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21/01/2025 | FRANCE | N°23TL00039

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 21 janvier 2025, 23TL00039


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 7 février 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 1er avril 2019 et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n°

2001864 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 7 février 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 1er avril 2019 et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2001864 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2023, Mme A... C..., représentée par Me Duverneuil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 octobre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 7 février 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 1er avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Toulouse de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 1er avril 2019 et de prendre en charge ses arrêts de travail à plein traitement ainsi que ses frais médicaux et de prise en charge ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 7 février 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 1er avril 2019 est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis favorable de la commission de réforme et le compte-rendu du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail extraordinaire du 22 août 2019 n'ont pas été sérieusement pris en compte par le centre hospitalier ;

- elle est entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des articles 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dès lors que l'accident de service dont elle a été victime le 1er avril 2019 est constitué par un entretien improvisé et imprévisible au cours duquel elle a fait l'objet de propos virulents, stigmatisants et malveillants de la part d'une de ses collègues et que ses supérieures hiérarchiques n'ont eu aucune réaction ; immédiatement après cet entretien, elle s'est effondrée en larmes et a ensuite souffert d'un choc psychologique et d'un état dépressif réactionnel ; depuis 2018, elle est prise pour cible par une partie de ses collègues, lesquels sont soutenus par sa hiérarchie ; elle bénéficie de la présomption d'imputabilité au service de cet accident ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2024, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par Me Sabatté, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la décision litigieuse est suffisamment motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure régulière ;

- elle n'est entachée d'aucune erreur de droit ou d'erreur d'appréciation ; l'entretien s'étant déroulé le 1er avril 2019 ne saurait être regardé comme un accident de service ; les insultes qui, selon Mme C..., lui ont été adressées par sa collègue lors de cet entretien ne sont matériellement pas établies ; cet entretien ne traduit pas l'existence de conditions particulières tenant à l'activité professionnelle susceptibles de caractériser un usage anormal du pouvoir hiérarchique susceptible d'avoir occasionné sa pathologie ; à titre subsidiaire, l'état de santé dont se prévaut Mme C... ne trouve pas son origine dans un évènement précisément daté et déterminé mais correspond à une pathologie à évolution lente, de sorte qu'elle ne peut être regardée comme ayant été victime d'un accident de service ;

- à titre subsidiaire, à supposer que l'entretien du 1er avril 2019 soit considéré comme un accident, le comportement de Mme C... envers ses collègues constitue une faute de nature à détacher cet accident du service ;

- la décision litigieuse n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir.

Par une ordonnance du 24 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 novembre 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n°2017-53 du 19 janvier 2017 ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n°88-386 du 19 avril 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Arslan El Yacoubi, substituant Me Sabatté, représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., aide-soignante titulaire de la fonction publique hospitalière au sein du centre hospitalier universitaire de Toulouse, a été affectée au pôle gériatrie, dans l'unité de soins aigus Alzheimer de l'hôpital Garonne. Le 1er avril 2019, elle a été convoquée à un entretien devant se tenir le même jour à 14 heures concernant une altercation avec une collègue survenue le 25 mars 2019. Le déroulement de cet entretien l'a fortement affectée. Le 6 mai 2019, elle a adressé au centre hospitalier universitaire de Toulouse une déclaration d'accident de service relative à l'incident du 1er avril 2019. Dans sa séance du 17 octobre 2019, la commission de réforme hospitalière a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. Par une décision du 7 février 2020, le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a refusé la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. Mme C... relève appel du jugement du 27 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. En l'espèce, la décision litigieuse vise les dispositions dont le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a entendu faire application, notamment l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et l'article 21 du décret susvisé du 19 avril 1988. De plus, elle vise la déclaration d'accident de travail présentée par Mme C... le 6 mai 2019, le rapport établi le 12 juin 2019 par la cadre supérieure de santé concernant l'entretien s'étant déroulé le 1er avril 2019, les conclusions de l'expertise médicale du docteur B... en date du 17 juin 2019 et l'avis de la commission départementale de réforme émis en séance du 17 octobre 2019. Cette décision mentionne également que la matérialité des faits déclarés par Mme C... n'est pas établie par les pièces du dossier, notamment le rapport d'encadrement de la cadre supérieure de santé du 12 juin 2019 et qu'en tout état de cause, l'incident décrit par l'intéressée n'a pas été occasionné par des conditions particulières tenant à l'activité professionnelle. Par suite, cette décision est suffisamment motivée, compte tenu des exigences du secret médical. Dès lors, ce moyen doit être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision litigieuse, ni d'aucune autre pièce du dossier que le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'évènement du 1er avril 2019. Dès lors, ce moyen doit également être écarté.

5. En troisième lieu, si Mme C... soutient que la décision litigieuse aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en ce que le directeur général du centre hospitalier n'aurait pas tenu compte de l'avis unanimement favorable de la commission de réforme et de l'enquête menée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, elle ne se prévaut de la méconnaissance d'aucune disposition ou principe. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision litigieuse vise l'avis de la commission de réforme et l'auteur de la décision n'était pas tenu de le suivre. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, seules dispositions applicables en l'absence de publication, à la date de la décision contestée, du décret d'application de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, prévu par le VI de cette ordonnance : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, (...) le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".

7. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

8. Il ressort des pièces du dossier que le 1er avril 2019, à la suite d'une altercation survenue le 25 mars précédent avec une collègue, Mme C... a été convoquée par la cadre supérieure de santé du pôle gériatrie et la cadre de santé des soins Alzheimer à un entretien ayant débuté à 14 heures, au cours duquel sa collègue était également présente. Mme C... soutient avoir fait l'objet, lors de cet entretien, d'accusations infondées et de jugements de valeur malveillants de la part de sa collègue, qui lui aurait selon elle dit " tu as une double personnalité, tu es bipolaire ", sans que les deux cadres de santé ne réagissent ou ne prennent sa défense. Toutefois, elle n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations et il ressort du compte-rendu d'entretien établi par la cadre supérieure de santé du pôle gériatrie le 12 juin 2019 que celle-ci n'a pas entendu la collègue de Mme C... prononcer ces mots et qu'en revanche, Mme C... a, à la fin de l'entretien, traité sa collègue de " menteuse manipulatrice ". Il ressort en outre de ce compte-rendu d'entretien, également signé par la cadre de santé de soins Alzheimer, que si des échanges houleux ont eu lieu entre Mme C... et sa collègue, chacune relatant sa version des faits survenus lors de l'altercation du 25 mars 2019, leur hiérarchie a tenté à plusieurs reprises de maintenir le calme. Dès lors, cet entretien, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, ne saurait être qualifié d'accident de service, quels que soient ses effets sur Mme C....

9. Par ailleurs, l'appelante soutient que l'entretien du 1er avril 2019 s'inscrit dans un contexte d'acharnement de certains collègues à son encontre, lesquels seraient soutenus par la hiérarchie, qui perdurerait depuis 2018. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si le service au sein duquel Mme C... exerce ses fonctions est marqué par un clivage relationnel entre les agents, ayant pu avoir des répercussions tant sur Mme C... que sur ses collègues, le comportement de Mme C... envers certains collègues, qui a fait l'objet de plusieurs plaintes de leur part ainsi que de rappels à l'ordre de sa hiérarchie, a contribué, à tout le moins en partie, aux conflits au sein du service. Si l'appelante se prévaut de quelques témoignages de sympathie, ceux-ci n'accréditent pas pour autant la situation d'acharnement dont elle s'estime victime. Enfin, il ne ressort pas du courrier de l'inspectrice du travail du 7 août 2019 que celle-ci aurait reconnu une situation de harcèlement moral à son encontre, ce courrier se bornant à rappeler au directeur du centre hospitalier la procédure à suivre après le signalement effectué par Mme C....

10. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation doivent être écartés.

11. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

14. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du centre hospitalier universitaire de Toulouse présentées en application des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Toulouse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.

La rapporteure,

H. Bentolila

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°23TL00039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00039
Date de la décision : 21/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Helene Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : SABATTE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-21;23tl00039 ?
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