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05/12/2024 | FRANCE | N°22TL22526

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 05 décembre 2024, 22TL22526


Vu les procédures suivantes :



Procédures contentieuses antérieures :



Par une demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse sous le n° 2002847, M. H... G..., M. E... G..., M. D... B..., Mme C... A... et M. D... F... ont demandé l'annulation de l'arrêté du 17 février 2020 par lequel la préfète de l'Aveyron a accordé un permis de construire valant permis de démolir à la société par actions simplifiée Solena pour la réalisation d'un " pôle multi-filières de valorisation et de traitement de déchets non dangereux

" aux lieux-dits " Dunet " et " Igue du Mas " sur le territoire des communes de Viviez et d'...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse sous le n° 2002847, M. H... G..., M. E... G..., M. D... B..., Mme C... A... et M. D... F... ont demandé l'annulation de l'arrêté du 17 février 2020 par lequel la préfète de l'Aveyron a accordé un permis de construire valant permis de démolir à la société par actions simplifiée Solena pour la réalisation d'un " pôle multi-filières de valorisation et de traitement de déchets non dangereux " aux lieux-dits " Dunet " et " Igue du Mas " sur le territoire des communes de Viviez et d'Aubin.

Par une demande enregistrée au greffe de ce même tribunal administratif sous le n° 2004772, MM. G..., M. B..., Mme A... et M. F... ont demandé l'annulation de la délibération du 9 janvier 2020 par laquelle le conseil de la communauté de communes Decazeville Communauté a, d'une part, déclaré d'intérêt général le projet porté par la société Solena et, d'autre part, approuvé la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme régissant le territoire des communes de Viviez et d'Aubin.

Par un jugement nos 2002847, 2004772 du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir joint les deux demandes susmentionnées et admis l'intervention du syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron dans l'instance n° 2002847, a rejeté lesdites demandes et a mis à la charge des requérants une somme de 1 500 euros à verser respectivement à la société Solena et à la communauté de communes Decazeville Communauté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2022, MM. G..., Mme A... et M. F..., représentés par Me Faro, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2022 ;

2°) d'annuler la délibération adoptée par le conseil de la communauté de communes Decazeville Communauté le 9 janvier 2020 ;

3°) d'annuler l'arrêté pris par la préfète de l'Aveyron le 17 février 2020 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la délibération du 9 janvier 2020 :

- ils ont intérêt à agir contre cet acte ;

- l'opération litigieuse ne présente pas un caractère d'intérêt général dès lors qu'elle porte sur la réalisation d'une installation de tri mécano-biologique des déchets associée à une installation de stockage, incompatible avec les objectifs et les dispositions législatives régissant la politique nationale de gestion des déchets et la hiérarchie des modes de traitement des déchets tels qu'ils figurent à l'article L. 541-1 du code de l'environnement ;

- l'étude d'impact du projet contesté est insuffisante s'agissant de l'appréciation des impacts olfactifs des installations sur leur environnement proche ;

- l'opération déclarée d'intérêt général est incompatible avec les articles L. 151-11, R. 151-24 et R. 151-25 du code de l'urbanisme : le projet méconnaît la vocation naturelle de la zone ; le règlement applicable aux nouveaux secteurs Nx1 est incompatible avec le règlement de la zone N ; la création des secteurs Nx1 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la procédure de mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme a été mise en œuvre dans le seul but d'éviter le recours à une procédure plus lourde de révision ;

En ce qui concerne l'arrêté du 17 février 2020 :

- ils ont intérêt à agir contre cet acte ;

- la préfète de l'Aveyron n'était pas compétente pour se prononcer sur la demande de permis de construire : seuls les maires de Viviez et d'Aubin avaient compétence pour ce faire dès lors que l'activité de méthanisation est accessoire aux autres activités projetées ;

- l'arrêté critiqué est entaché d'une erreur de fait en ce que le dossier de demande de permis de construire ne contient aucune information sur les bâtiments destinés au traitement des lixiviats au sein de l'installation de stockage prévue sur le site " Igue du Mas ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2023, la communauté de communes Decazeville Communauté, représentée par Me Février, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande tendant à l'annulation de la délibération du 9 janvier 2020 est tardive et, par suite, irrecevable en tant qu'elle émane de M. H... G... dès lors que l'intéressé n'a pas exercé de recours gracieux prorogeant le délai de recours contentieux ;

- les moyens invoqués par les appelants à l'encontre de la délibération du 9 janvier 2020 ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2023, la société par actions simplifiée Solena, représentée par Me Petit, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors, d'une part, qu'elle ne tend pas à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse, d'autre part, qu'elle se borne à reprendre les écritures de première instance et, enfin, que les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir contre le permis de construire en litige ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par les appelants à l'encontre de l'arrêté du 17 février 2020 ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 5 septembre 2023, le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron, représenté par la SELARL Pintat avocats, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors, d'une part, qu'elle ne tend pas à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse, d'autre part, qu'elle se borne à reprendre les moyens de première instance ;

- les moyens invoqués par les appelants à l'encontre de la délibération et de l'arrêté en litige ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par les appelants à l'encontre de l'arrêté du 17 février 2020 ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- les observations de Me Faro, représentant les requérants,

- les observations de Me Février, représentant la communauté de communes intimée,

- les observations de Me Untermaier, représentant les sociétés intimées,

- et les observations de Me Mestres, représentant le syndicat intervenant.

Considérant ce qui suit :

1. La société Solena a pour projet d'exploiter plusieurs installations formant un " pôle multi-filières de valorisation et de traitement de déchets non dangereux ", aux lieux-dits " Dunet ", " Igue du Mas " et " Cérons " sur le territoire des communes de Viviez et d'Aubin (Aveyron). Le projet ainsi envisagé porte plus précisément sur la création, d'une part, d'une usine de valorisation de déchets non dangereux comprenant des modules de réception, tri, production de combustibles solides de récupération, méthanisation, bioséchage et compostage sur le site " Dunet ", d'autre part, d'une installation de stockage de déchets sur le site " Igue du Mas " et, enfin, d'une zone d'emprunt de matériaux argileux sur le site de " Cérons ".

2. Le conseil de la communauté de communes Decazeville Communauté a engagé, le 21 décembre 2017, une procédure de déclaration de projet portant sur l'intérêt général de l'opération ainsi projetée et sur la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme régissant les deux communes concernées. La société Solena a déposé, le 22 août 2019, une demande de permis de construire pour la construction d'un bâtiment et la réalisation d'un terrassement sur le site " Dunet ", après démolition d'un bâtiment existant, ainsi que pour la construction d'un bâtiment sur le site " Igue du Mas " et la modification d'un convoyeur existant reliant les deux sites. Par une délibération prise le 9 janvier 2020, le conseil de la communauté de communes Decazeville Communauté a déclaré d'intérêt général le projet de la société Solena et approuvé la mise en compatibilité des deux plans locaux d'urbanisme. Puis, par un arrêté du 17 février 2020, la préfète de l'Aveyron a accordé le permis de construire sollicité par cette société.

3. Par deux demandes distinctes, M. G... ainsi que quatre autres requérants, propriétaires de parcelles situées à proximité des trois sites retenus pour la réalisation des installations, ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer l'annulation de la délibération du 9 janvier 2020 et de l'arrêté du 17 février 2020. Par un jugement rendu le 7 octobre 2022, ledit tribunal, après avoir joint ces deux demandes et admis l'intervention du syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron au titre de l'instance concernant le permis de construire, a rejeté les deux demandes susmentionnées et a mis à la charge des requérants une somme de 1 500 euros à verser à la société Solena et une somme du même montant à verser à la communauté de communes Decazeville Communauté sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la présente requête, M. G... et trois des autres demandeurs de première instance interjettent appel de ce jugement.

Sur l'intervention :

4. Le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron, gestionnaire du service public de traitement des déchets et signataire d'une convention de délégation de service public avec la société Solena en vue de la construction des installations en litige, est intervenu en première instance au soutien de l'arrêté du 17 février 2020. Par suite, il a intérêt au maintien du jugement attaqué et son intervention en défense doit être admise dans la présente instance.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la délibération prise par le conseil de la communauté de communes Decazeville Communauté le 9 janvier 2020 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " L'Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, se prononcer, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général d'une action ou d'une opération d'aménagement au sens du présent livre ou de la réalisation d'un programme de construction. Les articles (...) L. 153-54 à L. 153-59 sont applicables (...). ". Aux termes de l'article L. 153-54 du même code : " Une opération faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique (...) ou, si une déclaration d'utilité publique n'est pas requise, d'une déclaration de projet, et qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir que si : / 1° L'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; / 2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. / (...) ". L'article L. 153-57 de ce code mentionne que : " A l'issue de l'enquête publique, l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou la commune : / (...) / 2° Décide la mise en compatibilité du plan (...). ". En outre, l'article L. 153-58 du même code dispose que : " La proposition de mise en compatibilité du plan éventuellement modifiée pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête est approuvée : / (...) / 2° Par la déclaration de projet lorsqu'elle est adoptée par l'Etat ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou la commune ; / (...) ".

6. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération contestée : " I. - La politique nationale de prévention et de gestion des déchets est un levier essentiel de la transition vers une économie circulaire. Ses objectifs, adoptés de manière à respecter la hiérarchie des modes de traitement des déchets définie au II, sont les suivants : / (...) / 4° Augmenter la quantité de déchets faisant l'objet d'une valorisation sous forme de matière, notamment organique, en orientant vers ces filières de valorisation, respectivement, 55 % en 2020 et 65 % en 2025 des déchets non dangereux non inertes, mesurés en masse. Le service public de gestion des déchets décline localement ces objectifs pour réduire les quantités d'ordures ménagères résiduelles après valorisation. A cet effet, il progresse dans le développement du tri à la source des déchets organiques, jusqu'à sa généralisation pour tous les producteurs de déchets avant 2025, pour que chaque citoyen ait à sa disposition une solution lui permettant de ne pas jeter ses biodéchets dans les ordures ménagères résiduelles, afin que ceux-ci ne soient plus éliminés, mais valorisés. La collectivité territoriale définit des solutions techniques de compostage de proximité ou de collecte séparée des biodéchets et un rythme de déploiement adaptés à son territoire. (...). La généralisation du tri à la source des biodéchets, en orientant ces déchets vers des filières de valorisation matière de qualité, rend non pertinente la création de nouvelles installations de tri mécano-biologique d'ordures ménagères résiduelles n'ayant pas fait l'objet d'un tri à la source des biodéchets, qui doit donc être évitée et ne fait, en conséquence, plus l'objet d'aides des pouvoirs publics. (...) / II. - Les dispositions du présent chapitre et de l'article L. 125-1 ont pour objet : / 1° En priorité, de prévenir et de réduire la production et la nocivité des déchets, notamment en agissant sur la conception, la fabrication et la distribution des substances et produits et en favorisant le réemploi (...) ; / 2° De mettre en œuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets consistant à privilégier, dans l'ordre : / a) La préparation en vue de la réutilisation ; / b) Le recyclage ; / c) Toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ; / d) L'élimination ; / (...) / 4° D'organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume selon un principe de proximité ; / (...) / 6° D'assurer, notamment par le biais de la planification relative aux déchets, le respect du principe d'autosuffisance ; / (...) ".

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier et il n'est au demeurant pas contesté que le territoire du département de l'Aveyron ne compte plus aucune installation de traitement et de stockage des déchets non dangereux depuis la fermeture de la dernière installation existante au mois de décembre 2018. En raison de cette absence de solution locale, l'ensemble des déchets ménagers et assimilés produits en Aveyron sont transportés vers des structures de traitement situées à l'extérieur de ce département, notamment vers l'installation du syndicat mixte Trifyl située à Labessière-Candeil (Tarn). Le projet de " pôle multi-filières " en litige, présenté par la société Solena en qualité de délégataire du syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron, vise à apporter une solution locale globale pour le traitement, la valorisation et le stockage des déchets non dangereux, pour remplacer les solutions extérieures actuelles dont la pérennité n'est pas garantie. La réalisation de ce projet doit par ailleurs permettre de réduire de près de la moitié les distances actuellement parcourues par les véhicules lourds en charge de l'acheminement des déchets vers leurs lieux de traitement et, par voie de conséquence, de limiter les nuisances environnementales résultant de ces trajets, notamment en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Il ressort également des pièces du dossier, notamment de la notice de présentation du projet, que la mise en œuvre de ce " pôle multi-filières " doit s'accompagner de la création d'une quarantaine d'emplois directs et de plusieurs dizaines d'emplois indirects dans le bassin industriel de Decazeville, lequel présente un niveau de chômage important.

8. D'autre part, si les requérants soutiennent que le projet de " pôle multi-filières " en litige ne serait pas compatible avec les objectifs de la politique nationale de gestion des déchets, les dispositions du 4° du I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement en vigueur lors de l'adoption de la délibération contestée, telles qu'énoncées au point 6 du présent arrêt, n'avaient ni pour objet ni pour effet d'interdire par elles-mêmes la mise en place de l'installation de tri mécano-biologique prévue par la société Solena sur le site " Dunet ". Il ressort au demeurant des pièces du dossier que le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron a initié une politique de développement du tri à la source des biodéchets à compter de l'année 2019 et que l'installation projetée comportera une filière de traitement dédiée à cette catégorie de déchets. Il ressort également de ces mêmes pièces que l'installation en cause procèdera à l'extraction de la matière recyclable à partir des ordures ménagères et à la valorisation énergétique des résidus par méthanisation et production de combustibles solides de récupération, de sorte que les volumes prévisionnels à stocker sur le site " Igue du Mas " seraient réduits de moitié au terme des cinq premières années d'exploitation par rapport aux volumes actuellement produits. Le projet de la société Solena sera ainsi en cohérence avec la hiérarchie des modes de traitement des déchets prévue à l'article L. 541-1 du code de l'environnement, en même temps qu'il contribuera au respect des principes de proximité et d'autosuffisance visés au II de ce même article.

9. Eu égard à l'ensemble de ce qui a été exposé aux deux points précédents, le projet de réalisation du " pôle multi-filières " porté par la société Solena poursuit un but d'intérêt général avéré. En conséquence, il pouvait légalement faire l'objet d'une procédure de déclaration de projet valant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes concernées en application des dispositions du code de l'urbanisme citées au point 5 du présent arrêt.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 104-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Font également l'objet de l'évaluation environnementale prévue à l'article L. 104-1 les documents suivants qui déterminent l'usage de petites zones au niveau local : / 1° Les plans locaux d'urbanisme : / (...) ". Selon l'article L. 104-3 du même code : " Sauf dans le cas où elles ne prévoient que des changements qui ne sont pas susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, les procédures d'évolution des documents mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 donnent lieu soit à une nouvelle évaluation environnementale, soit à une actualisation de l'évaluation environnementale réalisée lors de leur élaboration. ". L'article L. 104-4 du même code prévoit que : " Le rapport de présentation des documents d'urbanisme mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 : / 1° Décrit et évalue les incidences notables que peut avoir le document sur l'environnement ; / 2° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, dans la mesure du possible, compenser ces incidences négatives ; / 3° Expose les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l'environnement, parmi les partis d'aménagement envisagés, le projet a été retenu. ".

11. Il ressort des pièces produites par les appelants eux-mêmes que le dossier relatif à la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Viviez et d'Aubin, tel que présenté lors de l'enquête publique, comportait les rapports de présentation de ces plans, lesquels incluaient notamment les évaluations environnementales de ces plans et avaient été complétés pour prendre en considération les évolutions nécessitées par le projet en litige. Les appelants ne peuvent utilement critiquer, au soutien de leurs conclusions contre la délibération approuvant la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme, le contenu de l'étude d'impact spécifique au projet de " pôle multi-filières de valorisation et de traitement de déchets non dangereux ", produite par la société Solena à l'appui de ses demandes d'autorisation environnementale et de permis de construire, laquelle se rapporte à des procédures distinctes de celle ayant abouti à la mise en compatibilité de ces plans, alors même qu'une enquête publique unique a été organisée pour l'ensemble de ces procédures. Dans ces conditions et ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact du projet s'agissant de l'analyse des impacts olfactifs des installations ne peut qu'être écarté comme inopérant.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme : " I. - Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ; / (...) ". L'article R. 151-24 du même code mentionne que : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ". L'article R. 151-25 de ce code précise que : " Peuvent être autorisées en zone N : / 1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière, ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées (...) ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. ".

13. Il ressort des pièces du dossier que, par la délibération contestée, le conseil de la communauté de communes Decazeville Communauté a approuvé la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Viviez et d'Aubin consistant, pour l'essentiel, en l'institution de secteurs Nx1, rattachés à la zone naturelle N, couvrant les terrains d'assiette de l'usine de valorisation des déchets sur le site " Dunet " ainsi que ceux de l'installation de stockage des déchets sur le site " Igue du Mas ". Les rapports de présentation des deux plans locaux d'urbanisme précisent que les secteurs Nx1 constituent des " espaces liés et nécessaires à la réalisation d'un site de traitement et de valorisation des déchets non dangereux ".

14. Selon l'article N2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Viviez, tel qu'approuvé à l'issue de la procédure de mise en compatibilité : " Sont autorisées sous conditions les occupations et utilisations du sol ci-après : / (...) / En secteur Nx1 uniquement : / a) les constructions, installations et ouvrages techniques nécessaires au traitement et au stockage des déchets non dangereux, / b) les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif, / c) les constructions, installations et ouvrages techniques liés à la mise en sécurité et à la réhabilitation des sites concernés, / d) les exhaussements et affouillements du sol liés au traitement, au stockage des déchets non dangereux et aux activités du site concerné, / e) les constructions à usage d'habitation destinées au logement des personnes dont la présence permanente est nécessaire pour assurer le fonctionnement, la surveillance ou le gardiennage des établissements et installations implantés dans la zone et à condition qu'elles soient intégrées au volume du bâtiment, / f) les constructions, installations et ouvrages techniques liés à la valorisation des déchets (entrepôts, centre de tri, méthaniseur, etc). ". Selon l'article N2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Aubin, tel qu'issu de la même procédure : " Les occupations et utilisations du sol ci-après sont autorisées : / (...) / - En secteur Nx1, sont seuls autorisés : / 1. Les constructions, installations et ouvrages techniques nécessaires au traitement, stockage et valorisation des déchets non dangereux, / 2. Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif, / 3. Les constructions, installations et ouvrage techniques liés à la mise en sécurité et à la réhabilitation des sites concernés, / 4. Les exhaussements et affouillements du sol liés au traitement, stockage des déchets non dangereux et aux activités du site concerné. ".

15. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions de la notice explicative de la déclaration de projet, que les secteurs Nx1 destinés à accueillir les installations en litige ont été institués sur des terrains pour la plupart anthropisés de longue date, sièges d'anciennes activités industrielles et récemment soumis à des travaux de dépollution. Il en ressort également que ces mêmes terrains sont grevés de servitudes les rendant impropres à l'activité agricole et qu'ils ne présentent qu'un intérêt limité sur le plan environnemental, nonobstant la proximité d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique, sur laquelle le secteur Nx1 créée sur le site " Igue du Mas " n'empiète que pour une infime partie de sa surface. Les articles N 13 des règlements des deux plans locaux d'urbanisme imposent en outre la plantation de rideaux de végétation d'essences locales en vue d'atténuer l'impact visuel des installations et les mesures prévues par le projet en matière d'insertion paysagère ont été renforcées à la suite de l'avis émis par la mission régionale d'autorité environnementale d'Occitanie le 16 mai 2019. Eu égard à l'ensemble de ces éléments et alors que le projet déclaré d'intérêt général porte bien sur des installations nécessaires à un équipement collectif, les appelants ne sont fondés à soutenir ni que le projet en cause méconnaîtrait la vocation naturelle de son secteur d'implantation, ni que le règlement régissant les secteurs Nx1 serait contradictoire avec le règlement de la zone N, ni que la création de ces secteurs Nx1 serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, l'ensemble des moyens invoqués par les intéressés sur le fondement des dispositions des articles L. 151-11, R. 151-24 et R. 151-25 précités du code de l'urbanisme doivent être écartés.

16. Il résulte par ailleurs de ce qui a été indiqué aux points 7 à 9 du présent arrêt que le projet porté par la société Solena a pu être légalement regardé par la communauté de communes Decazeville Communauté comme poursuivant un objectif d'intérêt général. Par suite et alors au surplus que les modifications apportées aux zonages des deux plans locaux d'urbanisme se sont limitées à une réorganisation des secteurs au sein même de la zone naturelle, sans réduction de la superficie globale de cette dernière, les requérants ne sont pas non plus fondés à soutenir que la procédure de mise en compatibilité en litige aurait été mise en œuvre dans le seul but d'éviter le recours à la procédure de révision prévue par l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne l'arrêté de la préfète de l'Aveyron du 27 février 2020 accordant le permis de construire à la société Solena :

17. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme : " Par exception aux dispositions du a de l'article L. 422-1, l'autorité administrative de l'Etat est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur : / (...) / b) Les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie, ainsi que ceux utilisant des matières radioactives ; un décret en Conseil d'Etat détermine la nature et l'importance de ces ouvrages ; / (...) ". L'article R. 422-1 du même code dispose que : " Lorsque la décision est prise au nom de l'Etat, elle émane du maire, sauf dans les cas mentionnés à l'article R. 422-2 où elle émane du préfet. ". L'article R. 422-2 de ce code mentionne que : " Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable dans les communes visées au b de l'article L. 422-1 et dans les cas prévus par l'article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes : / (...) / b) Pour les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie lorsque cette énergie n'est pas destinée, principalement, à une utilisation directe par le demandeur ; / (...) ". En outre, selon l'article R. 422-2-1 dudit code dans sa version applicable au litige : " Les installations de production d'électricité à partir d'énergie renouvelable accessoires à une construction ne sont pas des ouvrages de production d'électricité au sens du b de l'article L. 422-2. ".

18. Il ressort des pièces du dossier que l'usine de valorisation des déchets projetée sur le site " Dunet " comporte, outre les modules de tri, de réception et de production de combustibles solides de récupération, une installation de production de biométhane destiné à être injecté dans le réseau public de distribution de gaz naturel présent à proximité immédiate. L'installation ainsi prévue constitue donc un ouvrage de production d'énergie non destinée à une utilisation directe par la société pétitionnaire. Eu égard notamment à ses dimensions et à son rôle au sein du " pôle multi-filières de valorisation et de traitement des déchets ", l'installation en cause ne peut être regardée comme revêtant un caractère accessoire par rapport aux autres constructions prévues par la demande de permis de construire. Par suite et en application des dispositions précitées du b) de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme, la préfète de l'Aveyron était compétente pour se prononcer sur cette demande de permis de construire. Les requérants ne sauraient utilement invoquer à cet égard des dispositions de l'article R. 422-2-1 dudit code dès lors, d'une part, que l'installation en litige n'a pas vocation à produire de l'électricité et, d'autre part, qu'elle ne présente pas un caractère accessoire aux autres constructions comme il vient d'être dit.

19. En second lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / (...) / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / (...) : b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles (...) ; / (...) / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / (...) ". L'article R. 431-9 du même code mentionne que : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. (...) ". Selon l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; (...) / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages (...). ". Enfin, aux termes de l'article R. 431-16 dudit code dans sa rédaction alors en vigueur : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. (...) ".

20. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que si les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'administration sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

21. Il ressort des pièces du dossier que le plan de masse et les photomontages produits à l'appui de la demande de permis de construire représentent un bâtiment de petite taille ainsi que plusieurs cuves au niveau de la plateforme de traitement des biogaz et des lixiviats prévue sur le site " Igue du Mas ". Il est vrai que la construction de ce bâtiment et l'implantation de ces cuves ne sont pas évoquées dans la notice architecturale jointe à cette demande et que ces éléments du projet n'ont pas fait l'objet de plans de coupe ou de façades. Il n'en demeure pas moins que le service instructeur a été informé de l'intention de la société Solena de réaliser lesdits éléments, non seulement par le plan de masse qui permettait d'en mesurer l'emprise au sol et par les photomontages qui permettaient d'en appréhender le volume et l'aspect, mais également par le schéma de principe, assorti d'explications techniques, qui figurait dans l'étude d'impact du projet, annexée au dossier de demande en application de l'article R. 431-16 précité du code de l'urbanisme. Dans ces conditions et alors que les requérants ne soutiennent d'ailleurs pas que les insuffisances du dossier de demande de permis sur ce point auraient été susceptibles de fausser l'appréciation de l'administration sur la conformité du projet à la règlementation en vigueur, le moyen soulevé sous l'intitulé " erreur de fait " doit, en tout état de cause, être écarté.

22. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs deux demandes tendant à l'annulation de la délibération et de l'arrêté en litige.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, lequel n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme à verser à M. G... et aux autres requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées tant par la communauté de communes Decazeville Communauté que par la société Solena au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention du syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron est admise.

Article 2 : La requête n° 22TL22526 est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la communauté de communes Decazeville Communauté et de la société Solena présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... G..., premier nommé, pour l'ensemble des requérants, à la communauté de communes Decazeville Communauté, à la ministre du logement et de la rénovation urbaine, à la société par actions simplifiée Solena et au syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne à la ministre du logement et de la rénovation urbaine, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL22526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22526
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : ADALTYS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;22tl22526 ?
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