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31/12/2024 | FRANCE | N°24TL01538

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 31 décembre 2024, 24TL01538


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... B..., retenu en zone d'attente à l'aéroport de Toulouse, a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 6 juin 2024 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile.



Par un jugement n° 2403441 du 11 juin 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédures devant l

a Cour :



I. Sous le n° 24TL01538, par une requête, enregistrée le 14 juin 2024, M. A... B..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B..., retenu en zone d'attente à l'aéroport de Toulouse, a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 6 juin 2024 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile.

Par un jugement n° 2403441 du 11 juin 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédures devant la Cour :

I. Sous le n° 24TL01538, par une requête, enregistrée le 14 juin 2024, M. A... B..., représenté par Me Robert, demande à la cour :

1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler la décision du 6 juin 2024 du ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis à l'aide juridictionnelle provisoire, de mettre à la charge de l'Etat cette même somme à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée porte atteinte au principe de confidentialité des éléments d'information de sa demande d'asile dès lors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a transmis son avis comprenant le compte-rendu de son audition à la direction de la police aux frontières ;

- il ne peut lui être reproché d'avoir tenu des propos peu crédibles concernant ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine compte tenu des conditions matérielles et psychologiques de son entretien ;

- son droit à la présence d'un tiers lors des entretiens de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été méconnu ;

- la visioconférence constitue une atteinte aux droits de la défense dès lors que la zone d'attente de l'aéroport de Toulouse-Blagnac ne dispose pas de local agréé spécialement aménagé et équipé pour permettre la tenue de ces entretiens par moyen de communication audiovisuelle et les entretiens ont lieu dans des locaux du centre de rétention administrative de Toulouse Cornebarrieu qui n'a pas reçu l'agrément nécessaire pour la tenue de tels entretiens ;

- il n'est pas établi que le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides se soit déplacé dans la zone d'attente de Toulouse pour constater l'adéquation de la salle d'entretien avec les impératifs techniques ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au titre de l'article L. 352-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le ministre de l'intérieur et des outre-mer a considéré que sa demande d'admission au titre de l'asile était manifestement infondée ;

- sa vulnérabilité n'a pas été prise en compte en violation de l'article L. 352-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision qui fixe le pays de destination a été prise en violation de l'article 33 de la convention de Genève et des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la décision fixe la Turquie comme pays de renvoi où il n'a pas de droit au séjour et où il risque d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants et qu'il risque d'être persécuté en cas de retour en République de Djibouti en raison de sa participation au Mouvement pour le Renouveau Démocratique ;

- elle viole le principe de non-refoulement en l'absence d'examen au fond de sa demande d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, représenté par la SELARL Centaure Avocats, conclut au rejet de la requête de M. A... B....

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 13 septembre 2024.

II. Sous le n° 24TL01539, par une requête, enregistrée le 14 juin 2024, M. A... B..., représenté par Me Robert, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2403441 du 11 juin 2024 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis à l'aide juridictionnelle provisoire, de mettre à la charge de l'Etat cette même somme à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement de première instance risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables dès lors qu'il s'est opposé à son réacheminement vers la Turquie où il n'a pas de droit au séjour et où il risque des traitements inhumains et dégradants, que la Turquie va le renvoyer vers la République de Djibouti où il risque également des traitements inhumains et dégradants en raison des persécutions dont il a fait l'objet par les services de police ;

- les moyens invoqués dans sa requête en appel paraissent sérieux en l'état de l'instruction dès lors notamment que le ministre de l'intérieur et des outres mer a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au titre de l'article L. 351-1 et L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en considérant que sa demande d'asile était manifestement infondée car dépourvue de toute crédibilité.

La requête a été communiquée le 12 juillet 2024 au ministre de l'intérieur, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 13 septembre 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chabert, président.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., né le 16 novembre 1996 à Dire Dawa (Ethiopie), de nationalité djiboutienne, est arrivé à l'aéroport de Toulouse-Blagnac le 5 juin 2024 par un vol en provenance d'Istanbul (Turquie) selon ses déclarations. Il a, le même jour, été placé en zone d'attente et a sollicité son entrée sur le territoire français au titre de l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a émis un avis de non-admission le 6 juin 2024. Par une décision du même jour, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté la demande d'entrée du requérant et a fixé le pays de réacheminement. Par la requête n° 24TL01538, M. A... B... relève appel du jugement du 11 juin 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Par la requête n° 24TL01539, il demande à la cour d'en prononcer le sursis à exécution. Ces requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par deux décisions du 13 septembre 2024, M. A... B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par le bureau d'aide juridictionnelle dans le cadre des instances nos 24TL01538 et 24TL01539. Les demandes de l'intéressé tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont ainsi devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions en annulation de la requête n° 24TL01538 :

En ce qui concerne la décision portant refus d'entrée sur le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise que dans les cas suivants : / (...) 3° La demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves ".

4. Il résulte de ces dispositions que la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national peut être rejetée lorsque ses déclarations et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre du 2° du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés.

5. En premier lieu, M. A... B... reprend en appel le moyen tiré de l'atteinte à la confidentialité des éléments de sa demande d'asile. Toutefois, il y a lieu d'écarter ce moyen, qui ne comporte aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à juste titre par le premier juge au point 3 du jugement.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 352-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au titre III du livre V. L'office tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile. / L'avocat ou le représentant d'une des associations mentionnées à l'article L. 531-15, désigné par l'étranger, est autorisé à pénétrer dans la zone d'attente pour l'accompagner à son entretien dans les conditions prévues au même article. / Sauf si l'accès de l'étranger au territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public, l'avis de l'office, s'il est favorable à l'entrée en France de l'intéressé au titre de l'asile, lie le ministre chargé de l'immigration ". Aux termes de l'article R. 351-1 du même code : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande (...) ".

7. D'une part, M. A... B... soutient que le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne pouvait lui reprocher d'avoir tenu des propos manquant de crédibilité concernant ses craintes en cas de retour dès lors que les conditions matérielles et psychologiques dans lesquelles s'est déroulé l'entretien ont eu un impact sur le recueil de ses déclarations au regard notamment des interruptions qui ont eu lieu à deux reprises pendant 7 minutes et 3 minutes. Toutefois, le compte-rendu de cet entretien du 6 juin 2024, qui s'est déroulé par visioconférence et a duré cinquante-deux minutes, ne relève aucune difficulté de compréhension des questions posées à M. A... B.... S'il est vrai que deux interruptions en raison de problèmes techniques ont eu lieu lors de cet entretien, l'appelant ne démontre pas en quoi ces interruptions l'auraient empêché d'exposer sa situation de manière suffisamment précise et approfondie pour permettre à l'administration de se prononcer sur sa situation au regard de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. D'autre part, le procès-verbal rédigé le 5 juin 2024 par les services de la police aux frontières établit que M. A... B... a été informé, à cette occasion, de la possibilité de se faire assister, au cours de la procédure d'asile, par un avocat ou une association humanitaire habilitée à assister juridiquement les étrangers en zone d'attente, ainsi que de la possibilité de communiquer avec un représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. M. A... B... n'établit pas, en tout état de cause, que l'absence de connexion internet l'aurait privé de l'exercice de ce droit. Par suite, ce moyen doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 531-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut décider de procéder à l'entretien personnel en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle dans les cas suivants : / (...) 2° Lorsqu'il est retenu dans un lieu privatif de liberté ; / (...) L'officier de protection chargé de la conduite de l'entretien a la maîtrise des opérations. Il lui appartient de veiller au respect des droits de la personne. Il doit à tout instant pouvoir s'assurer du respect des bonnes conditions d'audition et de visionnage. Il peut mettre fin à l'entretien si ces conditions ne sont pas réunies ou si les circonstances de l'espèce l'exigent. Dans ce cas, l'entretien a lieu en présence de l'intéressé. / L'intéressé entendu par un moyen de communication audiovisuelle doit, si besoin avec l'aide d'un interprète, être informé par l'office avant le commencement de l'entretien du déroulement des opérations, notamment des modalités permettant d'assurer le respect des règles de confidentialité ".

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis du 6 juin 2024 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que l'entretien personnel de M. A... B... a été réalisé par visioconférence, conformément aux dispositions du 2° de l'article R. 531-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce moyen de communication audiovisuelle ne saurait porter atteinte aux droits de la défense du requérant dès lors que, ainsi qu'il a été exposé au point 6, ce dernier a été informé, à cette occasion, de la possibilité de se faire assister au cours de la procédure d'asile par un avocat ou une association humanitaire habilitée à assister juridiquement les étrangers en zone d'attente, ainsi que de la possibilité de communiquer avec un représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Si le requérant se prévaut de la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, ce dernier a estimé que la possibilité d'organiser des audiences dans des salles spéciales ou par des moyens de télécommunication audiovisuelle prévue par l'article 50 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité garantissait de façon suffisante la tenue d'un procès juste et équitable. Il ne peut utilement se prévaloir d'un communiqué de presse du 21 février 2018 du contrôleur général des lieux de privation de liberté ni de ce que son consentement devait être recueilli dès lors que les dispositions de l'article R. 531-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne le prévoient pas.

11. D'autre part, si M. A... B... soutient que l'administration ne rapporte pas la preuve que le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides se serait déplacé sur la zone d'attente de Toulouse et aurait constaté par lui-même, ou via ses services techniques, l'adéquation de la salle d'entretien avec les impératifs techniques liés à la spécificité d'un local destiné à recueillir les confidences d'un demandeur d'asile, il est constant que, par une décision du 5 juin 2024, laquelle est librement accessible sur le site internet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, son directeur a fixé la liste des locaux agréés destinés à recevoir des demandeurs d'asile dans le cadre d'un entretien personnel mené par un moyen de communication audiovisuelle, au nombre desquels il a intégré la zone d'attente de l'aéroport de Toulouse-Blagnac et le centre de rétention administrative de Cornebarrieu. Il ne ressort d'aucun élément du dossier que cet agrément n'aurait pas été délivré dans des conditions légales, notamment après une visite des lieux permettant de s'assurer de leur compatibilité à cet usage. Par ailleurs, il n'est pas établi que l'avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon lequel l'entretien s'est déroulé dans la zone d'attente serait inexact. Par suite, le moyen précité doit être écarté.

12. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... B... a fait valoir, lors de son entretien avec un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que le 19 mai 2023, il a rejoint le parti d'opposition, le Mouvement pour le Renouveau Démocratique et le Développement (MRD), qu'il participe à des activités pour le compte de ce parti notamment la distribution de tracts et le collage d'affiches. Il déclare avoir été arrêté le 10 septembre 2023 par les autorités pendant une distribution de tracts et avoir été emprisonné et torturé pendant un mois. Il produit à ce titre des attestations de ses deux frères et d'un ancien voisin indiquant qu'il a été torturé plusieurs fois par la police et qu'il a de réelles craintes de persécutions en cas de retour à Djibouti. Toutefois, il ressort de l'avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que les déclarations du requérant sont dénuées de tout élément crédible au sujet de son engagement politique au sein du parti Mouvement pour le Renouveau démocratique et qu'il a tenu un discours généralisé et peu personnalisé sur ses motivations d'adhésion à ce parti ainsi que sur les activités accomplies pour le compte de ce parti. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les circonstances de son arrestation ont fait l'objet d'un récit particulièrement succinct en dépit de nombreuses questions posées sur le sujet. Enfin, les circonstances de son départ sans difficulté de la part des autorités de son pays apportent peu de crédit sur l'actualité et la réalité de ses craintes en cas de retour à Djibouti. Par suite, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pu légalement, sur le fondement du 3° de l'article L. 352-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer que sa demande était manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves en cas de retour dans son pays d'origine. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

13. En cinquième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier et, notamment, du compte-rendu de l'entretien dont a bénéficié l'appelant le 16 novembre 2023, que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides n'aurait pas tenu compte de la vulnérabilité de M. A... B.... Par suite, le moyen tiré de l'absence de prise en compte de la vulnérabilité de l'intéressé ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de réacheminement :

14. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire : / a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ; / b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue ; c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection ". L'article 3 de la convention précitée stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. / 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays ". Aux termes de l'article L. 333-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'entrée en France est refusée à un étranger, l'entreprise de transport aérien ou maritime qui l'a acheminé est tenue de le ramener sans délai, à la requête des autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière, au point où il a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise. En cas d'impossibilité, l'étranger est ramené dans l'Etat qui a délivré le document de voyage avec lequel il a voyagé ou en tout autre lieu où il peut être admis. Si l'entreprise de transport aérien ou maritime se trouve dans l'impossibilité de réacheminer l'étranger en raison de son comportement récalcitrant, seules les autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière sont compétentes pour l'y contraindre (...) ".

15. M. A... B... soutient qu'un renvoi vers la Turquie, précédant son réacheminement à Djibouti, aura pour conséquence de lui faire subir des violences et maltraitances policières auxquelles les réfugiés seraient régulièrement exposés. Par ailleurs, il craint pour sa sécurité suite aux violences qu'il a subi de la part des autorités djiboutiennes en raison de son appartenance au Mouvement de Renouveau Démocratique. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 12, la demande présentée par M. A... B... était manifestement infondée et l'intéressé n'établit aucune menace actuelle et personnelle à son encontre en cas de retour en Turquie ou à Djibouti dans le cadre de la présente instance. Il n'est donc pas fondé à soutenir que la décision en litige, en ce qu'elle prescrit son réacheminement vers tout pays où il sera légalement admissible, méconnaîtrait les stipulations citées ci-dessus ou le principe de non-refoulement.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 juin 2024.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

17. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... B... n'implique aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de M. A... B....

Sur la demande de sursis à exécution de la requête n° 24TL01539 :

18. Le présent arrêt statuant sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 11 juin 2024, les conclusions de M. A... B... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement se trouvent dépourvues d'objet. En conséquence, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés aux litiges :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans les présentes instances la partie perdante, une somme quelconque à verser au conseil de M. A... B....

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête n° 24TL01538 présentée par M. A... B... est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée par M. A... B... sous le n° 24TL01539.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., à Me Robert et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 où siégeaient :

- M. Chabert, président,

-M. Teulière, président-assesseur,

- M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président-assesseur,

T. Teulière La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 24TL01538, 24TL01539 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL01538
Date de la décision : 31/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-31;24tl01538 ?
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