Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Institut de défense de l'apiculture (IDAPI) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Léguevin à lui verser, en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, les sommes de 145 825,07 euros au titre des dépenses de travaux engagés, 58 053,90 euros au titre des dépenses de fonctionnement, 16 619,50 euros au titre des frais de personnel, 456 310 euros au titre du manque à gagner, 68 200 euros au titre de la perte de subvention et 50 000 euros au titre du préjudice moral et d'image.
Par un jugement n° 2000910 du 28 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2022, l'association Institut de défense de l'apiculture, représentée par Me Magrini, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Léguevin à lui verser, assorties des intérêts au taux légal, les sommes de 327 310 euros au titre du manque à gagner, 2 000 euros au titre du préjudice moral, 2 000 euros au titre du préjudice d'image et 5 000 euros au titre des dépenses exposées lors de précédentes procédures juridictionnelles ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Léguevin une somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le jugement est irrégulier, sauf à ce que la minute comporte les signatures prévues par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il est entaché d'un défaut de motivation en son point 6, cette absence de motivation ne permettant pas de comprendre pourquoi les premiers juges ont estimé que la décision illégale de la commune n'avait pas exercé une influence négative sur ses dépenses de fonctionnement et sur ses frais de personnel ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en rejetant l'indemnisation du manque à gagner ; la décision illégale de la commune n'a pas permis la réalisation de la transformation de l'étable en ferme apicole pédagogique ; en l'absence d'autorisation administrative permettant l'accueil du public, elle a subi un lourd manque à gagner dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de vendre ses produits, de proposer ses formations et de faire visiter la ferme et qu'elle a été contrainte de stopper son activité ; ce manque à gagner a été estimé à 327 310 euros sur la période allant de 2013 à 2018 ;
- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en rejetant toute indemnisation du préjudice moral et du préjudice d'image ; le refus illégal opposé à sa déclaration préalable lui a causé un préjudice moral en raison de sa fragilité financière et de l'importance des travaux demandés pour la poursuite de son activité et elle a dû solliciter l'ouverture d'une procédure de sauvegarde en 2015 ; la commune a usé et abusé de son droit au recours ; décrédibilisée auprès de ses partenaires, elle a subi un préjudice d'image ; il sera fait une juste appréciation de ces postes de préjudice à les fixant à 2 000 euros chacun ;
- il y a lieu de condamner la commune de Léguevin à payer à l'association une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice lié aux procédures juridictionnelles précédentes.
Une mise en demeure a été adressée le 18 août 2023 à la commune de Léguevin sur le fondement des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 2 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience :
- le rapport de M. Teulière, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Diard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 11 juin 2014, le maire de Léguevin (Haute-Garonne) s'est opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par l'association Institut de défense de l'apiculture en vue de transformer en partie une construction à usage d'habitation en ferme pédagogique sur un terrain situé 66 chemin de Cazalas. Le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté par un jugement n° 1403624 du 24 juin 2016. Par un arrêt n° 16BX02551 du 12 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête d'appel de la commune de Léguevin, et, par une décision n° 426258 du 10 juillet 2019, le Conseil d'Etat a refusé d'admettre le pourvoi en cassation de la commune. L'association Institut de défense de l'apiculture a formé deux réclamations indemnitaires préalables auprès du maire de Léguevin les 28 mars et 18 novembre 2019, qui ont été implicitement rejetées. L'association relève appel du jugement du 28 octobre 2022, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes indemnitaires.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". En l'espèce, il résulte de l'instruction que la minute du jugement contesté a été signée par le président de la formation de jugement, la rapporteure ainsi que la greffière d'audience. Par suite, le moyen soulevé tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signatures de la minute, manque en fait et ne peut donc qu'être écarté.
3. Le tribunal administratif de Toulouse n'a pas insuffisamment motivé son refus d'indemniser l'association appelante au titre de ses dépenses de fonctionnement et de ses frais de personnel en relevant, au point 6 du jugement attaqué, qu'elle n'établissait pas que de telles dépenses présentaient un lien de causalité avec la faute de la commune. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de motivation des jugements posée par l'article L. 9 du code de justice administrative doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune de Léguevin :
4. Le tribunal a relevé qu'en s'opposant illégalement à la déclaration préalable de travaux déposée par l'association Institut de défense de l'apiculture, pour les motifs infondés tirés de l'insuffisance de la voie d'accès pour permettre l'approche des engins de lutte contre l'incendie, de l'existence d'un changement de destination de la construction non autorisé et de la méconnaissance de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune relatif aux occupations et utilisations du sol permises en zone agricole, le maire de Léguevin avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. Le jugement n'est pas contesté sur ce point.
En ce qui concerne les préjudices et le lien de causalité :
5. L'ouverture du droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal d'autorisation d'urbanisme revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.
6. L'association appelante persiste en appel à solliciter la réparation de son manque à gagner, évalué à la somme de 327 310 euros, en soutenant que la faute de la commune l'a empêchée de réaliser son projet, consistant à vendre ses produits, proposer des formations et faire visiter la ferme. Toutefois, elle s'est bornée en première instance à faire état du chiffre d'affaires prévisionnel estimé par les services du département de la Haute-Garonne sur la base d'une analyse réalisée à partir des informations qu'elle a adressées à ces services, et prenant en compte les ventes de produits et d'activités payantes. Alors que l'association ne produit en appel aucun nouvel élément, elle ne peut être regardée comme justifiant de circonstances particulières permettant de faire regarder le préjudice tiré d'un manque à gagner comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain.
7. L'association Institut de défense de l'apiculture, qui n'invoquait pas un préjudice moral propre en première instance, n'établit pas avoir subi un tel préjudice en raison de la faute de la commune, en se bornant à faire état de l'importance des travaux qu'elle a engagés sans autorisation d'urbanisme ou encore de sa fragilité financière ayant conduit l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. La circonstance que la commune ait formé des recours en appel et en cassation à l'encontre du jugement et arrêt cités au point 1 n'est, en elle-même, pas davantage de nature à établir un tel préjudice. Si l'association allègue d'un discrédit subi auprès de ses partenaires, elle ne l'établit par aucun élément. Ainsi, elle n'établit pas l'existence du préjudice d'image allégué du fait de la faute commise par la commune.
8. Enfin, les frais de justice, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive imputable à l'administration. Toutefois, lorsque l'intéressé a fait valoir devant le juge une demande fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le préjudice est intégralement réparé par la décision que prend le juge sur ce fondement. Il n'en va autrement que dans le cas où le demandeur ne pouvait légalement bénéficier de ces dispositions.
9. En l'espèce, le tribunal administratif de Toulouse et la cour administrative d'appel de Bordeaux ont respectivement accordé à l'association appelante les sommes de 1 200 et 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais qu'elle a exposés dans les instances engagées afin d'obtenir l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 11 juin 2014 du maire de Léguevin portant opposition à déclaration préalable de l'association et défendre en appel l'annulation prononcée par les premières juges. Le préjudice relatif à ces frais s'est ainsi trouvé intégralement réparé par ces décisions.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'association Institut de défense de l'apiculture n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes indemnitaires.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de la commune de Léguevin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par l'association Institut de défense de l'apiculture et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Institut de défense de l'apiculture est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Institut de défense de l'apiculture et à la commune de Léguevin.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Teulière, président assesseur,
- M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.
Le président-assesseur,
T. Teulière
Le président,
D. ChabertLe greffier,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL22659