, lequel s'est manifesté par " différentes décompensations dépressives antérieures, depuis de nombreuses années ". Le docteur D..., médecin oto-rhino-laryngologiste, a quant à lui relevé que Mme H... présentait un larynx normal et que la dysphonie fonctionnelle dont elle souffrait ne pouvait être reconnue comme d'origine professionnelle en indiquant que " pour diverses raisons, avec en particulier un contexte psychologique fragile et un terrain dépressif elle n'arrive pas à utiliser son organe vocal correctement, malgré une rééducation a priori bien suivie. ". Si Mme H... se prévaut des comptes-rendus établis à sa demande par le professeur J..., les 24 mars 2022, 6 février et 29 décembre 2023 faisant état d'une dysphonie spasmodique liée à une dystonie laryngée, mentionnant un " surmenage vocal associé à des situations de stress lors de l'usage de la parole ", que la dystonie laryngée " tend à s'aggraver " quand Mme H... " essaye de faire ses activités professionnelles " ou l'impact psychologique de la dysphonie dont elle souffre, ceux-ci ne sauraient remettre en cause le rapport d'expertise précité du docteur D... et établir que la maladie dont elle est atteinte présenterait un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Enfin, le certificat médical établi par le docteur C... le 21 mai 2007 selon lequel elle " présente une dépression sévère à la suite d'un conflit l'opposant à son administration au sujet de son affectation ", ne saurait davantage être de nature à établir l'existence d'un lien direct entre la pathologie déclarée en 2019 et l'exercice de ses fonctions. Dans ces conditions, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont souffre Mme H..., la rectrice de l'académie de Montpellier n'a entaché sa décision ni d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation.
13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que Mme H... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme H... étant rejetées, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également l'être.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme H... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme H... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... H... et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Copie en sera adressée à la rectrice de région académique Occitanie, rectrice de l'académie de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL00811