Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 2 mars 2023 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991
Par un jugement n°2301159 du 11 juillet 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en production de pièces, enregistrés les 31 juillet et 2 novembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Deixonne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 11 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2023 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour en application de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2024, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 14 mars 1982 à Casablanca (Maroc) est entré en France le 3 juillet 2016 muni d'un visa D valant titre de séjour valable du 1er juin 2016 au 1er juin 2017. Le 6 octobre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 mars 2023, la préfète du Gard a refusé de faire droit à cette demande et l'a obligé à quitter le territoire français. M. B... relève appel du jugement du 11 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir, pour contester la régularité du jugement, que le tribunal a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son jugement sur sa situation personnelle.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article 317-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. / Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l'autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l'enfant est majeur. ".
4. Pour refuser de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Gard s'est fondée sur la circonstance que M. B... n'établissait pas contribuer de façon effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant français depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est le père d'une enfant de nationalité française née le 18 avril 2017 à Saint-Denis, issue de son union avec une ressortissante française avec laquelle il s'est marié au Maroc le 1er octobre 2015, dont il s'est séparé en cours de grossesse et a depuis divorcé. Saisi par M. B..., par un jugement du 12 février 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bobigny a ordonné une enquête sociale et a, à titre conservatoire, rejeté la demande d'exercice exclusif de l'autorité parentale formée par la mère de l'enfant, fixé sa résidence au domicile de sa mère, prévu un droit de visite au profit de M. B... le premier samedi de chaque mois pendant deux heures et a mis à sa charge une pension alimentaire d'un montant mensuel de 30 euros. Cette enquête sociale a révélé que les époux, séparés depuis que M. B... a quitté le domicile conjugal alors que son épouse était enceinte, connaissent un conflit profond, M. B... se prévalant de l'obstruction de la mère de sa fille à l'exercice de son droit de visite et son ex-épouse se prévalant notamment du désintérêt de M. B... pour leur enfant. Par un jugement du 5 janvier 2021, le juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire de Bobigny a accordé à M. B... le bénéfice de l'exercice conjoint de l'autorité parentale avec la mère de l'enfant, a fixé la résidence de l'enfant au domicile de sa mère, a instauré au profit de M. B... un droit de visite et d'hébergement un week-end par mois et durant la moitié des vacances scolaires et lui a imposé le versement mensuel de la somme de 50 euros au profit de son enfant. Par un troisième jugement du 30 mars 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bobigny, saisi par la mère de l'enfant, a maintenu ces mesures.
6. M. B... soutient que la mère de son enfant, qui réside en région parisienne, fait régulièrement obstacle à l'exercice de son droit de visite et d'hébergement, ainsi que l'a notamment relevé le juge aux affaires familiales après la réalisation de l'enquête sociale qu'il avait ordonnée. Il produit plusieurs billets de train pour des allers-retours entre Nîmes et Paris les 2 juillet 2020, 30 juillet 2020, 3 septembre 2020, 2 octobre 2020, 30 novembre 2020 et 24 janvier 2022 et établit avoir déposé une plainte pénale contre la mère de sa fille le 11 janvier 2022 pour non-représentation de l'enfant entre le 7 et le 9 janvier 2022 ainsi qu'une main courante pour le même motif le 2 février 2022. Toutefois, il n'apporte aucun élément quant à l'exercice de son droit de visite et d'hébergement au cours de l'année 2021 ou à l'obstruction qu'aurait faite son ex-épouse au cours de cette année-là, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la mère de l'enfant a déposé des mains courantes les 27 avril, 11 mai, 11 août, 8 septembre, 10 novembre et 29 décembre 2021 car M. B... n'était pas venu récupérer leur fille pour exercer son droit de visite et d'hébergement plusieurs week-ends, pour la moitié des vacances scolaires de printemps et de la Toussaint et pour le mois d'août 2021. L'intéressée a également déposé trois mains courantes les 12 janvier, 20 février et 5 mars 2022 car M. B... n'était pas venu chercher leur fille les week-end des 1er et 2 janvier, 8 et 9 janvier, 19 et 20 février et le 4 mars 2022. Dans ces conditions, et bien que M. B... établisse avoir ouvert un livret A au nom de sa fille sur lequel il verse régulièrement de l'argent et procède au versement de la pension alimentaire fixée par les juridictions civiles, il ne peut être regardé comme ayant contribué de manière effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis au mois deux ans au jour de l'arrêté attaqué, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Eu égard à ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt, la préfète du Gard n'était pas tenue de saisir la commission du titre de séjour avant de refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce moyen doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. En l'espèce, si M. B... est présent sur le territoire français depuis le 3 juillet 2016, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 27 juillet 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son précédent titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, de sorte que l'intéressé se maintient irrégulièrement sur le territoire depuis lors. De plus, il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que M. B... n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française. En outre, s'il se prévaut de la conclusion d'un contrat d'intégration républicaine en date du 3 novembre 2016, du suivi d'une formation en langue française d'une durée de 100 heures à compter du 7 février 2017 et de l'attribution d'une rente à la suite d'un accident de travail, ces éléments ne sauraient suffire à regarder l'intéressé comme étant particulièrement inséré dans la société française. Enfin, M. B... n'établit pas détenir d'autres attaches d'une particulière intensité sur le territoire français et il dispose d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait, la préfète du Gard n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par cette mesure. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la préfète du Gard n'a pas entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelant.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. Compte tenu, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, de l'absence de justification de la contribution effective de M. B... à l'entretien et à l'éducation de son enfant, la décision portant refus de titre de séjour ne saurait être regardée comme méconnaissant l'intérêt supérieur de cet enfant. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
14. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 10 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit également être écarté.
16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Gard du 2 mars 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Deixonne et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL01952