Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 6 août 2020 par laquelle le maire de Bourg-Madame a refusé sa réintégration dans son corps d'emploi d'origine ainsi que l'arrêté du 15 octobre 2018 de la même autorité la plaçant en disponibilité d'office, de condamner la commune de Bourg-Madame à lui payer une indemnité représentative du traitement indiciaire et de la rémunération dont elle a été privée durant la période d'octobre 2018 à septembre 2020, déduction faite des sommes versées, d'un montant de 9 387,58 euros nets, une indemnité correspondant aux primes et indemnités, d'un montant de 6 860,16 euros bruts, une indemnité correspondant au supplément familial, d'un montant de 54,96 euros, une indemnité correspondant à l'indemnité compensatrice de CSG, pour un montant de 231,36 euros, une indemnité correspondant aux droits sociaux et prestations sociales, d'un montant de 7 404 euros nets, ces sommes étant à actualiser, de condamner la commune de Bourg-Madame à lui verser une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis tenant à sa carrière, son niveau de vie, à la perte d'avancement et aux difficultés financières, d'enjoindre à la commune de Bourg-Madame la régularisation de sa situation administrative et de ses droits statutaires, l'édiction d'un arrêté la plaçant en position d'activité, et de la rétablir dans le bénéfice de ses droits statutaires, à la formation professionnelle, à congés annuels et à son traitement indiciaire, dans un délai d'un mois et d'assortir l'injonction d'une astreinte, d'assortir les condamnations des intérêts de retard au taux légal et de leur capitalisation à compter de la réception de sa demande préalable, subsidiairement, de condamner la commune de Bourg-Madame à lui verser une somme de 21 534,06 euros en réparation des conséquences dommageables des décisions, assorties des intérêts moratoires à compter de l'enregistrement de la requête et, en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Bourg-Madame une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2004762 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du maire de Bourg-Madame du 6 août 2020, a enjoint à la commune de Bourg-Madame de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de cette commune une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des demandes ainsi que les conclusions présentées par la commune de Bourg-Madame sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 août 2022, le 26 juin 2023 et le 19 juillet 2023, Mme B... A..., représentée par Me Delchambre, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer l'article 4 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er juillet 2022 en ce qu'il exclut l'indemnisation des préjudices subis ;
2°) de condamner la commune de Bourg-Madame à lui verser une somme de 54 419,42 euros en réparation du préjudice subi, augmentée des intérêts moratoires à compter de l'enregistrement de la requête au greffe de la juridiction ;
3°) de condamner la commune de Bourg-Madame à lui verser une somme de 58 419,42 euros arrêtée à la date du 30 juin 2022, en raison de la perte de traitement et des conséquences dommageables résultant du refus de régulariser sa situation administrative et de permettre sa reprise d'activité, augmentée des intérêts moratoires à compter de l'enregistrement de la requête au greffe de la juridiction ;
4°) de condamner la commune de Bourg-Madame à lui verser une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi consécutif au maintien illégal en disponibilité du 20 novembre 2018 au 30 juin 2022 et au refus illégal de régulariser sa situation administrative ;
5°) d'enjoindre à la commune de Bourg-Madame, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de verser les sommes auxquelles elle est condamnée dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Bourg-Madame une somme de 4 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
7°) de mettre à la charge de la commune de Bourg-Madame une somme de 2 500 euros à verser à son avocat sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la responsabilité de la commune de Bourg-Madame est engagée en raison de l'illégalité de sa décision du 20 novembre 2018 et de son maintien dans une situation administrative illégale ;
- la commune de Bourg-Madame aurait dû la réintégrer à compter du 20 novembre 2018, compte tenu de son aptitude à l'exercice de ses fonctions ;
- cette illégalité fautive a entraîné la minoration de sa rémunération, la privation de ses droits statutaires, de ses droits à l'avancement et à la retraite, la privation de ses droits à être placée dans une position d'activité par une réaffectation effective, à la formation professionnelle, aux congés annuels, ainsi que la perte et la privation de prestations sociales initialement attribuées ainsi que du droit de se présenter à des concours internes de la fonction publique ;
- elle a en conséquence subi une perte financière et un préjudice moral, qu'elle justifie ;
- le tribunal a à tort rejeté les conclusions aux fins d'indemnisation en se fondant sur une condition non prévue par les textes, relative aux démarches à effectuer par l'agent en situation de disponibilité au-delà de la demande de réintégration ;
- elle a effectué des démarches en vue de sa reprise d'activité ; il revenait à la commune de lui proposer à un poste ou, le cas échéant de démontrer l'absence de poste ;
- le comité médical s'est prononcé pour une réintégration dans une autre collectivité que celle d'origine, alors qu'il n'a pas le pouvoir de se prononcer sur le lieu d'affectation de l'agent à réintégrer dès lors qu'il a conclu à l'aptitude de ce dernier à reprendre ses fonctions ;
- le tribunal a jugé contra legem en exigeant de la requérante qu'elle justifie de difficultés financières ou de baisse de son niveau de vie.
Par un mémoire en défense et un mémoire en production de pièces enregistrés le 13 juin 2023 et le 16 juin 2023, la commune de Bourg-Madame, représentée par Me Calvet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 août 2023.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Calvet, représentant la commune de Bourg-Madame.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Bourg-Madame a été enregistrée le 16 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., adjoint administratif territorial de deuxième classe titulaire depuis le 1er juillet 2012, travaillant pour la commune de Bourg-Madame (Pyrénées-Orientales) a été placée en congé de longue maladie du 20 août 2015 au 20 août 2018. Par arrêté du 15 octobre 2018, le maire de Bourg-Madame a placé Mme A... en disponibilité d'office pour une durée de trois mois. Par courrier du 29 juillet 2020, réceptionné par la commune le 31 juillet 2020, Mme A... a sollicité la régularisation de sa situation administrative par sa réintégration à compter du 20 août 2018, la reconstitution des droits afférents et demandé l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'illégalité fautive constituée par sa situation administrative, son placement et son maintien en disponibilité et les informations erronées qui lui ont été communiquées sur ses droits, ses obligations et le déroulement de sa carrière. Par décision du 6 août 2020, notifiée à l'intéressée le 22 août 2020, le maire de Bourg-Madame a rejeté ces demandes. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du maire de Bourg-Madame du 15 octobre 2018 et du 6 août 2020, de condamner la commune de Bourg-Madame à l'indemniser des préjudices subis, d'enjoindre à la commune de régulariser sa situation administrative et de la rétablir dans le bénéfice de ses droits statutaires, dans un délai d'un mois sous astreinte, et de mettre à la charge de la commune de Bourg-Madame une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par jugement du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du maire de Bourg-Madame du 6 août 2020, a enjoint à la commune de Bourg-Madame de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de cette commune une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des demandes. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires.
Sur la régularité du jugement :
2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer sur la régularité de la décision du premier juge et sur le litige qui a été porté devant lui, les moyens tirés de ce que le tribunal administratif de Montpellier aurait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation, en admettant que Mme A... ait entendu les soulever, sont inopérants.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'indemnité :
S'agissant de la responsabilité de la commune de Bourg-Madame :
3. Aux termes de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. (...) La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés dans le ressort territorial de son cadre d'emploi, emploi ou corps en vue de la réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. / Le fonctionnaire mis en disponibilité, soit d'office à l'expiration des congés institués par les 2°, 3° et 4° de l'article 57 de la présente loi, (...) est réintégré à l'expiration de sa période de disponibilité dans les conditions prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 67 de la présente loi. (...). ".
4. Les premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 67 de la même loi disposent que : " A l'expiration d'un détachement de courte durée, le fonctionnaire est obligatoirement réintégré dans son corps ou cadre d'emplois et réaffecté dans l'emploi qu'il occupait antérieurement. / A l'expiration d'un détachement de longue durée, le fonctionnaire est, sauf intégration dans le cadre d'emplois ou corps de détachement, réintégré dans son corps ou cadre d'emplois et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine. (...) Lorsqu'aucun emploi n'est vacant, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an dans sa collectivité d'origine dans les conditions prévues à l'article 97. Si, au terme de ce délai, il ne peut être réintégré et reclassé dans un emploi correspondant à son grade, le fonctionnaire est pris en charge dans les conditions prévues à l'article 97 soit par le Centre national de la fonction publique territoriale pour les fonctionnaires relevant de l'un des cadres d'emplois de catégorie A auxquels renvoie l'article 45, soit par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement qui les employait antérieurement à leur détachement pour les autres fonctionnaires. Le fonctionnaire a priorité pour être affecté dans un emploi correspondant à son grade de la collectivité ou de l'établissement d'origine. ".
5. Aux termes de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie (...) et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles 81 à 86 de la loi du 26 janvier 1984. / La durée de la disponibilité prononcée en vertu du premier alinéa du présent article ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 26, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. / Toutefois, si, à l'expiration de la troisième année de disponibilité, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions ou faire l'objet d'un reclassement avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement. ". Aux termes de l'article 26 du même décret : " (...) Le fonctionnaire qui a formulé avant l'expiration de la période de mise en disponibilité une demande de réintégration est maintenu en disponibilité jusqu'à ce qu'un poste lui soit proposé (...) / Le fonctionnaire qui, à l'issue de sa disponibilité ou avant cette date, s'il sollicite sa réintégration anticipée, ne peut être réintégré pour cause d'inaptitude physique est soit reclassé dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur, soit mis en disponibilité d'office dans les conditions prévues à l'article 19, soit, en cas d'inaptitude physique à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié ". Selon l'article 17 du décret du 30 juillet 1987, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret du 30 septembre 1985 susvisé, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...) ".
6. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles 19 et 26 du décret du 13 janvier 1986 que la réintégration d'un fonctionnaire territorial dans son administration à l'issue d'une disponibilité prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie est un droit pour ce fonctionnaire dès lors qu'il est déclaré apte à l'exercice de ses fonctions.
7. A l'issue de son congé de longue maladie expirant le 19 août 2018, le maire de Bourg-Madame a placé Mme A... en disponibilité d'office, pour une durée de trois mois à compter du 20 août 2018, par arrêté du 15 octobre 2018 devenu définitif, et sa position statutaire n'a pas fait l'objet de nouvelle décision de l'autorité administrative à l'issue de cette période de trois mois. Par courriel du 19 novembre 2018, Mme A... a sollicité sa réintégration, à laquelle la commune de Bourg-Madame a opposé un refus exprès par courrier du 21 novembre 2018. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que, dans sa séance du 26 septembre 2018, le comité médical départemental a émis un avis favorable à une réintégration à l'issue de son congé de longue maladie en préconisant une reprise des fonctions en dehors de sa collectivité actuelle. Si cet avis mentionne que l'agent n'était " pas inapte totalement et définitivement à ses fonctions ou à toutes fonctions ", Mme A... doit être regardée, du fait de l'avis favorable à sa réintégration, comme ayant été déclarée apte à l'exercice des fonctions correspondant à son cadre d'emplois. Dès lors, et en dépit de ce que le comité, dont l'avis à la reprise de l'exercice des fonctions était favorable, ait préconisé une réintégration de Mme A... dans une autre administration, la réintégration dans son administration était un droit pour cette fonctionnaire. En conséquence, outre l'illégalité de la décision du 6 août 2020, que le tribunal administratif de Montpellier a annulée, la commune de Bourg-Madame a illégalement placé et maintenu Mme A... en disponibilité d'office à l'issue de son congé de longue maladie. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que la commune de Bourg-Madame a commis une illégalité fautive, de nature à engager sa responsabilité, du fait de sa non-réintégration, de son maintien en disponibilité d'office à compter du 20 novembre 2018, et du refus de régulariser sa situation opposé par le maire de Bourg-Madame par décision du 6 août 2020.
S'agissant des préjudices et du lien de causalité :
8. L'illégalité fautive quant à son maintien en disponibilité d'office et à son-réintégration est invoquée par la requérante pour la période courant du 20 novembre 2018 au 30 juin 2022. Par suite, il y a lieu d'examiner les préjudices invoqués sur cette période.
9. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public maintenu illégalement en disponibilité d'office a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail, ainsi que celui des diverses allocations ou indemnités qui lui ont été versées du fait de sa privation involontaire d'emploi.
10. En premier lieu, la requérante soutient avoir subi un préjudice financier constitué par la privation de son traitement et de ses accessoires, à compter du 20 novembre 2018 jusqu'au 30 juin 2022. Il résulte de l'instruction que la requérante a perçu à partir du 20 novembre 2018, date à partir de laquelle elle demande réparation de son préjudice, une allocation de retour à l'emploi, jusqu'en octobre 2020 puis le versement du revenu de solidarité active de la fin de l'année 2020 au 30 juin 2022. Le montant des revenus ainsi perçus par la requérante au cours de la période considérée courant du 20 novembre 2018 au 30 juin 2022 s'élève, au regard des pièces produites, à 40 900 euros. Compte tenu de la rémunération dont Mme A... a été privée, dont le montant de 74 051 euros, résultant du tableau récapitulatif produit par la requérante, et qui est cohérent avec son traitement antérieurement perçu, n'est pas contesté par la commune, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la requérante du fait de la privation de traitement et de ses accessoires en le fixant à 33 151 euros.
11. En deuxième lieu, si la requérante justifie avoir perçu de la caisse d'allocations familiales une prime d'activité en avril 2018, alors qu'elle était rémunérée à mi-traitement du fait de son placement en congé de longue maladie, la prime en question est conditionnée par les ressources du foyer. Or Mme A... ne démontre pas que cette prime lui aurait été versée si elle avait été réintégrée, compte tenu d'une pleine rémunération. Le préjudice invoqué par la requérante est par suite sans lien de causalité avec l'illégalité de son maintien en disponibilité et de sa non-réintégration du 20 novembre 2018 au 30 juin 2022.
12. En troisième lieu, Mme A... demande une indemnisation pour les jours de congés annuels non pris auxquels elle aurait pu prétendre à raison des services qu'elle aurait dû réaliser au cours de la période d'éviction irrégulière. Ce préjudice n'a pas un objet distinct de celui résultant des pertes de revenus subies au cours de la même période et pour lesquelles Mme A... bénéficie déjà d'une indemnisation dans les conditions précisées au point 10. Mme A... n'est par suite pas fondée à demander distinctement l'indemnisation des congés annuels dont elle n'a pas bénéficié.
13. En quatrième lieu, la requérante soutient avoir subi un préjudice lié à ses droits à la retraite dont elle a été privée pendant la période considérée, mais se borne à cet égard à décompter le nombre de trimestres et jours couverts par cette période. Alors, au demeurant, que la période au cours de laquelle elle était bénéficiaire de l'allocation de retour à l'emploi est comptabilisée pour le décompte des trimestres validés pour la retraite, il résulte de l'injonction faite à la commune de Bourg-Madame par le tribunal que la situation de Mme A... à compter du 20 novembre 2018 doit être réexaminée, de sorte que le préjudice invoqué n'est pas certain. Par suite, la requérante n'est pas fondée à demander l'indemnisation de la privation de ses droits à retraite.
14. En dernier lieu, si la requérante soutient avoir connu des difficultés financières pour faire face aux charges courantes, et avoir été destinataire d'échéanciers pour retards de paiement, elle ne l'établit pas. Il résulte toutefois de l'instruction que les revenus de la requérante du 20 novembre 2018 au 30 juin 2022 sont sensiblement inférieurs aux traitements auquel elle aurait pu prétendre en cas de réintégration dans son administration, ce qui est de nature à affecter son niveau de vie, et que durant cette période, la requérante a effectué des démarches en vue de retrouver un emploi. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu, par ailleurs, du délai de plus de 18 mois mis par la requérante, pour contester son maintien en disponibilité auprès de la commune de Bourg-Madame, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et lié aux troubles dans les conditions d'existence en le fixant à 3 000 euros.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions indemnitaires et que la commune de Bourg-Madame doit être condamnée à verser à Mme A... une somme de 36 151 euros en réparation des préjudices subis du 20 novembre 2018 au 30 juin 2018 du fait de l'illégalité de son maintien en disponibilité, de sa non-réintégration et de la décision du 6 août 2020 portant refus de régulariser sa situation.
Sur les intérêts :
16. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal correspondant aux indemnités que la commune de Bourg-Madame est condamnée à lui verser en application du point précédent, à compter du 31 août 2022, date de l'enregistrement de la requête au greffe de la cour.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme A... tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à la commune de Bourg-Madame de verser la somme que le présent arrêt la condamne à payer à Mme A....
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
18. En premier lieu, la requérante ne justifie pas avoir exposé des dépens dans la présente instance. Par suite, les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.
19. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la commune de Bourg-Madame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, Madame A... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale. Elle n'est en conséquence pas fondée à solliciter le versement à son bénéfice d'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de la commune de Bourg-Madame une somme de 1 500 euros à verser à l'avocat de Mme A..., sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 4 du jugement n°2004762 du tribunal administratif de Montpellier du 1er juillet 2022 est annulé.
Article 2 : La commune de Bourg-Madame est condamnée à verser à Mme A... une somme de 36 151 (trente-six mille cent cinquante-et-un) euros.
Article 3 : L'indemnité prévue à l'article 2 portera intérêts au taux légal à compter du 31 août 2022, date de l'enregistrement de la requête au greffe de la cour.
Article 4 : La commune de Bourg-Madame versera à Me Delchambre, avocat de Mme A..., une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de la commune de Bourg-Madame présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Bourg-Madame.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 décembre 2024 .
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL21908 2