Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 avril 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n°2303787 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 avril et 5 septembre 2024, Mme A... B..., représentée par Me Bazin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 avril 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de trente jours, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation ;
- elle méconnaît l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle est entrée en France à l'âge de 16 ans, de sorte qu'elle n'avait pas à détenir un visa de long séjour pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'alinéa 2 de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet s'étant borné à retenir qu'elle ne disposait pas d'un visa de long séjour pour refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiante, de sorte qu'il a méconnu l'étendue de sa compétence ; le préfet s'est à tort estimé en situation de compétence liée pour refuser de lui délivrer ce titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par une ordonnance du 12 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 octobre 2024 à 12 heures.
Mme B... a produit une pièce, enregistrée le 4 octobre 2024 à 18h07, postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiquée.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Niamey le 24 juin 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigérienne née le 21 mars 2003 à Niamey (Niger), est entrée sur le territoire français à une date qu'elle indique être le 26 septembre 2019, alors qu'elle était mineure. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 mars 2022, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 septembre 2022. Le 27 mars 2023, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale ou, à défaut, en qualité d'étudiante. Par un arrêté du 28 avril 2023, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme B... relève appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu au point 10 au moyen soulevé par Mme B... tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi contenue dans l'arrêté litigieux du 28 avril 2023 était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emportait sur sa situation personnelle. Dès lors, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'une omission à statuer sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté litigieux vise les textes dont le préfet a entendu faire application, notamment les articles L. 412-1, L. 422-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la convention du 24 juin 1994 entre la France et le Niger relative à la circulation et au séjour des personnes. De plus, il mentionne les éléments de fait relatifs à la situation personnelle de Mme B..., en particulier la date et les conditions de son entrée en France, le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 mars 2022 et par la Cour nationale du droit d'asile le 20 septembre 2022, le bilan semestriel relatif au suivi de sa formation en baccalauréat professionnel " services aux personnes et aux territoires " pour l'année en cours, l'absence de détention d'un visa de long séjour, qu'elle est célibataire et sans charge de famille, la présence irrégulière de sa mère et de sa sœur sur le territoire français, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle n'allègue pas encourir des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, au sens de l'article 3 de la même convention. Dès lors, l'arrêté litigieux comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté litigieux ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de l'Hérault n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de Mme B.... Dès lors, ce moyen doit également être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ".
6. Pour refuser de délivrer à Mme B... un titre de séjour en qualité d'étudiante, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur le fait qu'elle ne justifiait pas détenir un visa de long séjour, exigé par les dispositions précitées de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'une part, contrairement à ce que soutient l'appelante, la circonstance qu'elle soit entrée sur le territoire français alors qu'elle était mineure ne la dispensait pas de la présentation d'un tel visa à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiante. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que depuis son entrée sur le territoire français, Mme B... est scolarisée et était inscrite au titre des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021 en certificat d'aptitude professionnelle agricole " services aux personnes et vente en milieu rural ", diplôme qu'elle n'établit au demeurant pas avoir obtenu, puis pour les années scolaires 2021-2022 et 2022-2023 en première puis en terminale de baccalauréat professionnel mention " services aux personnes et aux territoires ". Si elle a ainsi suivi sans interruption sa scolarité en France depuis l'âge de 16 ans, elle ne poursuivait toutefois pas au jour de l'arrêté attaqué des études supérieures. De plus, la seule circonstance qu'elle était scolarisée en terminale au jour l'arrêté litigieux ne saurait en elle-même être de nature à établir l'existence d'une nécessité liée au déroulement des études, au sens des dispositions précitées de l'alinéa 2 de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiante, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le moyen tiré de ce qu'il se serait à tort estimé en situation de compétence liée du fait de l'absence de visa de long séjour doit également être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. En l'espèce, Mme B... soutient être entrée sur le territoire français le 26 septembre 2019, à l'âge de 16 ans, accompagnée de sa mère et de sa sœur. Si elle se prévaut de sa scolarisation en France depuis l'année scolaire 2019-2020, elle n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre ses études dans son pays d'origine. Par ailleurs, si sa sœur, qui ne disposait pas d'un titre de séjour, n'était majeure que depuis quelques jours à la date de la décision litigieuse, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de sa mère a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 mars 2022, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 septembre 2022 et que, par un arrêté du 5 octobre 2022, le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois, de sorte qu'elle n'a pas vocation à se maintenir sur le territoire. Enfin, il est constant que Mme B... est célibataire et sans charge de famille et qu'elle a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Hérault n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis et n'a, par suite, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas non plus entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, par un arrêté du 14 septembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n°126 du même jour, le préfet de l'Hérault a donné délégation à M. C..., secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault, à l'exception des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre et de la réquisition des comptables publics. Cet arrêté précise en outre que cette délégation comprend les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté comme manquant en fait.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 du présent arrêt, en obligeant Mme B... à quitter le territoire français, le préfet de l'Hérault n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but poursuivi par cette mesure. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelante doit également être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Si Mme B... se borne à se prévaloir des relations diplomatiques actuelles entre la France et le Niger et de la fermeture de l'espace aérien du Niger aux avions français, qui rendraient impossible son éloignement vers ce pays, ces circonstances, à les supposer établies, ne sont pas de nature à entacher la décision fixant le pays de destination d'illégalité mais sont seulement de nature à faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement à destination de ce pays. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de Mme B... doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 avril 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais liés au litige doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Bazin et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N°24TL01021