Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2023 par lequel le préfet du Tarn a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, d'annuler l'arrêté du même jour portant assignation à résidence, d'enjoindre au préfet du Tarn de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le paiement des entiers dépens et le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Par un jugement n°2306092 et n°2306093 du 18 octobre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 mai 2024, M. A... B..., représenté par Me Durand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement rendu le 18 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2023 par lequel le préfet du Tarn a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement des entiers dépens et le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
- compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, elle est dépourvue de base légale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, elle est dépourvue de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2024, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, né le 19 avril 1992, est entré en France, selon ses déclarations, en décembre 2019. Par un arrêté du 18 août 2021, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 octobre 2022, puis, en appel, par une ordonnance du 19 décembre 2023 du président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Toulouse, le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer le titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. Interpellé le 4 octobre 2023 et placé en garde à vue pour des faits de conduite sans permis en récidive, il n'a pu justifier de la régularité de son séjour sur le territoire. Par un arrêté du 5 octobre 2023, le préfet du Tarn a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement n°2306092 et n°2306093 rendu le 18 octobre 2023 par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. Si M. B..., entré sur le territoire français, selon ses déclarations, en décembre 2019, ne justifie de sa relation de concubinage avec une compatriote, titulaire d'un certificat de résidence, valable jusqu'en 2028 et ayant suivi une formation sur la constitution d'un projet professionnel pour la période du mois d'avril au mois de septembre 2022, qu'à compter du 23 février 2021, il a toutefois produit de nouvelles pièces en appel qui démontrent qu'il a été hébergé, avant cette date, par son père, également titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, qu'il a eu, avec sa compatriote, deux filles, la première, née le 27 juin 2020, qu'il a reconnue le 4 mars 2021 et une seconde, née le 9 février 2023, et qu'ils sont, depuis le 17 août 2023, mariés. En outre, il bénéficiait d'une promesse d'embauche en qualité de manœuvre, rédigée le 29 avril 2022, et a justifié exercer une activité bénévole une demi-journée par semaine auprès de la maison de quartier de la commune d'Albi depuis le mois de janvier 2016. Dans ces circonstances, et alors même que M. B... relève de l'une des catégories d'étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial et qu'il a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 18 août 2021, il est fondé à soutenir que, par l'arrêté en litige, le préfet du Tarn a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn du 5 octobre 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant l'Algérie comme pays de destination de cette mesure d'éloignement et à demander l'annulation de cet arrêté.
Sur les frais liés au litige :
5. D'une part, en l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées par M. B... et tendant à leur remboursement sont sans objet.
6. D'autre part, M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Durand renonce à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à Me Durand.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2306092 et n°2306093 du 18 octobre 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation présentées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Tarn du 5 octobre 2023 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi est annulé.
Article 3 : L'État versera, en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de 1 000 euros à Me Durand, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Durand et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°24TL01366 2