Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un jugement n° 2103852 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en production de pièces enregistrés le 19 juin 2023 et le 14 décembre 2023, M. C... A..., représenté par Me Ortigosa-Liaz, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°2103852 du tribunal administratif de Nîmes du 20 avril 2023 ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) subsidiairement, d'enjoindre à la préfète du Gard de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi qu'une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ou, si l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordée, à lui verser en personne sur le fondement du seul article L. 761 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté de la préfète du Gard du 25 octobre 2021 méconnaît les articles L. 233-1, L. 233-2 et R. 233-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles L. 423-23 et R. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2023, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Contrairement aux mentions portées dans l'attestation de demande d'asile et le récépissé de demande de titre de séjour, ces demandes ayant été enregistrées sous le patronyme " C... " et le prénom " A... ", il ressort de la copie de son passeport, produit dans le cadre d'une mesure d'instruction de la cour, que le patronyme de l'appelant est " A... ", et ses prénoms " C... ".
2. M. A..., de nationalité angolaise, est entré sur le territoire français le 11 mars 2016 selon ses déclarations. Par décision du 24 janvier 2017, l'office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande d'asile. Par décision du 21 juillet 2017, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours formé contre cette décision. M. A... a sollicité, le 3 juillet 2020, la délivrance d'un titre de séjour en tant que membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne. Par arrêté du 25 octobre 2021, la préfète du Gard a rejeté sa demande. Par jugement du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2021. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...). ". Aux termes de l'article L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. (...) ".
4. D'une part, il résulte des dispositions citées au point précédent qu'un citoyen de l'Union européenne ou ressortissant de l'Espace Economique Européen ne dispose du droit de se maintenir sur le territoire national pour une durée supérieure à trois mois que s'il remplit l'une des conditions, alternatives, exigées à cet article, au nombre desquelles figure l'exercice d'une activité professionnelle en France. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la notion de travailleur, au sens des dispositions précitées du droit de l'Union européenne, doit être interprétée comme s'étendant à toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La relation de travail est caractérisée par la circonstance qu'une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération. Ni la nature juridique particulière de la relation d'emploi au regard du droit national, ni la productivité plus ou moins élevée de l'intéressé, ni l'origine des ressources pour la rémunération, ni encore le niveau limité de cette dernière ne peuvent avoir de conséquences quelconques sur la qualité de travailleur.
5. D'autre part, il résulte de ces dispositions combinées que le ressortissant d'un État tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne que dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont alternatives et non cumulatives.
6. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 233-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne mentionnés au 1° de l'article L. 233-1 conservent leur droit au séjour en qualité de travailleur salarié ou de non-salarié dans les situations suivantes :1° Ils ont été frappés d'une incapacité de travail temporaire résultant d'une maladie ou d'un accident ;2° Ils se trouvent en chômage involontaire dûment constaté après avoir exercé leur activité professionnelle pendant plus d'un an et sont inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi ;3° Ils entreprennent une formation professionnelle devant être en lien avec l'activité professionnelle antérieure à moins d'avoir été mis involontairement au chômage. / Ils conservent au même titre leur droit de séjour pendant six mois s'ils sont involontairement privés d'emploi dans les douze premiers mois qui suivent le début de leur activité professionnelle et sont inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... se déclare en situation de concubinage avec Mme B..., ressortissante belge, le couple ayant donné naissance à un enfant en 2020, et étant, à la date de l'arrêté attaqué, dans l'attente d'une nouvelle naissance. M. A... justifie de l'activité salariée exercée par sa compagne du 1er février 2020 au 1er octobre 2020. Si Mme B... s'est inscrite comme auto-entrepreneuse au registre du commerce et des sociétés, le 8 juin 2020, concernant une activité de service de nettoyage de locaux, il n'est fait état d'aucun revenu tiré de cette activité. Dès lors, Mme B... ne peut être regardée comme exerçant une activité professionnelle à la date de la demande, ni comme remplissant les conditions prescrites par le 2° de l'article R. 233-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute d'avoir exercé une activité professionnelle pendant plus d'un an avant de se trouver en situation de chômage involontaire, et faute, au demeurant, de justifier s'être inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi. Par ailleurs, si M. A... justifie avoir perçu des revenus oscillant entre 1400 et 2000 euros mensuels de juin à octobre 2021, Mme B... ne peut être regardée, compte tenu de la courte période de perception de ces revenus et du niveau de ceux-ci, comme disposant de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale pour elle-même et les membres de sa famille, qui compte trois enfants en sus de l'enfant du couple et de l'enfant à naître. Dès lors, M. A... n'établit pas que sa compagne disposerait d'un droit au séjour supérieur à trois mois sur le territoire national. Par suite, le préfet du Gard n'a pas fait une inexacte application des articles L. 233-1, L. 233-2 et R. 233-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait déposé sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen, à le supposer soulevé, tiré de la méconnaissance des articles L. 423-23 et R. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être utilement invoqué.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. A... ne justifie, en ce qui le concerne, ni d'une intégration sociale, ni d'une insertion professionnelle aboutie, dès lors qu'il ressort seulement des pièces du dossier qu'il a validé une formation de " web-designer " et travaillé, en qualité d'intérimaire, de juin à octobre 2021, comme manutentionnaire, agent de service ou peintre au pistolet. S'il se prévaut de la scolarisation en France de son enfant, celle-ci est postérieure à l'arrêté attaqué. En outre il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer hors de France, notamment en Belgique, dont sont ressortissants l'enfant de M. A... et la mère de cette dernière. Dès lors, la préfète du Gard ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté litigieux a été pris.
11. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, l'arrêté attaqué n'a pas été pris en violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
13. Il résulte de toute ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
14. Le sens du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte de délivrer un titre de séjour à M. A... doivent être rejetées.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, en l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du même code, les conclusions du requérant tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de l'Etat doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Ortigosa-Liaz et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL01439