Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du ministre de l'agriculture et de l'alimentation du 5 janvier 2021 en tant qu'il fixe la date de sa démission au 15 janvier 2021, d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de prendre acte de sa démission et de prononcer sa radiation des cadres au 31 décembre 2020 ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2101083 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Girard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'agriculture et de l'alimentation du 5 janvier 2021 en tant qu'il fixe la date de sa démission au 15 janvier 2021 ;
3°) d'enjoindre à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt d'accepter sa démission à la date effective du 31 décembre 2020 ;
4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et mettre à sa charge la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'elle ne disposait plus de congés au 31 décembre 2020 ;
- elle est entachée d'erreur de droit en ce que l'article 5 du décret du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat est incompatible avec l'article 7 de la directive n°2003/88 CE, de sorte qu'à supposer que son solde de congés ait été positif, ceux-ci auraient dû être indemnisés et non donner lieu au report de la date de sa démission ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 24 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 mai 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°84-972 du 26 octobre 1984 ;
- le décret n°85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., cheffe technicienne spécialité vétérinaire et alimentaire du ministère de l'agriculture, a été affectée à la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Guadeloupe à compter du 1er septembre 2011. Elle a été placée en congé de formation professionnelle afin de suivre du 2 septembre 2019 au 28 août 2020 la formation initiale des élèves avocats dispensée par l'école des avocats Centre sud, à Montpellier (Hérault). Par un courrier du 7 décembre 2020, elle demandé au ministre de l'agriculture et de l'alimentation d'accepter sa démission au 31 décembre 2020. Par un arrêté du 5 janvier 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a accepté cette démission au 15 janvier 2021 et prononcé sa radiation des cadres à la même date, tous droits à congés épuisés. Mme B... relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il a fixé sa démission et sa radiation des cadres au 15 janvier 2021.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : / (...) / 2° De la démission régulièrement acceptée ; / (...) ". Aux termes de l'article 58 du décret susvisé du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de mise à disposition et de cessation définitive de fonctions, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La démission ne peut résulter que d'une demande écrite de l'intéressé marquant sa volonté expresse de quitter son administration ou son service. Elle n'a d'effet qu'autant qu'elle est acceptée par l'autorité investie du pouvoir de nomination et prend effet à la date fixée par cette autorité. / La décision de l'autorité compétente doit intervenir dans le délai de quatre mois à compter de la réception de la demande de démission. ".
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ".
4. L'acceptation d'une démission, si elle résulte d'une volonté non équivoque de l'agent intéressé, et qu'elle a été explicitement et régulièrement prononcée par l'administration, ne constitue pas une décision défavorable au sens des dispositions précitées. Dès lors que Mme B... n'établit ni même n'allègue avoir été contrainte de demander sa démission, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux devait être motivé, alors même que la date prise en compte pour sa démission et sa radiation des cadres aurait pour effet de la priver du bénéfice d'une indemnité de départ volontaire.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat : " Tout fonctionnaire de l'Etat en activité a droit, dans les conditions et les réserves précisées aux articles ci-après, pour une année de service accompli du 1er janvier du 31 décembre, à un congé annuel d'une durée égale à cinq fois ses obligations hebdomadaires de service. Cette durée est appréciée en nombre de jours effectivement ouvrés. / (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du courrier adressé par Mme B... au ministre de l'agriculture et de l'alimentation le 7 décembre 2020 que l'intéressée a demandé l'acceptation de sa démission au 31 décembre 2020. Par l'arrêté litigieux du 5 janvier 2021, le ministre a accepté sa démission et l'a radiée des cadres au 15 janvier 2021, tous droits à congé épuisés. Dans son mémoire en défense produit en première instance, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a admis qu'une erreur matérielle entache l'arrêté litigieux, dans la mesure où la date retenue du 15 janvier 2021 n'a pas permis à Mme B... d'épuiser l'intégralité des 14 jours de congés annuels dont elle disposait, et que dès lors, une régularisation d'un montant net de 246,73 euros au titre des jours de congés non pris a été opérée en janvier 2022. D'une part, contrairement à ce que soutient l'appelante, la circonstance que son bulletin de paye pour le mois de décembre 2020 ne mentionnait aucun solde de congés n'est pas de nature à établir qu'elle ne disposait plus de congés annuels au 31 décembre 2020, ce bulletin de paye ne comportant aucune mention quant au solde de congés pour l'année écoulée, qu'il soit positif ou nul. D'autre part, Mme B... se prévaut pour la première fois en appel d'un courriel de la secrétaire générale de la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Guadeloupe du 8 septembre 2020 selon lequel elle a été placée en congés annuels du 31 août au 25 septembre 2020 inclus, correspondant à 19 jours de congés annuels. Toutefois, ce seul courriel, qui mentionne également que pendant son congé de formation, Mme B... a " conservé [ses] droits à congé annuel soit 25 jours " sans préciser qu'elle aurait à cette date consommé une partie desdits congés, n'est pas de nature à établir que l'intéressée ne disposait plus d'aucun jour de congés au 31 décembre 2020. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
7. En troisième lieu, l'article 7 de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail stipule que : " (...) La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. ". Aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 26 octobre 1984 relatif aux droits aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat : " Le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l'année suivante, sauf autorisation exceptionnelle donnée par le chef de service. Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice. ". L'article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, tel qu'interprété par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) dans son arrêt C-350/07 et C-520-06 du 20 janvier 2009, fait obstacle, d'une part, à ce que le droit au congé annuel payé qu'un travailleur n'a pas pu exercer pendant une certaine période, parce qu'il était placé en congé de maladie pendant tout ou partie de la période en cause, s'éteigne à l'expiration de celle-ci et, d'autre part, à ce que, lorsqu'il est mis fin à la relation de travail, tout droit à indemnité financière soit dénié au travailleur qui n'a pu, pour cette raison, exercer son droit au congé annuel payé.
8. Ce droit au report ou, lorsqu'il est mis fin à la relation de travail, à indemnisation financière, s'exerce toutefois, en l'absence de dispositions sur ce point dans le droit national, dans la limite de quatre semaines prévues par l'article 7 de la directive.
9. En l'espèce, Mme B... se prévaut de trois arrêts de travail pour la période comprise entre le 3 octobre et le 31 décembre 2020. Toutefois, la date de sa démission, fixée par l'administration de manière discrétionnaire, a été fixée au 15 janvier 2021 de manière à ce qu'elle exerce son droit à congé annuel payé pour la période comprise entre la fin de son congé de maladie et la date de sa radiation des cadres, le 15 janvier 2020. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le ministre a entaché l'arrêté litigieux d'erreur de droit en fixant la date de sa démission et sa radiation des cadres au 15 janvier 2021 pour permettre l'épuisement de ses droits à congés, plutôt qu'en lui versant une indemnité compensatrice de congés.
10. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°22TL22614