Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire, dirigé contre la décision du 2 mars 2020 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui accorder le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux, d'enjoindre à l'administration de procéder au versement d'une pension militaire d'invalidité à son profit pour ses deux infirmités, de condamner l'Etat aux entiers dépens et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale afin d'évaluer l'imputabilité de ses infirmités et son taux d'invalidité.
Par un jugement n° 2003951 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité, a enjoint au ministre des armées de réexaminer la situation de M. A..., après expertise médicale, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 12 décembre 2022, le ministre des armées demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement rendu 13 octobre 2022 ;
2°) de maintenir la décision de la commission de recours de l'invalidité du 4 novembre 2020.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit ;
- une expertise médicale ne doit pas, de façon systématique, être ordonnée dans le cadre de l'examen d'une demande de pension militaire d'invalidité de sorte qu'aucun vice de procédure n'a entaché la décision de la commission de recours de l'invalidité du 4 novembre 2020 ; à cet égard, la circulaire du 12 février 2010 relative à la constitution, l'instruction et la liquidation des dossiers de pensions prévus par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre retient que l'examen de la demande débute seulement par une instruction administrative.
Une mise en demeure a été adressée, le 19 septembre 2023, à M. B... A..., qui n'a pas présenté d'observations en défense.
Par une ordonnance du 24 avril 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 29 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a effectué son service national dans l'armée de terre du 1er décembre 1978 au 1er décembre 1979. Par une demande enregistrée le 27 novembre 2019, l'intéressé a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux. Par une décision du 2 mars 2020, la ministre des armées a rejeté sa demande. Le 3 juillet 2020, M. A... a présenté le recours administratif préalable obligatoire, que la commission de recours de l'invalidité a, par une décision du 4 novembre 2020, rejeté. Par un jugement du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité pour ces infirmités, a enjoint au ministre des armées de réexaminer la situation de M. A..., après expertise médicale, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus de sa demande. Le ministre des armées relève appel de ce jugement.
Sur l'office du juge :
2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige.
Sur la régularité du jugement :
3. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le ministre des armées ne peut donc utilement soutenir que le tribunal administratif de Nîmes aurait commis une erreur de droit en retenant que l'expertise médicale constituait une garantie procédurale pour le militaire qui sollicite une pension d'invalidité.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. D'une part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " Aux termes de l'article R. 151-9 du même code : " Les expertises auxquelles sont soumis les militaires en vue de l'obtention d'une pension d'invalidité sont effectuées par un médecin mandaté par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. Ce médecin, qualifié médecin expert, est choisi soit parmi les médecins militaires, soit parmi les médecins civils spécialement agréés à cet effet. L'agrément des médecins civils est délivré, pour une durée d'un an tacitement renouvelable, par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. En cas d'urgence ou de circonstances spéciales, le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre peut mandater, pour une affaire ou une séance déterminée, un médecin expert civil non agréé mais attaché à un service public. L'acte de nomination mentionne les motifs spéciaux de cette désignation. Le dossier peut être soumis à un expert spécialiste ou à une expertise complémentaire. " Selon l'article R. 151-10 de ce code : " Préalablement à l'examen de l'intéressé, le médecin expert est mis en possession des pièces de l'instruction nécessaires à cet examen. Il établit un rapport qui est revêtu de sa signature. L'intéressé a la faculté de produire tout certificat médical ou document ayant trait à la pathologie à examiner, et dont il peut demander l'annexion au dossier. Il peut également, à chacune des expertises auxquelles il est procédé, se faire assister par un médecin à ses frais. Ce médecin présente, s'il le juge utile, des observations écrites, qui sont joints au rapport de l'expert. ".
6. Pour annuler la décision de la commission de recours de l'invalidité du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a retenu que M. A..., dont la demande présentée le 27 novembre 2019, n'avait pas donné lieu à une expertise médicale, avait été privé d'une garantie, en méconnaissance des dispositions citées au point précédent.
7. Il résulte des articles R. 151-9 et R. 151-10 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre citées au point 5 que l'instruction médico-administrative d'une demande de pension militaire d'invalidité par l'administration doit nécessairement comporter une expertise médicale visant à vérifier les données produites à l'appui de la demande et à fixer le taux des infirmités concernées.
8. Le ministre des armées, qui ne peut utilement invoquer les dispositions de la circulaire du 12 février 2010 relative à la constitution, l'instruction et la liquidation des dossiers de pensions prévus par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, laquelle est dépourvue de valeur règlementaire, fait valoir le caractère inutile d'une telle expertise, en l'espèce, dès lors que les examens médicaux joints à la demande, déposée par M. A..., reposaient sur des données audiométriques objectivement mesurées par un matériel spécialisé pouvant être converties en un taux d'invalidité. Toutefois, ces seuls examens audiométriques, qui ne mentionnent aucun taux mais seulement des niveaux de perte auditive supérieurs à ceux précédemment constatés, ne pouvaient permettre de statuer sur la demande de pension d'invalidité de M. A... et de fixer le taux d'invalidité prévu à l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Ainsi, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que l'intimé n'aurait été privé d'aucune garantie de procédure.
9. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'attribution d'une pension militaire et a enjoint au ministre des armées le réexamen de la situation de M. A..., après expertise médicale, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre des armées est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 décembre 2024.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL22515 2