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26/12/2024 | FRANCE | N°22TL22513

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 26 décembre 2024, 22TL22513


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



I. - Sous le n°2101541, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Perpignan à lui verser la somme de 8 000 euros, assortie des intérêts de droit à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de la situation de harcèlement moral dont il s'estimait victime et de mettre à la charge de la commune de Perpignan la somme de 1 5

00 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. - Sous le n°2101541, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Perpignan à lui verser la somme de 8 000 euros, assortie des intérêts de droit à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de la situation de harcèlement moral dont il s'estimait victime et de mettre à la charge de la commune de Perpignan la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2101541 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

II. - Sous le n°2101616, M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le maire de Perpignan lui a infligé un blâme et de mettre à la charge de la commune de Perpignan la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2101616 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. - Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2022 sous le n°22TL22512, M. B... A..., représenté par Me Cacciapaglia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n°2101541 du 11 octobre 2022 ;

2°) de condamner la commune de Perpignan à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du harcèlement moral dont il s'estime victime, assortie des intérêts de droit à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation et d'une violation de la loi en ayant considéré que les éléments factuels qu'il avait mis en avant étaient insuffisants pour caractériser un harcèlement moral et est ainsi irrégulier ;

- en raison des agissements de harcèlement moral dont il a été victime, la responsabilité de la commune de Perpignan est engagée, sur le fondement de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; le 7 juillet 2020, son supérieur hiérarchique a exigé qu'il porte la débroussailleuse alors que son état de santé ne le lui permettait pas ; du 28 juillet au 28 septembre 2020, l'unique tâche de balayer manuellement le centre-ville lui a été confiée ; le 24 septembre 2020, son supérieur hiérarchique lui a demandé de porter une radio pour le " tracer " lorsqu'il effectuait ses tâches, alors qu'aucun autre agent n'est muni d'un tel dispositif ; il a refusé de porter cette radio et a alors été affecté au balayage manuel de la zone technique des services municipaux dans le but de l'humilier ; ces changements d'affectation constituent des sanctions disciplinaires déguisées ; le maire de Perpignan lui a accordé la protection fonctionnelle et cette décision vaut reconnaissance de la situation de harcèlement moral dont il est victime ; il a été victime de propos à caractère raciste par son supérieur hiérarchique ;

- il a subi un préjudice moral qu'il évalue à 8 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2023, la commune de Perpignan, représentée par Me Pierson, conclut à titre principal à l'incompétence de la cour administrative d'appel, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que les prétentions indemnitaires de M. A... soient ramenées à de plus justes proportions et en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce qu'il soit condamné aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- le présent litige relève du 8° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, de sorte que le tribunal administratif de Montpellier a statué en premier et dernier ressort et que seul le Conseil d'Etat est compétent pour en connaître ;

- M. A... n'a pas été victime de harcèlement moral et n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire déguisée ; les changements d'affectation dont il a fait l'objet au sein du service de propreté urbaine, à l'entretien du centre-ville puis du centre technique, étaient conformes aux contre-indications du médecin du travail, correspondaient à son grade, n'ont entraîné aucune perte de rémunération et ont été décidés dans l'intérêt du service ; les sanctions disciplinaires dont il a fait l'objet en raison de son refus d'exécuter des ordres de service légitimes et légaux sont proportionnées et justifiées ; l'existence de propos à caractère raciste n'est pas établie ;

- si sa responsabilité devait être engagée, les prétentions indemnitaires de l'appelant devront être ramenées à de plus justes proportions.

Par une ordonnance du 15 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 13 août 2024 à 12 heures.

II. - Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2022 sous le n°22TL22513, M. B... A..., représenté par Me Cacciapaglia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n°2101616 du 11 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le maire de Perpignan lui a infligé un blâme ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en refusant d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le maire de Perpignan lui a infligé un blâme, les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'erreur d'appréciation et de violation de la loi, de sorte que le jugement est irrégulier ;

- la décision litigieuse du 29 octobre 2020 par laquelle le maire de Perpignan lui a infligé un blâme est insuffisamment motivée, en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- s'il lui est reproché d'avoir refusé de porter une radio de service, aucun autre agent ne porte un tel dispositif ; son numéro de téléphone portable personnel était connu de sa hiérarchie, qui pouvait le joindre sans difficulté ; il n'a ainsi pas commis une faute en refusant de porter ce dispositif de géolocalisation, qui constitue un traitement de données à caractère personnel qui doit être au préalable déclaré auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; cette sanction disciplinaire s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral dont il a été victime ; il a déposé une plainte pénale pour ces faits de harcèlement moral et s'est vu accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- cette sanction disciplinaire est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2023, la commune de Perpignan, représentée par Me Di Frenna, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la décision litigieuse est suffisamment motivée ;

- le dispositif de radio est mis en place pour tous les agents afin de garantir leur sécurité, conformément au plan d'action propreté de la commune de 2015 ; il a été proposé une solution alternative à M. A..., à savoir de donner son numéro de téléphone personnel à son supérieur hiérarchique pour qu'il puisse être contacté pendant son service, mais l'intéressé a refusé ; contrairement à ce qu'il prétend, M. A... n'a pas été affecté exclusivement au balayage manuel des rues du centre-ville puis du centre technique municipal ; il a été affecté du 3 au 7 août 2020 sur une laveuse dans différents secteurs, du 31 août au 7 septembre 2020 à un îlotage avec chariot puis du 21 au 28 septembre 2020 en îlotage avec aspirateur urbain dans différents secteurs ; le médecin du travail ayant préconisé le port de matériel à main sans charge portée au dos, le passage du balai n'était pas contre-indiqué ; M. A... n'a subi aucun agissement constitutif de harcèlement moral et la sanction lui ayant été infligée résulte uniquement de son manquement au devoir d'obéissance hiérarchique ;

- contrairement à ce que soutient l'appelant, la radio qu'il a refusé de porter ne comporte pas d'outil de géolocalisation et ne recueille aucune donnée personnelle ;

- M. A... a commis des fautes en refusant de porter une radio et de se conformer au plan de propreté de la commune ; ces manquements au devoir d'obéissance hiérarchique justifiaient qu'un blâme lui soit infligé ; cette sanction est proportionnée.

Par une ordonnance du 15 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 13 août 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tesseyre, substituant Me Cacciapaglia, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., adjoint technique territorial de deuxième classe, exerce ses fonctions au sein de la division " propreté urbaine " de la commune de Perpignan (Pyrénées-Orientales) depuis le 1er juillet 2000. Par un arrêté du 29 octobre 2020, le maire de Perpignan lui a infligé un blâme. Par un courrier du 30 novembre 2020, M. A... a adressé à la commune une demande indemnitaire préalable en réparation du préjudice subi du fait des agissements de harcèlement moral dont il s'estime victime. Cette demande indemnitaire préalable a été implicitement rejetée. M. A... relève appel des jugements n°2101541 et 2101616 du 11 octobre 2022 par lesquels le tribunal administratif a rejeté ses demandes tendant respectivement à la condamnation de la commune de Perpignan à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice moral résultant des agissements de harcèlement moral dont il s'estime victime et à l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le maire de Perpignan lui a infligé un blâme.

2. Les requêtes n°22TL22512 et 22TL22513 concernent la situation d'un même fonctionnaire et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur l'exception d'incompétence de la cour opposée par la commune de Perpignan dans l'instance n°22TL22512 :

3. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) / 8° Sauf en matière de contrat de la commande publique sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées n'excède pas le montant déterminée par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; / (...) / Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel. / (...) ". En vertu de l'article R. 222-14 de ce code, le montant des indemnités visées par le 8° de l'article R. 811-1, déterminé conformément à ce que prévoit l'article R. 222-15, est fixé à 10 000 euros.

4. M. A... a saisi le tribunal administratif de Montpellier de deux demandes distinctes tendant, pour la première, à l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le maire de Perpignan lui a infligé un blâme et, pour la seconde, à la condamnation de la commune de Perpignan à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la situation de harcèlement moral dont il s'estime victime. A l'appui de ces deux requêtes, le demandeur s'est prévalu d'agissements constitutifs selon lui de harcèlement moral. Par deux jugements du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces deux demandes. M. A... demande, par deux requêtes distinctes, l'annulation de ces deux jugements. Compte tenu du lien de connexité entre ces deux litiges, alors même que le montant de la demande indemnitaire de M. A... est inférieur à 10 000 euros, en application des dispositions précitées de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, la cour est compétente pour statuer sur ces deux requêtes. Dès lors, l'exception d'incompétence opposée par la commune de Perpignan dans le dossier n°22TL22512 doit être écartée.

Sur la régularité des jugements :

5. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal administratif de Montpellier aurait commis des erreurs d'appréciation et des " violations de la loi " d'une part en retenant qu'il n'avait pas été victime de harcèlement moral et d'autre part en refusant d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le maire de Perpignan lui a infligé un blâme, et qu'il aurait ainsi entaché les jugements attaqués d'irrégularité dès lors que de tels moyens se rattachent à la contestation du bien-fondé de ces jugements et ne sont pas susceptibles d'affecter leur régularité.

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 29 octobre 2020 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 2° Infligent une sanction ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

7. L'arrêté litigieux vise les textes dont le maire de Perpignan a entendu faire application. De plus, il mentionne les faits reprochés à M. A..., à savoir d'avoir refusé de prendre la radio de service et d'avoir refusé de se conformer au mode de fonctionnement du plan d'action propreté. M. A... a ainsi pu, à la seule lecture de cet arrêté, connaître les motifs de la sanction lui ayant été infligée et critiquer utilement les griefs retenus à son encontre. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté litigieux doit être écarté comme manquant en fait.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. / (...) ". Aux termes de l'article 28 de cette loi, alors en vigueur : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. (...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / (...) ".

9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. Il ressort des pièces du dossier que le 24 septembre 2020, le supérieur hiérarchique de M. A... lui a demandé de se doter d'une radio pendant son service de nettoyage de l'espace urbain, en îlotage, de façon à pouvoir communiquer avec lui, notamment en cas de difficulté rencontrée sur le terrain, ce que l'intéressé a refusé de faire. Si M. A... soutient qu'aucun autre agent n'est doté d'un tel système de radio, il ressort toutefois des pièces du dossier que la note de service de la commune de Perpignan soumise au comité technique le 30 juin 2015, intitulée " Plan d'action propreté - Nouvelle organisation ", préconise en son axe 4 " Amélioration de l'usage des technologies de l'information et de la communication ", notamment d'" affecter à chaque agent un moyen de communication radio ou téléphone bloqué pour éviter son isolement sur le terrain et lui permettre d'être joint ou de joindre à tout moment son encadrant direct ". De plus, la commune fait valoir en défense que M. A... a décliné la proposition alternative de son supérieur hiérarchique de lui communiquer son numéro de téléphone personnel afin qu'il puisse être contacté pendant son service et M. A..., qui soutient au contraire que son supérieur hiérarchique connaissait déjà son numéro de téléphone personnel, ne l'établit pas. Par ailleurs, si l'appelant soutient que ce dispositif d'équipement radio contiendrait un système de géolocalisation visant à surveiller les agents de la propreté et constituerait un système illicite de traitement de données à caractère personnel, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations et la commune de Perpignan fait valoir que les radios de communication confiées aux agents du service de propreté ne comportent aucune fonction de géolocalisation et ne sauraient en aucun cas être regardées comme des traitements de données à caractère personnel. Dans ces conditions, les faits commis par M. A... constituent un manquement à son obligation d'obéissance hiérarchique et présentent par suite un caractère fautif de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire. De plus, le blâme avec inscription au dossier infligé à M. A..., qui constitue une sanction disciplinaire du premier groupe, ne présente pas de caractère disproportionné. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

11. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

12. M. A... soutient que l'arrêté litigieux par lequel le maire de Perpignan lui a infligé un blâme s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral dont il est victime depuis le 7 juillet 2020, date à laquelle il a refusé de porter une débroussailleuse afin de procéder à une action de désherbage en raison d'une scoliose, dont il n'établit au demeurant pas l'existence. Toutefois, il ne se prévaut d'aucun élément de fait susceptible de faire présumer que la sanction disciplinaire litigieuse traduirait une volonté de sa hiérarchie de lui nuire ou qu'elle présenterait un caractère vexatoire ou humiliant. En prononçant cette sanction disciplinaire qui, ainsi qu'il a été dit, visait à sanctionner le manquement de M. A... à son devoir d'obéissance hiérarchique et qui présentait un caractère proportionné, le maire de Perpignan a légalement fait usage de son pouvoir disciplinaire. En outre, si l'appelant se prévaut de son affectation sur un poste de balayage manuel au centre-ville de Perpignan du 28 juillet au 28 septembre 2020, puis au centre technique municipal et soutient que ces affectations traduisent une volonté de l'humilier, la commune fait au contraire valoir, sans être contredite, que M. A... a été affecté du 3 au 7 août 2020 sur un poste de nettoyage au moyen d'une laveuse dans différents secteurs, du 31 août au 7 septembre 2020 en îlotage avec un chariot dans l'hypercentre et du 21 au 28 septembre 2020 en îlotage avec un aspirateur urbain dans différents secteurs, puis à l'aire de lavage du centre technique municipal. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'a pas été exclusivement affecté à l'activité de balayage manuel du centre-ville puis de l'aire de lavage du centre technique municipal et il n'apporte aucun commencement de preuve de nature à établir que cette aire de lavage serait habituellement nettoyée au moyen d'une balayeuse automatique. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la sanction disciplinaire litigieuse serait intervenue dans un contexte de harcèlement moral.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le maire de Perpignan lui a infligé un blâme.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

14. M. A... soutient que la commune de Perpignan a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en raison d'agissements répétés de harcèlement moral commis par ses supérieurs hiérarchiques.

15. Tout d'abord, si l'appelant se prévaut de la décision du 1er février 2021 par laquelle le maire de Perpignan lui a octroyé la protection fonctionnelle dans le cadre de la plainte pénale pour harcèlement moral déposée le 21 octobre 2020 à l'encontre de ses deux supérieurs hiérarchiques, cette décision précise expressément que " seul le Parquet dispose de l'opportunité des poursuites et décidera donc de donner ou non suite à votre affaire. Ainsi, votre dossier sera suivi d'effet lorsque le tribunal vous fera parvenir un avis à victime, fixant la date d'audience à laquelle votre affaire sera convoquée ". Ainsi, contrairement à ce que soutient M. A..., cette décision ne saurait valoir reconnaissance par la commune des agissements de harcèlement moral dont il s'estime victime.

16. De plus, M. A... soutient que l'un de ses supérieurs hiérarchiques lui a, le 7 juillet 2020, demandé de porter la débroussailleuse pour effectuer une opération de désherbage en méconnaissance de sa situation médicale, dès lors qu'il serait atteint d'une scoliose depuis sa naissance. Toutefois, la fiche de visite médicale du médecin de prévention dont il se prévaut, qui mentionne une contre-indication à l'utilisation de la débroussailleuse et du souffleur à batterie et plus largement du port de charge au dos, n'a été établie que le 27 juillet 2020, soit après que la mission du port de la débroussailleuse lui ait été confiée et il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle inaptitude aurait été connue de la commune de Perpignan auparavant, ni que ses supérieurs hiérarchiques lui auraient, postérieurement au 27 juillet 2020, demandé d'effectuer des missions nécessitant le port de charges sur le dos.

17. En outre, si M. A... soutient que l'un de ses supérieurs hiérarchiques lui a, en hurlant, dit " je vais également signaler que tu n'as rien foutu de la journée " et que son autre supérieur hiérarchique lui a indiqué, à propos de la dotation d'appareil de radios des agents de nettoyage, qu'il ne " croyait pas au téléphone arabe ", faisant selon l'appelant preuve d'un comportement à caractère raciste, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations.

18. Enfin, M. A... soutient subir une telle situation de harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques depuis le 7 juillet 2020, date à laquelle il a refusé de porter une débroussailleuse. En raison de ce refus, il a fait l'objet d'une sanction d'avertissement par un arrêté du maire de Perpignan du 9 octobre 2020. Si l'intéressé se prévaut de l'annulation de cet arrêté par un jugement du tribunal administratif de Montpellier n°2100208 en date du 11 octobre 2022, il résulte de l'instruction que cette annulation est fondée uniquement sur l'insuffisance de motivation de cette décision et non sur son bien-fondé. De plus, il résulte de ce qui a été dit au point 10 du présent arrêt que le blâme lui ayant été infligé par le maire de Perpignan 29 octobre 2020 ne résulte pas d'une volonté de lui nuire mais est fondé sur son refus de se doter d'une radio pendant son service, qui constitue une faute disciplinaire de nature à justifier cette sanction. Par ailleurs, si M. A... soutient avoir été exclusivement affecté à l'activité de balayage manuel du centre-ville, puis de l'aire de lavage du centre technique municipal, traduisant une volonté de sa hiérarchie de l'humilier et constituant une sanction disciplinaire déguisée, ainsi qu'il a été dit au point 12 du présent arrêt, l'intéressé a également été affecté sur d'autres missions réalisées notamment avec un chariot ou un aspirateur urbain, lesquelles sont conformes aux contre-indications du médecin du travail du 27 juillet 2020 quant au port de charge sur le dos et correspondent aux tâches pouvant être confiées à un agent territorial de deuxième classe. Enfin, eu égard à ces éléments, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait fait l'objet d'une " mise au placard " de la part de ses supérieurs hiérarchiques.

19. Il résulte de ce qui précède que les éléments de fait soumis par M. A... dans la présente instance, pris séparément ou dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de caractériser l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral à son encontre. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de la commune de Perpignan serait engagée du fait de tels agissements.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Perpignan, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, les sommes que demande M. A... sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... les sommes demandées par la commune de Perpignan en application des mêmes dispositions. Par ailleurs, en l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du même code dans l'instance n°22TL22512, les conclusions de la commune de Perpignan tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de M. A... sont dépourvues d'objet et doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. A... sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Perpignan tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Perpignan.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 décembre 2024.

La rapporteure,

H. Bentolila

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 22TL22512 - 22TL22513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22513
Date de la décision : 26/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Helene Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : CACCIAPAGLIA MARIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-26;22tl22513 ?
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