Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le maire de Blauvac, agissant au nom de l'Etat, a ordonné l'interruption des travaux entrepris sur la parcelle cadastrée section ..., située quartier les Gauchers, chemin de la Grand Combe.
Par un jugement n° 2003987 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 mars 2023 et 19 avril 2024, M. A..., représenté par Me Marques, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté interruptif de travaux du 29 octobre 2020 pris par le maire de Blauvac au nom de l'Etat ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Blauvac une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché de détournement de pouvoir et le tribunal a écarté de façon lacunaire ce moyen ;
- la procédure contradictoire préalable n'a pas été respectée en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; le procès-verbal d'infraction dressé à son encontre l'a été dans des conditions irrégulières et ne lui a pas été communiqué de même que les photographies prises de son terrain ; le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement pour écarter ce moyen ;
- le permis de construire délivré le 9 mai 2016 n'était pas caduc au regard de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme alors que l'absence de déclaration d'ouverture de chantier prévue à l'article R. 424-16 du même code n'emporte aucune sanction ;
- il a réalisé des travaux significatifs dans le délai de validité de son autorisation d'urbanisme pour l'aménagement de l'accès au terrain et la préparation des fondations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2024, la commune de Blauvac, représentée par Me Coque, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que M. A... a repris purement et simplement ses écritures de première instance sans critique utile du jugement attaqué ;
-à titre subsidiaire, aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 4 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 19 avril 2024.
Un mémoire, présenté par M. A..., représenté par Me Marques, a été enregistré le 9 octobre 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabert, président,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- et les observations de Me Coque, représentant la commune de Blauvac.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a déposé le 18 mars 2016 auprès des services de la commune de Blauvac (Vaucluse) une demande de permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation sur une parcelle .... Par un arrêté du 9 mai 2016, le maire de Blauvac lui a délivré le permis de construire sollicité. Par un courrier du 27 février 2020, la direction départementale des territoires de Vaucluse l'a informé de la caducité de son permis de construire et de ce qu'un procès-verbal d'infraction aux règles d'urbanisme a été dressé le 6 janvier 2020 à son encontre et transmis au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Carpentras. Par un arrêté du 29 octobre 2020, le maire de Blauvac, agissant au nom de l'Etat, a ordonné l'interruption des travaux réalisés sur le terrain d'assiette du projet autorisé par le permis de construire du 9 mai 2016. Par la présente requête, M A... relève appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Le tribunal a relevé, au point 6, que par un courrier du 12 octobre 2020 le maire de Blauvac a informé M. A... qu'un arrêté interruptif de travaux était susceptible d'intervenir et l'a invité à présenter ses observations dans un délai de quinze jours à compter de réception du courrier. Le tribunal a également précisé que par un courrier du 27 février 2020, le préfet de Vaucluse a indiqué à M. A... que le permis de construire délivré était devenu caduc et qu'un procès-verbal d'infraction avait été dressé à son encontre dont il pouvait obtenir communication auprès du parquet de Carpentras. Alors que le tribunal a indiqué que le requérant ne pouvait utilement se prévaloir du fait que les photographies du son propre terrain ne lui ont pas été communiquées avant l'édiction de l'arrêté en litige, il a suffisamment motivé son jugement en écartant le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire préalable.
4. Le tribunal s'est prononcé au point 9 du jugement sur le moyen tiré du détournement de pouvoir en relevant que l'arrêté pris par le maire de Blauvac au nom de l'Etat est fondé sur la caducité du permis de construire dont l'intéressé était titulaire, laquelle a été relevée par le préfet de Vaucluse. Après avoir mentionné les mauvaises relations entre M. A... et l'autorité communale, le tribunal a écarté ce moyen en estimant que le détournement de pouvoir n'était pas établi. Le jugement, qui n'a pas à répondre à l'ensemble des arguments des parties, est également suffisamment motivé sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents (...) des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire (...) dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) / Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire (...) ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. / Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public. (...) ". Aux termes de l'article L. 480-2 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. (...) ".
En ce qui concerne le respect de la procédure contradictoire préalable :
6. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 211-1 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Le respect de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées implique que l'intéressé ait été averti de la mesure que l'administration envisage de prendre et des motifs sur lesquels elle se fonde et qu'il bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations.
7. Il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l'intervention de l'arrêté ordonnant à M. A... d'interrompre les travaux sur la parcelle dont il est propriétaire, le maire de Blauvac lui a adressé le 12 octobre 2020 un courrier l'informant qu'un procès-verbal d'infraction aux dispositions du code de l'urbanisme avait été dressé par un agent assermenté de la direction départementale des territoires de Vaucluse et transmis au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Carpentras. Ce même courrier précise que les travaux de construction d'un bâtiment étant réalisés alors que le permis de construire délivré le 9 mai 2016 est caduc, ces travaux sont réalisés sans autorisation. Alors que ce courrier était accompagné d'un projet d'arrêté interruptif de travaux et qu'un délai de quinze jours lui a été imparti pour présenter des observations, l'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, a répondu par un courrier du 23 octobre 2020 en indiquant notamment que le permis de construire du 9 mai 2016 ne pouvait être regardé comme frappé de caducité. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la procédure contradictoire ainsi mise en œuvre par le maire de Blauvac présentait un caractère illusoire, ni qu'il n'aurait pas été mis en mesure de présenter utilement des observations sur les faits à l'origine du projet d'arrêté interruptif de travaux. Par ailleurs, aucune disposition légale ou règlementaire n'imposait au maire de transmettre le procès-verbal d'infraction dressé par un agent de l'Etat ainsi que les photographies des travaux en cause. Enfin, alors qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur les conditions dans lesquelles a été dressé un procès-verbal d'infraction, aucune circonstance ne faisait obstacle à ce que M. A... sollicite la communication de ce procès-verbal d'infraction auprès du parquet du tribunal judiciaire de Carpentras. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure en raison du défaut de procédure contradictoire préalable ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la caducité du permis de construire délivré le 9 mai 2016 :
8. L'article R. 424-16 du code de l'urbanisme dispose que : " Lors de l'ouverture du chantier, le bénéficiaire du permis de construire ou d'aménager adresse au maire de la commune une déclaration d'ouverture de chantier en trois exemplaires. / Dès réception de la déclaration d'ouverture de chantier, le maire conserve un exemplaire de cette déclaration, en transmet un exemplaire à l'autorité qui a délivré le permis et un exemplaire au préfet en vue de l'établissement des statistiques. ". Aux termes de l'article R. 424-17 du même code : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. / Les dispositions du présent article sont applicables à la décision de non-opposition à une déclaration préalable lorsque cette déclaration porte sur une opération comportant des travaux ".
9. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté délivrant un permis de construire à M. A... le 9 mai 2016, reçu par lettre recommandée avec avis de réception le 14 mai 2016, porte sur la construction d'une maison d'habitation individuelle de 125 m² impliquant notamment la création d'un terrassement de surface, des travaux de revêtement drainant naturel ainsi que des fondations semi-profondes. Le délai de validité de trois ans de cette autorisation d'urbanisme expirait ainsi le 14 mai 2019 en application des dispositions citées au point précédent.
10. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier des photographies du terrain d'assiette du projet prises par le maire de Blauvac les 21 mai 2019 et 6 juin suivant depuis l'extérieur de la propriété de M. A..., dont les dates ne sont pas contestées, que seuls des travaux de décapement d'une couche superficielle du terrain correspondant à l'emprise de la future construction avaient été réalisés à cette date. Si l'appelant indique avoir entrepris des travaux importants de terrassement à compter du mois de mars 2018 pour la remise à niveau et le tassement du chemin d'accès au terrain à l'aide d'une pelle mécanique pour permettre le passage d'engins et de poids-lourds, les quatre attestations produites en ce sens par son père et des voisins sont peu circonstanciées et aucune photographie, ni aucun autre élément n'est produit pour attester de la réalité et de l'importance de tels travaux dans le délai de validité du permis de construire. Les travaux de creusement des massifs de fondation de la construction, de mise en place des poutrelles avant de couler la dalle de plancher et d'élévation des murs en parpaings ont été en revanche réalisés à compter de l'été 2019 ainsi qu'en attestent des photographies du terrain prises entre le 4 juillet 2019 et le 24 septembre suivant. Enfin, le procès-verbal d'infraction dressé le 6 janvier 2020 par un agent assermenté de la direction départementale des territoires de Vaucluse montre que seule la mise en place d'un plancher était réalisée à cette date avant que ne soit coulée la dalle. Dans ces conditions, si l'absence de déclaration d'ouverture de chantier prévue à l'article R. 424-6 du code de l'urbanisme ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que soit apportée la preuve du commencement des travaux autorisés par un permis de construire, il résulte de ce qui vient d'être exposé que les seuls travaux de décapage superficiel du terrain qui auraient pu être réalisés avant le 14 mai 2019 ne sont toutefois pas de nature, en raison de leur faible importance, à faire obstacle à la caducité du permis de construire délivré à M. A... le 9 mai 2016. Par suite, en ordonnant par son arrêté du 29 octobre 2020 pris au nom de l'Etat l'interruption des travaux réalisés à cette date par M. A... sur sa propriété, le maire de Blauvac a fait une exacte application des dispositions du code de l'urbanisme citées aux points 5 et 8.
En ce qui concerne le détournement de pouvoir :
11. Ains qu'il vient d'être exposé, l'arrêté en litige pris au nom de l'Etat par le maire de Blauvac a pour fondement la caducité du permis de construire qui a été délivré à M. A... le 9 mai 2016 en l'absence de commencement de travaux significatifs dans le délai de validité de trois années de cette autorisation d'urbanisme. Si l'appelant invoque à nouveau l'existence d'un détournement de pouvoir en faisant état notamment des mauvaises relations qu'il entretient avec le maire à qui il est reproché en particulier d'avoir attendu la date de caducité de cette autorisation d'urbanisme pour venir prendre des photographies du terrain d'assiette du projet, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté interruptif de travaux en litige aurait été édicté dans un but étranger à l'application des règles d'urbanisme. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme à verser à la commune de Blauvac, laquelle n'a pas la qualité de partie à l'instance dès lors que l'arrêté en litige a été pris par le maire au nom de l'Etat.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Blauvac sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre du logement et de la rénovation urbaine et à la commune de Blauvac.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
Le président,
D. Chabert
Le président-assesseur
T. TeulièreLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de la rénovation urbaine en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL00666 2