Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
Par une demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse sous le n° 2006746, Mme M... G..., M. P... H..., M. AC... AA..., M. T... AA... et M. P... U... ont demandé l'annulation de l'arrêté du 21 août 2020 par lequel la préfète de l'Aveyron a accordé une autorisation environnementale à la société par actions simplifiée Solena en vue de l'exploitation d'un " pôle multi-filières de valorisation et de traitement de déchets non dangereux " aux lieux-dits " Dunet ", " Igue du Mas " et " Cérons " sur le territoire des communes de Viviez et d'Aubin.
Par une demande enregistrée au greffe de ce même tribunal administratif sous le n° 2006752, l'association pour la défense de l'environnement du bassin et de ses alentours (ADEBA), Mme R... X..., M. N... D..., Mme Y... C..., M. L... W..., M. et Mme F... AB..., M. F... S..., M. B... Z..., M. AE... O..., M. E... A..., M. E... K..., M. E... Q..., Mme I... J... et M. et Mme V... AD... ont demandé l'annulation du même arrêté.
Par un jugement nos 2006746, 2006752 du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir joint les deux demandes susmentionnées et admis l'intervention du syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron dans les deux instances, a rejeté lesdites demandes et a mis à la charge des requérants, au titre de chacune des instances, une somme de 1 500 euros à verser à la société Solena en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédures devant la cour :
I - Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 22TL22465 les 7 décembre 2022 et 30 novembre 2023, MM. AA..., M. H..., Mme G... et M. U..., représentés par Me Faro, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de prendre acte du désistement de M. H... ;
2°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2022 ;
3°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aveyron du 21 août 2020 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le dossier de demande d'autorisation environnementale est incomplet en l'absence de production d'un plan d'ensemble à l'échelle 1/200ème ;
- l'étude d'impact est insuffisante s'agissant de l'état initial des odeurs et des impacts du projet en termes de dispersion des polluants et des odeurs ;
- la même étude est également insuffisante en raison de l'absence de définition du périmètre d'impact potentiel des installations ;
- la même étude méconnaît l'article 6 de l'arrêté du 10 novembre 2009 s'agissant de la justification des choix retenus pour valoriser les biogaz ;
- les insuffisances de l'étude d'impact mentionnées ci-dessus entraînent nécessairement l'irrégularité de la procédure d'enquête publique ;
- les modifications notables du projet et la découverte de nouveaux déchets en 2023 nécessitaient de compléter l'étude d'impact initiale ;
- l'étude de dangers et l'analyse des risques sanitaires sont insuffisantes s'agissant des moyens de secours et de l'étude détaillé des risques ;
- l'autorisation en litige est incompatible avec la " hiérarchie de traitement des déchets " prévue à l'article L. 541-1 du code de l'environnement et notamment avec le seizième alinéa du I de cet article ; la préfète a commis une erreur de fait en délivrant l'autorisation en litige qui comprend notamment une installation de tri mécano-biologique des ordures ménagères alors que le tri à la source des biodéchets n'est pas généralisé ;
- l'autorisation méconnaît l'article R. 151-25 du code de l'urbanisme ; le projet a été rendu possible par une modification illégale du plan local d'urbanisme ;
- l'autorisation méconnaît le 3° de l'article R. 181-13 du code de l'environnement en raison de l'existence d'une servitude grevant l'un des sites du projet.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 septembre et 18 décembre 2023, la société par actions simplifiée Solena et la société par actions simplifiée Solena Valorisation, à laquelle l'autorisation initiale a été partiellement transférée par arrêté du préfet de l'Aveyron du 22 mai 2023, représentées par Me Petit, concluent :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer sur la requête sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;
3°) en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que Mme G... et M. H... ne justifient pas de la qualité leur donnant intérêt pour agir ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par les appelants ne sont pas fondés.
Par des mémoires en intervention, enregistrés les 28 septembre et 18 décembre 2023, le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron, représenté par la SELARL Pintat avocats, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par les appelants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il renvoie aux écritures produites par le préfet de l'Aveyron en première instance, fait valoir que les moyens invoqués par les appelants ne sont pas fondés et ajoute que l'éventuelle insuffisance de l'étude d'impact au regard de l'article 6 de l'arrêté du 10 novembre 2009 serait régularisable au titre de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
La clôture immédiate de l'instruction est intervenue le 20 février 2024 en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
II - Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés sous le n° 22TL22530 les 12 décembre 2022, 30 novembre 2023 et 18 décembre 2023, l'association pour la défense de l'environnement du bassin et de ses alentours (ADEBA), Mme X..., M. D..., Mme C..., M. W..., M. et Mme AB..., M. S..., M. Z..., M. O..., M. A..., M. K..., M. Q..., Mme J... et M. et Mme AD..., représentés par Me Terrasse, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aveyron du 21 août 2020 ;
3°) de mettre à la charge des intimés une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable, tant du point de vue du délai de recours que de l'intérêt pour agir de l'association et des personnes physiques ;
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal administratif de Toulouse a commis plusieurs erreurs de droit et erreurs d'appréciation ;
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en tant qu'il accorde une dérogation aux interdictions relatives aux espèces animales protégées ;
- le projet ne remplit pas les conditions légales pour obtenir une telle dérogation : il ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur ; la société pétitionnaire n'a pas recherché une solution alternative plus satisfaisante pour les espèces protégées ; le projet ne permet pas de maintenir les espèces dans un état de conservation favorable, les mesures prévues pour éviter ou compenser les impacts étant insuffisantes à cet égard ;
- l'étude de dangers est insuffisante s'agissant de l'analyse des impacts du projet sur les installations dangereuses situées à proximité et des moyens de secours ;
- l'autorisation d'exploiter est incompatible avec le plan régional de prévention et de gestion des déchets d'Occitanie ; la réponse apportée par les premiers juges à ce moyen n'est pas suffisamment motivée et est erronée ;
- l'autorisation méconnaît les articles 8 et 18 de l'arrêté du 15 février 2016 s'agissant de la barrière de sécurité passive et de ses modalités de contrôle ;
- le projet méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'environnement compte tenu de l'insuffisance des mesures de prévention des risques d'accidents ;
- l'autorisation d'exploiter méconnaît l'article L. 541-1 de ce même code et notamment le seizième alinéa du I de cet article.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 septembre et 18 décembre 2023 et le 2 février 2024, la société par actions simplifiée Solena et la société par actions simplifiée Solena Valorisation, à laquelle l'autorisation initiale a été partiellement transférée par arrêté du préfet de l'Aveyron du 22 mai 2023, représentées par Me Petit, concluent :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer sur la requête sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;
3°) en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que les personnes physiques requérantes ne justifient pas justifient pas de leur intérêt pour agir ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par les appelants ne sont pas fondés.
Par des mémoires en intervention, enregistrés les 28 septembre et 18 décembre 2023 et le 5 février 2024, le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron, représenté par la SELARL Pintat avocats, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par les appelants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il renvoie aux écritures produites par le préfet de l'Aveyron en première instance et fait valoir que les moyens invoqués par les appelants ne sont pas fondés.
La clôture immédiate de l'instruction est intervenue le 26 février 2024 en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code forestier ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 ;
- le décret n° 2021-855 du 30 juin 2021 ;
- l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la ministre de l'écologie du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement pour les espèces protégées ;
- l'arrêté du ministre de l'écologie du 10 novembre 2009 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les installations de méthanisation soumises à autorisation en application du titre Ier du livre V du code de l'environnement ;
- l'arrêté de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer du 15 février 2016 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux ;
- l'arrêté de la ministre de la transition écologique du 7 juillet 2021 pris pour l'application de l'article R. 543-227-2 du code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- les observations de Me Faro, représentant les auteurs de la requête n° 22TL22465,
- les observations de Me Terrasse, représentant les auteurs de la requête n° 22TL22530,
- les observations de Me Untermaier, représentant les sociétés intimées,
- et les observations de Me Mestres, représentant le syndicat intervenant.
Considérant ce qui suit :
1. La société Solena a demandé, le 30 avril 2018, une autorisation environnementale pour exploiter plusieurs installations constituant un " pôle multi-filières de valorisation et de traitement de déchets non dangereux " sur le territoire des communes de Viviez et d'Aubin (Aveyron). La demande ainsi présentée portait précisément sur la création, d'une part, d'une usine de valorisation de déchets non dangereux comprenant des modules de réception, tri, production de combustibles solides de récupération, méthanisation, bioséchage et compostage sur le site " Dunet ", d'autre part, d'une installation de stockage de déchets non dangereux sur le site " Igue du Mas " et, enfin, d'une carrière d'extraction de matériaux argileux sur le site " Cérons ". Par un arrêté du 21 août 2020, la préfète de l'Aveyron a accordé à la société Solena l'autorisation environnementale ainsi sollicitée, laquelle vaut à la fois autorisation d'exploiter au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ainsi qu'au titre de la législation sur l'eau, dérogation aux interdictions relatives aux espèces animales protégées et autorisation de défricher une superficie totale de 4,6752 hectares.
2. Par deux demandes distinctes, l'association pour la défense de l'environnement du bassin et de ses alentours (ADEBA) et vingt personnes physiques possédant des terrains et/ou résidant sur le territoire des deux communes concernées ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 août 2020. Par un jugement du 7 octobre 2022, ledit tribunal, après avoir joint les deux demandes ainsi présentées et admis l'intervention du syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron dans les deux instances, a rejeté lesdites demandes et a mis à la charge des requérants, au titre de chacune des instances, une somme de 1 500 euros à verser à la société Solena en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par leurs requêtes respectives nos 22TL22465 et 22TL22530, M. AA..., l'association ADEBA et les autres requérants relèvent appel de ce jugement du 7 octobre 2022. Ces requêtes étant dirigées contre le même jugement et présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le désistement :
3. Par le mémoire en réplique enregistré au greffe de la cour le 30 novembre 2023, M. H... déclare se désister de la requête n° 22TL22465. Le désistement de l'intéressé étant pur et simple, aucune circonstance ne s'oppose à ce qu'il lui en soit donné acte.
Sur les interventions :
4. Le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron, gestionnaire du service public de traitement des déchets et signataire d'une convention de délégation de service public avec la société Solena en vue de la construction et de l'exploitation des installations en litige, est intervenu volontairement devant le tribunal administratif de Toulouse au soutien de l'arrêté préfectoral du 21 août 2020. Par suite, il a intérêt au maintien du jugement attaqué et ses interventions en défense doivent donc être admises dans les deux présentes instances.
Sur la régularité du jugement :
5. Les auteurs de la requête n° 22TL22530 soutiennent que le tribunal administratif de Toulouse aurait commis des erreurs de droit et des erreurs d'appréciation en écartant certains moyens soulevés dans leur demande. Les moyens ainsi énoncés ne se rapportent toutefois pas à la régularité du jugement attaqué, mais à son bien-fondé. Ils relèvent par ailleurs du contrôle du juge de cassation et non du juge d'appel, auquel il appartient seulement de se prononcer, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, sur la légalité de l'arrêté préfectoral en litige.
6. L'article L. 9 du code de justice administrative mentionne que : " Les jugements sont motivés. ". En l'espèce, il ressort des termes du jugement attaqué que, pour répondre au moyen invoqué par les auteurs de la demande n° 2006752 tiré de l'incompatibilité de l'autorisation en litige avec le plan régional de prévention et de gestion des déchets de la région Occitanie, les premiers juges ont cité les dispositions applicables au point 35 de leur décision, puis ils se sont référés, au point 37, aux éléments de fait exposés au point 30, en y ajoutant que le projet de la société Solena était évoqué dans le plan régional et qu'il participait notamment au respect du principe de proximité. Ils ont ainsi indiqué les considérations de droit et de fait sur lesquelles ils se sont fondés pour écarter le moyen soulevé par les demandeurs. Par suite, les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que le jugement critiqué est insuffisamment motivé sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement :
7. D'une part, il appartient au juge de plein contentieux d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et à la procédure régissant la demande d'autorisation environnementale au regard des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet au regard des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de droit et de fait applicables à la date de l'autorisation. D'autre part, les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier de demande ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision prise par l'administration.
En ce qui concerne le dossier de demande d'autorisation :
8. En premier lieu, aux termes de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) / 9° Un plan d'ensemble à l'échelle de 1/200 au minimum indiquant les dispositions projetées de l'installation ainsi que l'affectation des constructions et terrains avoisinants et le tracé de tous les réseaux enterrés existants. Une échelle réduite peut, à la requête du pétitionnaire, être admise par l'administration. (...) ".
9. Il résulte de l'instruction que la société pétitionnaire a expressément sollicité, dans son dossier de demande d'autorisation environnementale, la possibilité de déroger à l'exigence prévue par les dispositions précitées de produire un plan d'ensemble des installations projetées à l'échelle de 1/200 et qu'elle a joint à ladite demande, d'une part, un plan à l'échelle de 1/500 pour les ouvrages prévus sur le site " Dunet " et " Cérons " et, d'autre part, un plan à l'échelle de 1/1 000 pour les aménagements prévus sur le site " Igue-du-Mas ". Dès lors que les services préfectoraux n'ont pas invité la société Solena à compléter ou régulariser le dossier de demande sur ce point, ainsi qu'ils auraient pu le faire sur le fondement de l'article R. 181-16 du code de l'environnement, l'administration doit être regardée comme ayant accepté les échelles réduites proposées par la pétitionnaire, lesquelles étaient au demeurant justifiées par les spécificités du projet portant sur trois sites distincts et par le souci d'une meilleure lisibilité des plans compte tenu de la superficie étendue occupée par les installations, si bien que la réduction de l'échelle n'a pas nui à la bonne information du public intéressé. Dans ces conditions, le moyen tenant à la méconnaissance de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) / 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement, dénommée "scénario de référence", et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet ainsi qu'un aperçu de l'évolution probable de l'environnement en l'absence de mise en œuvre du projet, dans la mesure où les changements naturels par rapport au scénario de référence peuvent être évalués moyennant un effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des connaissances scientifiques disponibles ; / (...) / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : / (...) / c) De l'émission de polluants, du bruit, de la vibration, de la lumière, la chaleur et la radiation, de la création de nuisances et de l'élimination et la valorisation des déchets ; / (...) / 10° Une description des méthodes de prévision ou des éléments probants utilisés pour identifier et évaluer les incidences notables sur l'environnement ; / 11° Les noms, qualités et qualifications du ou des experts qui ont préparé l'étude d'impact et les études ayant contribué à sa réalisation ; / (...) / VII. - Afin de veiller à l'exhaustivité et à la qualité de l'étude d'impact : / a) Le maître d'ouvrage s'assure que celle-ci est préparée par des experts compétents ; / b) L'autorité compétente veille à disposer d'une expertise suffisante pour examiner l'étude d'impact ou recourt si besoin à une expertise. ".
11. En outre, selon l'article 6 de l'arrêté du ministre de l'écologie du 10 novembre 2009 susvisé : " Conception de l'installation : / L'installation est conçue dans l'objectif d'une optimisation de la méthanisation, de la qualité du biogaz et de la maîtrise des émissions dans l'environnement. / L'étude d'impact évalue les principaux modes de valorisation du biogaz, du digestat, les potentialités de l'installation et justifie le choix finalement retenu. ". Et selon l'article 29 du même arrêté : " Odeurs : / Pour les installations nouvelles susceptibles d'entraîner une augmentation des nuisances odorantes, l'étude d'impact inclut un état initial des odeurs perçues dans l'environnement du site selon une méthode décrite dans le dossier de demande d'autorisation. Dans un délai d'un an après la mise en service, l'exploitant procède à un nouvel état des odeurs perçues dans l'environnement selon la même méthode. / (...) ".
12. D'une part, les auteurs de la requête n° 22TL22465 reprennent en appel, sans invoquer aucun élément nouveau et sans critiquer utilement le jugement litigieux, les moyens soulevés dans leur demande tirés de ce que l'étude d'impact relative au projet contesté serait insuffisante au regard des dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement et de l'arrêté ministériel du 10 novembre 2009 susvisé s'agissant de l'état initial des odeurs, des impacts de l'opération en termes de dispersion des polluants et des odeurs, de la définition du périmètre d'impact potentiel des installations projetées et de la justification des choix retenus pour la valorisation des biogaz. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges aux points 4 à 8 et 11 à 14 de leur jugement.
13. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'à la suite des demandes présentées en ce sens par les sociétés Solena et Solena Valorisation les 20 et 22 décembre 2022, le préfet de l'Aveyron a procédé, par deux arrêtés pris le 22 mai 2023, au transfert partiel de l'autorisation litigieuse à la seconde de ces sociétés en tant qu'elle porte sur les installations projetées sur le site " Dunet ". S'il est constant que le dossier de demande de transfert partiel prévoit certaines modifications par rapport au projet initial, notamment pour adapter l'organisation de l'usine à la réorganisation des collectes mise en place par le syndicat intervenant pour le déploiement du tri à la source des biodéchets et pour remplacer le convoyeur existant par un téléphérique avec l'usage de balles enrubannées, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas même allégué que les évolutions ainsi prévues pourraient entraîner des incidences négatives sur l'environnement de nature à rendre nécessaire une mise à jour de l'étude d'impact. De même, s'il est vrai que les travaux récemment réalisés sur le site ont révélé la présence de déchets dangereux non identifiés par l'étude d'impact, les pièces produites par les intimés confirment que ces déchets ont été intégralement évacués vers la zone de stockage de déchets dangereux de Montplaisir située à proximité, après avoir fait l'objet d'un porter à connaissance auprès des services préfectoraux, si bien que cette circonstance n'implique pas non plus une actualisation de l'étude d'impact.
14. Il résulte de l'ensemble des éléments mentionnés aux deux points précédents que l'étude d'impact du projet en litige n'est pas entachée des insuffisances invoquées. Il s'ensuit que les auteurs de la requête n° 22TL22465 ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'enquête publique serait irrégulière par voie de conséquence de l'insuffisance de l'étude d'impact.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement : " (...) / III. - L'étude de dangers justifie que le projet permet d'atteindre, dans des conditions économiquement acceptables, un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l'état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l'environnement de l'installation. / Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation, compte tenu de son environnement et de la vulnérabilité des intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. / Cette étude précise, notamment, la nature et l'organisation des moyens de secours dont le pétitionnaire dispose ou dont il s'est assuré le concours en vue de combattre les effets d'un éventuel sinistre. Dans le cas des installations figurant sur la liste prévue à l'article L. 515-8, le pétitionnaire doit fournir les éléments indispensables pour l'élaboration par les autorités publiques d'un plan particulier d'intervention. / L'étude comporte, notamment, un résumé non technique explicitant la probabilité et la cinétique des accidents potentiels, ainsi qu'une cartographie agrégée par type d'effet des zones de risques significatifs. / (...) ".
16. D'une part, l'étude de dangers présentée par la société pétitionnaire au soutien de sa demande d'autorisation environnementale indique les mesures de sécurité envisagées sur les trois sites d'implantation des installations projetées, notamment les mesures de protection contre l'incendie. Elle comporte la liste des moyens techniques disponibles en cas de sinistre et prévoit la présence d'un agent de prévention 24 heures sur 24, la formation du personnel à la sécurité incendie et la mise en place de plans d'intervention. Elle mentionne le délai d'intervention des secours depuis le centre le plus proche du service départemental d'incendie et de secours de l'Aveyron, lequel est de 15 minutes. Ledit service a d'ailleurs émis un avis favorable assorti de prescriptions sur le projet et l'autorisation en litige impose des prescriptions précises concernant les mesures de sécurité. L'étude de dangers n'était ainsi pas insuffisante sur ce point.
17. D'autre part, les auteurs de la requête n° 22TL22465 réitèrent en appel sans élément nouveau et sans critique utile du jugement attaqué leurs reproches relatifs à la méthodologie de l'analyse détaillée des risques contenue au sein de l'étude de dangers. Il y a donc lieu d'écarter leurs arguments sur ce point par adoption des motifs retenus au point 16 du jugement.
18. Enfin, l'étude de dangers identifie les enjeux liés à la proximité de plusieurs sites industriels relevant de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, au nombre desquels se trouve un établissement classé " Seveso ", ainsi que de la voie ferrée et du réseau de gaz naturel. L'analyse préliminaire des risques présentée dans l'étude de dangers et détaillée dans son " annexe 1 " évalue les incidences potentielles des principaux phénomènes dangereux tant au sein des trois sites d'implantation du projet qu'à l'extérieur de ces sites et comporte ainsi une étude suffisante des " effets dominos " pouvant résulter de la proximité de toutes ces installations. Les considérations générales présentées par les auteurs de la requête n° 22TL22530 ne suffisent ni à remettre en cause les conclusions de l'analyse ainsi menée, ni à révéler une insuffisance de l'étude de dangers sur ce point.
19. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 181-13 du code de l'environnement : " La demande d'autorisation environnementale comprend les éléments communs suivants : / (...) / 3° Un document attestant que le pétitionnaire est le propriétaire du terrain ou qu'il dispose du droit d'y réaliser son projet ou qu'une procédure est en cours ayant pour effet de lui conférer ce droit ; / (...) ". Lorsque le demandeur d'une autorisation relative à une installation de stockage de déchets n'est pas le propriétaire du terrain, il incombe à l'autorité administrative de s'assurer de la production de l'autorisation donnée par le propriétaire exigée par les dispositions précitées, sans laquelle la demande ne peut être regardée comme complète, mais également de vérifier qu'elle ne se trouve pas manifestement entachée d'irrégularité.
20. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande d'autorisation déposé par la société Solena comportait une promesse de bail emphytéotique consentie à cette dernière par la société Séché Eco Services, propriétaire des parcelles constituant le terrain d'assiette du projet sur le site " Igue du Mas ". M. AA..., ancien propriétaire de terres vendues à l'exploitant précédent du site industriel en 1977, se prévaut d'une servitude établie à l'occasion de la vente, s'opposant, selon lui, à la réalisation de l'opération en litige, dont il avait informé les services de l'Etat et pour laquelle il avait introduit un recours devant le juge judiciaire, pendant à la date de l'autorisation contestée. La circonstance ainsi invoquée n'était toutefois pas suffisante pour faire regarder la promesse de bail produite par la société pétitionnaire comme étant manifestement irrégulière et les dispositions citées au point précédent n'ont dès lors pas été méconnues.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'autorisation d'exploiter :
21. En premier lieu, aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'environnement : " I. - La politique nationale de prévention et de gestion des déchets est un levier essentiel de la transition vers une économie circulaire. Ses objectifs, adoptés de manière à respecter la hiérarchie des modes de traitement des déchets définie au II, sont les suivants : / 1° Donner la priorité à la prévention et à la réduction de la production de déchets (...) ; / 2° Lutter contre l'obsolescence programmée des produits manufacturés (...) ; / 3° Développer le réemploi et augmenter la quantité de déchets faisant l'objet de préparation à la réutilisation (...) ; / 4° Augmenter la quantité de déchets faisant l'objet d'une valorisation sous forme de matière, notamment organique (...) ; / 4° bis Augmenter la quantité de déchets ménagers et assimilés faisant l'objet d'une préparation en vue de la réutilisation ou d'un recyclage (...) ; / 4° ter Tendre vers l'objectif de 100 % de plastique recyclé (...) ; / 5° Etendre progressivement les consignes de tri à l'ensemble des emballages plastique (...) ; / 6° Valoriser sous forme de matière 70 % des déchets du secteur du bâtiment et des travaux publics en 2020 ; / 7° Réduire de 30 % les quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage en 2020 par rapport à 2010, et de 50 % en 2025 ( ...) ; / 7° bis Réduire les quantités de déchets ménagers et assimilés admis en installation de stockage en 2035 à 10 % des quantités de déchets ménagers et assimilés produits (...) ; / 8° Réduire de 50 % les quantités de produits manufacturés non recyclables mis sur le marché avant 2020 ; / 8° bis Développer les installations de valorisation énergétique de déchets de bois pour la production de chaleur (...) ; / 9° Assurer la valorisation énergétique d'au moins 70 % des déchets ne pouvant faire l'objet d'une valorisation matière d'ici 2025. Cet objectif est atteint notamment en assurant la valorisation énergétique des déchets qui ne peuvent être recyclés en l'état des techniques disponibles et qui résultent d'une collecte séparée ou d'une opération de tri, y compris sur des ordures ménagères résiduelles, réalisée dans une installation prévue à cet effet. Dans ce cadre, la préparation et la valorisation de combustibles solides de récupération font l'objet d'un cadre réglementaire adapté. (...) ; / 10° Réduire le gaspillage alimentaire (...). / Le service public de gestion des déchets décline localement les objectifs visés au 4° et au 4° bis du présent I pour réduire les quantités d'ordures ménagères résiduelles après valorisation. L'autorisation de nouvelles installations de tri mécano-biologiques, de l'augmentation de capacités d'installations existantes ou de leur modification notable est conditionnée au respect, par les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale, de la généralisation du tri à la source des biodéchets. Ces installations ne font pas l'objet d'aides de personnes publiques. / (...) / II. - Les dispositions du présent chapitre et de l'article L. 125-1 ont pour objet : / 1° En priorité, de prévenir et de réduire la production et la nocivité des déchets, notamment en agissant sur la conception, la fabrication et la distribution des substances et produits et en favorisant le réemploi, ainsi que de diminuer les incidences globales de l'utilisation des ressources et d'améliorer l'efficacité de leur utilisation ; / 2° De mettre en œuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets consistant à privilégier, dans l'ordre : / a) La préparation en vue de la réutilisation ; / b) Le recyclage ; / c) Toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ; / d) L'élimination ; / (...) / 4° D'organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume selon un principe de proximité ; / (...) / 6° D'assurer, notamment par le biais de la planification relative aux déchets, le respect du principe d'autosuffisance ; / (...) ".
22. D'une part, les dispositions précitées du I et du II de l'article L. 541-1 du code de l'environnement, en tant qu'elles fixent les objectifs de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets et qu'elles déterminent la hiérarchie des modes de traitement des déchets, s'imposent aux dispositions prises en application du titre Ier du livre V de ce code, relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement, lorsque ces dispositions intéressent les déchets, ainsi que le mentionne l'article L. 512-14 du même code. Elles ne sont, en revanche, pas directement opposables à une demande d'autorisation portant sur une installation de traitement ou de stockage des déchets. En conséquence, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'autorisation environnementale en litige serait par elle-même incompatible avec la hiérarchie des modes de traitement des déchets instituée par l'article L. 541-1 précité.
23. En tout état de cause, il résulte de l'instruction, notamment des pièces jointes à la demande d'autorisation déposée par la société pétitionnaire, que le projet critiqué intègre la mise en œuvre de techniques de nature à contribuer au respect de la hiérarchie des modes de traitement susmentionnée en prévoyant, en particulier, l'extraction de la matière recyclable à partir des ordures ménagères résiduelles, la valorisation des biodéchets collectés séparément, la méthanisation et la valorisation du biométhane à partir de la fraction fermentescible des ordures ménagères et biodéchets et la production de combustibles solides de récupération. Du fait de la mise en œuvre de l'ensemble de ces techniques, le volume résiduel de déchets à orienter vers l'unité de stockage pourra être réduit de 50 %, à partir de la cinquième année d'exploitation, par rapport à la production stockée en 2010. De plus, alors que l'absence actuelle de solution de traitement dans le département de l'Aveyron conduit à évacuer la totalité des déchets vers des installations situées dans les départements limitrophes, principalement vers le site de stockage de Labessière-Candeil (Tarn), le projet permettra de réduire de près de la moitié le kilométrage total parcouru par les déchets produits au sein du département de l'Aveyron, en cohérence avec les principes de proximité et d'autosuffisance énoncés au II de l'article L. 541-1 précité.
24. D'autre part, il résulte des dispositions de la deuxième phrase du seizième alinéa du I de ce même article L. 541-1 que l'autorisation de nouvelles installations pratiquant le tri mécano-biologique des ordures ménagères est conditionnée au respect, par les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale en charge du service public de gestion des déchets, de la généralisation du tri à la source des biodéchets. Eu égard aux termes mêmes de ces dispositions et aux objectifs poursuivis par le législateur lors de leur introduction dans le code de l'environnement, tels qu'ils ressortent des travaux préparatoires de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, les dispositions de la phrase en cause sont directement opposables à une demande d'autorisation portant sur une installation pratiquant cette technique de tri, telle que l'usine dont la création est projetée en l'espèce. Les critères d'appréciation prévus par l'article R. 543-227-2 du code de l'environnement, issus de l'article 1er du décret du 30 juin 2021 relatif à la justification de la généralisation du tri à la source des biodéchets et aux installations de tri mécano-biologique, ne sont pas invocables à l'encontre de l'autorisation en litige datée du 21 août 2020, dès lors que, selon l'article 3 du même décret, lesdits critères ne s'appliquent qu'aux demandes d'autorisation présentées après l'entrée en vigueur de ce décret. Les dispositions de la deuxième phrase du seizième alinéa du I de l'article L. 541-1 sont cependant rédigées en des termes suffisamment précis et leur application ne peut dès lors être regardée comme manifestement impossible en l'absence de texte règlementaire. Dans ces conditions et contrairement à ce que font valoir les sociétés intimées, l'entrée en vigueur de ces dispositions législatives n'est pas subordonnée à l'applicabilité des critères visés à l'article R. 543-227-2 du code de l'environnement.
25. En l'espèce, il résulte de l'instruction, notamment des pièces et des informations produites par le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron au soutien de ses interventions, que ledit syndicat a engagé au début de l'année 2019 une " étude préalable " portant sur la mise en place du tri à la source des biodéchets à l'échelle départementale. Sur la base de l'état des lieux et des scénarios proposés le 3 décembre 2019, l'organe délibérant du syndicat a retenu, par une délibération adoptée le 11 mars 2021, la mise en œuvre d'un scénario mixte combinant le compostage de proximité dans trois établissements publics de coopération intercommunale sur les dix-huit composant le syndicat départemental et la mise en place d'un système de collecte " bi-flux " dans les quinze autres établissements membres, lequel consiste à ramasser simultanément les biodéchets et les ordures résiduelles préalablement triés par les producteurs de déchets dans des sacs séparés et vient en complément du compostage de proximité. Il ressort également des pièces produites par le syndicat intervenant qu'il a mis en place une solution expérimentale de gestion des biodéchets à partir de 2022 en construisant un hangar équipé de deux robots de tri et d'un composteur électromécanique pour accompagner la montée en charge de la collecte " bi-flux ". Selon les indications les plus récentes fournies par ledit syndicat, la collecte " bi-flux " couvre une population de 60 000 habitants en 2024 et le reste des habitants bénéficie à 46 % d'une solution de compostage de proximité. Eu égard à la politique de déploiement du tri à la source des biodéchets ainsi mise en œuvre par le syndicat intervenant et au vu de l'état d'avancement de cette démarche à la date du présent arrêt, ledit syndicat doit être regardé comme respectant la généralisation du tri à la source des biodéchets au sens et pour l'application des dispositions de la deuxième phrase du seizième alinéa du I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement. Par suite, l'autorisation contestée ne procède ni d'une erreur de fait ni d'une erreur de droit au regard des dispositions de cette phrase.
26. Enfin, si, par la troisième phrase du même seizième alinéa, le législateur a entendu interdire les aides des personnes publiques pour les nouvelles installations pratiquant le tri mécano-biologique des déchets ménagers, la circonstance que le projet de " pôle multi-filières de traitement et de valorisation des déchets " porté par les sociétés intimées aurait fait l'objet de subventions publiques reste sans incidence sur la légalité de l'autorisation environnementale en litige, laquelle n'a ni pour objet, ni pour effet, d'accorder de telles aides pour ce projet.
27. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été mentionné aux cinq points précédents que le moyen tiré de ce que l'autorisation environnementale en litige méconnaîtrait les dispositions précitées du I et du II de l'article L. 541-1 du code de l'environnement doit être écarté.
28. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 541-13 du code de l'environnement : " I. - Chaque région est couverte par un plan régional de prévention et de gestion des déchets. Le plan concourt, à l'échelle régionale, à l'atteinte des objectifs nationaux mentionnés à l'article L. 541-1. / (...) ". Et aux termes de l'article L. 541-15 du même code : " I. - Les décisions prises par les personnes morales de droit public et leurs concessionnaires dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets et, notamment, les décisions prises en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, du titre Ier du présent livre (...) sont compatibles : / 1° Avec les plans prévus aux articles L. 541-11, L. 541-11-1 et L. 541-13 ; / (...) ".
29. D'une part, le plan régional de prévention et de gestion des déchets d'Occitanie, approuvé par une délibération du conseil régional d'Occitanie le 14 novembre 2019, évoque à plusieurs reprises la problématique liée à l'absence de solution locale de traitement des déchets non dangereux dans le département de l'Aveyron ainsi que le projet de création d'une nouvelle installation permettant de remédier à cette situation. Le plan régional insiste notamment sur la nécessité d'une installation de prétraitement pour développer la valorisation des déchets collectés sélectivement et pour réduire ainsi les volumes envoyés vers les installations de stockage. Le projet litigieux y est explicitement mentionné dans le recensement des projets en cours d'étude pour répondre à ce besoin. D'autre part, le plan régional ne s'oppose pas par principe à une nouvelle installation de tri mécano-biologique et le projet contesté est de nature à contribuer à la réalisation de plusieurs des objectifs retenus par ce plan. Il s'inscrit ainsi dans les objectifs du plan en matière de gestion des biodéchets en proposant une filière spécifique de valorisation des biodéchets et concourt également de ce fait à l'objectif de réduction du volume des déchets ménagers. Il est cohérent avec les objectifs prévus pour le traitement des ordures ménagères résiduelles avec une filière de valorisation énergétique par production de combustibles solides de récupération à partir de déchets non recyclables. Le projet participe également à l'objectif de réduction des volumes de déchets stockés en permettant de détourner une partie des déchets de l'enfouissement et il n'entraînera pas la création d'une capacité de stockage supplémentaire à l'échelle régionale puisque le site de Labessière-Candeil (Tarn), actuellement utilisé pour stocker les déchets provenant du département de l'Aveyron, verra sa capacité réduite à due proportion une fois l'installation contestée mise en service. Le projet critiqué répond enfin aux principes de proximité et d'autosuffisance visés par le plan régional. Dès lors, l'autorisation en litige n'est pas incompatible avec le plan régional de prévention et de gestion des déchets d'Occitanie.
30. En troisième lieu, selon l'article 8 de l'arrêté de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer du 15 février 2016 susvisé : " La protection du sol, des eaux souterraines et de surface est assurée par une barrière géologique dite "barrière de sécurité passive" (...). L'étude de stabilité est jointe au dossier de demande d'autorisation d'exploiter. / Lorsque la barrière géologique ne répond pas naturellement aux conditions précitées, elle est complétée et renforcée par d'autres moyens présentant une protection équivalente. / L'ensemble des éléments relatifs à l'équivalence de la barrière de sécurité passive est décrit dans la demande d'autorisation d'exploiter. ". Selon l'article 18 du même arrêté : " L'exploitant spécifie le programme d'échantillonnage et d'analyse nécessaire à la vérification de la barrière de sécurité passive. Ce programme spécifie le tiers indépendant sollicité pour la détermination du coefficient de perméabilité d'une formation géologique en place, de matériaux rapportés ou artificiellement reconstitués, et décrit explicitement les méthodes de contrôle prévues. ".
31. Le rapport technique joint à la demande d'autorisation en litige comporte en son annexe VII l'étude d'équivalence de la barrière de sécurité passive prévue pour la zone de stockage de déchets sur le site " Igue-du-Mas ". Il y est mentionné que le dispositif retenu, à savoir une membrane en géosynthétique bentonitique et une couche de matériaux argileux, se révèle équivalent à la configuration prescrite par l'arrêté ministériel précité. L'administration a imposé la réalisation d'une tierce expertise pour vérifier la pertinence de cette conclusion et le Bureau de recherches géologiques et minières missionné à cet effet a confirmé dans son rapport la conformité du dispositif prévu à la règlementation applicable. L'étude d'équivalence produite par la société pétitionnaire comprend par ailleurs une proposition de programme de contrôle de la barrière de sécurité passive et l'article 9.2.6.1 de l'autorisation préfectorale en litige rappelle l'exigence de la réalisation des contrôles par un tiers indépendant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'arrêté du 15 février 2016 ne peut qu'être écarté.
32. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments (...) ".
33. Les auteurs de la requête n° 22TL22465 se bornent à soutenir que les dispositions précitées seraient méconnues en raison de l'insuffisance de l'étude de dangers et de l'absence de mesures de prévention renforcées vis-à-vis des risques technologiques liés aux installations voisines ainsi qu'au transport de matières dangereuses. Il résulte toutefois de ce qui a été dit aux points 16 à 18 du présent arrêt que l'étude de dangers présentée par la société pétitionnaire a procédé à une analyse suffisante de l'ensemble de ces risques. Les appelants n'apportent en outre aucun élément circonstancié de nature à établir une insuffisance des prescriptions prévues par l'arrêté préfectoral en litige sur ce point, notamment en sa section 8 intitulée " prévention des risques technologiques ". Partant, le moyen invoqué en ce sens ne peut qu'être écarté.
34. En cinquième lieu, selon l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / (...) ". L'article L. 151-11 du même code dispose que : " I. - Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ; / (...) ". L'article R. 151-25 de ce code mentionne que : " Peuvent être autorisées en zone N : / (...) / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. / (...) ".
35. Il résulte de l'instruction que, par une délibération du 9 janvier 2020, le conseil de la communauté de communes Decazeville Communauté a approuvé la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Viviez et d'Aubin consistant, pour l'essentiel, en l'institution de secteurs Nx1, rattachés à la zone naturelle N, couvrant les terrains d'assiette de l'usine de valorisation des déchets sur le site " Dunet " ainsi que ceux de l'installation de stockage des déchets sur le site " Igue du Mas ". Les nouveaux articles N2 des règlements des plans locaux d'urbanisme des deux communes prévoient que sont notamment autorisés dans les secteurs Nx1 les constructions, installations et ouvrages techniques nécessaires au traitement, au stockage et à la valorisation des déchets non dangereux. Le projet en litige est ainsi conforme à la règlementation d'urbanisme applicable à la date de l'octroi de l'autorisation. Les requérants ne précisent pas dans leurs écritures d'appel les motifs pour lesquels les règlements régissant les secteurs Nx1 seraient entachés d'illégalité, alors que les terrains concernés par ce classement, partiellement anthropisés et anciennement pollués, ne présentent aucun potentiel pour l'activité agricole et revêtent un intérêt environnemental limité. Par ailleurs, l'article R. 151-25 du code de l'urbanisme n'est pas directement invocable à l'encontre d'une autorisation environnementale et le moyen soulevé sur le fondement de cet article doit donc être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la dérogation " espèces protégées " :
36. L'article L. 411-1 du code de l'environnement dispose que : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; / (...) ". En outre, selon l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / (...) : 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / (...) ".
37. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Doivent également être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement. ". L'article 4 de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la ministre de l'écologie du 19 février 2007 susvisé prévoit que : " La décision précise : / (...) / En cas d'octroi d'une dérogation, la motivation de celle-ci et, en tant que de besoin, en fonction de la nature de l'opération projetée, les conditions de celle-ci, notamment : / - nom scientifique et nom commun des espèces concernées ; / - nombre et sexe des spécimens sur lesquels porte la dérogation ; / - période ou dates d'intervention ; / - lieux d'intervention ; / - s'il y a lieu, mesures de réduction ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ainsi qu'un délai pour la transmission à l'autorité décisionnaire du bilan de leur mise en œuvre ; / (...) ".
38. L'arrêté préfectoral litigieux vise les articles L. 411-1, L. 411-2 et R. 411-1 à R. 411-14 du code de l'environnement ainsi que l'avis favorable émis par le conseil national de la protection de la nature le 27 mai 2019 sur la demande de dérogation présentée par la société pétitionnaire au titre de la législation relative aux espèces protégées. Il énonce avec une précision suffisante les raisons pour lesquelles le projet contesté a été considéré comme répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur ainsi que les motifs du choix des trois sites retenus. Il indique enfin que, compte tenu des mesures environnementales proposées dans l'étude d'impact, lesquelles ont été intégralement reprises en annexe de l'arrêté, l'octroi de la dérogation ne nuit pas au maintien de l'état de conservation des populations des soixante espèces animales dont la liste figure également en annexe. La dérogation en litige est ainsi suffisamment motivée.
39. En second lieu, il résulte des articles L. 411-1 et L. 411-2 précités du code de l'environnement qu'un projet d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats naturels ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées, appréciées en tenant compte des mesures d'évitement, de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
40. D'une part, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été exposé précédemment, que le projet de " pôle multi-filières de valorisation et de traitement de déchets non dangereux ", porté par les sociétés intimées dans le cadre d'une convention de délégation de service public avec le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron, a pour objectif de remédier à une situation d'absence totale de solution de traitement et de stockage des déchets non dangereux au sein de ce département, laquelle oblige ledit syndicat à orienter depuis la fin de l'année 2018 l'ensemble de ces déchets vers des installations situées dans les départements voisins, au prix de nuisances avérées liées au transport par camions et sans aucune garantie de pérennité de ces solutions extérieures. Si les auteurs de la requête n° 22TL22530 soutiennent que le projet en litige ne peut être regardé comme répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur dès lors qu'il ne serait compatible ni avec la hiérarchie des modes de traitement des déchets prévue par l'article L. 541-1 du code de l'environnement, ni avec le plan régional de prévention et de gestion des déchets d'Occitanie, les arguments invoqués à cet égard doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 23, 25 et 29 du présent arrêt. Par suite et alors notamment que le lieu d'implantation retenu doit permettre de réduire de près de la moitié le kilométrage total parcouru par les déchets provenant du département de l'Aveyron par rapport à la situation existante, le projet répond à une raison impérative d'intérêt public majeur.
41. D'autre part, le dossier produit à l'appui de la demande de dérogation au titre de la législation " espèces protégées " présente avec précision les raisons ayant présidé au choix de la zone d'implantation des installations projetées en soulignant notamment la complémentarité des trois sites, leur caractère de friches industrielles, leur localisation à bonne distance des secteurs habités et leur inadéquation à toute autre utilisation. Il ressort de ce même dossier, ainsi que du tableau plus détaillé produit par la société Solena dans son mémoire en réponse à l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale d'Occitanie, que le syndicat intervenant et la société pétitionnaire ont analysé, à partir du début des années 2000, neuf sites potentiels pour l'implantation du projet, répartis sur l'ensemble du territoire du département de l'Aveyron. Il ressort de ces mêmes pièces que les huit autres sites étudiés ont été écartés après une analyse " multi-critères " prenant en compte les paramètres relatifs aux distances, aux caractéristiques géologiques, hydrologiques et hydrogéologiques, aux zonages environnementaux, aux éléments patrimoniaux et aux risques. Les porteurs du projet ont tenu compte des exigences liées à la biodiversité et à la protection des espèces en intégrant les zonages environnementaux dans cette analyse comparative et ils ont pu valablement prendre en considération les autres paramètres susmentionnés pour choisir le site contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la requête n° 22TL22530. Deux des secteurs retenus pour l'implantation du projet ne sont au demeurant impactés par aucun zonage environnemental, tandis que le site " Igue-du-Mas " n'empiète que très faiblement sur la zone naturelle d'inventaire écologique, faunistique et floristique de type II " Vallée du Lot ". Dans ces conditions, alors que les requérants ne mentionnent aucune autre localisation possible qui aurait été ignorée par la société pétitionnaire et ainsi que l'a d'ailleurs retenu le conseil national de la protection de la nature dans son avis du 27 mai 2019, la condition relative à l'absence de solution alternative satisfaisante doit être regardée comme remplie.
42. Enfin, il résulte de l'instruction que la dérogation en litige a été accordée pour soixante espèces animales, se répartissant en une espèce d'insecte, trente-deux espèces d'oiseaux neuf espèces d'amphibiens, cinq espèces de reptiles et treize espèces de mammifères incluant notamment douze espèces de chiroptères. Le dossier de demande de dérogation précise bien l'état de conservation des espèces concernées contrairement à ce qui est soutenu. Les enjeux y sont identifiés comme très forts pour deux espèces de chiroptères, forts pour le pique-prune, modérés pour quatre espèces d'amphibiens et faibles ou très faibles pour les autres espèces. Les impacts bruts du projet sont qualifiés de modérés pour le pique-prune, sept amphibiens et deux reptiles et de faibles ou très faibles pour les autres espèces. La société pétitionnaire a prévu de mettre en œuvre deux mesures d'évitement tendant à préserver une châtaigneraie mature sur le site " Igue-du-Mas " et une mare sur le site " Cérons ". Elle a par ailleurs prévu, au titre des mesures de réduction des impacts, la protection des zones à enjeux pendant les travaux, la limitation de l'abattage des arbres pouvant servir de gîtes avérés ou potentiels, l'adaptation du planning des travaux, la réduction de l'attractivité écologique de la zone à gîtes, la modération et l'adaptation de l'éclairage, la création de mares de substitution et le sauvetage d'amphibiens en phase aquatique. Elle a enfin prévu, au titre des mesures de compensation, la mise en place d'un îlot de sénescence de 7 hectares, une gestion sylvicole favorable à la biodiversité, l'entretien de milieux ouverts sur 15 hectares et la création d'un réseau de vingt-huit mares ainsi que de cinq gîtes favorables aux reptiles et aux amphibiens. En tenant compte de l'ensemble de ces mesures, le dossier de demande de dérogation conclut à des impacts résiduels faibles pour le pique-prune, la reinette méridionale et la grenouille agile et très faibles pour les autres espèces. Les appelants n'apportent aucun élément circonstancié pour étayer leurs allégations quant à l'insuffisance des mesures ainsi prévues, y compris pour les chiroptères, alors que ces mesures ont d'ailleurs été jugées adaptées aux enjeux par la mission régionale d'autorité environnementale d'Occitanie et par le conseil national de la protection de la nature dans leurs avis respectifs sur le projet. Dès lors, la dérogation contestée n'est pas de nature à nuire au maintien des populations des espèces protégées dans un état de conservation favorable dans leur aire de répartition naturelle.
43. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été exposé aux trois points précédents que les trois conditions cumulatives permettant de délivrer une dérogation à la législation sur les espèces protégées sont remplies en l'espèce. En accordant la dérogation sollicitée à ce titre par la société Solena en vue de la réalisation du projet en litige, la préfète de l'Aveyron n'a donc pas fait une inexacte application des dispositions législatives rappelées au point 36 du présent arrêt.
44. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'autorisation préfectorale du 21 août 2020.
Sur les frais liés au litige :
45. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat ou des sociétés Solena et Solena Valorisation, lesquels n'ont pas la qualité de parties perdantes dans les deux présentes instances, une quelconque somme à verser aux requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les sociétés Solena et Solena Valorisation sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Il est donné acte du désistement de M. H... dans l'instance n° 22TL22465.
Article 2 : Les interventions du syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron sont admises dans les instances nos 22TL22465 et 22TL22530.
Article 3 : Les requêtes nos 22TL22465 et 22TL22530 sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par les sociétés Solena et Solena Valorisation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les deux instances sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. AC... AA..., premier nommé, pour l'ensemble des requérants de l'instance n° 22TL22465, à l'association pour la défense de l'environnement du bassin et de ses alentours (ADEBA), première nommée, pour l'ensemble des requérants de l'instance n° 22TL22530, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, à la société par actions simplifiée Solena, à la société par actions simplifiée Solena Valorisation et au syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aveyron.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aveyron.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 22TL22465, 22TL22530