Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le directeur général de Mistral Habitat, devenu Vallis Habitat, a mis fin à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident qu'elle a subi, le 19 décembre 2018, à compter du 1er novembre 2019, l'a placée en congé de maladie ordinaire et a décidé que les soins et frais médicaux seraient pris en charge, à ce titre, à compter de cette date, d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2020 par lequel la même autorité l'a placée à demi-traitement du 30 janvier 2020 au 31 août 2021, d'annuler la décision du 17 septembre 2020 par laquelle lui a été réclamée la somme de 7 726,86 euros au titre d'un trop-versé de rémunération, d'annuler la décision du 14 septembre 2020 lui ayant enjoint de payer la somme de 1 175,85 euros pour le remboursement des frais médicaux réglés par l'assureur de Vallis Habitat, d'enjoindre à Vallis Habitat de réexaminer sa situation et de rétablir son plein traitement, la prise en charge de ses frais médicaux, son avancement et ses droits à retraite, liés à l'imputabilité au service de son accident et de mettre à la charge de Vallis Habitat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2003033 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 11 septembre 2020, ainsi que, par voie de conséquence, les autres actes contestés par Mme B... et ayant pour fondement juridique cet arrêté, a enjoint au directeur général de Vallis Habitat de réexaminer la situation de Mme B... au titre de la prolongation de son congé pour inaptitude temporaire imputable au service dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de Vallis Habitat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés, les 5 juillet et 16 novembre 2022, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 2 mai 2024, l'établissement public local à caractère industriel et commercial Vallis Habitat, représenté par Me Gontard, demande à la cour :
1°) d'infirmer, dans son intégralité, ce jugement rendu le 10 juin 2022 ;
2°) de confirmer la légalité des décisions du 11 septembre 2020 mettant fin à la reconnaissance d'imputabilité de l'accident de service subi par Mme B... et la plaçant en congé de maladie ordinaire, celle des décisions des 14 et 17 septembre 2020 réclamant les frais médicaux et traitements à verser et celle du 23 septembre 2020 de placement à demi-traitement et de prise d'effet financier sur le traitement du mois de septembre ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête, qui reprend les moyens de légalité soulevés, en première instance, est suffisamment motivée et par là même recevable ;
- les décisions contestées sont suffisamment motivées ;
- contrairement à ce que le tribunal administratif de Nîmes a retenu, le comité médical a été consulté ;
- la décision mettant fin au congé de maladie en lien avec l'accident de service, prise selon les conclusions d'une expertise médicale, n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation ;
- les décisions contestées ne peuvent être remises en cause au regard de ce que l'état de santé de Mme B..., et notamment son stress et mal-être antérieurs, seraient en définitive liés à sa surcharge de travail indépendamment de l'agression ainsi subie.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 novembre 2022 et le 9 avril 2024, Mme A... B..., représentée par Me Coque, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre à Vallis Habitat de réexaminer sa situation et de rétablir son plein traitement, ainsi que le rétablissement de l'intégralité de ses droits à traitement, prise en charge médicale, avancement, retraite liés à la situation d'imputabilité au service de l'accident de service, intervenu le 18 novembre 2018, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du " jugement " à intervenir et de mettre à la charge de Vallis Habitat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête, qui reprend les mêmes demandes que celles formulées en première instance, est insuffisamment motivée et par là même irrecevable ;
- au surplus, les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, d'autres moyens sont de nature à fonder l'annulation des quatre décisions contestées, l'insuffisance de leur motivation, l'incompétence de leur signataire, l'absence de consultation de la commission de réforme, l'erreur d'appréciation dont sont entachées, en l'absence de consolidation de son état, la décision mettant fin à son congé pour accident de service à compter du 1er novembre 2019, et celle concomitante relative à son placement à demi-traitement.
Par une ordonnance du 3 avril 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 3 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., adjointe administrative principale de 1ère classe, a été recrutée, le 3 septembre 1981, par l'office public de l'habitat alors dénommé Mistral Habitat. Le 19 décembre 2018, elle a fait l'objet d'une agression verbale par un locataire, a été placée en arrêt maladie et prise en charge par l'organisme d'assurance mutuelle de son employeur. Par une décision du 31 décembre 2018, son accident a été reconnu imputable au service. Par un arrêté du 11 septembre 2020, le directeur général de Mistral Habitat a mis fin à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident, à compter du 1er novembre 2019, a placé Mme B... en congé de maladie ordinaire et a décidé que ses soins et frais médicaux seraient à sa charge à compter de cette date. Par un arrêté du 23 septembre 2020, l'intéressée a été placée à demi-traitement pour la période du 30 janvier 2020 au 31 août 2021. Par une décision du 17 septembre 2020, l'établissement public lui a réclamé la somme de 7 726,86 euros au titre d'un trop perçu de rémunération. Par une décision du 14 septembre 2020, Mistral Habitat lui a enjoint de rembourser la somme de 1 175,85 euros au titre de dépenses médicales réglés par l'assureur de Mistral Habitat. Vallis Habitat, nouvelle dénomination de l'office public de l'habitat, établissement public local à caractère industriel et commercial en application de l'article 1er de l'ordonnance du 1er février 2007 relative aux offices publics de l'habitat, relève appel du jugement, rendu le 10 juin 2022, par lequel le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, annulé l'arrêté du 11 septembre 2020 mettant fin à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident de service subi par Mme B..., ainsi que les décisions prises en application de l'arrêté du 11 septembre 2020 et a, d'autre part, enjoint au directeur général de Vallis Habitat de réexaminer la situation de Mme B... au titre de la prolongation de son congé pour inaptitude temporaire imputable au service dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Mme B... sollicite, pour sa part, à titre reconventionnel, que soit prononcée une injonction tendant au rétablissement de l'intégralité de ses droits à traitement et prise en charge médicale, au titre de l'accident de service.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les motifs d'annulation du jugement :
2. Pour annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 et les décisions subséquentes, le tribunal administratif de Nîmes s'est fondé, d'une part, sur le vice de procédure tiré du défaut de consultation du comité médical et, d'autre part, sur l'erreur d'appréciation sur la fixation de la date de guérison au regard du rapport d'expertise.
3. D'une part, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...). Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...). VI. -Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires ".
4. L'article 21 bis précité de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, en tant qu'il s'applique à la fonction publique territoriale, est entré en vigueur, le 13 avril 2019, date d'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions d'application nécessaires pour cette fonction publique. En vertu de l'article 15 du même décret, toute prolongation de ce congé postérieure à l'entrée en vigueur de ce décret est accordée dans les conditions prévues à son chapitre Ier.
5. Aux termes de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa rédaction antérieure au 14 mars 2022 : " Le comité médical est chargé de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les questions médicales soulevées par l'admission des candidats aux emplois publics, l'octroi et le renouvellement des congés de maladie et la réintégration à l'issue de ces congés, lorsqu'il y a contestation. Il est consulté obligatoirement pour : a) La prolongation des congés de maladie au-delà de six mois consécutifs (...) ".
6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, la prolongation du congé de maladie de Mme B... à compter du 1er novembre 2019, qui est postérieure à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, y est donc soumise. En outre, il ressort des pièces du dossier que la fonctionnaire était placée, par un arrêté du 31 décembre 2018, en congé de maladie lié à un accident de service, de façon continue, depuis le 19 décembre 2018 de sorte que l'arrêté du 11 septembre 2020 plaçant cette dernière en congé de maladie ordinaire rétroactivement au 1er novembre 2019, au regard d'une date de guérison fixée à cette même date, doit être qualifié de prolongation de congé de maladie au-delà de six mois consécutifs au sens des dispositions de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 citées au point précédent. Il suit de là que cette prolongation devait être soumise à l'avis du comité médical, lequel constitue une garantie pour la fonctionnaire. En se bornant à soutenir, en appel, qu'une consultation du comité médical a bien eu lieu, alors que tant l'avis du comité médical, qui aurait été émis le 19 novembre 2020 que la seule pièce versée aux débats, l'avis du comité médical, émis le 22 avril 2021, sont postérieurs à l'arrêté du 11 septembre 2020, portent au demeurant sur un placement en congé de longue maladie et non sur la fin du congé de maladie imputable à l'accident de service, l'établissement public industriel et commercial ne saurait établir le respect d'une telle garantie. Dans ces conditions, en l'absence d'avis du comité médical, l'arrêté du 11 septembre 2020 était entaché d'une irrégularité de procédure et encourait l'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, au regard de la circonstance que cet arrêté en constituait la base légale, les décisions des 14, 17 et 23 septembre 2020 portant sur la rémunération de l'intéressée et la demande de remboursement de frais médicaux au regard de la date de guérison ainsi fixée.
8. D'autre part, lorsque l'incapacité temporaire de travail d'un fonctionnaire est consécutive à un accident reconnu imputable au service, ce dernier conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite et bénéficie du remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par cet accident.
9. Le droit de l'agent à la prise en charge, au titre de l'accident de service, des arrêts de travail et des soins postérieurs à la consolidation de son état de santé demeure toutefois subordonné à l'existence d'un lien direct entre l'affection et l'accident de service, et prend nécessairement fin à la date de guérison des troubles imputables à cet accident.
10. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'expertise, rédigé le 20 juillet 2020, après examen médical de l'intéressée, et visé dans l'arrêté du 11 septembre 2020, que la date de guérison préconisée par le médecin est celle du 1er décembre 2019 et non celle du 1er novembre 2019 retenue dans l'arrêté, le rapport concluant, dans le même temps, sans autre précision, à une incapacité de travail temporaire imputable à une autre cause. Dans ces conditions, Mme B... est également fondée à soutenir qu'en retenant, sans document médical l'étayant, une guérison au 1er novembre 2019, pour mettre fin à la prise en charge de ses arrêts de travail et dépenses de santé induites par l'accident de service du 19 décembre 2018, le directeur général de Vallis Habitat a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par l'intimée, que l'établissement public local à caractère industriel et commercial Vallis Habitat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 11 septembre 2020 et, par voie de conséquence, les trois décisions qui trouvaient leur base légale dans ce premier arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. D'une part, il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 21 mai 2021, antérieur à l'introduction de la requête, Mme B... a été placée en congé de longue durée à compter du 1er novembre 2019, et ce, jusqu'au 31 juillet 2021 et a perçu à ce titre un plein traitement. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'injonction tendant à obtenir l'intégralité de son traitement étaient dépourvues d'objet à la date d'introduction de la requête et ne peuvent qu'être rejetées.
13. D'autre part, le présent arrêt, qui confirme le jugement d'annulation d'une décision fixant une date de guérison erronée d'un accident imputé au service et refusant, à compter de cette date, la prolongation du congé maladie dans le cadre du dispositif du congé d'invalidité temporaire imputable au service et par là même la prise en charge des frais médicaux en lien direct avec cet accident, implique nécessairement un réexamen par l'autorité administrative. Or, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas allégué que le directeur général de Vallis Habitat aurait, en exécution du jugement, rendu le 10 juin 2022, par le tribunal administratif de Nîmes, statué à nouveau sur cette prolongation de congé. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au directeur général de Vallis Habitat de procéder à un tel réexamen, après avis du conseil médical, avec fixation de la date de guérison et de prendre les mesures liées à la prise en charge des dépenses médicales qui en résultent dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, le présent arrêt n'impliquant aucune autre injonction.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme sollicitée par l'appelant soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante, dans la présente instance. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement public local à caractère industriel et commercial Vallis Habitat une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige sollicités par Mme B... sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'établissement public local à caractère industriel et commercial Vallis Habitat est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au directeur général de l'établissement public local à caractère industriel et commercial Vallis Habitat de procéder au réexamen de la situation de Mme B... s'agissant de son accident reconnu imputable au service en se prononçant sur la date de guérison dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'établissement public local à caractère industriel et commercial Vallis Habitat versera la somme de 1 500 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public local à caractère industriel et commercial Vallis Habitat et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL21522 2