Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2006009 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mars 2023 et 21 février 2024, Mme C... épouse A..., représentée par Me Sadek, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 11 septembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et lui délivrer une autorisation provisoire l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le rapporteur public devant le tribunal administratif de Toulouse a été dispensé de prononcer ses conclusions à l'audience, ce qui est regrettable dès lors que les conclusions du rapporteur public seraient utiles en matière de droit des étrangers ;
- le tribunal administratif a insuffisamment motivé sa réponse aux moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'acte et de l'insuffisante motivation ;
- le tribunal administratif n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation personnelle et familiale et a commis une erreur d'appréciation sur les moyens de légalité interne ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé, entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation et méconnaît le principe du contradictoire ;
- le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour au regard de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article R. 5221-17 du code du travail ;
- le préfet a méconnu l'intérêt supérieur de son enfant en violation de l'article 3 § 1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La procédure a été communiquée le 13 juin 2023 au préfet de la Haute-Garonne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance en date du 9 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre 2023.
Mme C... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chabert, président.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse A..., ressortissante algérienne née le 26 février 1996 à Sidi Ali (Algérie), est entrée en France le 26 mars 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Elle a bénéficié d'un certificat de résidence algérien portant la mention " étudiant " valable du 1er septembre 2014 au 31 août 2015. Elle a sollicité le 25 janvier 2016 son admission au séjour en qualité de salariée. Par un arrêté du 23 mars 2016, le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Mme C... a épousé le 5 mai 2017 un ressortissant français. Elle a bénéficié en conséquence de ce mariage d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " valable du 6 février 2018 au 5 février 2019. Mme C... épouse A... a sollicité le renouvellement de son certificat le 18 avril 2019 sur le fondement des articles 6 2) et dernier alinéa) et 7 bis a) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et son admission au séjour en qualité de salariée sur le fondement de l'article 7 b) de ce même accord. Par un arrêté du 11 septembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande, a obligé Mme C... épouse A... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, Mme C... épouse A... relève appel du jugement susvisé du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. L'article R. 732-1-1 du code de justice administrative dispose que : " Sans préjudice de l'application des dispositions spécifiques à certains contentieux prévoyant que l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public, le président de la formation de jugement ou le magistrat statuant seul peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience sur tout litige relevant des contentieux suivants : / (...) / 4° Entrée, séjour et éloignement des étrangers, à l'exception des expulsions ; / (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le président de la formation de jugement peut, après l'examen du dossier par le rapporteur public, le dispenser, sur sa proposition, de prononcer à l'audience des conclusions sur une requête entrant dans le champ d'application de l'article R. 732-1-1. S'il appartient au juge d'appel, saisi d'un recours contre un jugement rendu dans ces conditions, de vérifier que le litige relevait de l'un des contentieux mentionnés à l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, il ne peut en revanche être utilement soutenu que les particularités de la demande ne permettaient pas de dispenser le rapporteur public de prononcer des conclusions. Par conséquent, le moyen soulevé par le requérant, tiré de ce que le prononcé de conclusions serait utile en droit des étrangers, ne peut qu'être écarté.
4. Il résulte des points 2 et 4 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ont suffisamment répondu aux moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué.
5. Enfin, la requérante conteste le jugement en litige en soutenant notamment que le tribunal administratif n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation personnelle et familiale et qu'il a commis une erreur d'appréciation sur les moyens de légalité interne. Toutefois, les moyens soulevés en ce sens ne se rapportent pas à la régularité du jugement attaqué et relèvent du contrôle du juge de cassation et non du contrôle du juge d'appel, auquel il appartient seulement, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur la légalité de l'arrêté préfectoral attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. Au soutien des moyens tirés du vice d'incompétence, de l'insuffisante motivation, de l'absence d'examen sérieux de sa situation et de la méconnaissance du principe du contradictoire entachant l'arrêté en litige, la requérante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément nouveau par rapport à son argumentation soulevée en première instance. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal aux points 2 à 5 du jugement attaqué.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie entre Mme C... épouse A..., qui a été hébergée en centre d'hébergement et de réinsertion sociale jusqu'au 16 août 2020, et son compagnon est récente. Si à la date de l'arrêté en litige, Mme C... épouse A... était enceinte de près de sept mois, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que l'état de la requérante rendait la présence de son compagnon à ses côtés indispensables ou aurait fait obstacle à l'exécution de son éloignement. La circonstance que son compagnon, ressortissant algérien, soit titulaire d'un certificat de résidence de dix ans et inséré professionnellement ne suffit pas à caractériser la centralité et l'intensité de ses intérêts personnels et familiaux en France. Par conséquent, eu égard aux conditions de séjour de la requérante, au caractère particulièrement récent de la relation avec son compagnon et de la grossesse, qui au demeurant ne présente pas de pathologie, et compte tenu de ce que Mme C... épouse A... n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 6 § 5 de l'accord franco-algérien susvisé, ou commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle en prenant l'arrêté en litige.
9. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile alors en vigueur en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 11 et 12 du jugement en litige.
10. Le moyen tiré de ce que le préfet, en lui refusant la délivrance du titre sollicité au motif qu'aucune demande d'autorisation de travail la concernant n'avait été déposée, aurait méconnu les dispositions précitées de l'article R. 5221-17 du code du travail doit être écarté par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges aux points 13 à 15 du jugement attaqué.
11. Enfin, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (... ) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux (...) ". Aux termes de l'article 7 bis dudit accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article (...) ".
12. Les stipulations de l'accord régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si un ressortissant algérien ne peut, en conséquence, utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, ni celles de l'article L. 313-14 du même code, s'agissant des étrangers dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'ils font valoir, il appartient toutefois au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressé.
13. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse A... a épousé un ressortissant français le 5 mai 2017 à Toulouse et a bénéficié, à ce titre, d'un certificat de résidence valable du 6 février 2018 au 5 février 2019. Elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 18 avril 2019 sur le fondement du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il est contant qu'à la date de l'édiction de l'arrêté en litige, la communauté de vie avec son époux avait cessé, l'appelant ayant quitté le domicile conjugal. Si l'appelante fait valoir postérieurement au dépôt de sa demande que la rupture de la vie commune résulte de violences conjugales commises par son époux, les documents qu'elle verse à l'appui de son allégation, notamment un certificat médical du 9 mai 2019 et une attestation du 23 juin 2020 d'une association accueillant les femmes victimes de violences, peu circonstanciée, reposant pour l'essentiel sur les propres déclarations de l'intéressée ne sont pas corroborés par d'autres justificatifs médico-légaux non plus que par des déclarations de témoins et n'ont reçu aucune suite judiciaire. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
14. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs, mais également à celles qui ont pour effet d'affecter leur situation d'une manière suffisamment directe et certaine.
15. Mme C... épouse A... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3§ 1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'il est constant que son enfant n'était pas encore né à la date de la décision en litige.
16. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué susvisé, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 11 septembre 2020. Par voie de conséquence, le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par l'appelante et non compris dans les dépens.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de Mme C... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A..., à Me Sadek et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
D. ChabertLe président-assesseur,
T. Teulière
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00743