Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... et Mme D... A..., épouse B..., ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 18 juillet 2022 par laquelle l'établissement public administratif Voies navigables de France les a informés de ce que la quasi-intégralité des parcelles cadastrées section ..., dont ils sont propriétaires à Villeneuve-Les-Béziers, appartiendraient au domaine public fluvial du Canal du Midi.
Par une ordonnance n° 2204651 du 11 juillet 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande comme manifestement irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 septembre 2023 et 29 novembre 2024, M. E... B... et Mme D... A..., épouse B..., représentés par Me Roussel, demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 11 juillet 2023 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du 18 juillet 2022 par laquelle Voie navigables de France les a informés des limites du domaine public fluvial du Canal du Midi au droit de leurs parcelles ;
3°) de mettre à la charge de Voies navigables de France la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité de leur demande de première instance, que :
- le courriel du 18 juillet 2022 de l'établissement public administratif Voies navigables de France constitue une décision faisant grief susceptible de recours, et non une simple mesure d'information.
Ils soutiennent, au fond, que :
- les dispositions du 2° de l'article L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publique, qui fondent la décision attaquée, méconnaissent l'article 1er du protocole n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard du plan de bornage sur lequel elle se fonde, qui n'est pas celui prévu par la loi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2024, l'établissement public administratif Voies Navigables de France, représenté par Me Caron, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :
- elle est irrecevable dès lors qu'elle tend à l'annulation d'un courriel qui délivre une simple information et ne contient aucune décision faisant grief et alors qu'il n'entre pas dans ses compétences de délimiter le domaine du canal du Midi au droit des propriétés riveraines.
Il soutient, au fond, que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire distinct, enregistré le 29 novembre 2024, M. et Mme B... demandent à la cour de transmettre au Conseil d'État une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 2° de l'article L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques.
Ils soutiennent que :
- les dispositions en cause sont applicables au présent litige ;
- elles méconnaissent l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui garantit le droit de propriété dès lors qu'en prévoyant le transfert dans le patrimoine d'une personne publique de biens appartenant à des propriétaires privés, elles portent à ce droit une atteinte disproportionnée et non justifiée par l'intérêt général ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen relatif à l'objectif de clarté et de précision qui doit conduire l'action du législateur ;
- elles méconnaissent l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen relatif à la garantie des droits ;
- elles méconnaissent le droit de propriété des personnes privées garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dès lors que leur application n'est pas justifiée par la nécessité publique et n'est pas précédée d'une indemnisation des propriétaires ;
- elles portent également atteinte au droit de propriété des personnes publiques elles-mêmes compte tenu du nombre de parcelles concernées par leur application et des difficultés de délimitation du domaine public qui ne manqueront pas de se poser.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ainsi que son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Faïck, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Roussel, représentant M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... relèvent appel de l'ordonnance du 11 juillet 2023 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté comme manifestement irrecevable leur demande tendant à l'annulation du courriel du 18 juillet 2022 par lequel l'établissement public administratif Voies navigables de France les a informés que les parcelles cadastrées section ..., dont ils sont propriétaires à Villeneuve-Les-Béziers, étaient incluses, dans leur quasi-intégralité, dans le domaine public fluvial du Canal du Midi.
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par acte authentique du 26 août 2009, les époux B... ont fait l'acquisition des parcelles précitées, lesquelles se trouvent en bordure du canal du Midi sur le territoire de la commune de Villeneuve-les-Béziers. Envisageant de faire apport de leurs parcelles à l'une de leurs sociétés, ils contacté un notaire qui, par courriel du 11 juillet 2022, a sollicité Voie navigables de France aux fins de savoir si les parcelles en cause étaient incluses dans le domaine public fluvial du canal, et dans l'affirmative de lui transmettre les pièces justifiant cette inclusion.
4. Par courriel du 18 juillet 2022, le responsable du " pôle domaine du service territorial midi Voies Navigables de France " a répondu au notaire des époux B... que les limites du domaine public fluvial du canal sont régies " par l'article L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publics et se basent sur les plans et procès-verbal de bornage établis en 1772 ". A ce courriel était joint une vue aérienne des parcelles et du canal dont les limites étaient matérialisées par une ligne en pointillé bleue " provenant, sauf erreur de transcription, de ces plans de bornage ", selon les termes du courriel précité dont l'auteur a précisé qu'il pouvait " au besoin (...) fournir une copie des plans et procès-verbal de bornage ". Enfin, l'auteur du courriel du 18 juillet 2022 a rappelé au notaire des époux B... qu'en application de l'article L. 3111-1 du code général des propriétés des personnes publiques, le domaine public fluvial est imprescriptible et inaliénable, avant d'ajouter qu'il restait à la disposition de son interlocuteur pour tout complément d'information.
5. Le courriel du 18 juillet 2022 répondait à une demande de renseignement sur les limites du domaine public et constitue, eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé, une simple information donnée en réponse à une telle demande. D'autant que l'information était délivrée " sauf erreur " selon les termes employés par l'auteur du courriel précité. Dans ces conditions, comme l'a estimé à bon droit le premier juge, ce courriel du 18 juillet 2022, purement informatif, ne contient pas l'énoncé d'une décision susceptible de faire grief. Au demeurant, M. et Mme B... conservent la possibilité de demander qu'une procédure de délimitation du domaine public fluvial soit établie en application de l'article L. 2111-12 du code général de la propriété des personnes publics, lequel prévoit que le classement dans le domaine public fluvial a lieu après enquête publique au cours de laquelle les riverains intéressés ont la possibilité de manifester leur désaccord éventuel sur les limites de ce domaine.
6. Par un mémoire distinct, les appelants demandent à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 2° de l'article L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques qui énumèrent les éléments constitutifs du canal du Midi. Toutefois, dès lors que les conclusions de M. et Mme B... tendant à l'annulation du courriel du 18 juillet 2022 sont irrecevables, il n'y a pas lieu de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité, qui est sans incidence sur la solution donnée au présent litige.
7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande en application des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Leurs conclusions tendant à l'annulation de cette ordonnance doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par Voies Navigables de France tendant à ce que M. et Mme B... lui verse une somme au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme B....
Article 2 : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Voies Navigables de France présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Mme D... A... épouse B... et à Voies navigables de France.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. C...,
Mme Beltrami, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
Le président-assesseur,
P. C...Le président-rapporteur,
F. Faïck
La greffière,
C.Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL02325 2