Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 25 février 2020 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'il a subi, le 5 septembre 2019, ainsi que la décision du 10 juin 2020 par laquelle cette même autorité administrative a rejeté son recours gracieux, formé le 27 mars 2020 contre la décision initiale de refus d'imputabilité et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n°2003917 du 11 septembre 2020, la présidente du tribunal administratif de Toulouse a transmis au tribunal administratif de Montpellier la requête de M. B... en application des dispositions des articles R. 351-3 et R. 312-12 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2004191 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juillet 2022 et le 3 avril 2024, M. A... B..., représenté par Me Marin, de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Marin Avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer ce jugement rendu le 13 mai 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 25 février 2020 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 5 septembre 2019, ainsi que la décision du 10 juin 2020 par laquelle cette même autorité administrative a rejeté son recours gracieux, formé le 27 mars 2020 contre la décision du 25 février 2020 ;
3°) de dire et juger que l'accident, survenu le 5 septembre 2019, est imputable au service ;
4°) subsidiairement, d'ordonner, avant dire-droit, la production du compte rendu de l'incident, survenu dans la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, le 27 septembre 2018, et rédigé le 30 septembre suivant ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal ne l'a pas fait bénéficier de la présomption d'imputabilité au service de l'incident qui est survenu avec un détenu et a, par là même, inversé la charge de la preuve ;
- le tribunal a estimé à tort que l'accident n'était pas imputable au service ;
- la commission de réforme a émis un avis non motivé ;
- la décision du 25 février 2020 est insuffisamment motivée ;
- la commission de réforme s'est prononcée sur sa demande au vu d'un dossier incomplet, qui ne comportait notamment pas le compte rendu de la commission de discipline, réunie pour sanctionner le détenu ayant déclenché l'incident du 5 septembre 2019, en méconnaissance de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 ;
- la matérialité de l'incident est établie ;
- c'est à tort que l'administration invoque son état dépressif préexistant à la date de l'incident survenu le 5 septembre 2019 ;
- il n'a commis aucune faute de nature à détacher du service l'incident survenu avec le détenu ;
- aucun élément ne permet d'écarter la présomption d'imputabilité au service dont il doit bénéficier conformément aux dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983.
Par un mémoire en défense et un mémoire en production de pièces, enregistrés respectivement le 29 février et le 1er mars 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 avril 2024, la date de clôture d'instruction a été reportée au 25 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., surveillant pénitentiaire, alors affecté à la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), a déclaré, le 6 septembre 2019, un accident de service survenu le 5 septembre 2019 et a été placé en congé de maladie ordinaire, pour la période du 5 septembre 2019 au 3 février 2020. Par un avis du 17 décembre 2019, la commission de réforme a donné un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. Le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire de Toulouse a, par une décision du 25 février 2020, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont M. B... estime avoir été victime. Ce dernier a formé un recours gracieux, qui a été rejeté par une décision du 10 juin 2020. M. B... relève appel du jugement du 13 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 25 février 2020, confirmée, le 10 juin 2020, sur recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, alors en vigueur : " (...) La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis. (...) L'avis formulé en application du premier alinéa de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite doit être accompagné de ses motifs. / Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. / L'avis de la commission de réforme est communiqué au fonctionnaire sur sa demande. (...) ".
3. Les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. Quand bien même il ne revêt qu'un caractère consultatif, l'avis de la commission de réforme contribue à garantir que la décision prise sur une demande de reconnaissance de l'imputabilité d'un accident ou d'une pathologie au service le sera de façon éclairée.
4. M. B... invoque l'avis insuffisamment éclairé de la commission de réforme au regard de la circonstance qu'elle ne disposait pas, à la date à laquelle elle l'a émis, de la décision de la commission de discipline du 9 septembre 2019 ayant statué sur le comportement, le 5 septembre 2019, du détenu, qui aurait avoué l'avoir agressé, et lui ayant infligé une sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire dont sept jours avec sursis. Il est constant que la commission de réforme à la date du 17 décembre 2019, ne disposait que du seul compte rendu rédigé par M. B..., le 6 septembre 2019, indiquant que le détenu avait fait semblant de lui donner un coup de poing, du certificat médical prescrivant l'arrêt de travail et des conclusions de l'expertise médicale, réalisée, le 14 octobre 2019, par un médecin psychiatre, à partir des seules déclarations de l'agent. Par suite, alors même que la décision de la commission de discipline retraçait l'incident du 5 septembre 2019 et retenait le caractère établi des faits liés à la violence ou à la tentative de violence exercée par le détenu à l'encontre de M. B..., pour prononcer la sanction disciplinaire, la commission de réforme, qui a opposé un avis défavorable sur le seul motif d'une absence éléments probants et de témoignages, voire d'enquête administrative, ne peut être regardée comme ayant donné un avis éclairé sur la demande de l'agent. Dans ces conditions, l'appelant est fondé à soutenir que, faute d'avoir prononcé un tel avis éclairé, il a été privé de la garantie mentionnée au point 3 et par là même que la décision du 25 février 2020, confirmée, sur recours gracieux, le 10 juin suivant, est entachée d'un vice de procédure.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés à l'appui des conclusions à fin d'annulation et sur la régularité du jugement contesté et sans qu'il y ait lieu d'ordonner, avant dire-droit, la communication du compte rendu d'un incident survenu avec le même détenu, un an avant les faits en litige, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 février 2020, confirmée le 10 juin 2020, refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'incident survenu le 5 septembre 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'exécution du présent jugement implique seulement que le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire de Toulouse procède au réexamen de la demande de M. B... selon une procédure régulière. Par suite, les conclusions à fin d'injonction tendant à ce que l'accident, survenu le 5 septembre 2019, soit reconnu imputable au service ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2004191 du 13 mai 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La décision du 25 février 2020, confirmée le 10 juin 2020, refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'incident survenu le 5 septembre 2019 est annulée.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL21579 2