Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Sous le numéro n°2202190, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision par laquelle la préfète du Gard a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour, présentée le 21 octobre 2020, d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "salarié" sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 700 euros sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sous le numéro n°2300719, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de l'admettre à l'aide juridictionnelle à titre provisoire, d'annuler l'arrêté du 23 février 2023 par lequel la préfète du Gard a refusé de l'admettre au séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a assorti ces mesures d'une interdiction de retour pour une durée de deux ans, d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "salarié" sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2202190 et n°2300719 du 15 septembre 2023, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu sur les conclusions à fin d'annulation présentées, dans l'instance n°2202190, contre la décision implicite refusant de l'admettre au séjour et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 avril 2024, M. B... A..., représenté par Me Laurent-Neyrat, demande à la cour :
1°) d'annuler ou de réformer ce jugement rendu le 15 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 février 2023 par lequel la préfète du Gard a refusé de l'admettre au séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a assorti ces mesures d'une interdiction de retour pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "salarié" sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour selon les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme 3 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique sous réserve de la renonciation de ce dernier à la contribution à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ses documents d'état civil produits étant authentiques, il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français qui lui a été opposée méconnaît les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2024, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 9 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien, né le 13 octobre 2002, et entré en France au cours du mois d'août 2018, selon ses déclarations, a bénéficié d'une ordonnance de placement provisoire et a été pris en charge, le 30 octobre 2018, par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Gard en qualité de mineur isolé sur le territoire français. Le 21 octobre 2020, il a, sur le fondement des dispositions de l'ancien article L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, présenté une demande de titre de séjour qui a fait l'objet d'un refus implicite. Le 19 janvier 2022, il a présenté une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes, rendu le 15 septembre 2023, rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 février 2023 par lequel la préfète du Gard a refusé de l'admettre au séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a assorti ces mesures d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de l'arrêté en litige : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ". Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...). ".
5. L'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. Il en découle que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. En troisième lieu, à la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient. en particulier, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative d'y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d'assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu'ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d'état civil étrangers justifiant de l'identité et de l'âge du demandeur.
7. Pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, la préfète du Gard s'est notamment fondée sur la circonstance que la copie intégrale d'acte de naissance, délivrée le 21 août 2020, de même que l'extrait du registre des actes d'état civil pour l'année 2002, légalisé le 20 septembre 2020, produits par l'intéressé à l'appui de sa demande de titre de séjour, étaient entachés de plusieurs erreurs de nature à justifier que ces documents soient écartés comme non probants de sorte qu'il était impossible de regarder comme établie avec certitude l'identité de l'intéressé, cette situation faisant obstacle à ce qu'il soit admis au séjour.
8. En se bornant à relever que l'extrait d'acte de naissance mentionne que l'intéressé se prénomme " Daouda ", qui est, en réalité, le prénom de son père, alors qu'il se prénomme " B... ", qu'une coquille existe sur le nom de son père écrit " Kanate " en lieu et place de " A... " sur la copie intégrale de l'acte de naissance et qu'une second erreur matérielle entache la date de naissance de sa mère, née le 1er décembre 1969, et non le 31 décembre 1969, la préfète du Gard, qui ne produit aucun élément ni enquête, n'apporte pas la preuve de ce que ces documents d'état civil revêtiraient un caractère frauduleux ou seraient dénués de caractère probant alors que M. A... s'est également prévalu d'un passeport délivré par les autorités ivoiriennes, le 29 janvier 2021, en cours de validité, dont l'authenticité n'est pas contestée et d'un certificat de nationalité ivoirienne, établi le 20 juillet 2020. En outre, si la préfète du Gard soutient également que la mention de la nationalité des parents exigée par les dispositions de l'article 42 du code civil ivoirien est absente, cette allégation n'est pas davantage de nature à établir que cette copie intégrale aurait été falsifiée dès lors que la rubrique est présente mais n'a pas été renseignée. Par suite, c'est à tort que la préfète du Gard a estimé que l'identité du requérant n'était pas établie et qu'elle ne pouvait, pour ce motif, lui délivrer un titre de séjour.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...) ". Aux termes de l'article R. 2221-2 du même code : " Sont dispensés de l'autorisation de travail prévue à l'article R. 5221-1 : (...) 16° Le titulaire d'une autorisation provisoire de séjour ou d'un document provisoire de séjour portant la mention " autorise son titulaire à travailler " ; (...). "
10. Si la préfète du Gard a également opposé le motif tiré de ce que M. A..., qui se serait borné à produire une promesse d'embauche, n'aurait pas joint à sa demande l'autorisation de travail permettant que lui soit délivré le titre de séjour sollicité, ce motif, alors que M. A..., qui suivait alors un certificat d'aptitude professionnelle de carreleur en apprentissage depuis près de deux années, disposait, d'une autorisation provisoire de séjour le dispensant d'un tel document, n'est pas de nature à fonder légalement le refus de titre de séjour ainsi opposé.
11. Il suit de l'ensemble des motifs rappelés aux points 9 à 12 que M. A... est fondé à soutenir qu'en lui refusant le titre de séjour qu'il sollicitait, la préfète du Gard a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette illégalité vicie, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, lesquelles doivent, également être annulées.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et sur la régularité du jugement attaqué, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 février 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
13. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Gard délivre à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.
Sur les frais liés à l'instance :
14. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Laurent-Neyrat, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er: Le jugement n°2202190 et n°2300719 du tribunal administratif de Nîmes du 15 septembre 2023 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées contre l'arrêté de la préfète du Gard du 23 février 2023.
Article 2 : L'arrêté de la préfète du Gard du 23 février 2023 portant refus de titre de séjour et prononçant à l'encontre de M. A... une obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité et une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer à M. A... un titre de séjour d'un an portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui accorder sans délai une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me Laurent-Neyrat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Laurent-Neyrat, au ministre de l'intérieur et au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°24TL00982 2