Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, à titre principal de condamner l'Etat à lui verser la somme de 38 478 euros en réparation des conséquences dommageables ayant résulté pour lui de l'accident de service dont il a été victime le 23 mars 2018, de la requalification de son arrêt de travail pour raison de service en arrêt de travail pour cause de maladie, de l'absence de mise à disposition d'outils de travail ainsi que de la discrimination dont il a été victime, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2001851 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2022, M. A... B..., représenté par Me Chapuis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 10 mai 2022 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 38 478 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de service dont il a été victime le 23 mars 2018, de la requalification de son arrêt de travail pour raison de service en arrêt de travail pour cause de maladie, de l'absence de mise à disposition d'outils de travail ainsi que de la discrimination dont il a été victime ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise aux frais avancés de l'Etat ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il souffre d'un syndrome post-traumatique consécutif à l'accident de service qu'il a subi le 23 mars 2018, que l'expert missionné par l'administration a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 4% et une nécessité de suivre des soins psychothérapeutiques adaptés de déconditionnement au stress et que son employeur n'a pas été en mesure de garantir sa santé et sa sécurité au travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte aucun moyen d'appel ;
- à titre subsidiaire, il s'en remet à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 25 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 23 février 2024 à 12 heures.
Par un courrier du 22 octobre 2024, M. B... a été invité, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, à produire le rapport d'expertise du docteur C... du 10 septembre 2018, correspondant à la pièce n°11 annoncée dans l'inventaire de sa requête mais n'ayant pas été produite.
M. B... a produit une pièce le 23 octobre 2024, qui a été communiquée le 24 octobre 2024 au garde des sceaux, ministre de la justice.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a exercé les fonctions d'éducateur au sein du centre éducatif fermé de Montfavet (Vaucluse) comme agent contractuel du 16 novembre 2015 au 1er octobre 2016. Ayant réussi le concours d'adjoint technique, il a été nommé adjoint technique cuisine stagiaire au sein du même centre à compter du 1er novembre 2017. Le 23 mars 2018, il a subi des violences physiques de la part d'un mineur pris en charge dans ce centre et a été placé en arrêt de maladie. Cet accident a été reconnu comme imputable au service et par un avis du 19 septembre 2019, la commission de réforme a fixé la date de " guérison " au 7 février 2019. A compter de cette date, les congés de maladie de M. B... ont été requalifiés en congés de maladie ordinaire et l'intéressé a été placé à demi-traitement. Par un courrier du 2 avril 2020, M. B... a demandé au directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Sud-Est de lui verser la somme totale de 38 478 euros en réparation des préjudices résultant selon lui de l'accident de service dont il a été victime le 23 mars 2018, de la requalification de ses arrêts de travail en congés de maladie ordinaire à compter du 7 février 2019, de l'absence de mise à disposition d'outils de travail et de la discrimination dont il a été victime. Par un courrier du 22 avril 2020, le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Sud-Est a rejeté cette demande indemnitaire. M. B... relève appel du jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 38 478 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Toutefois, il doit être regardé comme limitant ses prétentions aux seuls préjudices résultant de l'accident de service dont il a été victime le 23 mars 2018 dès lors qu'il n'assortit en appel d'aucun moyen sa demande d'indemnisation des préjudices qui résulteraient de la requalification de son arrêt de travail pour raison de service en arrêt de travail pour cause de maladie, de l'absence de mise à disposition d'outils de travail ainsi que de la discrimination dont il a été victime.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicables à l'introduction de l'instance d'appel en vertu des dispositions de l'article R. 811-13 du même code : " La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". En vertu de ces dispositions, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge.
3. Le garde des sceaux, ministre de la justice fait valoir que la requête d'appel de M. B... ne comporte aucune critique substantielle du jugement attaqué. Toutefois, l'appelant a présenté une requête d'appel qui ne constitue pas la seule reproduction littérale de ses écritures de première instance et qui comporte une critique du jugement attaqué, notamment en ce que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il justifie que son accident de service du 23 mars 2018 est à l'origine d'une incapacité permanente partielle évaluée à 4%. Une telle motivation répond aux exigences résultant des dispositions précitées. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la responsabilité :
4. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
5. Il résulte de l'instruction que le 23 mars 2018, M. B... a subi une agression de la part d'un mineur pris en charge dans le centre éducatif fermé de Montfavet, dans lequel il exerçait ses fonctions. Cet accident a été reconnu imputable au service. M. B... peut ainsi solliciter de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux réparés par l'allocation temporaire d'invalidité ou des préjudices personnels.
6. En défense, le garde des sceaux, ministre de la justice, qui soutient que M. B... a fait preuve d'une grande imprudence, doit être regardé comme invoquant une faute de la victime de nature à l'exonérer de sa responsabilité. Toutefois, il résulte de l'instruction que le 23 mars 2018, alors que M. B... se trouvait dans la cuisine du centre éducatif fermé de Montfavet, un mineur pris en charge dans ce centre éducatif, qui venait d'insulter un éducateur et avait tenté de renverser le billard se trouvant dans la salle d'activité, s'est saisi d'un bâton et a voulu entrer dans la cuisine avec. M. B... qui était alors devant la porte, a reculé mais a reçu un coup de bâton dans le bas du dos, qui s'est cassé sous le choc. Le mineur a alors saisi un second bâton et a porté un coup au niveau de la tête de M. B..., qui s'est protégé avec son bras gauche et alors été blessé au niveau de l'épaule gauche. Compte tenu des conditions dans lesquelles cette agression s'est déroulée et du comportement particulièrement agressif de son auteur, le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que M. B... aurait commis une imprudence de nature à l'exonérer de sa responsabilité.
En ce qui concerne le préjudice :
7. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport du docteur C... du 10 septembre 2018, que, du fait de l'accident survenu le 23 mars 2018, M. B... souffre d'un syndrome de stress post-traumatique, l'expert ayant évalué à ce titre un taux d'incapacité permanente partielle de 4%. Compte tenu de l'âge de l'intéressé à la date de consolidation, le 7 février 2019, il sera fait une juste appréciation de son déficit fonctionnel permanent en l'évaluant à 5 000 euros.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de M. B... tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale, que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices résultant de l'accident de service dont il a été victime le 23 mars 2018.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2001851 du tribunal administratif de Nîmes du 10 mai 2022 est annulé, en tant qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. B... tendant à la réparation des préjudices résultant de l'accident de service dont il a été victime le 23 mars 2018.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser la somme de 5 000 euros à M. B... en réparation du préjudice subi du fait de l'accident de service dont il a été victime le 23 mars 2018.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°22TL21556