Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande d'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, subsidiairement, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Ruffel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2203216 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées le 14 mars et le 2 juin 2023, M. B... C... A..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2203216 du 4 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande d'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Ruffel en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation : il n'a pas pris en compte sa promesse d'embauche, ni son état de santé et la circonstance qu'il a été incarcéré à tort ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit dès lors que le préfet a refusé de procéder à l'examen de sa promesse d'embauche au motif du défaut de visa long séjour ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à la menace à l'ordre public que représenterait sa présence sur le territoire français ;
- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- il a été pris en méconnaissance des articles L. 425-9 et L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 octobre 2023.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,
- et les observations de Me Ruffel, représentant M. A....
1. M. A..., ressortissant sénégalais né en 1979, est entré en France le 14 juillet 2008 selon ses déclarations. Il s'est vu délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à compter du 12 mai 2011, renouvelé jusqu'au 30 novembre 2015. M. A... a sollicité son admission au séjour le 5 janvier 2021. Par arrêté du 31 mars 2022, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A... tendant notamment à l'annulation de cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". ".
3. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que, pour refuser le titre de séjour sollicité au titre de la vie privée et familiale, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur ce que la présence de M. A... sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public, que l'intéressé ne démontre pas être dans l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine où il a vécu une grande partie de sa vie et où résident ses enfants, de sorte qu'un refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et sur ce qu'il ne justifie pas, par la présentation d'une promesse d'embauche en qualité d'employé polyvalent, d'un motif exceptionnel d'admission au séjour.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., détenu provisoirement du 11 février 2016 au 26 septembre 2016 pour des faits des chefs desquels il a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu du 5 avril 2018, a par ailleurs fait l'objet de quatre interpellations entre 2012 et 2016, et de deux condamnations, à une amende de 300 euros assortie d'une suspension de permis de conduire d'une durée de deux ans pour des faits de circulation avec véhicule sans assurance commis le 2 mars 2015, et à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et une amende de 300 euros d'amende, pour des faits de violence commise en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours commis le 31 août 2014. Eu égard à l'ancienneté des faits ainsi commis, datant de sept ans à la date de la décision attaquée, et en dépit de leur gravité, la présence sur le territoire français de M. A... ne présentait pas, à la date de la décision attaquée, une menace pour l'ordre public.
5. Il n'est pas contesté que M. A..., père de deux enfants vivant au Sénégal, est présent sur le territoire français depuis une durée supérieure à dix ans ; il dispose en outre d'attaches familiales en France, où vivent notamment ses parents titulaires d'une carte de résident et un frère de nationalité française. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment au regard des motifs de la décision portant refus de titre de séjour, rappelés au point 3, et de la situation personnelle de M. A..., et alors que la commission du titre de séjour a émis le 3 mars 2022 un avis unanimement favorable à la délivrance du titre sollicité, que le préfet de l'Hérault aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur les seuls autres motifs de cette dernière.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de séjour de préfet de l'Hérault du 31 mars 2022. L'annulation de cette décision entraîne par voie de conséquence l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. L'exécution du présent arrêt implique seulement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet de l'Hérault réexamine la demande d'admission au séjour de M. A.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre à cette autorité d'y procéder et de prendre une décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Ruffel, conseil de M. A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2203216 du 4 octobre 2022 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 31 mars 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A... et de prendre une décision dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Ruffel, conseil de M. A..., une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A..., à Me Ruffel, au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente,
Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23TL00622 2