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10/12/2024 | FRANCE | N°23TL02718

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 10 décembre 2024, 23TL02718


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et l'a assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et

familiale " ou " salarié ", sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et l'a assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois selon les mêmes conditions d'astreinte et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n°2304678 du 9 novembre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrés le 21 novembre 2023, Mme A... C... épouse B..., représenté par Me Hennani, de la société civile professionnelle Dessalces, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement rendu le 9 novembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2023 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de lui accorder un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui accorder un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", et ce, sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour selon les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat soit, en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros à verser à la société civile professionnelle Dessalces en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle, soit, en l'absence d'admission à l'aide juridictionnelle, une indemnité de 1500 euros à verser à l'appelante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, qui n'a pas analysé la centaine de pièces produites pour établir le caractère habituel de son séjour depuis 2002, est insuffisamment motivé ;

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de fondement juridique ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 avril 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 24 mai 2024.

Mme C... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 29 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse B..., ressortissante marocaine, née le 31 décembre 1966, entrée en France en 2002, selon ses déclarations, a fait l'objet, le 28 juin 2004, d'un refus de séjour et, le 15 juillet 2004, d'une invitation à quitter le territoire français, puis, les 24 septembre 2008 et 17 janvier 2011, de refus de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du 12 janvier 2013, dont la légalité a été confirmée, le 17 juillet 2013, par le tribunal administratif de Montpellier, puis, le 8 octobre 2015, par la cour administrative de Marseille, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du Maroc et a assorti cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un arrêté du 5 juillet 2016, dont la légalité a été confirmée, le 21 octobre 2016, par le tribunal administratif de Montpellier puis, le 1er septembre 2017, par la cour administrative de Marseille, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du Maroc et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Ayant à nouveau invoqué la durée de son séjour et sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ainsi que son admission exceptionnelle au séjour, le préfet de l'Hérault a, par un arrêté du 19 juin 2019, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement rendu le 27 novembre 2019, confirmé, le 21 septembre 2019, par la cour administrative d'appel de Marseille, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 19 juin 2019 en tant seulement qu'il a prononcé à l'encontre de Mme C... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Le 4 juillet 2023, elle a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale ou du travail. Par un arrêté du 24 juillet 2023, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme C... épouse B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier, rendu le 9 novembre 2023, rejetant sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".

3. Il ressort des termes mêmes de la demande de titre de séjour, dont Mme C... a saisi le préfet de l'Hérault, le 4 juillet 2023, que celle-ci tendait au bénéfice d'une admission exceptionnelle au séjour, au titre du travail mais également de la vie privée et familiale. Par suite, le préfet de l'Hérault a pu légalement examiner cette demande au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, dès lors que l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ne prévoit pas un tel régime d'admission exceptionnelle au séjour, Mme C... peut, en application de l'article 9 de cet accord, en vertu desquelles les stipulations de l'accord ne font pas obstacle à l'application des législations nationales en ce qui concerne tous les points non envisagés par celui-ci, utilement se prévaloir de ces dispositions.

4. Mme C... soutient résider habituellement sur le territoire français depuis son arrivée en 2002. Or, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les documents qu'elle produit notamment à compter de l'année 2009, outre les avis d'imposition sur le revenu, les relevés de compte sur livret faisant apparaître quelques opérations notamment des virements, les relevés d'un compte de dépôt révélant des opérations de retrait, des factures, des attestations d'admission à l'aide médicale d'Etat et le renouvellement de ses droits, les attestations de plusieurs associations certifiant que l'intéressée a suivi des cours de français et d'alphabétisation en 2004 puis, pour la période de 2006 à 2009, et les documents relatifs, à partir de 2021, de la communauté de vie avec son époux, M. B..., compatriote en situation régulière sur le territoire, démontrent qu'elle a résidé de manière habituelle en France depuis plus de dix ans. Dans la mesure où l'intéressée avait présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions rappelées au point 2 de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle est fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne soumettant pas sa demande d'admission au séjour à la commission du titre de séjour. La consultation de cette commission constitue pour l'intéressée une garantie dont la privation entache d'irrégularité la procédure suivie, et justifie, dès lors, l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, celle de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision fixant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, lesquelles se trouvent dépourvues de base légale.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et sur la régularité du jugement attaqué, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Elle est, par suite, fondé à en demander l'annulation, ainsi que celle de l'arrêté du préfet de l'Hérault rejetant sa demande de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont l'intéressée a la nationalité et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur les conclusions à fins d'injonction sous astreinte :

6. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté attaqué en raison d'une irrégularité de procédure, eu égard à la nécessité de consulter au préalable la commission du titre de séjour en l'état du dossier, implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de prendre, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, une nouvelle décision sur la demande de Mme C... après avoir soumis son dossier à la commission du titre de séjour, au terme d'un réexamen de sa situation. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Hennani, avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à ce dernier de la somme de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°2304678 du 9 novembre 2023 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et prononcé à l'encontre de Mme C... une obligation de quitter le territoire à destination du pays dont elle a la nationalité assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de la demande de Mme C... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Hennani une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me Hennani, au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.

La rapporteure,

D. Teuly-Desportes

La présidente,

A. Geslan-DemaretLa greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°23TL02718 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02718
Date de la décision : 10/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Delphine Teuly-Desportes
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : DESSALCES & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-10;23tl02718 ?
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